Spécial DESC : Qui sont les sécurocrates qui ‘encerclent’ Félix Tshisekedi ?
Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Six mois après sa proclamation par la CENI comme Président de la République, Félix Tshisekedi constitue progressivement son pré-carré militaire et sécuritaire au sein duquel François Beya Kasonga, son conseiller spécial en matière de sécurité, joue le rôle central. Si les Katangais ont dominé l’espace sécuritaire sous Joseph Kabila, on constate que leur influence autour du nouveau président Tshisekedi, quoique discrète, est loin de faiblir. Signe évident de l’arrangement entre Kabila et son successeur qui se sont rencontrés, au-moins à deux reprises, en tête-à-tête à Kingakati, quelques jours qui ont précédé la publication des résultats de la présidentielle par la CENI. Cependant, le nouveau président tente de conforter sa sécurité en recourant aux services de quelques Luba qui ont évolué dans les secteurs de la défense et de la sécurité de son prédécesseur. La présente analyse tente de décrypter le rôle des acteurs clés du nouveau paysage sécuritaire du Président Tshisekedi.
François Beya Kasonga, l’homme-orchestre du dispositif sécuritaire de Tshisekedi
Un des piliers du système sécuritaire de Tshisekedi, François Beya, est l’homme qui initie le nouveau président dans ce domaine très sensible. Il est un des rares sécurocrates qui ont servi plusieurs régimes successifs en RDC, depuis Mobutu où il a fait ses débuts dans le sérail des services de renseignements congolais au début des années 1980, vers les années 1984, sous le mentoring de Jean Seti Yale dont il deviendra un des bras droits comme Secrétaire particulier du conseiller spécial en matière de sécurité. Il connaîtra un exil à l’arrivée de l’AFDL avant de réintégrer l’ANR. Il sera le directeur de cabinet du directeur général de l’époque, Didier Kazadi Nyembwe. En 2007, Beya sera nommé par Joseph Kabila au poste de Directeur général de la DGM. Un poste stratégique qu’il occupera pendant 12 ans, jusqu’à sa nomination à la fonction de Conseiller spécial en matière de sécurité de Félix Tshisekedi.
Pour ceux qui connaissent le fonctionnement de Joseph Kabila, ce dernier ne peut laisser aucun de ses collaborateurs dans un poste stratégique, tel que la police des frontières, pendant plus de 10 ans sans s’assurer de sa loyauté totale. Sur ce registre, seuls le général Didier Etumba, Kalev et Beya ont mérité la confiance de Kabila pour lui avoir été totalement soumis et dévoués. La nomination de Beya, malgré ses origines luba, illustre effectivement la mainmise subtile que Joseph Kabila tient à avoir dans ce domaine, l’un des leviers stratégiques, outre les finances et les mines, qui lui permettront de revenir au pouvoir en 2024, selon les sources de son entourage. Il s’agit également d’un compromis entre Kabila et Tshisekedi d’autant que par le passé, Beya s’était fait passer comme étant l’avocat discret de la famille Tshisekedi auprès de Joseph Kabila. Malgré son côté discret, affable et courtois, François Beya Kasonga fait partie des hommes de confiance de Joseph Kabila, imposés à Félix Tshisekedi. Considéré comme un « modéré », Beya est un adepte des méthodes policières soft et d’une certaine ouverture trompeuse envers le monde politique – avec lequel il sait souffler le chaud et le froid – et diplomatique. Il n’en demeure pas moins que l’homme cache une dureté dans l’exécution finale de ses missions.
François Beya, fort des formations complémentaires dans le domaine des renseignements et de contre-espionnage en Israël par le Mossad puis en Belgique et aux Etats-Unis, essaie d’exploiter son carnet d’adresses internationales au profit du nouveau président, tout en jouant un discret rôle de médiateur auprès des opposants du nouveau régime congolais. Sa présence discrète en France et en Belgique a été signalée à plusieurs reprises. Cependant, l’homme reste une main de fer dans un gant de velours qui veut à la fois séduire les Occidentaux et rapprocher les opposants au nouveau président, sans lâcher son ancien maître Kabila, partisan des méthodes répressives. Il s’agit d’un jeu d’équilibriste qu’il doit conjuguer au quotidien mais qui pourrait montrer ses limites à termes. Au sein de la présidence, il gère le Centre de coordination de renseignements (CCR).
Roger Kibelisa Ngambasui, l’ex-numéro 2 de l’ANR devenu Assistant principal de François Beya
Si la nomination de François Beya, l’ancien Directeur général de la DGM, la police des frontières, et homme de main de Joseph Kabila, avait suscité des applaudissements des partisans du président Félix Tshisekedi, à majorité luba, là où DESC dénonçait une stratégie subtile de Kabila de faire entourer Tshisekedi par ses anciens collaborateurs loyaux, la nomination de Roger Kibelisa, l’ancien administrateur adjoint de l’ANR, au poste d’Assistant principal de Beya tend à conforter notre analyse. Pour cause, Roger Kibelisa, a été sanctionné par l’UE pour avoir été activement « impliqué dans des campagnes d’intimidation menées par l’ANR, en direction des membres de l’opposition, y compris des arrestations arbitraires et des détentions », indique l’UE.
Pour rappel, Roger Kibelisa est originaire de l’ancienne province du Bandundu, était le numéro deux de l’ANR et responsable direct des arrestations illégales, extrajudiciaires des opposants, des activistes des droits de l’homme, des journalistes et des jeunes militants des mouvements citoyens. Les arrestations de Madame Bernadette Tokwaulu en 2016, de l’activiste Christopher Ngoy, de Diomi Ndongala, de Jean-Claude Muyambo, etc. ont été opérées sous sa supervision directe. En 2016, Kibelisa s’est rendu avec une équipe d’enquêteurs afin de nettoyer et démonter ce que l’ANR qualifiait de « réseau de Moïse Katumbi au sein des services de sécurité et dans le Katanga ».
La présence gênante de Kibelisa dans le cabinet présidentiel vise à la fois de marquer à la culotte son chef, Beya, et l’empêcher de prendre des décisions politiques et sécuritaires qui pourraient gravement nuire à l’avenir politique de Joseph Kabila.
Inzun Kakiat, Directeur général de l’ANR
Inzun Kakiat, était l’adjoint de Kalev Mutondo à l’ANR. C’est un Mbunda d’Idiofa, de la province du Kwilu, dans l’ex-Bandundu. Il a œuvré dans la discrétion au sein de l’ANR où il a fait l’essentiel de sa carrière professionnelle. Jugé compétent par ses collaborateurs, Kakiat s’est également illustré négativement dans la conception de plusieurs opérations répressives envers les protestataires du régime de Kabila. Des sources de l’ANR mettent sur son compte la planification de certaines actions répressives en l’encontre des opposants en exil. Dépositaire des méthodes dures de la machine infernale de l’ANR, quelle sera la marge de manœuvre de Kakiat par rapport à l’humanisation de ce service qui dépend directement du président de la République et son indépendance vis-à-vis de Kabila dont il a été loyal ?
Le Général d’armée Célestin Mbala Munsense : Chef d’état-major général des FARDC
Le général-major Célestin Mbala Munsense a été promu le 14 juillet 2018 au poste de Chef d’état-major général des FARDC. Il a été confirmé à son poste, élevé au grade de général d’armée (quatre étoiles), par le président Tshisekedi, le 22 mai 2019, en signe de continuité du dispositif existant. Célestin Mbala est natif de Lubambashi, en 1956, d’un père mulubakat originaire du territoire de Nyunzu dans la province de Tanganyika et d’une mère luba du Kasaï-Oriental. Cette origine hybride aurait joué dans son maintien à ce poste. Le nouveau président espère, sans doute, qu’il pourrait un jour lui manifester une loyauté ethnique forte.
A l’instar de son prédécesseur, le général Didier Etumba, le général Célestin Mbala reste en quelque sorte un chef sans troupes. Durant sa carrière militaire, il n’a pas commandé directement des unités opérationnelles, car ayant été essentiellement un officier administratif. Plusieurs sources militaires qui ont travaillé avec lui le décrivent comme un homme discret et travailleur. Cependant, le général Munsense fait partie des faucons militaires du régime. Il prônait la sévérité envers les opposants à Kabila et les Occidentaux, jusqu’à encourager Kabila à ne pas céder son pouvoir. Il a longtemps exercé une grande influence auprès de l’ancien chef de l’Etat dont il bénéficiait d’une grande confiance[1]. Il a également géré pendant longtemps les finances et les fonds spéciaux de la Défense. Pratiquement toutes les principales commandes des matériels militaires stratégiques étaient traitées par lui, en collaboration étroite et discrète avec le général François Olenga.
Le Général Mbala est un ex-FAZ formé à l’Ecole de formation des officiers (EFO) de Kananga. Il pourrait profiter de ce statut pour initier un rapprochement avec les anciens militaires ex-FAZ se trouvant en exil que le nouveau président essaie de faire revenir en RDC pour faire le contrepoids des militaires kabilistes de la vague de l’AFDL. C’est dans ce sens d’ailleurs qu’on pourrait interpréter la cérémonie du 17 mai 2019 en l’honneur du « Soldat Congolais », une symbolique qui a permis d’honorer quelques officiers généraux ex-FAZ.
Le général d’armée John Numbi Banza Tambo : Inspecteur général des FARDC
Ce kabiliste joséphite de première heure, originaire du Haut-Lomami, demeure l’un des militaires les plus puissants du pays et l’un des hommes de confiance de l’ancien président Kabila. Il reste très influent dans l’armée, particulièrement au sein de la GR[2], et dans la police congolaise. Selon des indiscrétions, il aurait joué un rôle important dans le rapprochement entre Kabila et Tshisekedi avant la proclamation de ce dernier par la CENI. C’est l’homme sur qui compte Kabila pour neutraliser Katumbi dans le Katanga. DESC dispose de plusieurs informations crédibles en ce sens, obtenues des sources militaires et de l’ANR.
Malgré l’ombre du double assassinat de l’activiste des droits de l’homme, Floribert Chebeya et son chauffeur Fidèle Bazana, le général Numbi est considéré comme étant l’un des rares généraux capables d’opérer un coup de force[3] contre le nouveau régime. Dans une nouvelle conjoncture politique où le Rwanda se montre plus présent aux côtés de Tshisekedi, le général Numbi reste également un élément catalyseur stratégique. Il a toujours entretenu d’excellentes relations avec les autorités rwandaises qui le considèrent comme « un homme ouvert au dialogue, pragmatique et qui va droit au but »[4]. Il a joué un rôle clé dans les négociations secrètes qui ont abouti à l’opération Umoja wetu (Notre unité), menée conjointement entre l’armée rwandaise et les FARDC dans le Nord-Kivu entre janvier et mars 2009[5]. Numbi est sous sanctions de l’Union européenne, les États-Unis et la Suisse.
Le général-major Gabriel Amisi Kumba Tango Four : Chef d’état-major adjoint des FARDC
De l’ethnie Kusu dans la province du Maniema, connu sous le code de « Tango Four » pour avoir été responsable de la logistique (T4 en jargon militaire) au sein de la rébellion pro-rwandaise du RCD-Goma, Gabriel Amisi Kumba fait partie des généraux de confiance et loyaux au président Kabila. Cet ex-FAZ s’est rallié à la rébellion de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) en 1996 avant de rejoindre le RCD-Goma. Il s’est ensuite rapproché du président Kabila en 2004 lorsque ses compagnons d’armes Nkunda et Mutebusi ont créé la rébellion du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP)[6]. Des observateurs et des sources militaires accusent le général Amisi d’être une sorte de « cinquième colonne » du Rwanda en RDC[7], ayant joué notamment un rôle néfaste décisif lors de la prise de Goma par le M23 en novembre 2012[8].
Le général Amisi, qui est actuellement très présent au Nord et au Sud-Kivu, est régulièrement cité par des sources militaires locales comme planificateur, aux côtés du général Delphin Kahimbi, de l’insécurité qui règne actuellement dans cette partie du pays toujours convoitée par le Rwanda voisin. Le dégel diplomatique actuel entre le Rwanda et la RDC leur permet d’imprimer davantage leur influence dans le dispositif militaire de Tshisekedi. Ce qui à terme, pourrait gravement nuire à l’action politique de ce dernier qui est de plus en plus considéré par une large opinion publique comme le nouveau cheval de Troie de Kagame en RDC. .
En tant que Chef d’état-major adjoint des FARDC chargé des opérations et de renseignements, soit le numéro deux de l’armée, Amisi reste le véritable chef opérationnel des FARDC, vu sa proximité avec des unités combattantes stratégiques de l’armée, notamment les anciens régiments rebelles rwandophones intégrés dans l’armée et impliqués dans les massacres de Beni[9] et du Kasaï[10]. Avec Tshisekedi au pouvoir et sa méconnaissance de l’armée, Gabriel Amisi reste un homme-orchestre de Kabila au sein de l’armée.
Le général Gaston Hughes Ilunga Kampete : Commandant de la GR
Le général Gaston Hughes Ilunga Kampete est un Katangais, Mulubakat de la nouvelle province de Tanganyika. C’est un ancien commandant d’escadron blindé de la DSP sous Mobutu. Il a dirigé la force d’intervention de la GR, dont l’action a été décisive lors de l’assaut final contre le M23 en 2013. Il est apprécié par les troupes de la GR[11] qu’il dirige depuis le 16 novembre 2014.
Le général Ilunga Kampete est décrit par des sources militaires comme l’homme sur qui Kabila reposait sa sécurité personnelle et celle de son régime. Ilunga Kampete fait également partie de la clique des généraux qualifiés d’« extrémistes katangais » qui militaient activement pour un verrouillage total de l’appareil sécuritaire par les ressortissants du Katanga. Depuis sa nomination à la tête de la GR, il ne cesse de manifester une loyauté absolue envers Kabila jusqu’à présent. Ce, au point de mettre à sa disposition une impressionnante garde personnelle de plusieurs compagnies de la GR, qui échappent au contrôle de la hiérarchie militaire. Comme Numbi et Amisi, le général Ilunga Kampete est également sous sanctions de l’Union européenne, de la Suisse et des Etats-Unis.
Le général major Jean-Claude Yav Kabej : chef d’état-major particulier adjoint du président
Le Lunda katangais Jean-Claude Yav est l’un des hommes de confiance de Joseph Kabila, également maintenu à ce poste très stratégique par le président Félix Tshisekedi, le 22 mai 2019. C’est un ancien lieutenant du corps de la garde frontalière de l’armée congolaise qui a rejoint l’AFDL en 1996. Il est, depuis juillet 2018, le chef d’état-major particulier du président et chef de la maison militaire. Jean-Claude Yav fait partie des « faucons » de l’ancien régime de Kabila envers qui il manifeste une loyauté absolue. Il est en réalité le vrai patron des renseignements militaires, chargé de suivre de près tous les généraux et les officiers supérieurs des FARDC. Il est l’œil et l’oreille militaire de Joseph Kabila au sein de la Présidence. Son maintien à ce poste confirme la mainmise totale de Joseph Kabila sur le dispositif de Félix Tshisekedi qui se présente de plus en plus comme un président sans troupes, sous surveillance militaire étroite des « faucons » de Kabila.
Pour nous, c’est une occasion manquée pour le président Félix Tshisekedi d’imprimer une nouvelle dynamique positive dans la réforme de l’armée et même dans l’optique de renforcer son assise au sein de l’armée. La nomination du chef de la maison militaire n’est subordonnée à aucun contreseing militaire[12]. Les attributions légales du chef de la maison militaire du chef de l’Etat sont tellement étendues que la Garde républicaine est placée sous son autorité fonctionnelle. De plus, c’est encore le chef d’état-major particulier du président qui coordonne tous les services de sécurité et de renseignement.
Pour rappel, l’article 75 de la Loi organique sur les FARDC stipule que L’Etat-Major Particulier du Président de la République a pour missions de :
– assister le Chef de l’Etat dans la conception et l’élaboration de la politique de défense et de sécurité ;
– aider le Chef de l’Etat dans la conduite et la coordination de toutes les activités relatives à l’organisation, à l’instruction et l’équipement des Forces Armées ;
– accomplir ou exécuter toutes les tâches qui lui sont confiées par le Président de la République.
Il s’agit ici d’une opportunité que n’a pas pu saisir le président Tshisekedi pour se constituer un cabinet militaire privé en parallèle et hors de toute intrusion malsaine de Joseph Kabila, malgré la nomination du général François Kabamba Kasanda comme son conseiller militaire privé. Car je vois mal comment faire du neuf avec du vieux establishment militaire.
Le général major Delphin Kahimbi, le Sous-chef d’état-major des FARDC chargé des renseignements militaires (Ex-Démiap)
Ancien chef d’état-major des renseignements militaires (Ex-Démiap), le général major Delphin Kahimbi, a été nommé Sous-chef d’état-major général chargé des renseignements le 14 juillet 2019. Cet ancien combattant de l’AFDL, de l’ethnie havu de Kalehe dans le Sud-Kivu, né en 1969 et recruté en 1996 au début de la rébellion de l’AFDL, reste un des fidèles lieutenants de Joseph Kabila.
Le général Kahimbi a connu une ascension militaire fulgurante au sein des FARDC. Formé en transmissions au sein de l’Armée patriotique rwandaise, Kahimbi a maintenu d’excellents rapports avec le Rwanda et les soldats rwandophones évoluant dans les FARDC. Il fut officier de transmissions de James Kabarebe entre 1997 et 1998, lorsque ce dernier était le chef d’état-major général des FAC, puis directeur des transmissions militaires à l’état-major de la force terrestre dirigée à l’époque par Joseph Kabila. Kahimbi a eu également la responsabilité de l’approvisionnement des maquis des rebelles burundais du CNDD/FDD de Pierre Nkurunziza et des FDLR rwandais depuis Kamina dans l’ex-Katanga. Il continue d’entretenir le réseau FDLR et plusieurs milices locales dans le désordre sécuritaire qui ravage l’est du Congo.
Le général Kahimbi dispose d’une influence assez forte dans l’armée congolaise pour avoir tissé des contacts avec plusieurs commandants des troupes opérationnelles dont il assurait les liaisons radios lors des opérations militaires. Les généraux Kahimbi et Akili Muhindo dit « Mundos », Commandant de la 33ème région militaire au Sud-Kivu, sont la cheville ouvrière militaire de Kabila à l’est du pays. Par ailleurs, le général Kahimbi joue le rôle sensible et stratégique d’officier de liaison entre Joseph Kabila, Kagame, Museveni et Nkurunziza. Il fait également partie des militaires sanctionnés par l’UE et la Suisse et continue à être très actif dans l’est de la RDC, bénéficiant de la confiance ignorante du nouveau président.
Le général de brigade Augustin Mamba : Chef d’état-major particulier adjoint du chef de l’Etat
Le général Augustin Mamba, ancien directeur/Intérieur au sein des renseignements militaires ex-Démiap, est le pendant militaire de Kibelisa dans la présidence. Il est originaire de Kananga dans le Kasaï Central. C’est Mamba qui a mené les opérations des éléments GR contre la résidence du député Franck Diongo et l’incendie du siège de l’UDPS, causant des morts en 2017. Un dur parmi les durs, le général Mamba, malgré son identité luba, reste totalement loyal à Joseph Kabila. Sa nomination à ce poste procède d’une fausse stratégie d’équilibre Katanga – Kasaï, dans le deal conclu entre Kabila et Tshisekedi avant la proclamation de ce dernier par la CENI. Le nom d’Augustin Mamba est également cité dans des documents appelés « Congo Files » qui concernent une enquête menée par plusieurs médias occidentaux[13] sur des milliers de pages de documents confidentiels des Nations unies relatifs à l’assassinat de deux experts mandatés par le Conseil de sécurité, Michael Sharp et Zaida Catalan, chargés d’enquêter sur les violences dans la région du Kasaï[14].

Le général de brigade François Kabamba Kasanda : Conseiller militaire du président Tshisekedi
Ce brillant ingénieur diplômé de la prestigieuse Ecole Royale Militaire belge, 137ème promotion polytechnique, Breveté d’état-major (3ème cycle) de l’Institut Royal Supérieur de la Défense (IRSD) de Belgique dont nous sommes détenteur d’un brevet de 4ème cycle, et breveté du Collège des Hautes études de Stratégie et de Défense de Kinshasa, est pour nous l’un des oiseaux rares trouvés par le président Félix Tshisekedi. Pourtant, ce ne sont pas des officiers de qualité qui manquent au sein des FARDC, sur base d’un screening secret réalisé par DESC. Le général de brigade Kabamba François était auparavant le chef d’état-major particulier adjoint de Kabila. Le général François Kabamba Kasanda, fils du célèbre guitariste de l’African Jazz de Grand Kallé, Nicolas Kasanda Wa Mikalayi, alias Dr Nico, avec la chanson « Indépendance Cha-Cha », est originaire du Kasai-Oriental. Outre ses compétences militaires indéniables, il doit particulièrement son ascension militaire à son ainé de l’ERM, le général Didier Etumba, l’ancien chef d’état-major général des FARDC resté loyal jusqu’à sa retraite à Joseph Kabila. François Kabamba et Didier Etumba se sont rapprochés au début des années 1990 lorsqu’ils ont été envoyés comme professeurs à l’EFO Kananga, après la suspension de la coopération militaire belge. A ce titre, sa marge de manœuvre nous semble assez réduite au sein du cabinet militaire présidentiel car encerclé par les faucons de Kabila. En outre, il présente une personnalité militaire effacée et entretient très peu de contacts avec les troupes militaires opérationnelles, à l’instar de son mentor Etumba qui était un général sans troupes. Le général Kabamba est plutôt un carriériste classique. Il n’est ni ambitieux ni un baroudeur. Toutefois, si Tshisekedi veut réellement s’émanciper de la tutelle militaire de Kabila, il pourrait intelligemment utiliser subtilement les qualités de cet excellent général.
Conclusion
En Afrique, le caractère apolitique de l’armée, prévu dans les Constitutions, reste généralement très théorique. L’intrusion des militaires en politique y a longtemps été la norme plutôt que l’exception [15]. Le pouvoir dans la plupart des États africains est distribué et détenu sous le contrôle des services de sécurité et des forces armées de l’État[16]. L’armée est reconnue dans les études de sociologie militaire africaine – sujet de notre prochain livre – comme une ressource du pouvoir ou de la lutte pour le pouvoir ou pour sa conservation. La RDC reste dans ce domaine un cas d’école depuis son accession à l’indépendance. Joseph Kabila l’a bien compris et ne compte donc pas se passer de cette ressource indispensable pour sa survie politique, malgré son hibernation politique actuelle.
Malheureusement, cela semble ne pas être le cas pour le président Tshisekedi qui reste encerclé par les militaires loyaux à Kabila dont il peine à s’émanciper militairement et à qui il a demandé d’assurer sa sécurité. Déjà insignifiant politiquement, avec une trentaine de députés au parlement, et sous surveillance militaire de Kabila qui l’a reclus dans la Cité de l’OUA bien tenu à l’œil par les GR katangais du camp Tshatshi voisin, rien ne permet d’affirmer à ce jour, sur base des éléments factuels objectifs et objectivables que nous venons d’exposer, que Félix Tshisekedi est réellement le Commandant suprême des FARDC. Par ailleurs, quelle que soit la couleur politique (CACH ou FCC) du futur ministre de la Défense, il est de coutume, du fait que Kabila contrôle toujours le Gouvernement, que le ministre de la Défense soit confiné à un poste de commis d’Etat sans portefeuille, car ne disposant d’aucun droit d’initiative sur l’affectation de ce budget et son contrôle.
De ce fait, Félix Tshisekedi donne plutôt l’impression d’être un président par procuration de Joseph Kabila qui continue de dicter le jeu politique et militaire depuis Kingakati. Cela confirme les propos de Kabila qui aurait déclaré en début janvier 2019 à ses collaborateurs militaires que « le président Félix Tshisekedi est la sentinelle de son fauteuil présidentiel jusqu’en 2023 », à moins d’un miracle !
Jean-Jacques Wondo Omanyundu/ Exclusivité DESC
Références
[1] C’est depuis 1997 que le général Mbala côtoie de près Joseph Kabila, alors chef d’état-major de la force terrestre. Après l’accession de Joseph Kabila au pouvoir en 2001, le général Mbala sera nommé Chef adjoint de la maison militaire du chef de l’Etat chargé de l’administration et de la logistique de 2003 jusqu’à 2005. Il deviendra Chef de la maison militaire du président Kabila en 2006. Il assumera cette fonction sans discontinuité jusqu’en 2014, cumulant cette fonction avec celle de Sous-chef d’état-major général des FARDC chargé de l’administration, en plus d’exercer simultanément une troisième fonction de directeur général chargé de la logistique du ministère de la Défense.
[2] Numbi présente un autre atout, celui d’avoir une grande influence au sein de la GR, pour avoir été à l’origine du recrutement de la majorité de ses soldats. Il dispose encore d’hommes qui lui sont restés fidèles au sein de la police et de la force aérienne commandée par son cousin paternel, le général de brigade Enoch Numbi. Ce statut exceptionnel fait du général John Numbi, l’un des rares généraux à pouvoir tenter un coup d’État militaire, par opportunisme et ambition personnelle démesurée. Cf. JJ Wondo, Alerte DESC : La Garde Républicaine a menacé de renverser Joseph Kabila. DESC, 15 septembre 2014.
http://afridesk.org/fr/alerte-desc-la-garde-republicaine-a-menace-de-renverser-joseph-kabila/.
[3] JJ Wondo, Rétro 2014 : dossier spécial : les personnalités congolaises à tenir à l’œil en 2014, DESC-WONDO ? 31 décembre 2014, http://afridesk.org/dossier-special-les-personnalites-congolaises-a-tenir-a-loeil-en-2014-jj-wondo/.
[4] JJ Wondo, Les Forces armées de la RD Congo : Une armée irréformable ?, 2e éd, 2015, p. 212.
[5] Ibid., p. 31.
[6] REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO CRIMES DE GUERRE A KISANGANI : La réaction des rebelles soutenus par le Rwanda à la mutinerie de mai 2002, HRW, août 2002, Vol. 14, No. 6 (A), p.11.
https://www.hrw.org/sites/default/files/reports/drc0802fr_web.pdf.
[7] REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO CRIMES DE GUERRE A KISANGANI : La réaction des rebelles soutenus par le Rwanda à la mutinerie de mai 2002, HRW, août 2002, Vol. 14, No. 6 (A), p.11. https://www.hrw.org/sites/default/files/reports/drc0802fr_web.pdf. Lire aussi JJ Wondo, Who’s who : le général Gabriel Amisi Tango Four, le boucher de l’Est de la RDC, DESC-WONDO, 3 octobre 2014.
[8] En 2012, lors de la guerre contre la rébellion du M23, créée et soutenue par le Rwanda, une source des transmissions des FARDC en mission dans les zones opérationnelles au Nord-Kivu nous a fait part de sa surprise de constater que le général Amisi dirigeait les opérations en RDC et passait ses nuits à Gisenyi au Rwanda. Amisi a eu juste pour explication qu’il y avait des réalités qu’il ne pouvait pas comprendre.
[9] http://afridesk.org/fr/lattaque-des-casques-bleus-a-beni-la-revanche-rwandaise-sur-les-troupes-tanzaniennes/.
[10]Pour mater les insurgés de Kamwina Nsapu, les autorités ont fait appel aux 803ème, 811ème et 812ème régiments d’infanterie composés majoritairement d’ex-rebelles tutsis du CNDP. http://afridesk.org/fr/les-massacres-au-kasai-central-desc-interpelle-les-collaborateurs-securitaires-de-kabila/.
[11] JJ Wondo, Alerte DESC : la Garde républicaine a menacé de renverser Joseph Kabila, DESC-WONDO, 15 septembre 2014, http://afridesk.org/alerte-desc-la-garde-republicaine-a-menace-de-renverser-joseph-kabila/.
[12] Cf. Article 78 de la Loi organique sur les FARDC.
[13] RFI, Le Monde, Foreign Policy, Süddeutsche Zeitung et la télévision suédoise SVT.
[14] http://www.rfi.fr/afrique/20181127-congo-files-enquete-unpol-derange-onu-rdc-kasai-experts-meurtre. Lire aussi https://afrique.lalibre.be/12583/rdc-kinshasa-nie-toute-responsabilite-dans-la-mort-des-experts-de-lonu/.
[15] Hormis les pays qui ont connu des mobilisations armées et des trajectoires d’indépendance conflictuelles, sur les 48 États d’Afrique subsaharienne, 29 ont connu au moins un coup d’État militaire.
[16] R. Luckhamar, “Militarization in Africa”, in SIPRI Yearbook, (ed.), World Armaments and Disarmament, London, Philadelphia, Taylor & Francis, 1985, p. 306.
3 Comments on “Spécial DESC : Qui sont les sécurocrates qui ‘encerclent’ Félix Tshisekedi ? – JJ Wondo”
Mukanya
says:Excellente analyse. Espérons que le 1er concerné, Fatshi, et /ou ses principaux conseillers autres que les indexés liront et digererons ce document.
GHOST
says:INZUN KAKIAT
Orginaire de l´Empire Lunda.. ou de l´espace de l´Empire Lunda au Bandundu, ce sécurocrate possede le back up des « lunda » du Katanga qui sont des « cousins » pour nous.
ILUNGA KAMPETE
C´est peut-être l´unique « général » digne de ce nom sur cette liste. EFO et ensuite membre de la DSP? Pour un katangais, se retrouver dans la DSP entrain de commander l´infanterie mechanisée après une formation en Israel est un exploit. Les ex FAZ non orginaires de l´Equateur qui pouvaient travailler dans la DSP devaient avant tout être competants et très competants.
Ilunga a été sans doute une exception car il a fait face á l´AFDL en restant dans les rangs de la DSP au pont Mayi-Ndombe.
Quand nous affirmons qu´il est le seul « général » digne de ce nom, sa contribution á la victoire des FARDC face au M23 où il avait le commandement des chars lours et de l´artillerie de saturation BM-21 de la GR en est la preuve.
Ilunga qui connait parfaitement bien le camp Tshatshi et la ville de Kin est le général sur lequel repose la sécurité du président Felix.
Nsumbu
says:Excellent panorama !
Osons espérer que tous les professionnels, politiques, société civile, médias… et la population Congolaise en ont pris bonne note