Les guerres ont-elles toujours une origine religieuse ?
Article publié sur le site officiel de la ville de Genève, mis à jour le 14.09.2016
http://www.ville-geneve.ch/index.php?id=16358&id_detail=3155
Archives InterroGE – Question / réponse
Cet article des Bibliothèques municipales de la Ville de Genève est une tentative de réponse à une question posée par un internaute sur le lien entre les guerres et la religion.
Réponse des Bibliothèques municipales de la Ville de Genève
Bonjour,
Nous vous remercions d’avoir fait appel au service Interroge Archives InterroGE des Bibliothèques municipales de la Ville de Genève. Voici le résultat de nos recherches :
L’ouvrage « Pourquoi les guerres ? : un siècle de géopolitique » http://bit.ly/1JRGkaq de François Géré contient un chapitre intitulé « Mobiles » qui répond à votre question. Il semble, d’après ces quelques extraits que nous vous proposons ci-dessous, que les causes et origines des guerres soient souvent diverses et par conséquent, imbriquées :
« Un classement plus fin permet de considérer différents mobiles :
– Les mobiles du premier ordre.
Survivre : c’est la relation primordiale du groupe humain à la nature, à l’écosystème ;
[…]
– Les mobiles du second ordre.
Ils concernent la recherche de la prospérité et de son accroissement. Ce domaine est certainement le plus fluctuant.
[…]
– Les mobiles d’ordre ultime ou supérieur.
Ils correspondent à l‘idéologie : éthique, religion, systèmes de valeur présentés comme universels, parfois par simple auto-proclamation.[…]
Enfin, on doit considérer que dans le géosystème complexe formé par les différents acteurs dont les mobiles diffèrent, ces ordres se trouveront forcément croisés. »
Suite à cette partie introductive, vous trouverez des chapitres aux intitulés parlants, tel que « La démographie, une arme de guerre », « Faim de terres, risques de guerres », « L’eau, à la source d’innombrables conflits », « Matières premières, matières stratégiques ? », « Les flux financiers et boursiers », ou encore « L’intemporelle pulsion nationaliste » et « Fondamentalistes : des facteurs de tension ».
La question des enjeux stratégiques, par exemple, est abordée dans l’ouvrage d’Eric Laurent « La face cachée du pétrole » http://bit.ly/1Sk448y. Il revient notamment sur les conflits armés au Proche Orient : « Plus récemment, la guerre en Irak ou la guerre d’Afghanistan ont rappelé les enjeux énergétiques pouvant conduire aux conflits armés. L’Irak disposait en 2002 de la deuxième réserve pétrolière de la planète. L’Afghanistan, outre ses réserves de gaz, représentait une position stratégique dans le transport du pétrole et du gaz turkmènes ».
L’article de Jean-Jacques Omanyundu Wondo de juin 2014 intitulé « Ce qu’il faut savoir sur la guerre » http://afridesk.org/ce-quil-faut-savoir-sur-la-guerre-par
tie-ii-les-causes-des-guerres-jj-wondo/ propose une synthèse des raisons historiques qui poussent des communautés au conflit :
« Les causes de conflit sont vieilles comme le monde. Les conflits découlent souvent de revendications de territoires, surtout à cause des ressources qu’on y trouve. Ils sont exacerbés par des émotions et des sentiments humains comme la peur, l’appât du gain, la haine et l’ambition, alliés à des intérêts politiques, économiques, ethniques, nationalistes et autres enjeux religieux. À l’heure actuelle, la plupart des conflits ont tendance à être «intra-États» et à découler de discordes religieuses, tribales ou ethniques (comme c’est le cas à Chypre, en Irlande du Nord, dans l’ex-Yougoslavie, en Côte d’Ivoire, au Soudan, dans certains pays du Sahel et de l’Afrique centrale). […] La guerre, malgré ses risques évidents, restera encore longtemps pour un État, même moderne, une solution rationnelle à ne pas négliger pour, de façon plus rapide et plus sûre, accumuler des richesses ou avantages de toutes sortes, où résoudre des problèmes. »
Jean-Jacques Wondo continue son article ainsi : « Le théoricien du courant néoréaliste des relations internationales, Kenneth Walz (« Man, the State, and War » http://data.rero.ch/01-0834907 , [1959]) s’interroge, au travers d’une variété d’auteurs, sur les causes majeures des guerres. Il en isole trois images interdépendantes qui, à ses yeux, constituent les racines fondamentales de la guerre : a) la nature et le comportement humains, b) la structure interne des Etats et c) le système international. »
Pour revenir plus précisément sur les liens qui peuvent exister entre les guerres et les religions, Eric Morier-Genoud et Didier Péclard nous livrent leur analyse dans un article publié sur le site « Le fait missionnaire (LFM) » dans le journal « Social Sciences and Missions / Sciences sociales et mission » http://www2.unil.ch/lefaitmissionnaire/Introduction_13.pdf : « Il y a plusieurs manières d’aborder la problématique des liens entre guerre et religion. On peut choisir tout d’abord d’étudier les effets de la première sur la seconde : analyser les changements d’ordre théologique, les évolutions institutionnelles des Eglises, et repérer les changements que les croyants apportent à leur culte à cause d’hostilités armées. Une autre approche consiste à étudier le rôle de la religion dans la guerre, que ce soit aux origines du conflit, comme facteur structurant et alimentant ce dernier, ou comme moyen d’y mettre fin. On peut aussi aborder le thème sous l’angle des « guerres de religion(s) ». Mais comme le dit justement Marc-Antoine Pérouse de Montclos à propos du Soudan contemporain, les conflits où la foi joue en apparence un rôle primordial ne sont en général des guerres de religion qu’ « en trompe l’oeil » : la politique y joue en réalité un rôle très important, les inégalités sociales et économiques en sont souvent des causes fondamentales, et la culture est inséparable de la religion. Il n’y a donc jamais de guerre uniquement religieuse ; a contrario, si le répertoire du religieux est invoqué, le conflit a quelque chose de religieux malgré tout – qu’on le veuille ou non. »
Dans le même article, les deux auteurs ajoutent : « Le rôle ambigu de la religion en relation à la guerre est un fait acquis dans la littérature. La foi et les Eglises peuvent contribuer à attiser les haines, comme l’a attesté de manière tragique le génocide rwandais, ou encore, plus récemment, la guerre civile en Côte d’Ivoire. Mais la religion est parfois aussi un facteur de résolution, d’apaisement ou de prévention des conflits, et elle peut donner sens et corps à un discours et à des pratiques de réconciliation ».
Ce texte fait d’ailleurs référence à un article de Marc-Antoine Pérouse de Montclos « Le Soudan. Une guerre de religions en trompe l’oeil », paru dans l’ouvrage « Islams d’Afrique : entre le local et le global » http://data.rero.ch/01-R003383855 , partiellement consultable en ligne http://bit.ly/1JRJueg et dans lequel vous pourrez lire notamment que :
« En réalité, comprendre les hostilités du Sud-Soudan comme une guerre de religions serait extrêmement réducteur.[…] Dans un pays à 70% musulman, l’enjeu de la lutte entre un régime islamiste et une guérilla nationaliste, […], est d’abord politique : il concerne le partage du pouvoir et des ressources afférentes, notamment le pétrole, dont l’exploitation a démarré sur une grande échelle en 1999. La religion, de ce point de vue, ne constitue jamais qu’un mode de mobilisation, un catalyseur des passions.[…] »
Pour aller plus loin sur ce sujet complexe, nous vous invitons à consulter les ouvrages suivants, disponibles aux bibliothèques municipales
« De la guerre » http://bit.ly/1L55VwX de Carl Von Clausewitz
« L’art de la guerre » http://bit.ly/1JKnwcZ de Sun Zi
« Les guerres de religion » http://bit.ly/1INR1KI de Pierre Miquel
« Pourquoi la guerre ? » http://bit.ly/1JOezxO d’Albert Einstein
« Au nom de Dieu ! : les guerres de religion d’aujourd’hui et de demain » http://bit.ly/1JRIqXE de Joseph Yacoub
« Le grand livre de la stratégie » http://bit.ly/1Sk2SSG d’Edward Luttwak
Nous espérons que ces éléments vous aideront dans votre recherche. N’hésitez pas à nous recontacter pour tout complément d’information ou toute autre question.
Cordialement,
Les Bibliothèques municipales de la Ville de Genève
http://www.bm-geneve.ch
http://www.interroge.ch

