RDC : Une situation politique et sécuritaire
pré-explosive dans l’ex-Katanga ?
Jean-Jacques Wondo Omanyundu
L’évolution politique tendue de ces derniers mois en République démocratique du Congo (RDC), nous basant sur nos analyses stratégiques de risk assessment, montre que Kinshasa, le Katanga ainsi que le Nord et le Sud Kivu risquent de basculer en 2016 dans des violences politiques et sécuritaires aux conséquences incommensurables. Le présent article analyse le risque que l’ex-province du Katanga, autrefois fief politique de Joseph Kabila, puisse basculer dans la violence du fait d’un élargissement du front de l’opposition au chef de l’Etat congolais.
Kinshasa et L’ex-province du Katanga dans l’orbite des services de sécurité de Kabila
L’analyse des informations récoltées par DESC indiquent particulièrement que le président Joseph Kabila craint une menace pour son pouvoir dans la capitale à Kinshasa et dans l’ex-province du Katanga et dans une certaine mesure dans les deux provinces du Kivu où les populations ne cessent de manifester leur mécontentement grandissant vis-à-vis du régime.
A Kinshasa, ce sont des mouvements de contestation de la population comme en janvier 2015 qui sont particulièrement redoutés par Kabila. Le régime est conscient qu’un débordement pourrait mener à une révolte populaire similaire aux manifestations qui se sont déroulées au Burkina Faso en octobre 2014 et qui ont entraîné la chute de l’ancien président burkinabè Blaise Compaoré. D’ailleurs à l’époque, Kabila avait envoyé des émissaires – M. Atundu Liongo, l’actuel porte-parole de la MP – pour suivre de près les événements (le projet de modification de la constitution) afin de s’en inspirer. D’autre part, le cercle militaire de Kabila s’était réjoui du coup d’état éphémère du général Gilbert Diendéré le 16 septembre 2015. Mais après son échec, l’entourage militaire présidentiel congolais s’est montré très inquiet et depuis il vit dans une psychose d’une révolte populaire pouvant chasser Kabila du pouvoir. La preuve de cette panique qui a élu domicile au camp présidentiel est que Kabila est désormais aux abonnés absents dans les grands rendez-vous mondiaux où la RDC est pourtant appelée logiquement et stratégiquement à rayonner sur le plan diplomatique[1].
D’où l’option d’aller au dialogue avec l’UDPS de l’opposant historique, Etienne Tshisekedi, dans l’espoir presqu’inespéré de désamorcer le risque d’une révolte populaire à Kinshasa où l’UDPS est assez populaire. Mais DESC craint que cette mesure ne soit pas suffisante car l’UDPS est non seulement confrontée à une crise interne qui divise le parti mais elle perd également son influence auprès de la population car coupée de sa base[2]. En effet, depuis le début de cette année 2015, on constate une certaine contestation du leadership d’Etienne Tshisekedi par sa base qui, à deux reprises, lors de la révolte populaire de janvier 2015, n’a pas suivi ses mots d’ordre[3]. Malgré les apparences, la base de l’UDPS est de plus en plus flouée par la direction du parti, coupée de la réalité du terrain[4]. C’est un signe manifeste de la perte d’influence progressive de ce parti sur le terrain. La dernière volte-face de l’UDPS cloue Kabila et son régime au pilori, et réduit considérablement leur marge de manœuvre politique. Pratiquement isolé diplomatiquement, Kabila n’a plus que l’option répressive pour tenter de sauver encore ce qui reste de son pouvoir avec une armée et une police de plus en plus divisées, dont plusieurs chefs et des troupes entières sont pratiquement prêts à rallier les tenants de l’alternance politique.
Au Katanga, c’est à la fois des débordements populaires et la menace armée que redoute l’entourage sécuritaire de Kabila. C’est au Katanga qu’on retrouve actuellement l’aile la plus radicale de l’opposition contre Kabila composée par des trois hauts cadres katangais du G7 (Mwando Nsimba, Dany Banza et Gabriel Kyungu). Ce sont des personnalités qui sont assez influentes dans la province, particulièrement Gabriel Kyungu qui dispose d’une milice des jeunes de son parti, UNAFEC, capables de mener des actions violentes.
Un autre élément sérieux qui montre que Kabila ne serait plus à l’aise au Katanga où Katumbi se sent chez soi ou presque, est le dispositif sécuritaire impressionnant déployé à Lubumbashi. Plusieurs sources locales ont fait état d’un déploiement d’un dispositif militaire très impressionnant de la Garde républicaine autour du camp militaire Kimbembe.
Déjà en janvier 2015 lorsque Joseph Kabila est allé s’entretenir avec les notables du Katanga sur la question du découpage des provinces, il y avait un déploiement massif des soldats de la GR à Lubumbashi. Selon une source de la maison militaire du chef de l’Etat congolais : « Le déploiement des militaires de la 13ème brigade infanterie de la GR qui est stationnée au Camp Kimbembe avec une partie de la 11ème brigade infanterie GR procède d’une alerte rouge décidée par le pré-carré militaire présidentiel. La présence de Kabila à Lubumbashi les a poussés à mettre en œuvre un plan de sécurité de niveau très élevé pour sécuriser et boucler complètement la ville de Lubumbashi et ses environs pendant le séjour du président au Katanga. Ce déploiement est à usage dissuasif. Il y avait de fortes rumeurs insistantes avant la venue de Kabila au Katanga d’une attaque coordonnée de la ville de Lubumbashi qui devrait être menée par des miliciens Bakata-Katanga ralliés à quelques jeunes désœuvrés de l’UNAFEC, le parti de Kyungu, qui selon les informations des services T2 (renseignement de la GR), leur servent d’indicateurs, ainsi que des ex-gendarmes katangais infiltrés au Katanga depuis la Zambie et l’Angola[5].
« Le camp Kimbembe est situé non loin de la ferme présidentielle de Manika à 30 km à l’ouest de Lubumbashi. C’est tout-à-fait normal, compte tenu de la menace sécuritaire pesante et évaluée par la GR que le camp Kimbembe devienne le poste de défense avancée de Manika pour contenir les d’éventuels assauts en cas d’attaque. La situation était très tendue et la GR était sous préavis zéro».
A ceux-là, il faut ajouter également l’ancien gouverneur Moïse Katumbi qui reste très populaire dans l’ex-Katanga et dont le club de football, TP Mazembe, dispose d’un noyau dur de jeunes supporters capables d’utiliser des moyens violents contre des adversaires. Ces jeunes se sont déjà illustrés durant la période électorale de 2011 lorsque le bâtonnier Jean-Claude Muyambo avait critiqué la gestion de la province par Katumbi. Mécontents de ces propos, les partisans de Moise Katumbi avaient attaqué, avec l’aide de la police, le cabinet d’avocat de Jean-Claude Muyambo, ainsi qu’à sa chaîne de Radio Télévision Libre JUA[6].
Donc, compte tenu de la tension politique actuelle qui ne cesse de monter, particulièrement au Katanga, il n’est pas exclu que la crise politique dégénère en manifestations de grande ampleur contre Kabila et en explosion des violences armées. Sachant que les Bakata-Katanga, mécontents de ne pas avoir été récompensés par Kabila après les élections de 2011 et favorables à la scission du Katanga du Congo mais pas à sa partition en 4 provinces, s’allient aux jeunes de l’UNAFEC de Kyungu et au noyau dur des supporters de Mazembe pour mener des actions violentes de contestation du pouvoir de Kabila dans les mois à venir. La récente interdiction de rassemblement du TP Mazembe à Lubumbashi par la Police nationale congolaise (PNC) est un signe avant-coureur qui illustre la tension qui ne cesse de se polariser dans l’ex-Katanga. En effet, La PNC a dispersé à coups de gaz lacrymogènes les supporters du TP Mazembe à l’entrée du stade Kamalondo, leur interdisant d’assister à l’entraînement de leur club, séance au cours de laquelle le président du club, Moïse Katumbi, devrait aussi échanger avec ses supporters. Les policiers avaient déclaré avoir reçu l’ordre de ne pas faire accéder « les noir et blanc » -couleurs traditionnelles du club- dans l’enceinte du stade[7]. Cette dispersion des supporters des « corbeaux », s’est faite non sans quelques échauffourées avec le noyau dur de ce club phare de la RDC.
C’est ce qui explique en grande partie la militarisation excessive de Lubumbashi, la deuxième ville stratégique du pays après Kinshasa et le poumon économique de la RDC dont le contrôle politique par les adversaires de Kabila signifierait la perte totale de sa base politique et de son fief électoral régional. Une conjoncture qui pourrait précipiter la chute de Kabila, de plus en plus isolé car déjà désavouée dans ses anciens fiefs électoraux de l’Est du pays, notamment dans les deux Kivu. Il ne lui resterait plus que le Maniema, mais c’est une province à faible enjeu (environ 2 000 000 d’habitants) qui a très peu d’influence géopolitique et stratégique sur le Congo.
Le Nord du Katanga de plus en plus menacé par une résurgence de la violence
Nous basant sur la récente recherche du think tank belge GRIP (www.grip.be), c’est au nord Katanga qu’on risque d’avoir plus de menace sécuritaire à l’approche de la fin de mandat de Kabila. L’auteur de cette recherche, Georges Berhezan, a identifié trois principales milices armées qui sèment la terreur dans l’ex-province du Katanga[8].
1°) Maï-Maï se réclamant de Gédéon Kyungu
2°) Maï-Maï sécessionnistes de la CORAK, qui avaient mené plusieurs raids sur Lubumbashi, dont celui qui a abouti à l’évasion de Gédéon Kyungu. La CORAK, dont le président serait Matuka Munana Tshitshi Simon, et dont il publie une déclaration où elle plaide pour la reconnaissance de la « République fédérale multiraciale du Katanga ».
Une alliance a été conclue entre ces deux mouvances, la CORAK affirmant d’ailleurs à des experts de l’ONU qu’elle a contribué à armer les Maï-Maï de Gédéon, peut-être en récompense de sa « conversion » à l’idéologie séparatiste[9].
3°) Le Congrès du peuple katangais (CPK), qui compterait dans ses rangs de nombreux Tigres et serait bien dirigé par Kazadi Mutombo Tanda Imena. Pour rappel, le CPK avait déposé, en 1992, auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (ACHPR, mécanisme émanant de l’Organisation de l’Union africaine), une demande visant à ce qu’elle soit reconnue comme « un mouvement de libération devant aider le Katanga à acquérir son indépendance ; reconnaître l’indépendance du Katanga ; aider à obtenir l’évacuation du Zaïre du territoire katangais ».
A ces groupes, il faut ajouter les rebelles hutus rwandais, les FDLR, qui ont fui les combats et l’opération Sokola 2 aux Kivu et qui sont installés dans la zone de Bendera au nord de Kalemie. Mais il y a aussi, selon Jeune Afrique du 7 décembre 2015, un millier d’ex-combattants du M23, réfugiés en Ouganda, qui sont en cours de rapatriement à Kamina. Une délégation multipartite composée de deux officiers de l’état-major des FAA, l’armée angolaise dont le pays préside la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et est chargé, en tant qu médiateur du conflit, de veiller à la bonne application des déclarations de paix signées en décembre 2013 à Nairobi, de l’UPDF, l’armée ougandaise, du bureau de Saïd Djinnit, Envoyé spécial de l’ONU pour les Grands Lacs, et la section DDR et DDRRR de la MONUSCO, est à pied d’œuvre pour superviser ce rapatriement. Selon Bertrand Bisimwa, président du M23 en exil en Ouganda, « le premier vol d’Entebbe vers Kamina » est prévu le « 8 décembre 2015». Voilà un retour qui ne manquera sans doute pas d’avoir des effets sécuritaires collatéraux dans cette ex-province de plus en plus militarisée, en cas de détérioration de la situation sécuritaire.
Selon Georges Berghezan, le nord Katanga est plus menacé que le sud Katanga. Une ligne de fracture sépare le nord du sud du Katanga. La majorité des ressources minières est concentrée dans la partie sud de la province, qui jouit d’un niveau de vie nettement plus élevé que la partie nord, qui est en outre la plus affectée par la prolifération de groupes armés. Le découpage du Katanga risque d’accentuer ce contraste entre les deux « provincettes » du sud : Haut-Katanga et Lualaba (cette dernière absorbe le district de Kolwezi) apparaissant mieux dotées en ressources minérales que celle du Haut-Lomani et, surtout, celle du Tanganyika. Ce découpage réjouit une partie de la population de l’ex-Katanga, notamment de la nouvelle riche province du Lualaba, à en croire le message de son nouveau Commissaire, Richard Muyej, lors de sa première prise de contact avec ses administrés à Kolwezi[10]. La population y voit une source d’emplois dans l’administration. Cependant, il a créé des tensions politiques, certains y voyant « la mort de l’identité katangaise »[11] ou craignant un avenir encore plus sombre pour les deux nouvelles provinces du nord. Des personnalités plus influentes du Katanga s’y opposent d’ailleurs ouvertement, comme son gouverneur, le « sudiste » Moïse Katumbi, ou le « nordiste » Gabriel Kyungu wa Kumwanza, ancien gouverneur, actuel président de l’assemblée parlementaire provinciale et champion du « fédéralisme » et de l’autonomie katangaise[12].
Après la défection d’une compagnie des GR, le général Ilunga Kampete, commandant de la GR, a mené une mission de plus d’un mois au Katanga pour restructurer les troupes
Après la défection des 250 éléments de la Garde républicaine (GR) de la 11ème brigade spéciale d’infanterie du camp Kimbembe, le général Ilunga Kampete, commandant de la Garde GR a mené une mission en début octobre 2015, de plus d’un mois, au Katanga pour restructurer les troupes de la GR de l’ex-province. Il avait regagné une première fois Kinshasa le 24 octobre 2015 pour un court séjour de deux jours pour remettre son premier rapport de mission au président Kabila.
Après son entretien avec le chef de l’Etat, Ilunga Kampete est retourné le 26 octobre 2015 à Lubumbashi avec de nouvelles directives émises par le président Kabila en rapport avec la situation sécuritaire de l’ex-province du Katanga. Selon une de nos autres sources à Lubumbashi, « le général Ilunga et sa délégation avaient atterri à l’aéroport dans l’après-midi du 26 octobre avec le jet gouvernemental Falcon 100 avec les inscriptions de République démocratique du Congo. Le général Ilunga Kampete était accompagné du directeur de transmission de la GR, le colonel Hassan Tshibasu et du commandant du régiment blindés GR, colonel Bikombe. Ils étaient logés au domaine présidentiel de Lubumbashi (appelé la Résidence Ruwe) et leur mission va durer jusqu’à ce que la situation sécuritaire soit sous contrôle et reprise en main totalement dans tout le territoire de l’ex-Katanga. Ilunga Kampete sera provisoirement stationné au Katanga avec une partie de l’état-major GR. »
Selon les éléments du rapport remis à Kabila qu’un vent favorable a fait parvenir à DESC : « Le moral des unités de la Garde républicaine stationnées dans l’ex-Katanga est très bas. Outre la situation inquiétante de la désertion de la compagnie du lieutenant Kinda alias kilo, beaucoup de soldats de la GR ont déserté pour aller en Afrique du sud et en Namibie où ils vont travailler comme garde de sécurité dans différentes société minière où ils gagnent de bons salaires, environ 1000 $ qu’ils ne pouvaient jamais imaginer gagner au sein de la GR. Ainsi, beaucoup de leurs camarades sont aussi attirés et tentés par cette aventure. D’autres qui sont restés au Katanga, ne se rendent que très rarement à leurs postes, sauf la période de la paie des militaires autour du 21 de chaque mois. La plupart d’entre eux vont travailler toute la journée dans les différentes carrières minières de l’ex Katanga afin d’arrondir leur fin du mois ».
« Par ailleurs, l’actuel commandant des troupes de la 11ème brigade, le colonel Étienne Monga, fait preuve d’un déficit de commandement. Il lui est reproché d’être très distant de ses troupes qui se sentent abandonnées. Au lieu de résider au Camp Kimbembe avec ses soldats, il réside dans sa luxueuse villa du quartier Golf à Lubumbashi. En outre, il ne dispose pas d’aptitudes de commandement de meneur d’hommes. C’est plutôt un officier administratif (bureaucrate) selon une source du commandement de la 11ème brigade « alors que les troupes de la GR ont besoin d’un officier opérationnel ». Pire encore, les fonds de ménage des troupes sont en grande partie détournés par la hiérarchie de cette brigade. « Les soldats ne mangent plus à leur faim comme à l’époque où le général Akili di Mundos était commandant du camp Kimbembe », avec le corollaire que le moral des soldats est au plus bas. Ils ne mangent plus qu’une seule fois par jour. Les primes des soldats de la GR qui sont de 100 $ (soit 110000 Francs congolais) par mois en dehors de leurs salaires, étaient payées avec le taux de 800 FC pour 1 dollars alors que le taux sur le marché est de 920 FC pour 1 dollars. L’enquête a ainsi déterminé que la hiérarchie a détourné 30.000 FC (33 $) par mois par soldat. Pour notre source : « C’est normal que le moral des troupes soit en baisse mais aussi leur loyauté envers le président et le pays ».
C’est une des raisons, nous précise notre source, qui a justifié la présence du général Ilunga Kampete au Katanga pour pallier toutes ces insuffisances. Et « le président Kabila a mis à sa disposition tous les moyens nécessaires (des sacs de billets de 100 USD et de 20.000 FC) et un hélicoptère de transport MI-8/17 afin d’aller inspecter toutes les unités de la GR déployées dans l’ex-Katanga ». En outre le colonel « Alexis Mutombo » appelé Mobile one (Directeur des transmissions de la présidence de la république) a remis au général Ilunga Kampete un téléphone satellite Motorola crypté tétra[13] de marque française afin de communiquer en permanence avec le président de manière sécurisée ».
Selon toujours ce rapport : « Lorsque le général Ilunga Kampete et sa délégation sont arrivés au camp Kimbembe à Lubumbashi, ils ont trouvé des troupes divisées sur la base ethnique entre les Balubakat, les Kalundas, les Tchokwe, les Bemba, les Lamba, les Tabua de Moba (ethnie du feu Samba Kaputo et Mwando Nsimba) ainsi que les soldats originaires des autres provinces de la RDC. Les soldats se réunissent entre eux en fonction de leurs appartenances communautaires. Il n’y avait plus de cohésion ni d’esprit de corps. C’est pour cela que le général Ilunga Kampete a déjà commencé les permutations des cadres de la 11ème brigade spéciale d’infanterie vers d’autres unités de GR, mais aussi les permutations des soldats originaires du Katanga vers l’Est de la RDC (Goma, Kisangani)et vers l’ouest de la RDC (Kinshasa, Mbanza-Ngungu) ». Ces permutations ont été également confirmées par d’autres sources à Kinshasa où certains de leurs collègues ont été récemment envoyés à Goma et au Katanga au sein de nouvelles unités.
En effet, cette division entre les ethnies de la GR au Katanga suivait en quelque sorte la logique socio-ethnique de la récente défection de certains cadres de la Majorité présidentielle (MP). J’avais mentionné dans une analyse antérieure que le chef des déserteurs, le lieutenant Kinda, surnommé Kilo, était de l’ethnie Bemba.
J’avais également mentionné que la défection de Katumbi et des G7 devrait avoir des conséquences au sein de l’armée et des services de sécurité. Pour l’instant, les militaires observent et restent discrets, mais il arrivera un moment où ils vont faire des choix en fonction de leur proximité ethnique ou politique. DESC dispose de plusieurs indications sérieuses selon lesquelles l’entourage direct de Kabila ne risque pas d’être épargné, toutes choses étant égales par ailleurs.
Au Katanga, Kabila opposerait-il les nordistes aux sudistes ?
Quoique pas encore confirmée avec certitude, cette hypothèse n’est pas à exclure. En effet, nous constatons que Kabila semble se rapprocher de plus en plus des Balundas, via notamment les frères Yav : Philémon[14] et Jean-Claude Yav[15] contre les Balubakat. En même temps, il oppose les Balubakat du Haut-Lomami aux Balubakat du Tanganyka. Selon une source : il y a au sein de l’armée une guerre larvée entre les balubakat du Tanganyka : Manono, Kabalo, Nyunzu, Kalemie et ceux du Haut-Lomami (Province du général John Numbi) Malemba-Nkulu, Mitwaba, Kamina, Kabongo : un secteur où agissent essentiellement les Bakata-Katanga[16].
Mission de déminage accomplie mais avec amertume pour le général Ilunga Kampete ?
Il semble que depuis que le général Ilunga Kampete s’est rendu au Katanga, le moral des soldats de la GR s’améliore. Quelques déserteurs ont regagné les rangs de leur unité car il y a une promesse que le président Kabila a fait passer par le General Ilunga : « aucun déserteur qui regagnera son unité ne sera ni inquiété ni poursuivi par la justice militaire où les services de renseignement et de sécurité y compris les dissidents de Kinda dit Kilo qui se trouverait en Zambie. Ils peuvent rentrer sans craintes selon notre source.
« Le général Ilunga Kampete avait également désamorcé la bombe GR à Kinshasa, qui risquait de détruire le régime Kabila. Ilunga Kampete est un tribun qui sait parler aux troupes et sait se faire écouter et obéir, mais pour combien de temps? », S’interroge notre source.
Par ailleurs, il y a environ 3000 jeunes soldats issus du recrutement de 2012-2013, qui étaient formés au centre d’instruction de Lokandu au Maniema, qui sont arrivés à Kibomango (près de Kinshasa) afin d’être recyclés par les instructeurs égyptiens pour servir au sein de la GR. Ce contingent dont les soldats sont issus de toutes les provinces de la RDC, vu qu’ils ont été recrutés aux quatre coins du pays, est mis à la disposition du commandant de la Garde républicaine afin de restructurer ce corps qui, selon notre source, ne doit plus être mono-ethnique (Katanga) et le cas échéant renforcer la GR, surtout dans l’ex Katanga où les services de renseignement évaluent un risque de menace élevé. Ils iront particulièrement renforcer les effectifs de la 11ème brigade d’infanterie spéciale GR du camp Kimbembe à Lubumbashi.
Mais la crainte que ces promesses d’octroi des primes aux seuls militaires du camp de Kimbembe suscitent des mouvements d’humeurs chez d’autres militaires de la GR ou des FARDC non récompensés, est une menace à prendre très au sérieux et risque de provoquer des mutineries généralisées dans l’ensemble du pays dans les mois à venir.
Selon des sources aéroportuaires et de la force aérienne, le Commandant de la GR a regagné Kinshasa le mardi 24 novembre 2015 dans un spécial effectué par un avion de type Boeing 727 des FARDC communément appelé ‘Tolérance zéro’, « après avoir remis de l’ordre à la GR basée au Katanga. Il y a laissé son bras droit, le colonel Steve Bikombe, commandant du régiment blindé afin d’assister le colonel Etienne Monga qui fait preuve de déficit de commandement au sein de la 11ème Brigade d’infanterie spéciale GR du Camp Kimbembe de la GR. Ilunga Kampete y a également laissé le major Arthur Nziam, T2 (officier de renseignement) adjoint de la GR chargé aussi des opérations GR pour aider le colonel Monga sur les plans de renseignement et de sécurité. Alors que le général Ilunga Kampete avait proposé de relever le colonel Etienne Monga de son poste, c’est le président Kabila qui a personnellement insisté pour qu’il maintienne sa fonction. Une divergence de vue stratégique qui ne manquerait pas d’avoir des conséquences dans les rapports entre officiers de la GR, mais aussi entre la hiérarchie de la GR et Kabila. Une source nous parle d’un sentiment de déception et d’amertume ressenti par le commandant de la GR. Il aurait l’impression de ne pas avoir été écouté.
Il sied de noter que déjà en août 2015, le général Ilunga, avec le général Olenga, avait désamorcé le mécontentement d’un groupe de jeunes officiers de la GR qui avaient menacé de démettre Kabila si ce dernier ne réhabilitait pas le général John Numbi dans ses fonctions[17].
L’ex-Katanga, l’objet des dessous de la visite de Jacob Zuma à Kinshasa en octobre 2015
Selon la presse : « Le président Jacob Zuma a rencontré Joseph Kabila le samedi 16 octobre 2015. Il a été notamment question des accords sur le projet du barrage d’Inga. (…) Cette visite marque les dix ans d’un accord global signé entre l’Afrique du Sud et la RDC. Ce traité porte essentiellement sur des questions économiques, politiques et militaires. Les présidents Zuma et Kabila ont évalué les progrès réalisés depuis 2004 et évoqué ensemble les projets à venir. L’un des plus importants est celui du barrage d’Inga, indique Maite Mashabane, ministre sud-africaine des affaires étrangères.
L’Afrique du Sud s’est engagée à acheter la moitié des 4.800 mégawatts que produira le barrage d’Inga, qui devrait bientôt être construit sur le fleuve Congo et qui sera l’un des plus puissants au monde. Et il devrait fournir de l’électricité à plusieurs pays africains. La coopération entre les deux pays est également importante en matière de sécurité. Des militaires sud-africains sont en effet déployés à l’Est de la RDC dans le cadre de la brigade d’intervention de la Monusco. En outre, l’Afrique du Sud participe à la formation de l’armée congolaise ».
Mais selon une source présidentielle : « Zuma est surtout venu s’enquérir de la situation sécuritaire en RDC et plus particulièrement de l’ex-Katanga. , notamment en rapport avec la désertion des éléments GR. La Zambie est membre de la SADC (Southern African Development Community). C’est le président Zuma qui préside la commission défense et sécurité de la SADC. C’est la raison pour laquelle il s’est rendu à Kinshasa pour discuter notamment de cette situation préoccupante avec Kabila. Le Katanga est vital pour les sud-africains car la ligne électrique Inga-Shaba transporte le courant vers la RSA en passant par la Zambie et le Zimbabwé ainsi 80% des exportations de minerais de l’ex-Katanga sont actuellement exportés par le port de Durban et le Port Elizabeth dans la province du Cap-Oriental (Eastern Cape). En plus, il y a près de 5000 citoyens sud-africains qui vivent actuellement dans l’ex-Katanga et travaillent principalement dans les secteurs miniers et des banques. Il y a aussi des entreprises sud-africaines qui sont présentes au Katanga. Une détérioration de la situation sécuritaire au Katanga risque de menacer aussi directement à la fois les intérêts économiques sud-africains et les ressortissants sud-africains dans la province. D’où cette venue de Zuma pour savoir exactement ce qui se passe et voir dans quelle mesure la RSA peut aider la RDC à trouver une solution. »
« NB : La SAA (South Africain Airways) atterrit à Lubumbashi (Luano) chaque jour. Avec la disparition des 4 MANPADS avec leurs missiles, il y a de quoi inquiéter les autorités sud-africaines. »
Deux autres points à l’ordre du jour de la visite président sud-africain, Jacob Zuma, à Kinshasa, étaient la question de la visite sécrète de quatre jours, du 9 au 12 octobre 2015, du président Kabila à Pyongyang, en Corée du Nord et la reprise de l’exportation de l’uranium congolais vers la Corée du nord via le Pakistan. Ces activités ont été interceptées par les services secrets américains. Nous y reviendrons dans un prochain article.
« La preuve que la réunion était hautement sécuritaire, le président Zuma était accompagné du Directeur général du SASS (South African Secret Service), Batandwa Siswana[18] et tout son staff était à Kinshasa pour parler avec les services congolais de renseignement par rapport à la situation sécuritaire générale au Katanga ». Il semble que, selon nos sources en Afrique du Sud, suite à cette menace, Pretoria aurait décidé d’envoyer un renfort de 400 militaires supplémentaires en soutien au contingent sud-africain de la brigade d’intervention de la MONUSCO.
Conclusion
Malgré ces changements et la batterie de mesures prises pour calmer les troupes, nos sources sont quasi unanimes que la situation reste de plus en plus volatile au sein de la Garde républicaine et que l’ex-Katanga pourrait en payer le prix. Par ailleurs, le reste de l’armée est très démotivé car abandonné par ses autorités. Les militaires qui mènent les opérations à Beni ne sont pas payés depuis des mois. Ainsi, l’exacerbation de la tension politique pourrait s’accompagner de l’explosion de la violence et des mutineries généralisées au sein des unités de la GR et des FARDC. Au-delà de la crainte d’une insurrection populaire généralisée, on parle de plus en plus d’une panique qui habite l’entourage militaire et sécuritaire de Kabila craignant des mutineries généralisés dans plusieurs casernes du pays. Nos contacts militaires éparpillés aux quatre coins du pays nous l’attestent.
Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Références
[1] Joseph Kabila a ainsi renoncé à prendre part à la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 21), qui se déroulait à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015.
[2] http://afridesk.org/fr/ma-lecture-2-rdc-2016-equations-et-les-hommes-en-vue-jean-jacques-wondo/.
[3] http://afridesk.org/rdc-tshisekedi-appelle-le-peuple-a-chasser-kabila-du-pouvoir-voa/.
[4] http://afridesk.org/ma-lecture-2-rdc-2016-equations-et-les-hommes-en-vue-jean-jacques-wondo/#sthash.pfUUN1px.dpuf.
[5] http://afridesk.org/rupture-en-vue-entre-katumbi-et-kabila-qui-militarise-le-katanga-en-signe-peur-jj-wondo/#sthash.ls7G36q5.dpuf.
[6] http://www.congoforum.be/fr/nieuwsdetail.asp?subitem=1&newsid=178031&Actualiteit=selected.
[7] http://www.voaafrique.com/content/la-police-empeche-un-match-du-tp-mazembe-a-lubumbashi-/3082800.html. Cf aussi : http://www.radiookapi.net/2015/12/01/actualite/sport/lubumbashi-la-police-empeche-les-supporters-de-mazembe-au-satde-du-club.
[8] http://www.grip.org/sites/grip.org/files/RAPPORTS/2015/Rapport%202015-3.pdf.
[9] http://www.grip.org/sites/grip.org/files/RAPPORTS/2015/Rapport%202015-3.pdf.
[10] https://www.youtube.com/watch?v=8X7-hbvSUFw.
[11] https://congomonde.wordpress.com/2015/03/31/kyungu-wa-kumwanza-croit-a-la-reunification-du-katanga-apres-le-decoupage/.
[12] http://www.grip.org/sites/grip.org/files/RAPPORTS/2015/Rapport%202015-3.pdf.
[13] TETRA – la norme numérique pour les radiocommunications mobiles professionnelles. TETRA est norme numérique mondiale pour les radiocommunications professionnelles, offre une excellente qualité de parole, des débits de données élevés ainsi que des liaisons sécurisées et cryptées. TETRA utilise la technologie TDMA (Time Division Multiple Access) avec quatre canaux de trafic pour une largeur de bande de 25 kHz.
[14] http://www.jeuneafrique.com/231029/politique/rdc-phil-mon-yav-le-tigre-de-kabila/.
[15] Jean-Claude Yav est le petit-frère de Philémon Yav. Jean-Claude Yav fait partie de l’inner circle militaire et stratégique de Kabila, en tant que chef des renseignements militaires des FARDC (La DEMIAP) et commandant en second de la maison militaire du Chef de l’Etat congolais, aux côtés du général d’armée François Olenga, le Chef d’Etat-major particulier de Joseph Kabila. Il est décrit par un de ses anciens collaborateurs de l’ancienne 5ème région militaire des FAC (Forces armées congolaises sous LD Kabila) à l’Equateur, comme étant « un homme très dur et sanguinaire » qui n’hésitait pas, durant la guerre contre le RCD en 1999, à abattre les fuyards et les déserteurs dans la rivière Ngiri sur l’axe Bomongo – Makanza.
[16] Leur chef Gédéon Kyungu est originaire de Mitwaba.
[17] http://afridesk.org/alerte-desc-la-garde-republicaine-a-menace-de-renverser-joseph-kabila/.#sthash.ndz2kfeT.dpuf.
[18] En 2010, Dr Siswana a rejoint La présidence comme conseiller spécial sur la gouvernance détaché par la Banque de développement d’Afrique australe (DBSA). Ses responsabilités consistaient à conseiller le Président sur l’amélioration des processus ministériels et du Cabinet ainsi que le suivi et l’évaluation. La présidence plus tard a nommé Dr Batandwa Siswana en tant que Directeur des opérations avec effet à partir du 1er Septembre 2011. Il était le chef opérationnel de l’administration de la présidence avec des responsabilités qui comprenaient la planification stratégique, la gestion des risques et la gestion financière. Il était aussi le secrétaire adjoint du Cabinet, chargé d’assister le directeur général et et le secrétaire du Cabinet, Dr Cassius Lubisi. Dr Batandwa Siswana a été nommé directeur de la succursale étrangère pour l’Afrique subsaharienne. En août 2013, Dr Batandwa Siswana a été nommé directeur général de SASS, avec Joyce Mashele comme adjoint pour la collecte en Afrique et Marchisio Mhlambo. Il a également travaillé au Centre Applied Fiscal Research (AFREC), où il était un spécialiste des finances publiques, chargé d’élaborer des cours de finances publiques, tels que la gestion des risques et la gestion des dépenses, etc. Il a également conseillé des responsables exécutifs des trois sphères du gouvernement sur la gestion des risques, la planification, la budgétisation et la gouvernance.
3 Comments on “RDC : Une situation politique et sécuritaire pré-explosive dans l’ex-Katanga ? – JJ Wondo”
Makutu Lidjo
says:La Rdc laisse venir travailler à peu près 5000 ressortissants sud africains sur son territoire or c’est un véritable parcours du combattant pour un congolais d’avoir un simple visa court séjour pour l’Afrique du sud. Vous allez sûrement me signifier que les sud africains investissent en Rdc et viennent superviser leur investissement. Certes, mais notre pays connait un chômage massif qui a besoin d’être résorbé pour le bien de tous.
Makutu Lidjo
says:Si je comprends bien, la tableau de l’armée congolaise depuis mai 1997 à ce jour n’a pas connu une évolution qualitative. Les mêmes tares que l’on a reproché à cette armée au seuil du départ du maréchal Mobutu sont encore d’actualité. C’est comme si tout président qui s’installe au sommet de l’état en Rdc redouterait un jour de faire les frais d’une armée républicaine. Ma foi, je reste convaincu que le phénomène risque de durer encore de nombreuses années.
El Beddy
says:Je ne suis pas joseph kabiliste en minuscule, je serai le premier pour l »opposition à faire partir cet incivique moral et politique