Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 25-01-2018 09:45
3599 | 2

Que reste-t-il encore de l’accord du 31 décembre 2016 ? – JB Kongolo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Que reste-t-il encore de l’accord du 31 décembre 2016?

Par Jean-Bosco Kongolo M.

L’accord politique global signé au siège de la Conférence épiscopale nationale du Congo(CENCO) entre les deux camps protagonistes de la classe politique a été vidé de sa principale substance qui consistait à organiser les élections, notamment celle présidentielle, avant le 31 décembre 2017. Nous voilà déjà en 2018, rien ne garantit non plus que les élections annoncées pour le 23 décembre aient effectivement lieu cette année. En effet, personne n’est dupe pour comprendre que la CENI n’est en réalité qu’une branche spécialisée du Club de Kingakati en matière de glissement électoral. A l’intérieur comme à l’extérieur du Congo, nombreux sont cependant ceux qui continuent d’exiger à Joseph Kabila de respecter ledit accord, qui signifie pour lui passer le relais alors que son rêve « le plus suicidaire » est de demeurer le plus longtemps possible au pouvoir. Sur terrain et partout où la diaspora est démographiquement significative, des actions se multiplient tantôt pour exiger le respect de cet accord, tantôt pour une transition sans celui qui est considéré, plus à raison qu’à tort, comme le principal obstacle à l’alternance civilisée : « Kabila dégage! »
Pour mieux éclairer l’opinion et surtout pour aider les manifestants à tenir un même discours, nous proposons un entretien mettant face à face deux personnages respectivement nommés Peuple congolais et DESC. Le premier consulte le second, pour répondre à cette question cruciale dont dépendent, sans ambigüité, toutes les actions à entreprendre afin d’espérer atteindre l’objectif visé. Dans cette conversation, Peuple congolais profite de la disponibilité ainsi que de l’expertise de Desc pour aborder toutes les autres questions découlant de la question principale.

Desc : Vous encore chez moi, que puis-je faire pour vous?

Peuple Congolais :

Comme vous le savez, je suis héritier propriétaire d’un vaste pays au cœur de l’Afrique, dont les ressources naturelles inégalables suscitent la convoitise de plusieurs pays, en commençant par les voisins. A cause de cela, mon pays n’a jamais connu de paix depuis sa reconnaissance internationale le 30 juin 1960. Je pensais que la Constitution adoptée par referendum en 2005 allait mettre définitivement fin aux récurrentes crises de légitimité mais nous y voilà encore et, cette fois, en ramenant la nation à la case de départ.

Desc : Que se passe-t-il concrètement?

Peuple congolais :

Au moment où je vous parle, l’État n’existe même plus. Avec la complicité de certains de mes fils et de mes filles, aucune institution à mandat électif n’a ni légalité ni légitimité. Le Sénat et les Assemblées provinciales n’ont plus été renouvelés depuis 2012, le Président mal élu successivement en 2006 et en 2011 a épuisé son dernier mandat constitutionnel le 19 décembre 2016 tandis que les députés nationaux ont à leur tour épuisé leur mandat législatif depuis février 2017. Inutile d’ailleurs de vous dire que les élections municipales prévues par la Constitution n’ont jamais été organisées et personne ne parle de la Cour de cassation et des juridictions administratives qui n’ont jamais été installées.

Desc : Attendez un peu, vous faites toujours partie de la planète terre? En d’autres termes, comment en êtes-vous arrivé là et quelles solutions envisagez-vous pour vous en sortir?

Peuple congolais :

C’est justement pour cela que je suis venu vous consulter pour que vous puissiez m’aider, grâce à l’expertise de votre équipe, à trouver une bonne solution avant que mon pays ne sombre dans le chaos total. Car, malgré les violations répétées de la Constitution et l’absence des élections en 2016, j’avais laissé un groupe de mes enfants se réunir sous l’égide de l’Église catholique, qui s’était investie de bonne foi pour leur arracher un accord qualifié comme celui de la dernière chance. Pour éviter l’irréparable qui se profilait à l’horizon, cet accord, qui sortait d’ailleurs du cadre constitutionnel, accordait à toutes les institutions échues une légitimité consensuelle, juste nécessaire pour préparer les élections qui devaient avoir lieu avant le 31 décembre 2017. Une fois encore, c’est toujours le même groupe de mes enfants, qui a pris en otage tout l’héritage de mes ancêtres et à mon âge (58 huit ans déjà), je commence à me demander sérieusement ce que je vais léguer à la progéniture si nombreuse. C’est pourquoi je voudrais savoir si c’était une bonne idée d’accepter ce dialogue et ce qui reste de l’accord obtenu?

Desc : Sans être mêlé à la gestion du pays, j’ai toujours observé à distance mais très attentivement et de manière efficace tout ce qui se passe au terroir. Déjà en 2013, je vous avais prévenu que les concertations dites nationales n’étaient que la poudre jetée à vos yeux pour préparer ce qui allait arriver : attirer tout le monde autour de la mangeoire pour laisser régner sans limite celui qui n’a aucune considération ni pour vous ni pour vos valeurs familiales (Constitutions et lois de la République) et, plus grave, qui est incapable de respecter la parole donnée. J’étais surpris d’apprendre qu’une autre occasion lui avait été accordée de vous rouler une énième fois dans la farine, et il s’en est servi pour entamer sa deuxième année de son troisième mandat. D’où le terme « glissement », en vogue il y a quelques temps. Mais croyez-moi, si avec la majorité de vos enfants, vous continuez d’attendre que quelqu’un d’autre vienne sauver cet héritage acquis de vos ancêtres, vous risquez de tout perdre au profit des prédateurs, qui n’attendent que cette occasion. Contrairement à beaucoup de pays, vous avez enchâssé dans votre Constitution une disposition originale (article 64) qui vous permet de vous débarrasser proprement de ces criminels sans que personne ne reproche quoi que ce soit. Bien au contraire, ceux qui se disent au pouvoir actuellement ne peuvent être traités que de bandits.

Peuple congolais :

Grâce à vous et à certains de mes enfants courageux, du pays et de la diaspora, je commence à comprendre les enjeux. Si d’ailleurs vous suivez l’actualité, vous devez avoir remarqué que ça bouge un peu partout pour exiger non seulement que l’accord de la Saint-Sylvestre soit scrupuleusement respecté mais qu’en plus, ces traîtres et leur maître dégagent. Vous avez également appris que même les prélats catholiques et protestants sont sortis de leur réserve pour prendre faits et cause en faveur de la grande famille. C’est ainsi que le Cardinal Mosengo a eu des mots justes pour parler de la médiocrité tandis que le Révérend pasteur François-David Ekofo a enfoncé le clou en parlant notamment d’absence de l’État. J’ai surtout apprécié sa métaphore parlant de la course-relais où, pour gagner, chaque joueur doit sportivement respecter les règles en laissant le bâton au suivant.

Desc :  C’est bien beau cet éveil de conscience, mais je constate qu’il reste beaucoup à faire pour que vos enfants mutualisent leurs efforts afin de pouvoir parler un même langage, gage de réussite de vos actions et stratégies. Comment pouvez-vous espérer réussir lorsque certains exigent le respect de l’accord de la Saint-Sylvestre, au même moment que d’autres estiment que les élections paisibles et crédibles ne pourraient avoir lieu tant que ces traîtres et imposteurs n’auront pas dégagé?

Peuple congolais :

D’après vous, faut-il encore ou non parler de cet accord? Que disent vos experts sur sa validité? Faut-il encore l’invoquer ou passer à autre chose?

Desc : Pourquoi m’avez-vous fait passer par ce long chemin avant d’en arriver à cette question principale? Sans risque de me tromper, j’avais appris et même lu comme tout le monde que cet accord avait été signé pour une durée limitée d’un an, allant du 31 décembre 2016 au 31 décembre 2017, date à laquelle les nouvelles autorités élues étaient censées prendre leurs fonctions. Je suis étonné que vous puissiez continuer de parler d’un contrat qui n’existe plus juridiquement ou, en d’autres termes, qui a été de mauvaise foi vidé de toute sa substance qui consistait à organiser les élections endéans une année. Concrètement, au tour de cette table de la Cenco, le Président du Club de Kingakati avait besoin de cette signature juste pour baisser la tension dont l’explosion risquait de l’emporter, lui et tout l’empire qu’il a réussi à bâtir grâce à la naïveté, à la cupidité et à l’égoïsme de certains de vos enfants. Pour me faire mieux comprendre, je compare cet accord à n’importe lequel des contrats à durée limitée. A l’expiration du délai convenu, aucune des parties n’a le droit d’en prolonger unilatéralement la durée. De même, c’est un signe de faiblesse pour la partie lésée, que vous êtes, d’implorer son cocontractant d’exécuter ses obligations. Je sais que très peu de gens ont suivi ou pris en considération une expression latine lâchée par le Cardinal Monsengwo dans son homélie prononcée au cours de la messe dite en mémoire des martyrs du 31 décembre 2017. En faisant allusion à cet accord qui a été violé dans son esprit et dans sa lettre, il a dit, je cite : « Pacta sunt servanda ». Cet adage veut dire en français : « Les conventions signées doivent être respectées ». Le code civil congolais des obligations (contrats) dit la même chose en son article 33, ainsi libellé :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. » En politique comme dans la vie courante, c’est par le respect des engagements pris ou du respect de la parole donnée que l’on reconnaît le sérieux d’une personne et la grandeur d’un homme politique. Dites-moi alors qui le Cardinal a-t-il insulté lorsqu’il a parlé, sans citer personne, de médiocrité?

Peuple congolais :

Mais apparemment, le Président Joseph Kabila fait la sourde oreille à tous les appels de l’opposition et aux manifestations pacifiques du peuple entier qui ne veut plus de lui. Que faire alors?

Desc : Question très pertinente. Mais alors suivez-moi très bien, car j’ai l’impression que dans vos revendications, vous demandez une chose et son contraire. D’un côté vous faites bien de rappeler que le mandat de ce monsieur, de même que celui de tous les élus (de toutes les institutions) est largement échu et de l’autre côté, vous lui demandez de respecter un accord lui aussi échu depuis le 31 décembre 2017, lequel ne peut plus juridiquement produire des effets au-delà du délai que les parties signataires lui avaient accordé. Concrètement, autant il n’y a plus d’institutions légitimes, autant il n’y a plus de présidents, de sénateurs, de députés nationaux ou provinciaux etc.

Peuple congolais :

A quel titre alors Joseph Kabila continue-t-il d’exercer le pouvoir, se permettant même d’ordonner à l’armée et à la police de réprimer dans le sang les manifestations pacifiques organisées pour réclamer les élections?

Desc : Pour ceux qui ne se sont jamais donné la peine de bien observer ce monsieur, souffrez que je vous dise qu’il ne peut vous offrir que ce que son patrimoine psycho-comportemental lui permet d’offrir, c’est-à-dire la violence. En quelque sorte, les répressions sanglantes et sans état d’âme auxquelles vous faites allusion sont la réplique logique à la confiance aveugle que vous lui avez témoignée en lui accordant une année de plus, dont il avait besoin pour réaliser son fameux glissement. Pour mieux comprendre ceci, référez-vous à l’adage qui dit : « Faites du bien au diable, il vous donnera l’enfer en récompense. » C’est ce que vous êtes en train de vivre actuellement et ne me dites surtout pas que vous attendiez autre chose de sa part. Pour preuve, pourquoi cette armada militaire n’est pas déployée à l’Est du pays où sévissent des de petites milices jamais vaincues et qui ne font que se multiplier?

Peuple congolais :

Que peut faire l’opposition dans ce cas?

Vous revenez sur la même erreur. Comment pourrait-il y avoir d’opposition alors qu’aucune institution n’est ni légale ni légitime? Dans tout système démocratique, l’opposition n’a sa raison d’être que s’il y a une majorité légalement installée et dont le mandat est en cours de validité. Or, de la manière dont ces gens se comportent, il n’est pas injurieux ou exagéré de parler désormais de médiocrité présidentielle (MP). Toutes ces manifestations observées ces derniers temps à travers tout votre pays signifient simplement que le pouvoir est récupéré par son détenteur primaire, qui ne doit pas tarder de le confier à des personnes compétentes, non politiciennes, pour gérer cette transition de fait jusqu’à la tenue des élections transparentes et crédibles. Vos fils et vos filles, anciens opposants, devront mettre à profit ce temps pour préparer les élections. C’est pourquoi, ceux d’entre eux qui exerçaient à quel que titre que ce soit un mandat électif dans les institutions de la République, devraient annoncer publiquement qu’ils quittent ces institutions illégitimes et renoncent aux avantages indus qu’ils continuent de percevoir alors que, comme Kabila, tous ont également perdu leur mandat. Ce n’est que de cette manière que ces terroristes institutionnels du type djihadiste peuvent être progressivement affaiblis. Agir autrement et chercher à mettre en place un autre gouvernement d’union nationale, c’est se rendre complices du système que l’on prétend combattre.

Jean-Bosco Kongolo

Juriste & Criminologue

Administrateur-Adjoint de DESC

2

2 Comments on “Que reste-t-il encore de l’accord du 31 décembre 2016 ? – JB Kongolo”

  • Makutu Lidjo

    says:

    Est ce que les politiques congolais qu’ils soient de l’opposition ou de la MP auront ce courage de quitter ces institutions devenues illégales et illégitimes et à en perdre les avantages ? Honnêtement, j’en doute. Mais ne dit-on pas qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Attendons voir.

    • GHOST

      says:

      QUITTER LES INSTITUTIONS N´EST NI LA SOLUTION NI SURTOUT UNE BONNE OPTION..

      Quelque soit le niveau que la répression va atteindre, l´objectif reste les élections « démocratiques » afin de ne plus retomber dans les travers de la dictature.
      Ceux qui pensent que les parlementaires de l´opposition devraient quitter les institutions ne semblent pas prendre en compte un aspect important de leur présence. Diplomatiquement, cette qualité de « parlementaire » ouvre les portes des pays étrangers où ces parlementaires peuvent voyager, se fare recevoir dans les ambassades ect…. afin de continuer la lutte sur un autre plan.

      C´est des avantages dont mr Nbganda par exemple ne prend pas en compte dans ses analyses: un parlementaire de l´opposition a besoin de cette « qualité » afin de faire la lutte sur le plan diplomatique.

      QUE RESTE–T-IL DE L´ACCORD ?

      Paradoxalement, l´application de l´accord est devenue la planche du salut de la démocratisation de la RDC. Cet accord qui est aussi une résolution de l´ONU est l´argument qui va faire partir Kabila. Renoncer á l´accord c´est faciliter au gang de Kabila le travail…car ils continuent á rêver de se passer de la démocratie et nous retourner vers les années de « mobutisme »

      Les congolais n´ayant pas l´intention de se lancer dans une guerre urbaine afin d´imposer laa démocratie ont besoin de l´accord comme réfence dans leur lutte « pacifique » dans la rue.

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

This panel is hidden by default but revealed when the user activates the relevant trigger.

Dans la même thématique

DROIT & JUSTICE | 23 Sep 2025 18:40:58| 168 0
RDC : Jean-Jacques Wondo dépose plainte en Belgique pour menace de mort
Il y a dix jours, un journaliste congolais critique du régime Tshisekedi a été violemment agressé à Tirlemont. “Les menaces… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 18:40:58| 651 0
Un hommage poignant de JJ WONDO à sa fille MAZARINE WONDO en ce jour d’anniversaire, malgré l’injustice de son incarcération
"Joyeux Anniversaire à la très inspirée et exceptionnelle MAZARINE WONDO. Je t'envoie plein de Bisous,d'Amour et de Bénédictions. Nous sommes… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 18:40:58| 1535 0
RDC : Dossier Jean-Jacques Wondo, la défense contre-attaque et démonte toute l’accusation
Le dossier de la téléphonie sur lequel repose l’accusation apparaît comme un enorme montage pour accuser l’expert belge. Le procès… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 18:40:58| 781 0
HONORABLE PATRIOTE SERGE WELO OMANYUNDU DANS NOS COEURS
Ce 5 novembre 2024, cela fera un an que le Député Honoraire Serge Welo OMANYUNDU nous a quittés.Nous, sa famille… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK