J’aimerais avant toute chose dire un grand merci à Guy Épélela qui s’est investi pour l’organisation de cette rencontre. J’aimerais mentionner le fait que ce jeune homme, qui ne fait pas de bruit, est un des grands parmi nous à Genève. Pour cette nouvelle édition du Congo week 2015, il a tout pris à sa charge pour faire venir les intervenants, les loger, offrir gratuitement à boire et à manger. Ce geste en dit long sur son implication, son abnégation et son courage extraordinaire. Je crois que je n’aurais pas assez de mots pour dire combien il me touche et combien je l’admire. Merci donc du fond du cœur Guy Epélela.

Evariste Pini-pini : Pouvez-vous nous donner plus de détails sur la manifestation et surtout les résultats obtenus en termes de résolutions ou autres ? Merci d’avance.
BK Kumbi : Lors de cette rencontre il y a eu trois interventions.
La première était faite par M. Daniele Perissi de l’association Trial (TRIAL – Association suisse contre l’impunité :http://www.geneve-int.ch/fr/trial-association-suisse-contre-l-impunit-1), une organisation de droit suisse, qui s’occupe de défendre et d’accompagner les victimes de crimes internationaux commis en RDC et dans d’autres pays. M. Perissi nous a expliqué ce en quoi consistait leur travail sur le terrain. Il nous a dit en particulier qu’ils s’appuyaient sur la constitution congolaise pour demander à l’État d’instruire des procès contre les criminels et pour rendre justice aux victimes. Ils accompagnent ainsi les deux jeunes de Filimbi et de la Lucha qui ont été dernièrement incarcérés au Congo, ou encore les femmes de Minova qui ont subi des violences sexuelles des FARDC et après que leur dossier ait été, en un mot, bâclé par la justice congolaise. On peut toutefois regretter que cette organisation ne s’occupe pas plus des crimes qui sont commis par les agresseurs du Congo comme le Rwanda et l’Ouganda, et ceci d’autant plus qu’après les nombreux rapports qui ont été publiés, on aurait une base pour poursuivre.
BK Kumbi : La deuxième intervention était celle de notre compatriote Musavuli Boniface, qui nous a plus particulièrement parlé de la situation qui prévaut au Kivu, en mettant en évidence le cas de Beni. Il a montré que malgré les différents accords qui ont été signés pour le Congo, malgré le fait qu’en apparence la situation se soit stabilisée et après la défaite du M23, les exactions continuent. Le cas de Beni est emblématique à ce propos où depuis bientôt une année les gens sont tués de la manière la plus barbare. Ces crimes sont imputés aux ADF alors qu’en interrogeant les gens sur place on pouvait mettre un nom et visage sur ces agresseurs et qui ne sont pas ceux qui sont désignés. Boniface Musavuli a plaidé pour la création d’un tribunal pénal international pour le Congo en soulevant le fait que chaque tribunal qui a été créée après de grands massacres comme ceux que l’on connaît au Congo ont été le fait des vainqueurs et qu’il faudrait en conséquence aider le Congo à sortir par le haut de cette guerre pour que la justice soit appliquée.
BK Kumbi : La dernière intervention était celle de Jean-Jacques Wondo sur la question sécuritaire en RDC. Il nous a montré combien une armée forte, structurée et loyaliste était importante dans la constitution des États modernes. Il a même avancé que c’était l’armée qui faisait l’État, en citant le sociologue américain Charles Tilly dont les recherches sociologiques et historiques ont démontré que « la guerre fait l’Etat et l’Etat fait la guerre ». M. Wondo a conforté sa thèse en citant notamment l’allemand Otto Hinze qui a démontré que L’Etat dans sa forme structurelle administrative et fonctionnelle moderne est une émanation de l’Armée c.à.d. la guerre serait à l’origine du développement de l’Etat moderne. Il a également cité le grand stratégiste allemand Carl Von Clausewitz (De la Guerre) : « La guerre est une simple continuation de la politique par d’autres moyens. La guerre n’est pas seulement un acte politique, mais un véritable instrument politique, une poursuite des relations politiques, une réalisation de celles-ci par d’autres moyens ». C’est-à-dire la guerre un moyen de faire la politique autrement ! Ou l’historien français, André Corvisier, auteur de deux tomes d’histoire militaire française, qui ont abouti à la conclusion : « L’armée est bien cette accoucheuse d’Etat. » Un point de vue essentiel que tout acteur politique congolais devrait intégrer dans sa vision/action politique, mais qui malheureusement est très largement ignoré depuis l’accession du Congo à l’indépendance. C’est ce qui explique en partie, selon M. Wondo, la débâcle actuelle de la RDC classée parmi les Etats effondrés du monde. M. Wondo a appuyé son argument avec des illustrations et chiffres qui ont démontré la corrélation entre l’insécurité et le sous-développement, se basant sur la théorie de Barry Buzan (de l’Ecole – des relations internationales – réaliste constructiviste de Copenhague).
Jean-Jacques Wondo a mis en évidence les manquements de la RDC à ce sujet dans le sens où, par exemple, qu’une partie infime du budget était consacré à la défense nationale, soit quelque 400 millions de dollars en 2015, alors qu’un État comme l’Angola qui en superficie est la moitié du Congo, dépensait quant-à lui quelques 6,8 milliards de dollarspour sa défense. Il a également abordé la question des infiltrations dans l’armée régulière et les parallèles qu’il existait avec le régime de Mobutu qui avait ‘équatorialisé’ l’armée, comme on assiste aujourd’hui à la ‘swahilisation‘ de celle-ci. Ce qui indique que l’armée n’a jamais été perçue comme une permanence dans nos contrées mais qu’au contraire chaque armée qu’a connu le Congo était en quelque sorte une armée privatisée fortement dépendante de la personne au pouvoir. Dans la même suite d’idée, il a nous exposé comment certaines communautés ethniques du Congo ne disposaient pas de généraux alors que certaines minorités, tutsis en particulier, à la base de plusieurs rébellions contre le Congo, y étaient représentées de manière exponentielle. M. Wondo a attiré notre attention sur le fait que l’armée congolaise que l’on avait tendance à dénigrer comporte en son sein des éléments patriotiques et loyalistes et qu‘il était dans notre intérêt de travailler avec eux dans la mesure du possible.
Il a également ajouté que la diaspora congolaise représentait une force, qu’elle devait en être consciente et diriger ses actions de manières de façon concertée avec les forces acquises au changement sur place au Congo afin de peser sur le débat et l’avenir politique.
BK Kumbi Enfin, Musavuli et Wondo ont présenté une pétition pour qu’il y ait une enquête internationale sur les massacres commis à Beni (au Nord-Kivu), qu’ils nous invitent à signer et à diffuser le plus largement possible afin de faire connaître la situation qui prévaut en RDC. https://secure.avaaz.org/…/Procureur_de_la_CPI_et…/…

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