Recrudescence des assassinats ignobles dans le district de police du général Kanyama « esprit de mort » – Est-ce du terrorisme d’État planifié ?
En l’espace d’un mois quatre assassinats odieux ont été commis dans la commune de Ngaliema. Une commune résidentielle huppée jadis réputée pour la quiétude et la qualité de vie qu’elle offrait à ses habitants au nombre desquels des autorités politiques, des diplomates et autres opérateurs économiques, c’est-à-dire la classe dite « bourgeoise » kinoise. Une commune qui , rien que par ce statut, devrait bénéficier d’une surveillance sécuritaire de premier ordre assurée par les éléments de la police nationale congolaise (PNC).
Voilà que depuis peu, cette commune devient le théâtre des assassinats ignobles dont les autorités peinent à mettre la main sur les auteurs. Ce qui interpelle plus d’un observateur est que ces crimes, comme nous le mentionnions dans un précédent article : (http://afridesk.org/whos-who-linspecteur-divisionnaire-adjoint-de-la-pnc-celestin-kanyama-esprit-de-mort/), sont tous perpétrés dans le district de police de Lukunga qui abrite les banlieues résidentielles, le centre ville, la cité administrative et diplomatique de la capitale. Un district de police placé sous l’autorité du général Célestin Kanyama dit esprit de mort.
D’abord dans la nuit du dimanche 24 novembre, entre 0h00 et 1h00 du matin, le député provincial et président provincial du Mouvement de libération du Congo (MLC) au Bas-Congo, Lajos Bidiu Nkebi Nkebila, a été abattu par des hommes en armes dans sa résidence à Kinshasa dans la commune de Ngaliema alors qu’il revenait d’une fête de mariage. A peine entré dans la parcelle, trois hommes cagoulés en civil ont surgi pour lui demander de l’argent. Ces malfrats armés lui ont tiré trois balles, deux dans le ventre, une dans le pied.
Le mardi 10 décembre 2013, les habitants de l’avenue Haute tension dans le quartier Ma Campagne, le même quartier où fut assassiné cinq ans plus tôt, dans la nuit du 5 au 6 juillet 2008 vers 2h00 du matin, Daniel Botheti, l’ancien Vice-président de l’Assemblée provinciale de Kinshasa alors qu’il revenait lui aussi d’une fête de mariage à bord de sa voiture ; se sont réveillés en découvrant les corps sans vie de deux jeunes-gens âgés d’une trentaine d’années qui baignaient dans leurs sangs.
Abattus visiblement la nuit par balle par des éléments incontrôlés et laissés-pour-compte de l’armée ou de la police, deux jeunes, Chico et Youla dit Vieux Mobutu, selon les témoignages des habitants, ont été atteints par balles non loin de la résidence du député national Né Mwanda Nsemi et du sous-commissariat de ce coin de la capitale.Le malheur de ces deux kinois, en attendant que les enquêtes de la police aboutissent, est qu’il se trouvait à l’arrêt de transports en commun appelé Sakombi, en compagnie d’autres amis.
Durant la période électorale de 2011, certaines autorités provinciales de Kinshasa et d’autres politiciens ont fait recours aux « Kuluna », des jeunes désœuvrés agissant sous l’emprise de produits stupéfiants, qu’ils ont équipés d’armes blanches, principalement des machettes gourdins et pour s’en prendre aux candidats de l’opposition.
Contrairement à de fausses informations diffusées par une certaine presse affidée au pouvoir, les deux victimes n’étaient nullement des «Kuluna » (des jeunes délinquants qui sévissent généralement en bande et qui font actuellement l’objet d’une traque irrationnelle des autorités policières de la capitale qui les exécutent de manière extrajudiciaire). De plus selon les témoignages que DESC a recueillis auprès des membres de la famille citant des témoins anonymes par peur des représailles, dans leur fuite et surtout leur peur des hommes en armes qui, généralement en RD Congo sont acteurs et vecteurs de l’insécurité que de la protection des citoyens et de leurs biens, les deux jeunes gens auraient déclaré à leurs bourreaux, dans leur tentative de sauver leur vie, ne pas être des voleurs encore moins des «Kuluna».
Ainsi, dans notre quête d’information à la source, DESC est à mesure de confirmer que le jeune surnommé « Vieux Mobutu » s’appelle en réalité Papy Viala. Il est le fils d’un officier pilote ex-FAZ, le colonel Viala, qui a fait partie de l’opération Epervier au Tchad dans les années 1980. Suites aux vives protestations des collègues militaires du père du défunt auprès du général Kanyama « esprit de mort », ce dernier a repris contact par téléphone avec la mère du défunt. Kanyama a assuré à la famille éprouvé qu’une autopsie légale sera effectuée sur les corps des victimes pour déterminer la nature et l’origine des balles ainsi que le type d’armes utilisées pour déterminer s’il s’agit ou non des policiers et éventuellement les identifier les auteurs. Mais les membres des deux familles restent dubitatifs et sont convaincus qu’i s’agit d’une manœuvre de diversion qui vise à calmer les esprits suite à la vive tension manifestée par les habitants du quartier et de la commune de Ngaliema, excédés par l’impuissance et l’inefficacité de la police de lutter correctement contre le grand banditisme qui sévit dans leur environnement de vie. Ce, d’autant qu’à ce jour, très peu d’assassinats commis dans ce district ont permis de mettre la main sur les vrais auteurs.
Last but not least, dans la nuit de mardi à mercredi 11 décembre au quartier Anciens combattants où vivait le député MLC assassiné Lajos Bidiu Nkebi Nkebila, toujours dans la commune de Ngaliema, Zone opérationnelle de police sous autorité du général Kanyama, Madame Assy, la quarantaine révolue, a été mortellement abattu par des hommes en armes. Selon les témoignages d’un des colocataires de la défunte, la victime était en visite chez son frère lorsque des hommes armés ont fait irruption dans leur parcelle pour leur exiger de l’argent: « Le frère de la victime leur a remis 460$US. Il pensait que le problème est fini. Ces bandits qui étaient à trois, se sont encore retournés vers la victime. Ils lui ont aussi demandé de l’argent. Et comme elle n’avait rien, on l’a abattu ». Puis le témoin de s’exclamer du fait que les faits se soient déroulés dans une parcelle contiguë à celle d’un général d’armée, sans que les six gardes militaires de ce dernier ne réagissent.
Selon des habitants de cette cité, il ne se passe pas une nuit sans que des familles soient visitées par des hommes armés. Ils signalent des actes de vandalismes, extorsions et menaces. Pour sa part, la police située à quelques mètres seulement de ces lieux de crimes dit être débordée par ces actions et demande le renforcement des équipes de patrouille.
Il y a lieu de rappeler que depuis quelques semaines, les autorités en charge de la sécurité de la capitale mènent la traque contre les jeunes Kulunas dans le cadre de l’opération dite « Likofi » (coup de poing). Paradoxalement, on constate que cette opération devient une aubaine pour certains éléments armés, vraisemblablement des services de sécurité et/ou de l’armée, incontrôlés et d’autres politiquement manipulés qui en profitent pour commettre des crimes crapuleux, s’attaquer aux populations et instaurer un climat de terrorisme d’Etat au sein de la population.
Nous craignons qu’avec des budgets insignifiants consacrés à l’armée et aux forces de police que les militaires et les policiers se servent de plus en plus de leurs armes pour semer l’insécurité dans la capitale. Il n’est pas non plus exclus, vu la similitude de l’évolution de la situation par rapport à l’époque de Mobutu, que ces derniers se livrent à des actes de pillages qui pourraient sans doute sonner le glas d’un régime qui, faute de volonté politique dans les échelons les plus élevés, peine à mener correctement les réformes de l’armée et de la police attendues depuis plus de 10 ans.
Espérons que dans sa promesse de « frapper ! », le ministre de l’Intérieur, Richard Muyej, trouve des solutions structurelles efficaces dans la lutte contre la grande criminalité. Des solutions criminogènes qui doivent émaner d’abord en amont, c’est-à-dire auprès des personnes potentielles que présentent le haut risque de banditisme, c’est-dire les hommes en armes des FARDC et de la PNC avant de s’attaquer aux mesures de prévention situationnelle et dissuasive avant de « frapper » par la répression qui généralement agit en aval une fois que les forfaitures sont commises. Tels sont les bons conseils criminologiques que nous pouvons prodiguer au Ministre.
Pour rappel, dans le lot des crimes commis dans le district de police de Lukunga, on peut également citer quelques uns, la liste n’étant pas exhaustive :
- L’assassinat de Floribert Chebeya et Fidel Bazana . Le corps du premier a été retrouvé en juin 2010 à Mitendi dans la commune de Mont-Ngafula. Une commune faisant partie du district Lukunga. Le corps du secind serait jeté dans le fleuve Congo aux environs de Kinsuka, toujours dans le district sous le commandement de Kanyama.
- L’assassinat de l’honorable Marius Gangale, député provincial MLC et Président du groupe parlementaire de l’opposition à l’Assemblée provinciale de Kinshasa, à quelques jours des élections de novembre 2011.
- L’assassinat le 25 décembre 2012 du général Bikueto Tuyinabo, ancien commandant en second et instructeur de la base de Kitona.
- L’assassinat dans la nuit de samedi 07 au dimanche 08 septembre 2013 vers une heure du matin, de Maître Guillaume Kahasha Ka Nashi, unhaut cadre de l’Udemo de Mobutu Nzanga.
Pour mémoire, dans les régimes autocratiques ou d’apparence démocratique, la terreur est une stratégie à la disposition d’un État pour obtenir, à l’intérieur de son territoire, la passivité de la population, ou d’une partie de la population, dans le cadre d’une lutte contre-insurrectionnelle, ou anti-contestataire pour museler et neutraliser toute opposition politique. Au XXème siècle, cette stratégie a été couramment mise en œuvre par des régimes dictatoriaux d’Amérique latine et presque partout en Afrique. Les assassinats, les disparitions de personnes, l’usage de la torture, l’emploi d’ »escadrons de la mort » visait à ’sidérer’ une population. L’expression ’terrorisme d’Etat’ – dont le terrorisme urbain est une des composantes – permet de qualifier l’usage par certains gouvernements d’organismes clandestins – ou organisations-écrans -, de groupes paramilitaires leur permettant de réaliser des actions violentes hors de la légalité, sans à en assumer les responsabilités et les conséquences. L’ex-« bataillon Simba » impliqué dans l’assassinat de Chebeya est une illustration de ces escadrons de la mort. (Cf. Les Armées au Congo-Kinshasa). Il en existe encore une multitude au sein de l’armée (la GR), la police et d’autres organes de sécurité parallèles.
Jean-Jacques Wondo
Analyste des questions sécuritaires de la RD Congo.
Détenteur d’un DEC 3 en science politique (ULB)
Criminologue (Univ. Liège) , diplômé de l’ERM et breveté de l’École d’application de l’École royale de gendarmerie (Belgique)