Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 23-01-2015 17:51
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Un plan de déstabilisation de la RDC monté par Kabila pour arrêter les opposants – JJ Wondo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Un plan de déstabilisation de la RDC monté par Kabila

pour arrêter les opposants

Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu

DESC fait le point des différentes informations recueillies le jeudi soir auprès de ses contacts. Après le calme relatif mais précaire constaté depuis hier dans la capitale, on signale que les deux camps opposés, le régime Kabila et ses contestataires composés majoritairement par la population kinoise non politisée, profitent de la trêve pour peaufiner leurs stratégies respective.

Plus de 1500 armes et des uniformes militaires volées et l’armée remplace la police

Selon une haute hiérarchie militaire congolaise, 1500 armes de type AK47 et des uniformes de la police ont été volés dans les dépôts d’armes et des commissariats de police. Ces objets se trouveraient selon nos sources, citant les renseignements militaires (Démiap), entre les mains des ex-militaires démobilisés et renvoyés à Kinshasa dans le cadre des opérations de DDR conduite par la CONADER[1]. Craignant que les manifestants en tenue de police soient confondus avec la police, le Génaral Olenga, le chef d’état-major particulier de Kabila a décidé de remplacer la police, à court de gaz lacrymogènes par les unités d’élite de la Garde républicaine (GR), chargée de la protection présidentielle. On parle des quatre régiments[2] formés par les commandos chinois à Kamina (Katanga) qui sont déployés dans plusieurs lieux qu’occupaient la police. Ils sont très lourdement armés et l’ordre leur a été explicitement donné d’utiliser des armes létales. En réalité, il s’agit de compenser la pénurie des lacrymogènes.

Un scénario monté par les généraux Ilunga Kampete et Olenga pour neutraliser l’opposition

Opposés au départ sur les stratégies à adopter face aux manifestants, nous venons d’avoir la confirmation que les généraux Olenga et Ilunga Kampete, commandant de la GR favorable à l’option militaire pour mater les contestataires se sont finalement accordés pour le déploiement militaire de la GR. Ils parlent d’une situation de sédition qu’il faut absolument écraser avec la plus forte énergie. Le scénario semble monté par les généraux Olenga et Kampete. Lors des manifestations, il semble qu’il y avait des ex-démobilisés Maï-Maï de la CONADER parmi les manifestants arrêtés. Les collaborateurs militaires de Kabila, veulent alors contraindre ces démobilisés à avouer qu’ils sont à la solde des leaders de l’opposition dans un vaste plan de déstabilisation de grande envergure soutenu par l’Occident. Ce qui leur servira d’alibi pour arrêter la plupart des leaders de l’opposition et les traduire en justice pour crime de haute trahison. L’idée a émané du général Ilunga Kampete qui a fini par la faire avaliser par le Général Olenga. Martin Fayulu, Jean-Claude Vuemba, Vital Kamerhe, Jean-Claude Muyambo, Gabriel Mokia, Samu Badibanga et Franck Diongo sont les plus ciblés par ce plan monté.

Ce que ne comprennent pas ces généraux dépassés par la situation, alors qu’ils avaient rassuré leur « boss » la veille, lorsqu’ils ont déployé en vain tout l’arsenal militaire dissuasif de la GR dans les rues de la capitale, est que les manifestations auxquelles on assiste sont un mouvement populaire et citoyen. Nous l’avons prédit dans nos analyses antérieures[3]. La preuve en est que les manifestants, même de l’UDPS dont le directoire préconisait au départ le dialogue, n’ont pas entendu le mot d’ordre de leurs leaders pour défendre la Constitution qu’ils ont votée en 2006. D’ailleurs, on voit qu’aucun leader politique de l’opposition n’émerge dans cette vague de contestations même si nous saluons l’esprit de collégialité dont ils font preuve. S’attaquer à ces leaders, ce serait non seulement une erreur et contreproductive, mais cela risque de jeter de l’huile sur le feu. Nos « pseudos-généraux », piètres stratèges, devraient d’abord s’expliquer pourquoi leur plan initial a échoué au lieu de s’enfoncer dans l’erreur.

Échec des politiques de DDR

S’il s’avère que 1500 armes se retrouvent effectivement entre les mains des ex-démobilisés, la faute incombe en premier lieu à l’échec et à la complaisance dans la mise en œuvre des différents plans DDR[4]. La CONADER, qui devrait fonctionner jusqu’en 2011, a été dissoute en 2007. Cette instutution créée sous la transition 1+4 a bénéficié d’un appui financier conséquent des partenaires extérieurs (Banque Mondiale). Elle a disposé d’un budget de 200.000.000 de dollars[5]. C’est un pasteur évangélique, Daniel KAWATA, un ancien enfant de rue du Katanga, qui fut son directeur. Ses bureaux de Limete à Kinshasa ont fait l’objet d’un mystérieux incendie quelques jours avant la visite des experts de la Banque Mondiale en vue d’évaluer l’état d’avancement des opérations DDR. Les détails se trouvent dans notre ouvrage : Les Forces armées de la RD Congo : Une armée irréformable ? Bilan – Autopsie de la défaite du M23 et Prospective, qui vient de paraître cette année. En délaissant ces démobilisés dans la rue sans perspective concrète de réinsertion, il fallait s’attendre, et nous l’avions prévenu à maintes reprises dans nos interventions sur la Radio Okapi, au retour du feu. La haute hiérarchie de l’armée est réellement inquiète et la crainte change de camp.

L’armée contre le peuple : Kabila reste dans l’option militaire et ses généraux ne craignent pas d’être traduis à la CPI

C’est ce qui nous revient des échanges avec plusieurs civils et militaires collaborateurs directs et indirects du président de la République. C’est lui qui a ordonné, lors de la réunion de crise qu’il a présidé le lundi 19 janvier dans la soirée au Palais de la nation, de renforcer le dispositif militaire et d’« écraser dans le sang les séditieux ». C’est vraisemblablement l’unique option qui lui reste pour exercer encore son pouvoir illégitime ou ce qu’il en reste.

Lorsque nous avons demandé plusieurs de nos interlocuteurs s’ils ne craignaient pas la sanction pénale internationale du fait de la violation du droit humanitaire international. Plusieurs nous ont répondu que la menace de la CPI est un chantage. Ils ont brandi la jurisprudence de Uhuru Kenyatta, accusé dans les violences postélectorales de 2007 au Kenya qui a fait des milliers de mort puis blanchi par la CPI. Ils se disent confiants car ce ne sont pas les dizaines de morts « rebelles » qui nous conduiront à la CPI.

Et pourtant des équipes spécialisées sont sur le terrain pour la récolte des preuves et la communauté internationale appelle à ne pas déployer la police

C’est ce que nous informe une source diplomatique africaine amie. « Les équipes de renseignement de la Monusco, chargées par la CPI, sont à l’œuvre pour collectionner les preuves contre l’armée et les responsables politiques au pouvoir. Des services spécialisés et banalisés en tenue civiles ont été déployés sur le terrain pour réaliser l’assessment de tout le pays. Ces services sont le JOC[6] (Joint opération center), le JMAC (Joint mission analysis cell) et la UN Security ». On nous signale que les preuves récoltées sur le terrain accablent le régime qui ne cesse de creuser davantage sa propre tombe politique.

C’est suite à ce constat que le chef adjoint de la MONUSCO, le Général Abdallah Wafy, est sorti de sa réserve. Le mercredi 21 janvier lors de son point de presse hebdomadaire des Nations unies, l’officier a dénoncé le déploiement de l’armée et de la Garde républicaine en lieu et place de la police. « On ne maintient pas l’ordre avec des forces armées, on ne maintient pas l’ordre avec des chars de combat (…) Seule la Police nationale est habilitée à maintenir l’ordre public et non l’armée, ni la garde républicaine ». En effet et comme nous l’avions toujours dénoncé dans nos analyses et interventions à la presse, le Général Wafy a déclaré que le rôle de maintien de l’ordre ne revient ni à l’armée, encore moins à la Garde républicaine qui, selon lui, « n’a pas compétence, n’a pas vocation, n’est pas formée et n’est pas équipée pour le faire (…) On ne maintient pas l’ordre avec des forces armées, on ne maintient pas l’ordre avec des chars de combat », a-t-il insisté.

Cependant, nous déplorons le fait que la MONUSCO n’ait pas envisagé à ce stade la possibilité de faire intervenir ses unités sur le terrain pour protéger la population civile conformément à son mandat. Une attitude qui ne cesse de la discréditer davantage auprès des Congolais qui la qualifie complaisante au régime. Or le régime souhaite aussi son départ pour d’autres raisons qui le gênent.

La communauté internationale recommande la non usage de l’armée contre les manifestants – L’idée d’envoi des troupes étrangères en cas de détérioration en discussion

L’ampleur de la forfaiture militaire est telle que la communauté internationale vient d’exhorter le pouvoir congolais de s’abstenir de recourir à l’armée pour maintenir et rétablir l’ordre et la sécurité car elle n’est ni formée ni équipée pour ce faire. C’est dans la crainte de cette éventualité de recours à l’armée par Kabila qu’une information, non encore attestée à 100 %, nous est parvenue hier. Il s’agirait des échanges au niveau des chancelleries occidentales sur des hypothèses d’envoi des troupes spéciales en RDC en cas de détérioration de la situation qui reste très volatile suivant les évaluations de la situation faites par leurs services de renseignements militaires et la consultation des diplomates à Kinshasa.

De l’amendement de l’article 8 de la loi électorale par le sénat : de la poudre aux yeux, juste une manœuvre de retardement (Fighting & talking)

Le vote par le Sénat du projet de loi électorale contesté avec l’amendement de l’article 8 par la suppression de la disposition qui liait l’organisation des élections législatives et présidentielle en 2016 au recensement général de la population ne doit pas conduire à l’euphorie. Ce n’est pas suffisant car la loi doit encore repasser à l’assemblée nationale, disposant d’une majorité mécanique acquise à Kabila.

Ainsi, si les modifications apportées par le sénat ne sont pas amendées par l’assemblée nationale, on va se retrouver avec deux textes de loi différents. Dans ce cas, la législation prévoit que c’est le président qui décide de promulguer la version qu’il préfère.

Par expérience du passé récent, notamment lors du vote par les deux chambres parlementaires de la loi sur le statut du militaire, la méfiance doit être de mise. La même difficulté s’est posée lorsqu’il fallait examiner l’article 73[7] de ladite loi relatif à la procédure de nomination des officiers généraux et supérieurs de l’armée. La version du sénat restreignant les prérogatives présidentielles a été rejetée au profit de la version adoptée à l’assemblée nationale. Il en était de même pour le projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature. En définitive, dans les deux cas, Joseph Kabila a promulgué la version de l’assemblée nationale lui octroyant une large marge de pouvoir de nomination[8]. Une version qui lui était politiquement favorable.

Au niveau de DESC, sur base de sa stratégie « fighting & talking », il s’agit d’une manœuvre de retardement pour gagner du temps et prendre le peuple de revers par la suite. Le sénat a voulu juste jouer au Ponce Pilate.

Le seul bon signal positif que peuvent lancer Kabila et ses fonctionnaires au sénat et à l’assemblée nationale, est de retirer purement et simplement cette loi, comme l’a proposé le professeur Mokonda Bonza. Et la RDC n’en mourra pas. Un peu de considérations pour des morts innocentes occasionner par cette loi inique. Il ne faut même plus transiger là-dessus !

Jean-Jacques Wondo Omanyundu / Exclusivité DESC

[1] Le 18 décembre 2003, dans le but de désarmer, démobiliser et réinsérer dans la vie civile les combattants excédentaires, un décret présidentiel crée une Commission nationale de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (CONADER), chargée en particulier d’exécuter un Programme national de désarmement, démobilisation et de réinsertion (PNDDR), dont la mise en œuvre a débuté en 2004 pour s’étaler sur sept années.

[2] Un régiment comprend approximativement entre 1200 à 1500 hommes.

[3] http://afridesk.org/exclusif-le-president-joseph-kabila-arrivera-t-il-a-la-fin-de-son-mandat-jerome-ziambi-k/.

[4] Désarmement, Démobilisation et réinsertion.

[5] Le Potentiel, 16/10/ 2006.

[6] Le JMAC est le service de récolte et de traitement de l’information, de renseignement. C’est le service secret de la MONUSCO. Il était dirigé entre 2004-2007 par François Grignon qui est allé par la suite à l’International Crisis Group comme représentant Afrique jusque 2010. Il travaille actuellement à la MINUSS au Sud-Soudan. François Grignon aurait accompli un gros travail avec le feu Arthur Kepel, un expert congolais de la MONUC qui fut l’un des premiers à tirer la sonnette sur les manigances rwandaises en RDC avec Kabila. Il en est mort. Francois Grignon a été remplacé par le belge Johan Peleman Johan, surnommé « James Bond ». Johan Peleman est un chercheur belge et ancien expert des Nations unies sur les trafics d’armes. C’est grâce à ses enquêtes qu’on a mis en lumière l’affaire de Victor Bout, le fameux trafiquant d’armes ukrainien condamné et détenu aux Etats-Unis. Il n y travaille plus malheureusement…

[7] L’article 73 confère au président de la république la compétence de nommer et relever de leurs fonctions et, le cas échéant de révoquer, par Ordonnance délibérée en Conseil des ministres, sur proposition du Gouvernement, le Conseil supérieur de la défense entendu: les officiers généraux et supérieurs des forces armées; le Chef d’État-major général, les chefs d’État-major général adjoints et les sous-chefs d’état-major; les chefs d’État-major des forces et leurs adjoints; les commandants des zones de défense (actuellement régions militaires) et leurs adjoints…

[8] Jean-Jacques Wondo, Les Forces armées de la RD Congo : Une armée irréformable ? Bilan – Autopsie de la défaite du M23 et Prospective, Ed. www.desc-wondo, 2015, pp.10 et suivants. Lors de l’examen du projet de loi sur le Conseil Supérieur de la Magistrature et le projet de loi sur le Statut du militaire des FARDC au cours de la législature précédente, cet article avait fait l’objet des divergences de vues entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Une majorité de sénateurs de la législature écoulée voulait dépouiller le Chef de l’État de ses prérogatives constitutionnelles en matière de défense nationale, notamment de son rôle au sein de la chaîne de Commandement. Le réexamen de cet article, suite à la requête de la présidence de la république, a tranché en faveur de l’option de conférer au chef de l’État les compétences qu’on voulait lui retirer.

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One Comment “Un plan de déstabilisation de la RDC monté par Kabila pour arrêter les opposants – JJ Wondo”

  • Germain nzinga

    says:

    Oui cet amendement n’est que de la poudre aux yeux! Après tout, qu’il y ait élection ou pas, avec une telle configuration militaro-politique,
    les carottes sont déjà cuites contre le destin du peuple congolais. Si ce dernier n’anticipe pas pour contrecarrer son plan à lui, nous allons droit
    vers un scénario pire que celui vécu depuis 2006… Cet univers mondialisé n’a plus aucun pardon ni compassion vis-à-vis des groupes humains sans plan ni stratégie pour leur survie…

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