Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 14-03-2016 06:07
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Le Katanga en état de guerre ? – JJ Wondo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Le Katanga en état de guerre ?

Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Comme je l’ai mentionné dans mes précédentes analyses, l’ex-province du Katanga est considérée officieusement comme une zone opérationnelle, c’est-à-dire une zone de guerre[1]. La sur-militarisation de cette ex-province de la RDC montre qu’il y a de sérieux risques que la situation dégénère en un conflit armé. Selon nos diverses sources à la base de toutes les informations compilées et analysées par DESC, le président Kabila ne lâchera pas le pouvoir pour une alternance politique démocratique à la fin de son mandat. Selon une source militaire, « En cas d’un départ forcé, Kabila se prépare à instaurer le chaos en RDC : « le boss et sa clique sont prêts à déclencher une guerre civile comme au Burundi et en Syrie pour conserver coûte que coûte le pouvoir. Et il faut tenir compte de cet état d’esprit du régime Kabila qui n’a jamais cru en une alternance démocratique »[2]. Kabila est effectivement dans une logique de confrontation armée. Les récentes acquisitions militaires, essentiellement au profit de sa garde personnelle, la GR, et les envois vers l’ex-Katanga le prouvent à suffisance. En attendant une éventuelle offensive militaire, Joseph Kabila s’apprête à mener une tournée dans les quatre nouvelles entités provinciales de l’ex-Katanga en vue de reconquérir le cœur des populations locales. Cette tournée est consécutive à l’évaluation faite par l’ANR, ce service de l’Etat devenu plutôt une agence politique au service du président Kabila, faisant état d’une baisse considérable de la popularité du président congolais dans l’ex-Katanga. Son épouse, Olive Lembe, y a séjourné déjà en éclaireuse, les mains remplies de biens et argent du trésor public pour séduire les mamans katangaises.

Eléments de la GR en patrouille
Eléments de la GR en patrouille

Rumeurs d’infiltrations au Katanga et dans les autres provinces

Les rumeurs d’infiltrations au Katanga sont récurrentes selon les renseignements militaires de la RDC. Ces mercenaires sont parait-il des ex-Gendarmes katangais et des soldats démobilisés angolais de l’UNITA du feu rebelle angolais Dr Jonas Savimbi. Les frontières avec la Zambie et l’Angola font actuellement l’objet d’un dispositif sécuritaire special.

En effet, le général-major Jean Claude Kifwa (Tango-Tango) s’était  rendu dans le Lualaba, en fin janvier 2016, où il a mené une mission d’inspection des FARDC déployées à Kolwezi, à Fungurume, à Dilolo, à Sandoa et à Kapanga. Le but de cette mission consistait à évaluer la situation sécuritaire de cette zone frontalière afin d’y apporter des renforts en personnel et aux matériels neufs aux unités locales des FARDC qui sont actuellement en sous-effectifs et sous-équipements.  Il était accompagné dans cette mission par son chef d’état-major le général Mustapha Mukiza. Jean Claude Kifwa (Tango-tango) a également inspecté les sites militaires de Luashi et Kisenge, à la frontière angolaise où il a eu des rencontres avec les autorités militaires angolaises de la province  frontalière de Cazombo et Lunda Sul.

Poursuite de la surmilitarisation  du Katanga

Déploiement militaire impressionnant à Lubumbashi en prévision d’une éventuelle visite de Kabila

On signale un impressionnant déploiement des militaires FARDC et de la GR  dans tous les grands carrefours de la ville de Lubumbashi. Une dizaine de soldats lourdement armés à chaque rond-point ou carrefour et en position de combat. Chaque soir après minuit, la ville de Lubumbashi est parcourue par d’impressionnants convois militaires composés d’une soixantaine de jeeps Land Cruiser et Land Rover équipées de canons AA ZSU-23-2 de 23 mm bitubes, ZPU-4 de 14,5 mm quatritubes et les autres équipées de mitraillettes lourdes DSK et NSVB russes de 12,7 mm.

« La visite de Kabila au Katanga vise à rédorer son image et à faire monter sa cote de popularité qui a beaucoup baissé au Katanga. Pour ce faire, il compte faire une tournée dans les quatre nouvelles provinces de l’ex-Katanga. » Selon l’analyse faite par l’ANR, la cote de popularité du président Kabila est vraiment au rabais. Ce qui nécessite une tournée d’explication préalable de la première dame et du pasteur Mugalu, chef de la Maison civile du Président avant l’arrivée de Kabila lui-même. Il semble que son impopularité dans l’ex Katanga prend des allures inquiétantes. D’où une descente sur terrain s’impose pour reconquérir le Cœur des Katangais.

Des jeeps et camions envoyés à Lubumbashi pour renforcer les troupes au Katanga

Par ailleurs, d’autres sources militaires de l’armée de l’air nous ont informé du chargement d’un lot de 50 jeeps tout-terrain Tarpan-Honkeret de camions KamAZ-6350, acheminés la dernière semaine de 2015 vers Lubumbashi par l’aéroport de Luano. Le but de la manœuvre est le renforcement de la mobilité des forces de sécurité (armée, GR, police). C’est un gros porteur1 iliouchine-76 Candid de la société AviaExport loué à Erevena en Armenie par Charles Bujiriri Deschrijver[3] qui a assuré le transport. Deschryver est le directeur de l’aviation et de la logistique et du charroi (matériel automobile) de la présidence de la république depuis l’accession de Kabila au pouvoir en 2001. Ce sont les véhicules récemment achetés par le général Olenga en Ukraine. Pour information, en 2011, le transport des matériels électoraux était assuré AVIAEXPORT[4], appartenant à Dimitri Igorevitch Popov, un ukrainien qui assurait à l’époque la fonction officieuse de représentant spécial du chef de l’État ukrainien déchu Viktor Ianoukovitch auprès de Kabila.

Ces véhicules ont transité par Kinshasa au lieu d’être acheminés directement à Lubumbashi depuis l’Ukraine via Le Caire (Egypte), un détour couteux parce qu’il fallait les équiper de matériels de transmission. L’ex Katanga est actuellement considéré par l’entourage militaire de Kabila comme une zone opérationnelle même si cela ne transparaît pas officiellement dans les discours officiels.

Selon nos sources des unités de transmissions des FARDC, ces engins militaires sont équipés de radios ICom HF (haute fréquence-) pour les communications de courte et de moyenne portée ainsi que de phonies Codan VHF (longue portée) pour communiquer notamment avec Kinshasa. Le montage du matériel de transmissions dans ces véhicules a été supervisé par le colonel Félix Kalonza, commandant en second du Corps de troupes de la base logistique centrale au Camp Kokolo à Kinshasa.

Par ailleurs, les entreprises de sécurité privée nord-coréennes et israéliennes construisent des dépôts enterrés et fortifiés (bunkers) pour les chars à Kibomango, Mbankana (Kinshasa), à Mura au Katanga, à Simi-Simi à Kisangani (ex- Province–Orientale), à Kilimasimba près de l’aéroport de la Luano à Lubumbashi dans le but de se préparer à d’éventuelles attaques aérienne clandestine de drones américains stationnés à la base d’AFRICOM au Cameroun.

Ces drones américains selon le renseignement militaire congolais ont déjà lancé des frappes en RDC : Attaques et destructions des bombes de 500 Kg achetées par la RDC en Iran et stockées de façon irresponsable dans les dépôts de l’OFIDA (l’Office des Douanes) en mai 2000 à l’époque de Laurent-Désiré Kabila où on les a dissimulés par accident.

Des avions de combat, invisibles à l’Est dans les Kivu, acheminés au Katanga

Une autre source militaire au Katanga nous a informé que le général de brigade Richard Fitumbe, commandant de la base aérienne de Ndjili, a effectué une mission à Lubumbashi où il était parti entreposer deux avions de combats Sukhoi 25K, quatre hélicoptères de combats mi-24 V et 2 deux hélicoptères Mi-8 P qui n’ont jamais été utilisé dans toutes les guerres contre les rébellions créées par le Rwanda et l’Ouganda. Ces appareils autrefois stationnés à Kinshasa sont allés renforcer le dispositif aérien du Katanga où les troupes ont plus besoin de ces appareils qu’à Kinshasa. Toujours dans la perspective d’une subite détérioration de la situation dans l’ex-Katanga, un détachement du RSH (Régiment sécurité honneur chargé de la protection rapprochée de Kabila) de la GR, composé de 2 pelotons, soit 70 hommes, a été acheminé en fin décembre à Lubumbashi par crainte des menaces de sabotage de leurs collègues déserteurs du camp de Kimbembe ou d’éventuels mercenaires. Leur mission est de protéger les appareils de la force aérienne nouvellement déployés à Lubumbashi et bientôt aussi à Kolwezi. L’unité RSH en question est dirigée par le capitaine Olivier Nkulula Subu. Elle est logée au camp major Vangu à Lubumbashi et non pas au camp Kimbembe. Cette information exclusive de DESC peut être contrevérifiée par des sources indépendantes en cas de doute.

Les travaux de constructions de ces bunkers ont commencé en juillet 2015 (il y a 6 mois) et sont en cours d’achèvement

Même les hangars militaires des différentes bases aériennes subissent des travaux de fortification. L’entourage sécuritaire de Kabila est convaincu que la rencontre de Gorée avait pour but de préparer une rébellion et que c’est moi (JJW) qui serait l’élément moteur de cette rébellion. Il ne croit pas aux actions de marche pacifique ou de résistance non armée. Pour les collaborateurs militaires de Kabila, l’opposition finira par prendre les armes comme au Burundi.

La traque des milices de l’UNAFEC (de Gabriel Kyungu) qui peuvent aussi s’allier avec les déserteurs du camp Kimbembe

Les milices de de la jeunesse de l’UNAFEC (JUNAFEC) se trouvent actuellement en clandestinité car traquées par l’armée et la police congolaises. Leur chef d’état-major, John Kalombwe alias 666 et ses adjoints dont Patrick Banza, connu comme étant le commandant des brigades des martyrs de la Kenya, ont été arrêtés et transférés à Kinshasa où ils sont détenus dans les cachots de l’ANR[5]/Intérieur, chez le professeur Jules Katumbwe bin Mutindi, le Conseiller principal à la Présidence de la république chargé de la sécurité intérieurele et ancien directeur de l’ANR/intérieur , en face de la Primature (bureau officiel du premier ministre).

Le siège de la milice de la JUNAFEC, situé dans la commune de la Kenya, non loin du stade Kibassa Maliba, est actuellement occupé par les éléments du bataillon de la police militaire de la 22ème Régions militaire. Ce bataillon est commandé par un ancien officier de la Garde républicaine (GR), le major Kingoma.

Maintenant que la JUNAFEC est officieusement interdite de toute activité, des instructions précises émanant du Conseil national de Sécurité (présidée par Kabila, Général Olenga et les hauts responsables de l’armée, de la police et des services de sécurité) aux autorités militaires, policières et sécuritaires de tout mettre en œuvre pour neutraliser cette organisation (JUNAFEC) qualifiée de terroriste. Il y a des rafles et kidnapping des jeunes gens étiquetés membres ou proches de la JUNAFEC dans les grandes villes du Katanga : Kolwezi, Likasi, Kamina, Lubumbashi.

Selon plusieurs sources sécuritaires du pays jointes en début janvier 2016, la situation sécuritaire au Katanga reste très préoccupante. Les enlèvements et la déportation des membres de la JUNAFEC au Katanga vers Kinshasa où ils sont détenus à la 5ème direction de l’ANR (Direction des opérations) chez le colonel Georges Monga dit « Estimé », située en face de la primature (siège du Premier ministre) s’intensifient. D’autres prisonniers de la JUNAFEC sont détenus au cachot clandestin de l’ANR/intérieur situé à la Gombe, à la place appelé « Royal » sur l’avenue Mwene Ditu au numéro 17, juste à côté de l’ancienne résidence officielle de Vital Kamerhe. Les mêmes sources informent que les rafles des « terroristes » de l’UNAFEC vont se poursuivre et même s’intensifier jusqu’à la neutralisation complète des miliciens de la JUNAFEC qui constituent une menace sérieuse pour le régime qui tient à opérer un coup de force en 2016. Le chef a mis tous les moyens pour ce faire. Pour le moment la traque des membres de la JUNAFEC est circonscrite à Lubumbashi. Mais l’opération va s’étendre dans le courant du mois de janvier à Kolwezi, Likasi, Kambove, Sakania, Kamina, Kalemie, bref dans l’ensemble du territoire de l’ex Katanga. Ce sont des éléments du régiment commando de la GR ainsi que les agents de renseignement militaire (ex-Démiap), vêtus de tenue de la police qui procèdent à ces rafles et enlèvements.

L’ANR aussi n’est pas en reste, c’est son directeur/Intérieur, Jules Katumbwe bin Mutindi, qui est chargé de mener cette traque impitoyable. Il a installé son QG à Lubumbashi pour suivre ces opérations de plus près.

Selon notre assessment, ces méthodes brutales de traque peuvent pousser les jeunes de la JUNAFEC à se radicaliser. Il y a de fortes menaces qu’ils prennent à leur tour des armes pour se défendre. Un rapport du service S2[6] de renseignement militaire de la GR au Katanga, indique que lors de leurs actions, les jeunes de la JUNAFEC ont utilisé des cocktails Molotov et des armes à feu (AK-47) lors des incidents du début novembre 2015 à Lubumbashi en vue d’empêcher l’arrestation des dirigeants de la JUNAFEC.

D’autres informations des renseignements militaires congolais font état d’insistantes rumeurs d’une possible collusion entre la JUNAFEC et les déserteurs GR du camp Kimbembe. Ces déserteurs peuvent mettre à la disposition de la milice JUNAFEC leur savoir-faire et expérience militaire pour les encadrer et les former dans le maniement des armes. Apparemment, ce groupe de la JUNAFEC constitue un grand cauchemar pour Kabila et son entourage sécuritaire.

En ce qui concerne les supporters de Mazembe, dont il existe un noyau dur très violent appelé « 100 % Mazembe », leur organisation n’a pas la même implantation provinciale que la JUNAFEC qui est structurée dans toutes les quatre nouvelles provinces issues du Katanga et qui comprend des structures paramilitaires. En effet, la JUNAFEC est fortement implantée dans toutes les nouvelles provinces de l’ex-Katanga. Elle est structurée en Départements, sous-sections et cellules politiques. Ce qui n’est pas le cas avec les 100 % Mazembe qui sont principalement basés à Lubumbashi, particulièrement dans la commune de Kamalondo où se trouvent le stade et le siège sportif du TP Mazembe. Pour le renseignement militaire de la GR, malgré que ce noyau dur des supporters est jugé très violent, il n’est pas aussi dangereux pour inquiéter et mettre en danger la sécurité de la province, contrairement à la milice de la JUNAFEC qui représente une menace sérieuse pour Kabila et ses collaborateurs militaires et sécuritaires.

Le directeur de l’ANR/Intérieur et provincial de Kinshasa, Jules Katumbwe bin Mutindi, le directeur des opérations de l’ANR, Georges Monga dit « Estimé » ainsi que le directeur de la branche intérieur des renseignements militaires (Ex-Démiap/Intérieur), le colonel Augustin Thambwe se trouvent en mission de longue durée jusqu’à la neutralisation des éléments subversifs et terroristes potentiels : les déserteurs du Camp Kimbembe et les milices de la JUNAFEC, sans oublier certaines forces de l’opposition de manière générale.

Des combats entre les FARDC et les Maï-Maï à Mitwaba (Haut-Katanga)

La presse (Radio Okapi) a fait état des combats entre les FARDC et les Maï-Maï à Mitwaba qui auraient occasionné un déplacement des 400 personnes. Selon nos sources, il s’agit des accrochages entre les troupes FARDC (de la 12ème brigade d’infanterie et 1009ème régiment d’infanterie) et les Maï-Maï de Gédéon Kyungu appelés communément les Bakata Katanga à Mitwaba dans le Haut-Katanga.  Le territoire de Mitwaba et ses environs possèdent de riches zones minières tels que les sites miniers de Kasenga, Pweto ou Manono (Triangle de la mort) situés dans le Haut-Katanga et ou les sites miniers de Lubudi en province du Lualaba.

Les Maï-Maï ne mènent pas une guerre conventionnelle ou classique, c’est-à-dire une guerre avec des mouvements coordonnées des troupes ou des positions à défendre ou à attaquer. Ils pratiquent la guérilla c’est-à-dire qu’ils mènent des attaques ponctuelles des garnisons des FARDC isolées ou se livrent à des attaques des convois militaires pour voler des armes, des munitions, des vivres etc. Les Maï-Maï de Gédéon Kyungu ne tiennent pas longtemps les terrains. Ils se replient toujours dans leurs sanctuaires (lieux de cache) situées dans les parcs nationaux de Kundelungu et d’Upemba après leurs opérations ponctuelles d’attaque. Toutefois, la situation dans le Haut-Katanga est plutôt périodique. Ce sont des troubles récurrents. L’origine de ces désordres au Katanga est la mauvaise gestion des milliers de miliciens des forces d’autodéfense populaire (FAP) ou Maï-Maï qui ont été armés et financés par le gouvernement central de Kinshasa (LD Kabila et J. Kabila) qui les a ensuite abandonnés de façon irresponsable ».

En effet, les Maï-Maï appelés communément Bakata-Katanga (= diviser le Katanga), un groupe armé sécessionniste qui lutte pour que l’on sépare le Katanga du Congo, ont été entretenus d’abord par le président Laurent-Désiré Kabila, puis par Joseph Kabila. Ils étaient commandés par John Numbi en 2011, en promesse d’un retour aux affaires après les élections, dans le but de s’en servir comme plan B au cas où Etienne Tshisekedi gagnerait les élections. L’objectif était de permettre à Joseph Kabila de se replier sur le Katanga pour revendiquer l’indépendance du Katanga, avec le soutien de Gabriel Kyungu, le président de l’assemblée provinciale du Katanga. C’est le général John Numbi qui a organisé l’évasion de Gédéon Kyungu, en septembre 2011, sur instructions du président Kabila, en dépit de la vaine promesse faite par le gouverneur Moïse Katumbi d’offrir 100.000 $ US à quiconque livrerait Gédéon Kyungu (le chef des Bakata Katanga) aux mains des autorités judiciaires. Numbi, suspendu de ses fonctions depuis l’affaire de l’assassinat de l’activiste des droits de l’Homme, Floribert Chebeya, espérait retrouver ses fonctions.

Mais la réélection très contestée de Joseph Kabila en 2011, n’a pas permis au Katanga de basculer dans la violence. Kabila réélu, n’a pas récompensé financièrement ni politiquement les Bakata-Katanga. Le général John Numbi n’a pas non plus été réhabilité. Il aurait maintenu contact avec les Bakata Katanga. Mécontents, le 23 mars 2013, 400 Maï-Maï Bakata Katanga ont fait irruption dans la ville de Lubumbashi, pourtant protégée par la Garde républicaine(GR), qui assure la protection du Président Kabila. C’est le gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi et la MONUSCO qui ont obtenu leur reddition.

Le Bakata-Katanga sèment la terreur dans la zone intersectionnelle située entre la province du Haut-Katanga et celle de Tanganyika, communément appelée le « triangle de la mort ». Cette zone couvre les territoires de Mitwaba, Pweto et Manono. En 2015, on a signalé plus des 500.000 déplacés ou réfugiés internes au Katanga des suites des violences dues aux groupes armées dans cette province. La plupart de ces déplacés sont pris en charge par le PAM (Le Programme alimentaire mondial) alors que la province du Katanga aligne des chiffres records de productions des matières minières dont les retombées financières et sociales ne profitent pas à la majorité des populations locales.

Conclusion : Le risque que les choses dérapent au Katanga reste  élevé

Le Katanga est déjà surmilitarisé avec la présence massive de la GR, des FDLR à Dilolo et l’arrivée d’environ un millier d’ex-combattants du M23, réfugiés en Ouganda, en cours de rapatriement à Kamina. De l’autre côté, les Bakata-Katanga et d’autres milices locales déçus par les promesses électorales non tenues par Kabila de les récompenser pour leur soutien aux élections de 2011, vont probablement commencer à commettre des actes de violence. A ceux-là, il faut ajouter des miliciens de la JUNAFEC, le parti de Gabriel Kyungu actuellement traqués par l’ANR et transférés à Kinshasa. Ce groupe est considéré comme très dangereuse par le régime.

Les milices de la jeunesse de l’UNAFEC (JUNAFEC) se trouvent actuellement en clandestinité car traquées par l’armée et la police congolaise pour les neutraliser car elles sont qualifiées de terroriste. Il y a des rafles et kidnapping des jeunes gens étiquetés membres ou proches de la JUNAFEC dans les grandes villes du Katanga : Kolwezi, Likasi, Kamina, Lubumbashi. Elles restent une menace potentielle permanente contre le régime de Kabila. A force d’être acculés par les services de sécurité congolais, ces  jeunes pourront être contraints de réagir violemment contre la police, l’armée et les services de sécurité. Dans ce cas, la situation risque de déraper et prendre l’allure d’une guerre civile à laquelle viendront s’adjoindre d’autres forces amies ou ennemies selon le cas ou le positionnement politique.

Une autre menace non négligeable pour la sécurité au Katanga est l’existence d’une multitude de dépôts d’armes dissimulés depuis dix ans et qui sont souvent mal gardés. Cela aggrave le risque de prolifération des ALPC (armes légères et de petit calibre). La plupart de ces dépôts sont situés dans le Haut-Lomami et le Tanganyika. C’est le lieutenant-général John Numbi qui a été à la base de la création de ces dépôts d’armes et de munitions. Actuellement, il est plus facile de se procurer des armes à Lubumbashi qu’à Kinshasa. Il s’agit des dépôts créés à l’époque de Laurent-Désiré Kabila car il voulait créer un réduit au Katanga au cas où il perdrait le contrôle de la capitale et des autres provinces du pays.

Même si le risque que le Katanga sombre dans la violence est assez élevé, toutefois, il n’y a pas encore imminence; la situation n’est pas encore alarmante. Jusque-là, le régime de Kabila procède à des manœuvres préventives et de dissuasion. D’autre part, la situation sécuritaire dépend aussi de l’évolution politique, notamment de la réussite ou non du dialogue politique souhaitée par l’ONU, l’UA, l’OIF et l’UE et de la posture de la CENI sur la crédibilisation et l’effectivité du processus électorale. L’issue de ces démarches va considérablement impacter d’une manière générale la situation sociopolitique et sécuritaire des prochains mois. Mais nous donnons très peu de chance au déblocage de la situation politique compte tenu des postures politiques polarisantes prises par le régime qui s’enferme dans une dérive sécuritaire suicidaire et de l’opposition qui refuse à Kabila toute initiative politique en termes de dialogue, sans compter la caporalitisation de plus en plus évidente de la CENI au régime de Kabila[7].

Ainsi, lorsque l’espace d’expression politique se rétrécit, la guerre intervient comme continuation de la politique par d’autres moyens. Pourtant, l’ordre géopolitique régional dans la région des Grands-Lacs profite jusqu’à preuve du contraire aux leaders régionaux bellicistes (Kagame, Museveni, Nkurunziza, Museveni et bientôt Sassou Nguesso). La république démocratique du Congo et sa région sont encore loin d’être sorties de l’auberge!

Jean-Jacques Wondo Omanyundu – Exclusivité DESC

[1] http://afridesk.org/fr/rdc-une-situation-politique-et-securitaire-pre-explosive-dans-lex-katanga-jj-wondo/ou http://afridesk.org/fr/une-nouvelle-rebellion-des-elements-de-la-gr-en-gestation-au-katanga-jean-jacques-wondo/.

[2] http://afridesk.org/fr/rdc-kabila-est-plus-quengage-dans-une-logique-guerriere-contre-les-congolais-jj-wondo/.

[3]   Charles Bujiriri Deschryver a d’abord évolué comme membre du personnel civil (persci) de la présidence. Il était aussi l’assistant de Joseph Kabila quand il était chef d’état-major général adjoint des FAC (Forces armées congolaises sous Laurent-Désiré Kabila) et ensuite chef d’état-major de la force terrestre des FAC. Son papa est un riche homme d’affaires hollandais installé à Bukavu depuis 3 générations et sa mère une Mushi de Bukavu (la fille du mwami Kabare). C’est un métis, mais très discret. Son épouse est la dame de compagnie d’Olive Lembe Kabila. Sa deuxième épouse est députée nationale pour le compte de l’ARC d’Olivier Kamitatu. Il s’agit de Madame Antoinette Kipulu (élue à la circonscription électorale de Masi-Manimba dans le Bandundu).

Charles Bujiriri Deschryver s’occupe principalement du charroi (matériel automobile) de la présidence de la République. Il s’était rendu à Dubaï aux Emirats arabes unis pour l’achat de 500 jeeps Toyota Land-Cruiser pour les FARDC.

[4] Lors des élections de 2011, la CENI avait signé un contrat avec AVIAEXPORT qui a mis à sa disposition 2 hélicoptères MI-8 et un avion Antonov 72 pour assurer le déploiement et le ramassage de ses matériels électoraux. Popov était en même temps le chef d’antenne du FSB, le service secret ukrainien, en Afrique centrale. Dimitri Igorevich Popov a fait l’objet en 2007 des sanctions américaines (gel des avoirs) comme trafiquant d’armes et fournisseur de Laurent Nkunda. A l’époque, il était directeur général de la société Great Lakes Business Company et de Business Air Services appartenant à Viktor Anatoli Jevitch. Une compagnie d’aviation congolaise interdite de vol dans l’espace aérien européen. Popov est aussi un proche ami du plus grand trafiquant d’armes au monde, Viktor Bout, détenu et condamné aux Etats-Unis en 2012 à une peine de 25 ans de prison. Outre Divine Inspiration, une nébuleuse firme sud-africaine évoluant dans le secteur des Hydrocabures, Popov était également actionnaire majoritaire de la firme MOVISTAR, spécialisée dans le transport aérien militaire. Cette société a cessé ses activités depuis 2005 pour devenir AVIAEXPORT qui détient le monopole quasi exclusif des transports aériens militaires des FARDC. Ce monopole accordé à AVIAEXPORT est à la base du manque de volonté politique des autorités qui refusent de doter les FARDC d’une flotte aérienne à la mesure de la taille, de la menace et des ambitions militaires du Congo.

[5] Agence nationale de renseignement : Service de renseignement civil dirigé par le Lunda Kalev Mutond.

[6] L’officier S2 est responsable des opérations et de la sécurité de renseignement de l’unité.

[7] http://afridesk.org/fr/rdc-la-mise-a-jour-du-fichier-electoral-et-lacquisition-des-kits-electoraux-sont-encore-possibles-dans-les-delais-constitutionnels-lomandja/ ou http://afridesk.org/fr/de-malumalu-a-nangaa-une-strategie-de-destabilisation-de-la-ceni-pour-saborder-le-processus-electoral-a-j-lomandja/.ou encore http://afridesk.org/fr/vers-un-sabordage-du-processus-electoral-2015-2016-en-rdc-alain-joseph-lomandja/.

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7 Comments on “Le Katanga en état de guerre ? – JJ Wondo”

  • Patrick menga

    says:

    Une bonne analyse à propos de la situation sécuritaire à l’ex katanga.le régime est devenu un otage de sa politique sécuritaire.Mais à propos des ex gendarmes katangais,depuis mon enfance bientôt j’aurais 50 ans,ont ils(ex gendarmes katangais)quels ages?

  • Makutu Lidjo

    says:

    Je vais également dans le sens de Patrick Menga, ces gendarmes katangais dont j’entends parler depuis ma tendre enfance. Ont ils quel âge aujourd’hui avec l’espérance de vie des africains que nous connaissons tous ?

  • Les gendarmes katangais ou ex-gendarmes katangais, qui furent-ils ? Oui je pose la question au passé simple. C’est un mythe creux. Lors de la sécession, c’était des gars embarqués dans une affaire dont ils ne maîtrisaient pas les enjeux. En Angola, ils furent récupérés par les Portugais et au moment de l’indépendance de ce pays, ils furent donnés au MPLA. Que veut dire ex-gendarme katangais ? Une soi-disant milice armée Lunda ? Existe-t-elle autrement que dans l’imaginaire des Congolais ? Bref, une escroquerie dont le Congo a le secret. Alors les Yav machin, Yav bidule qui se revendiquent ex-gendarme katangais sont des charlatans !

  • Patrick menga

    says:

    C’est vrai cet mythe créé,ex gendarmes katangais.Une question à jjwondo,veux-tu m’éclairer sur cette bande de soit disant ex gendarmes katangais?

    • Musavuli

      says:

      Les gendarmes katangais ne sont pas un mythe. Le professeur belge Filip Reyntjens en parle dans son ouvrage « La guerre des Grands Lacs, L’Harmattan, 1999 » et du rôle qu’ils ont joué durant l’aventure AFDL. Il s’agit, selon lui, des descendants des anciens Tigres katangais (l’armée sécessionniste) qui s’étaient réfugiés en Angola durant les années 1960, et qui avaient été intégrés dans les rangs de l’armée angolaise. Ces Tigres s’étaient par la suite illustrés en menant en deux reprises des attaques spectaculaires dans la province du Katanga : les guerres du Shaba (1977-1978).

      • Kilimasimba

        says:

        Je persiste et signe : les « TIGRES » (Troupes d’Infanterie de Guerrilla Révolutionnaire) sont un mythe. Quelle valeur militaire ont-ils ? Lors de la Sécession, sans l’encadrement belge puis français, ils ne valaient pas grand chose. Les expéditions de 77 et 78 dans le Shaba d’alors ont donné quoi alors qu’ils avaient le vide en face d’eux : les FAZ déphasés ! En 78, c’était des gamins incontrôlables qui commencèrent à violer, tuer et piller des innocents (Zaïrois, Européens et Asiatiques). D’ailleurs pendant leur retraite, suite à l’annonce de l’arrivée des légionnaires du REP à Kolwezi, ils furent massacrés par l’UNITA qui leur avait tendu une embuscade; embuscade élaborée de concert avec les Français car on croyaient qu’ils étaient partis avec des otages européens.
        En 97, ce sont quelques troupes angolaises, entrées à Dilolo, qui donnèrent un sérieux coup de boost au « conglomérat d’aventuriers » qu’était l’AFDL dans leur avancé vers Kinshasa. Pour troubler la population on parlait des « TIGRE », alors que c’était l’armée angolaise !

        Dis tonton Jean-Jacques, tu pourrais recadrer ce « mythe » dans sa stricte réalité militaire ?

  • Emmanuel deschryver

    says:

    Sa se ecrit charle deschryver

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Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 10:08:39| 442 1
RDC-conflits : Pourquoi les accords de paix échouent
Depuis trois décennies, la RDC est le théâtre de l’un des conflits armés les plus meurtriers et les plus longs… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 10:08:39| 1193 0
L’ombre structurante de Heritage Foundation sur la RDC : Une paix minée par des intérêts stratégiques et personnels
Résumé: Cet article examine l’accord tripartite signé le 27 juin 2025 entre les États-Unis, la République démocratique du Congo (RDC)… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK