Un an après la disparition mystérieuse de l’ancien chef des renseignements militaires (ex-DEMIAP), le général-major Delphin Kahimbi, après son audition au Conseil national de sécurité (CNS), les enquêtes initiées pour déterminer les circonstances et les mobiles de son décès, et en établir les responsabilités ne sont pas encore connues, au grand dam de sa famille. Le mystère reste entier !
Pour rappel, le général major Delphin Kahimbi, chef d’état-major adjoint des FARDC en charge de renseignements militaires, est décédé le 28 février 2020 à Kinshasa. Il avait été suspendu deux jours avant sa mort, après avoir été interpellé le 20 février 2020 par la Direction générale de migration (DGM), alors qu’il s’apprêtait à s’envoler pour l’Afrique du Sud. Le Conseil national de sécurité lui reprochait d’avoir dissimulé des armes et de tentative de déstabilisation. Il était également soupçonné d’avoir « mis l’actuel gouvernement sous surveillance »[1]. Il avait été suspendu de ses fonctions le 27 février 2020, la veille de son décès.
Selon les recoupements de DESC auprès des sources des renseignements militaires, Delphin Kahimbi aurait acquis des systèmes d’écoute israéliens via l’Afrique du Sud sans en informer les autorités hiérarchiques (ministre de la Défense, chef d’état-major général, chef de la maison militaire ainsi que le président de la République lui-même). On le soupçonnait surtout d’avoir mis en place un dispositif d’interception des communications du président Tshisekedi.
L’épouse de Kahimbi et ses proches en résidence surveillée
Selon la Radio Okapi, Augustin Kahimbi, le jeune frère de cet officier supérieur des FARDC, demande au gouvernement « d’arrêter les assassins, de les traduire en justice et de les condamner conformément à la loi »[2]. Brenda Kahimbi, veuve du général Kahimbi, serait en résidence surveillée au lendemain de l’inhumation de l’ancien chef des renseignements militaires à Kiniezire, au Sud-Kivu. Huit hommes en uniforme prétextant appartenir à la justice militaire sont arrivés à son domicile mardi 10 décembre 2020, explique Brenda, la veuve du général Delphin Kahimbi. Selon elle, ils ont présenté un document officiel qui les assigne, elle et sa mère, en résidence surveillée. La veuve Brenda Kahimbi dit ne pas connaitre les motivations de cette décision. Emprisonnées depuis plusieurs mois, le neveu et le pasteur de la veuve Kahimbi ainsi qu’une dame accusée d’avoir facilité l’embauche d’un domestique ayant disparu, restent en détention provisoire à Kinshasa[3].
Delphin Kahimbi, un fidèle des fidèles collaborateurs de Joseph Kabila
Le général Delphin Kahimbi, présenté comme un proche de l’ancien président Joseph Kabila, a occupé la fonction de chef d’Etat-major adjoint des FARDC en charge de renseignements militaires (ex-DEMIAP) pendant six ans jusqu’à son décès. Cet ancien combattant de l’AFDL, de l’ethnie Havu de Kalehe dans le Sud-Kivu, est né en 1969. Il était présenté par plusieurs sources comme un des fidèles lieutenants de Joseph Kabila. De ce fait, il a connu une ascension militaire fulgurante au sein des FARDC.
Delphin Kahimbi a été d’abord formé en transmissions au sein de l’Armée patriotique rwandaise (FPR) devenue aujourd’hui Rwanda Defence Force (RDF), avant de rejoindre la rébellion de l’AFDL de Laurent-Désiré Kabila. A la prise du pouvoir par ce dernier, en 1997, Kahimbi devint officier des transmissions du chef d’état-major général des Forces armées congolaises (FAC), le général rwandais James Kabarebe, entre 1997 et 1998. Il est ensuite nommé directeur des transmissions militaires à l’Etat-major de la force terrestre dirigée à l’époque par Joseph Kabila, dont il deviendra un des bras droits et l’œil dans la nouvelle armée composite, puis chef d’état-major des renseignements militaires (Ex-Démiap)[4].
Le général Kahimbi a été commandant adjoint de l’ancienne 8e région militaire à Goma entre 2006 et 2009, puis commandant des opérations Kimia 2 et Amani Leo au Sud-Kivu de 2009 à 2012. En 2011, il devient commandant adjoint de la 10e région militaire (Sud-Kivu), puis commandant second en charge des opérations et renseignements de la 34e région militaire au Nord-Kivu. Delphin Kahimbi a aussi été le chef de la délégation militaire du gouvernement lors de négociations de Kampala avec le M23. Il avait également assumé les fonctions de coordinateur du processus de DDR[5] en 2014. Ce qui lui permettait, selon des sources militaires, d’entretenir plusieurs milices locales dans le désordre sécuritaire qui règne dans les Kivu[6]. L’influence militaire de Kahimbi dans l’armée était notamment due au fait qu’il avait tissé de bons contacts avec plusieurs commandants des troupes opérationnelles dont il assurait les liaisons radios lors des opérations militaires. Au moment de son décès, Kahimbi faisait partie des militaires sanctionnés par l’Union européenne, les Etats-Unis et la Confédération suisse.
Témoin gênant de la kabilie, traqué par les Américains et mort dans des circonstances floues
Quelques jours après le décès du général Kahimbi, le Haut commandement militaire avait affirmé, dans une déclaration signée le 28 février 2020 par le chef d’Etat-major des FARDC, le général d’armée Célestin Mbala Munsense, que toutes les dispositions avaient été prises pour élucider les circonstances de la mort du général Delphin Kahimbi. Le 6 mars 2020, le Président Félix Tshisekedi avait annoncé au Conseil des ministres que d’après les éléments en sa possession, en ce qui concerne la mort du général Delphin Kahimbi, « il s’agit d’une mort par pendaison ». Mais la veuve Brenda Kahimbi, elle, avait toujours affirmé à des journalistes que le général était décédé des suites d’une crise cardiaque. La justice militaire n’a toujours pas entendu cette dame qui préférait envoyer son avocate pour répondre aux convocations de la commission d’enquête. A ce jour, la justice militaire n’a toujours pas donné les résultats de l’autopsie préférant attendre la clôture de l’enquête[7].
Si les circonstances réelles du décès du général Kahimbi restent floues à ce jour, certaines sources des renseignements militaires évoquent la piste d’élimination d’un témoin gênant. Nous savions que l’homme était traqué par les services américains après la fin du mandat présidentiel de Joseph Kabila. Selon les recoupements de DESC, à la suite des incriminations portées contre Kahimbi par l’entourage du président Tshisekedi, sous pression des Etats-Unis, Kabila et son entourage auraient eu peur qu’il révèle certaines informations sensibles durant ses auditions. Ils ont ainsi décidé de l’éliminer. Il s’agit notamment du dossier relatif à l’implantation des combattants islamistes à Beni et en Ituri ou d’autres forfaitures commises par l’ancien régime.
« Après avoir été auditionné par les membres du CNS, Kahimbi s’était rendu à Kingakati, la résidence de retraite de Joseph Kabila. C’était jeudi dans l’après-midi », nous renseigne un officier de la DEMIAP qui précise que « Kahimbi a été tué par la kabilie la nuit après son audition. Kingakati est le dernier lieu connu où s’était rendu le général Kahimbi, avant l’annonce officielle de son décès chez lui où il avait été placé en résidence surveillée après avoir été suspendu de ses fonctions ». Une suspension intervenue après « une troisième journée d’audition sur des actes qui restent inconnus du public », rapportait le général Léon Richard Kasonga, le porte-parole des FARDC[8].
« Le général Kahimbi est mort ou a été effacé pour faire disparaitre les traces de son ex-chef dans certains dossiers qui intéressaient les Américains », notamment sa possible collusion avec la mouvance islamiste au Soudan. Son assassinat était intervenu juste après la rencontre de Kingakati, sur ordre d’un haut général congolais. Son corps inanimé a été rendu à sa famille nuitamment pour fabriquer la thèse du suicide », selon notre source.
Dans son article sur le lobbying mené aux Etats-Unis par le groupe MER en faveur de Kabila, Albert Samaha, journaliste d’investigation de BuzzFeed News que nous avions également rencontré à Bruxelles lors de son enquête, évoque le transfert du système du dispositif d’interception des communications vers sa résidence de Kingakati au cours de ses dernières semaines en tant que président. «Kabila a désactivé l’ensemble du système après les élections afin que la toute nouvelle administration ne puisse pas l’utiliser »[9].
Selon certains témoignages militaires, Delphin Kahimbi aurait reçu, la nuit de son décès, une visite d’une haute autorité de l’armée. D’autres sources ont évoqué des traces de strangulations sur son coup comme s’il avait été étranglé ailleurs avant que son corps inerte ne soit ramené à sa résidence, l’endroit déclaré officiellement de son décès. Un analyste de la DEMIAP avance les hypothèses suivantes : « soit Kahimbi ne voulait pas trahir Kabila au cours d’une audition musclée et qu’il se serait donné la mort. Soit il a été liquidé pour l’empêcher de parler ou encore il a organisé sa fuite en se faisant passer pour mort ».
La piste de l’installation d’un réseau islamiste à l’Est de la RDC
Avant sa mort, le général Kahimbi était identifié par des officiers des renseignements militaires et comme étant le responsable des recrutements et des financements des « présumés ADF » qui tuent à Beni et dans la région. Kahimbi avait mis en place un réseau parallèle au sein de l’armée qui travaille avec des anciens lieutenants de Jamil Mukulu retournés puis intégrés au sein des FARDC. Selon une source militaire proche de Kahimbi : « Lors de son interrogatoire au CNS, les services de sécurité congolais ainsi que certains services secrets occidentaux étaient inquiets de l’amitié qui liait le général major Delphin Kahimbi avec le vice-président du Soudan, le puissant général Mohamed Dogolo alias Hemeti. Ce dernier est un ami de longue date avec qui il a suivi une formation d’officier de renseignement à Karthoum. Il semble que le général Kahimbi l’aurait rencontré à trois reprises au Soudan depuis juillet 2019. Or le profil du général Dogolo inquiète les partenaires américains du président Tshisekedi vu son passé d’ancien chef de milice islamiste Janjawid au Darfour »[10]. En 2019, à la suite de la chute du régime d’Omar el-Bechir, il devient le numéro deux du Conseil militaire de transition, puis du Conseil de souveraineté, tous deux présidés par le général Abdel Fattah Abdelrahmane al-Burhan.
Entre 2018 et 2019, il nous revient d’une autre source militaire proche de Delphin Kahimbi que ce dernier se rendait souvent au Soudan pour suivre de cours de leadership (modules de formations accélérée à l’Ecole de renseignement militaire des SAF (Sudanese armed forces) située à Oudourman dans la banlieue de Khartoum. C’est ainsi que Kahimbi avait tissé des relations dans les hautes sphères militaires de ce pays, notamment pour le trafic d’uranium avec Omar el-Bechir.
Le Soudan est un des partenaires militaires discrets de la RDC où étaient formées certaines unités d’élite de la GR[11]. Il faut également signaler que le Soudan et la Corée du Nord font partie des Etats qui ont fourni clandestinement du matériel militaire à la RDC via l’aéroport de Kisangani (Bangoka), depuis l’époque de Laurent-Désiré Kabila[12], en violation de la loi sur l’embargo sur les armes, c’est-à-dire à l’insu du contrôle prévu par la MONUSCO[13]. En outre, l’Iran avait octroyé la licence de la sous-traitance de la production de ses missiles et de ses roquettes à l’usine soudanaise de fabrications d’armes de Yarmouk, près de Khartoum. Le Soudan avait également servi d’intermédiaire entre la RDC et la République islamique d’Iran dans le cadre de partenariat militaire entre ces deux derniers Etats. Toutes ces activités étaient coordonnées par Kahimbi et commençaient à inquiéter les Américains dans leur lutte internationale contre le terrorisme islamiste.
Nous savions, dans nos contacts internationaux, que les Etats-Unis s’intéressaient de près aux activités de Kahimbi, notamment ses contacts avec les dirigeants soudanais. Or on savait que Joseph Kabila et ses collaborateurs voulaient faire croire à l’opinion que les massacres de Beni sont perpétrés par des combattants islamistes érythréens, somaliens ou soudanais pour faire accréditer la thèse de la menace islamiste en vue de dédouaner certains officiers et troupes des unités de l’armée ainsi que les pays voisins comme le Rwanda et l’Ouganda de leur responsabilité dans la perpétration ou la complicité de ces massacres. C’est ainsi par exemple que depuis décembre 2016, Kabila avait recouru aux services de la firme paraétatique israélienne MER Security and Communications Systems pour faire un lobbying politico-diplomatique aux Etats-Unis. Le Groupe MER avait alors fait appel à la sous-traitance du puissant groupe de lobby américain Sonoran Policy Group (SPG) pour mener ce plaidoyer à Washington. Selon Robert Stryk, fondateur du SPG, il entendait aider le gouvernement congolais à coordonner les efforts de lutte contre le terrorisme avec Washington et demander à l’administration du président Donald Trump d’ouvrir une base opérationnelle antiterroriste avancée à l’Est de la RDC[14]. Derrière cette stratégie, Kabila cherchait à obtenir un appui diplomatique et militaire américain, avec incidence politique, pour le soutenir à mener une guerre contre cette menace universelle. De la sorte, il pourra s’imposer auprès des Américains comme étant le seul interlocuteur politique et sécuritaire valable pour contrer cette menace, vu la méconnaissance de ses opposants – même l’actuel président Tshisekedi – sur ce sujet[15]. Mais le projet avait échoué[16]. Nous savons aussi que Kahimbi était en contact avec Musa Baluku, un des ex-lieutenants de Jamil Mukulu, qui avait trahi ce dernier. Ensemble, ils auraient mis en place un réseau de recrutement des faux ADF ou de la faction ADF/MTM qui tente d’avoir des connexions avec l’Etat islamique.
Ceci explique la récente désignation par les Etats-Unis des « ADF/MTM » proches de Baluku comme étant un mouvement de l’ISIS-RDC[17]. Nous y revendrons en détail dans une prochaine analyse sur la présence de l’EI en RDC. Ce qui explique également notamment les pressions diplomatiques américaines exercées sur le président Tshisekedi pour se défaire de certains généraux proches de Kabila dont Kahimbi, John Numbi[18] et Amisi Tango Four (actuellement Inspecteur général des FARDC et sanctionné par l’UE). C’est ainsi par exemple que la mise à l’écart du général Numbi avait été saluée par les officiels américains :
Tibor Nagy, alors Sous-Secrétaire d’État américain aux Affaires africaines, avait déclaré sur son compte Twitter : « Nous nous félicitons que le général John Numbi, sanctionné par les États-Unis, ne soit plus à son poste. Les États-Unis soutiennent l’engagement du président Tshisekedi d’améliorer les droits de l’homme et de professionnaliser les forces armées congolaises ». De son côté, Peter Pham, alors Envoyé spécial des Etats-Unis dans la région des Grands Lacs, avait embrayé dans le même sens en ces termes : « J’ajoute mes félicitations à celles de Tibor Nagy pour le Président Félix Tshisekedi sur le progrès continu du programme de réforme en RDC. Les USA soutiennent les aspirations du peuple congolais à la démocratie et à l’état de droit ».
Des enquêtes étouffées pour raisons diplomatiques et d’Etat inavouées ?
Selon plusieurs sources sécuritaires, les généraux Delphin Kahimbi et John Numbi avaient joué un rôle important dans le « deal » conclu entre Joseph Kabila et son futur successeur, Félix Tshisekedi. Numbi et Kahimbi ont été les généraux qui étaient favorables à un accord de gouvernance entre Kabila et Tshisekedi, moyennant certaines concessions de ce dernier. Ils l’avaient rencontré en aparté avant l’annonce des résultats en le briefant notamment sur la situation militaire du pays. Après l’annonce des résultats provisoires proclamant la victoire de Félix Tshisekedi par la CENI, l’Union africaine (UA) avait manifesté sa réticence. Elle avait demandé « la suspension de la proclamation des résultats définitifs » pour faire régner la transparence dans un contexte de «doutes sérieux» quant à la conformité des résultats définitifs[19]. L’UA avait demandé à Paul Kagame, alors président en exercice de l’UA, de se rendre à Kinshasa à la tête d’une délégation de haut niveau de l’UA[20] pour en discuter avec Kabila. C’est alors que Joseph Kabila va dépêcher le 8 janvier 2019 une délégation composée notamment de Delphin Kahimbi et Kalev Mutond, alors patron de l’Agence nationale de renseignements (ANR), pour rencontrer Kagame dans son bunker d’Urugwiro qui abrite la présidence. La suite nous la connaissons. Kagame devient aujourd’hui le premier allié stratégique et soutien régional indispensable du président Tshisekedi dans la région.
Autre fait troublant, peu avant sa mort, Kahimbi avait suggéré à Tshisekedi de refuser l’accréditation de Vincent Karega, l’ambassadeur Rwandais à Kinshasa. Dans une note du 2 septembre 2019 (reprise ci-dessous) adressée au Conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de sécurité, François Beya Kasonga, Delphin Kahimbi alertait sur le profil dangereux et d’assassin de l’actuel ambassadeur du Rwanda à Kinshasa, Vincent Karega, déclaré « persona non grata » en Afrique du Sud en 2014 alors qu’il y était ambassadeur.
Pour rappel, les Etats-Unis d’Amérique ont profité du nouveau changement intervenu à la tête de la RDC pour être le premier Etat occidental à manifester clairement leur volonté de nouer un partenariat stratégique avec la RDC. En avril 2019, lors d’une visite de Tshisekedi à Washington, ils ont déclaré vouloir appuyer le nouveau président congolais, notamment dans le domaine de la défense[21]. Ils en profitent également pour faire pression sur le président Félix Tshisekedi pour qu’il prenne des sanctions vis-à-vis d’anciens collaborateurs de Joseph Kabila. « Comme nous l’avons déclaré constamment, ceux qui sont corrompus, commettent des violations des droits de l’homme ou qui perturbent le processus démocratique doivent être tenus pour responsables », avait réagi sur Twitter l’Ambassadeur américain à Kinshasa, Mike Hammer, au sujet de la suspension du général Kahimbi. De son côté, Peter Pham, alors Envoyé spécial des Etats-Unis dans la région des Grands Lacs, saluera également sur Twitter l’interpellation de Kahimbi en ces mots : « Nous assistons à une étape importante dans la lutte contre la corruption & l’impunité en #RDC pour laquelle @Presidence_RDC et le gouvernement devraient être applaudis. Comme je l’ai dit récemment à #Kinshasa, personne n’est au-dessus de la loi ».[22]
Une commission d’enquête militaire suspecte ?
Après la mort du général Kahimbi, une commission d’enquête militaire a été mise en place le 3 mars 2020 par le général Célestin Mbala, chef d’état-major général des FARDC. Cette Commission était composée des officiers suivants :
- Général major Marcel Mbangu Mashita (Président)
- Général de Brigade Baseleba Bin Mateto Jean (1er vice-président)
- Général de Brigade Kapinga Mwanza Mashika (2ème vice-président)
- Colonel Kapanga Kapangala Faustin (Rapporteur)
- Colonel Kikobya Sambili Dénis
- Lieutenant-colonel Nkulu Kiluba Tony (Membre).
- La composition de cette commission, selon notre analyse, appelle plutôt à un scepticisme méthodologique au regard des fonctions des militaires censés réaliser l’enquête sur les circonstances et les mobiles du décès du général Kahimbi. C’est le cas notamment du général major Marcel Mbangu Mashita, président de cette commission. Etiqueté proche du général John Numbi, ce général qui avait commandé les opérations militaires Sukola 1 à Beni, est réputé plutôt proche de Joseph Kabila.
Le Général de brigade Baseleba Bin Mateto[23] est Avocat General à l’Auditorat Général FARDC. Il était adjoint du feu Lieutenant-général Munkuntu, l’ancien auditeur général de l’armée jugé très loyal à Joseph Kabila. Cet officier général est un magistrat de la DEMIAP depuis le général Kabulo, le colonel Mulimbi, le colonel Sikatenda, le général Kitenge et le général Kahimbi. « C’est un gardien du temple militaire qui a géré des dossiers judiciaires militaires sensibles de la kabilie, selon une source militaire. Un magistrat civil qui l’a côtoyé à la faculté de droit de l’UNIKIN nous a écrit ceci : « Je crois qu’il est acquis à JKK. Il avait été chaperonné par ses frères Likulia, Akele et Fofe à l’époque de Mobutu, puis par Alamba à l’époque de Mzee ». Un autre avocat congolais de sa promotion a fait le témoignage suivant du général Baseleba : « Le gars est un bon Soldat et un juriste de qualité qui a dû bénéficier d’un bon encadrement sous les ordres du Général Likulia. Mais, depuis l’AFDL, notre ancien collègue avait été retourné par le colonel Charles Alamba pour obéir à l’œil et au doigt aux Occupants. Il a été désigné comme Conseiller juridique du GSSP[24], du temps de LD Kabila, ensuite de la GR jusqu’à deux ans avant la fin du mandat de Joseph Kabila. Actuellement, il est Avocat Général des Forces Armées, c’est à dire parmi les Substituts de l’Auditeur Général des FARDC. C’est donc l’homme de main du Général Munkunto, Auditeur Général des Forces Armées, lequel demeure très proche de JK ».
Concernant le colonel Kikobya Sambili Dénis, il est l’actuel médecin directeur de l’hôpital militaire du camp Kokolo. C’est l’homme du général Gabriel Amisi Tango Four, selon une source militaire. « Pourtant, l’armée a un médecin légiste qui est le chef du département de la médecine légale de l’Hôpital Général de Kinshasa, Mama Yemo. Il s’agit du général Tshomba qui est professeur à l’Unikin. A sa place, on choisit le colonel Kikobya qui est plutôt un généraliste ».
Conclusion : une enquête noyautée, noyée et probablement aux résultats étouffés ?
La mort du général Kahimbi, à la fois ex-collaborateur encombrant pour Kabila, « wanted » pour les Etats-Unis et témoin du deal Kabila-Tshisekedi n’arrangerait-elle pas finalement tout le monde dans une sorte de jeu à somme positive ?[25]
Si le président Félix Tshisekedi avait dans un premier temps fait état d’une mort par pendaison de l’ex-chef des renseignements militaires, rien n’est à ce jour venu étayer cette thèse. Les vrais résultats de l’autopsie du corps et de l’enquête sur son décès ne sont pas rendus publics et ne le seront probablement jamais, comme plusieurs « crimes d’Etat » ou « décès suspects » non élucidés qui ont émaillé la douloureuse histoire ensanglantée de la RDC depuis l’assassinat de Patrice-Emery Lumumba, en janvier 1961.
Jean-Jacques Wondo Omanyundu /Exclusivité DESC
Jean-Jacques Wondo est auteur, chercheur, analyste politique et expert des questions de défense et de sécurité de la RDC et l’Afrique médiane.
Références
[1] https://www.radiookapi.net/2021/02/28/actualite/securite/rdc-une-annee-apres-la-mort-du-general-kahimbi-sa-famille-reclame-que.
[2] https://www.radiookapi.net/2021/02/28/actualite/securite/rdc-une-annee-apres-la-mort-du-general-kahimbi-sa-famille-reclame-que.
[3] https://www.rfi.fr/fr/afrique/20201214-rdc-la-veuve-du-g%C3%A9n%C3%A9ral-delphin-kahimbi-d%C3%A9sormais-en-r%C3%A9sidence-surveill%C3%A9e.
[4] Après son arrivée au pouvoir en janvier 2001, Joseph Kabila a promulgué le 24 février 2002 le Décret 018/2002 portant création d’un service spécialisé des Forces armées congolaises dénommé Direction générale de la détection militaire des activités anti-patrie, «DGDEMIAP», en sigle ou DEMIAP en jargon militaire congolais usuel.
[5] Des activités de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) des anciens combattants.
[6] https://afridesk.org/apres-mundos-le-general-delphin-kahimbi-devient-il-le-nouveau-patron-des-presumes-adf-mtm-jj-wondo/.
[7] https://www.rfi.fr/fr/afrique/20201214-rdc-la-veuve-du-g%C3%A9n%C3%A9ral-delphin-kahimbi-d%C3%A9sormais-en-r%C3%A9sidence-surveill%C3%A9e.
[8] « Une action administrative et judiciaire a été lancée à l’endroit du général afin de s’expliquer sur ses actes », avait annoncé le général Léon Richard Kasonga. Ce dernier avait souligné que cette affaire ne doit souffrir d’aucune ingérence ou gesticulation extérieure https://www.politico.cd/la-rdc-a-la-une/2020/02/28/rdc-qui-est-le-general-delphin-kahimbi-suspendu-par-felix-tshisekedi.html/54848/.
[9] https://www.buzzfeednews.com/article/albertsamaha/joseph-kabila-congo-authoritarian-rule-mer.
[10] En effet, le général Dogolo est le commandant de l’une des plus puissantes milices arabes du Darfour pro-gouvernementale, dite Janjawid, dans la guerre du Darfour, puis le chef d’unités régulières paramilitaires qui ne sont en fait que des milices janjawid officialisées, à savoir la Brigade du renseignement aux frontières et les Forces de soutien rapide (FSR ou RSF).
[11] Les académies militaires soudanaises forment, depuis quelques années, plusieurs officiers congolais dans plusieurs domaines : infanterie, artillerie sol-sol et sol-air, blindés, cours de commandement et des techniciens d’état-major et au renseignement militaire depuis des années.
[12] Aujourd’hui, compte tenu de la pression américaine sur la RDC, ces livraisons se font de manière beaucoup plus discrète.
[13] Ces informations ont été documentées dans les rapports du Groupe d’experts des Nations unies sur la RDC.
[14] https://i0.wp.com/afridesk.org/wp-content/uploads/2018/05/SONORAN-Group-SPG.png.
[15]https://afridesk.org/ladf-et-la-presence-de-letat-islamique-en-rdc-a-qui-profite-cette-rhetorique-terroriste-jj-wondo/.
[16] JJ Wondo, DESC Confidentiel : Comment Kabila a tenté en vain de rencontrer Donald Trump pour s’offrir un troisième mandat présidentiel ? – DESC, 4 février 2020. https://afridesk.org/desc-confidentiel-comment-kabila-a-tente-en-vain-de-rencontrer-donald-trump-pour-soffrir-un-troisieme-mandat-presidentiel-jj-wondo/.
[17] https://www.state.gov/state-department-terrorist-designations-of-isis-affiliates-and-leaders-in-the-democratic-republic-of-the-congo-and-mozambique/.
[18] Numbi et Kahimbi étaient sanctionnés par les Etats-Unis d’Amérique et de l’UE.
[19] https://www.lefigaro.fr/international/2019/01/18/01003-20190118ARTFIG00146-rdc-l-union-africaine-demande-la-suspension-de-la-proclamation-des-resultats-definitifs.php.
[20] L’UA exhortait également la Cour constitutionnelle, chargée d’évaluer la validité du scrutin, à suspendre leur publication.
[21] Zoom Eco, 2019 (12 avril). « RDC-USA : ce que prévoit le partenariat stratégique pour « la paix et la prospérité ». En ligne sur : https://zoom-eco.net/a-la-une/rdc-usa-ce-que-prevoit-le-partenariat-strategique-pour-la-paix-et-la-prosperite/.
[22] https://afrique.lalibre.be/47212/rdc-le-general-delphin-kahimbi-suspendu-une-reponse-aux-demandes-americaines/.
[23] Le général Baseleba un juriste diplôme en droit de l’Université de Kinshasa. Il est originaire de la province de la Tshopo, issue du démembrement de la Province Orientale.
[24] Groupe spécial de sécurité présidentielle, l’ancienne garde prétorienne de LD Kabila et de Joseph Kabila devenue Garde républicaine (GR).
[25] Un jeu à somme positive est un jeu ou un arrangement dans lequel chacun des protagonistes gagne quelque chose.