Initialement publié dans sveinmediab.info
Dans une chronique spéciale concernant le blocage de la conférence scientifique du Dr Mukwege à Kisangani, Roger Buangi Puati éclaire l’opinion et manifeste son désarroi.
Nous plaçons ici l’intégralité de son propos.
” Denis Mukwege est médecin. Un médecin chez-nous est aussi appelé docteur. Il est soignant. Mais il y a une dimension de Denis Mukwege que beaucoup ignorent : il a le titre de Docteur en médecine. C’est un scientifique et il est professeur. À Liège et ailleurs en France, il y a des chaires Denis Mukwege. Il est l’initiateur d’une approche holistique unique en son genre dans la prise en charge des personnes traumatisées par le viol. En lisant son livre « la force des femmes », on découvre qu’à travers le monde et les époques, toutes les situations de guerre ont toujours soumis les femmes au viol par les hommes en arme. Aussi le Professeur Denis Mukwege a été plusieurs fois sollicité par des universités en Afrique, en Europe, en Amérique du Nord et du Sud et en Asie pour transmettre ses connaissances tant systématiques que techniques pour le bénéfice de tout le monde.
Au Congo, il a été invité à l’Université de Kinshasa, reçu à l’Université protestante de Kinshasa, à Lubumbashi.
Il se trouve que depuis l’Appel du 30 juin par des intellectuels congolais, auquel il n’a pas encore répondu jusqu’ici, l’invitant à se présenter comme candidat à l’élection présidentielle de 2023, la peur panique a gagné le camp du pouvoir qui voit en lui un solide et sérieux concurrent.
Ce serait naïf de penser que ce qui se passe n’est pas une forme de stigmatisation du Docteur Mukwege par le pouvoir.
Maintenant admettons que le Docteur Mukwege opte pour se présenter à l’élection présidentielle comme beaucoup de Congolaises et de Congolais le lui demandent, cela serait-il un crime pour être empêché de mouvement, de réunion et d’expression ? Le pouvoir en place commet là un faute monumentale.
D’où vient le fait que l’homme n’apprend jamais rien de l’histoire ?
Je pense à tous ces régimes totalitaires qui jonchent les bas-côtés du chemin de l’histoire : Hitler, Staline, Mussolini, les Colonels grecs, Franco, Salazar, Pinochet, Castro, Idi Amin Dada, Mobutu, Bokassa, l’apartheid sud-africain. Tous ces régimes se sont évanouis.
Qu’en retient l’histoire? L’amertume, le dégoût, la désillusion et la fatigue. Et dire que des hommes et des femmes ont été convaincus qu’au nom de ces “cargos de bonheur” ils pouvaient tuer d’autres hommes, d’autres femmes. Mais tout finit un jour par se lézarder.
Hagards, ceux qui se croyaient éternels se réveillent un matin en hommes et femmes ordinaires. Ils ont obéi aux ordres de meurtres, d’humilier car ils étaient puissants, et ils se découvrent coupables et sans défense. On peut tenter d’éliminer des humains par millions ou enfermer tout un peuple derrière des fortifications dans une logique totalitaire. Mais il y a une vérité empirique incontournable; les murs des édifices mangeurs de libertés finissent toujours par s’écrouler, et les systèmes politiques les plus entêtés à perdurer finissent par se briser en mille morceaux, lorsqu’il apparaît à celles et ceux qui sont dominés que la réalité collective est définitivement devenue insupportable et intenable.
Et que fait l’homme en la circonstance? Il déplace la tente de la dictature pour essayer d’aller la dresser ailleurs, là où il croit qu’elle pourra cette fois-ci tenir. C’est cela la folie humaine “.
Roger Buangi Puati, théologien