Requête en interprétation de l’article 70 : L’avis de l’Avocat général Donatien Mokola Pikpa trahit un complot contre la Constitution
Toujours vigilant et à l’avant-garde des informations fiables sur tout ce qui se passe au Congo-Kinshasa, DESC a publié le 06 mai 2016 une brillante analyse du juriste & criminologue Jean-Bosco Kongolo (http://afridesk.org/fr/passation-de-pouvoir-en-rdc-larticle-70-de-la-constitution-ne-prete-a-aucune-confusion-jb-kongolo/) dans laquelle cet ancien haut magistrat démissionnaire a prévenu l’opinion publique sur ce que pourrait être la décision de la Cour constitutionnelle, saisie par la Majorité présidentielle, pour interpréter l’article 70 de la Constitution. En criminologue avisé, l’auteur, qui connaît bien les rouages de la justice congolaise ainsi que la plupart des hommes qui l’animent, ne croyait pas bien dire en comparant la démarche de ces députés au mode opératoire d’un criminel qui, avant le passage à l’acte, s’assure que son acte atteindra son but sans qu’il soit pris la main dans le sac.
A en juger les conclusions de l’avis du Ministère public, déjà apprêté par le Parquet général près la Cour constitutionnelle, que nous publions en intégralité, le peuple congolais au nom duquel la justice est rendue, doit se préparer à mettre en application l’article 64 de la Constitution pour faire échec à toutes les manœuvres tendant à prolonger le pouvoir du Président Kabila au-delà des délais constitutionnels.
En effet, abondant dans le sens des députés de la Majorité présidentielle, auteure de la requête, et confondant le principe de continuité des services publics de l’État, applicable dans le cadre du contentieux administratif (devant le juge administratif) avec l’interprétation d’une disposition de la Constitution (contentieux constitutionnel), l’Avocat général près la Cour constitutionnelle, Donatien Mokola Pikpa, aboutit à la conclusion que le Président Joseph Kabila peut demeurer au pouvoir aussi longtemps (même 30 ans ?) que ne sera pas organisée l’élection de son successeur. Un avis qui, non seulement légitime la pratique consistant à ne pas organiser les élections (cas du sénat actuel) mais surtout ouvre la voie à « la contestation de la légitimité des institutions et de leurs animateurs », une des causes fondamentales de la crise multiforme qui a longtemps ravagé le pays, comme rappelé dans l’exposé des motifs de la Constitution actuelle.
Rester au pouvoir jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu ne dispense pas le Président sortant de son obligation de respecter la Constitution ni encore moins toutes les institutions concernées d’organiser les élections dans les délais constitutionnels (article 73) afin de permettre la passation démocratique du pouvoir. C’est ce qui se passe même aux USA où, l’élection présidentielle a lieu tous les quatre ans au mois de novembre mais la passation de pouvoir n’intervient qu’en janvier de l’année suivante. Prenant les Congolais pour des imbéciles, le Parquet général près la Cour constitutionnelle n’a fait que confirmer l’instrumentalisation du pouvoir judiciaire par l’exécutif, en cherchant d’accorder au Président Kabila, qui ne veut pas quitter le pouvoir, une prolongation illégale de son mandat.
Pourtant, M. Kongolo avait déjà démontré dans l’article intitulé « Passation de pouvoir en RDC : l’article 70 de la Constitution ne prête à aucune confusion » que l’interprétation de l’article 70 de la Constitution ne prête à aucune confusion. En effet, il ressort de la lecture globale de l’exposé des motifs et des articles 70, 168 et 220 alinéa 1er de la Constitution qu’aucun dépassement de délai du mandat présidentiel n’est prévu par la Constitution pouvant faire entraîner un quelconque « glissement ».[1] En conséquence, la Cour constitutionnelle n’a pas autre option que de dire le droit, c’est-à-dire de se conformer à la lettre et à l’esprit de la Constitution. Tout arrêt de la Cour constitutionnelle allant dans le sens d’une interprétation erronée et sophiste de l’article 70 de la Constitution en vue de prolonger le mandat du Président Joseph Kabila au-delà du 19 décembre 2016, viole la Constitution. Non seulement que cela constitue un crime, du reste imprescriptible, mais un tel arrêt constitue également une base juridique d’application de l’article 64 de la Constitution.
La Cour le suivra-t-il ou, au contraire, libérera une fois pour toutes le pouvoir judiciaire de son instrumentalisation par l’exécutif en évitant à la nation une nouvelle crise de légitimité aux conséquences imprévisibles et incalculables ? Jusque là, rien n’est encore sûr. Toutefois, la République reste suspendue à cet arrêt à venir qui constitue un véritable défi pour la Haute Cour.
Ci-dessous, l’intégralité de l’avis qui ne surprend pas les observateurs avertis.
Jean-Jacques Wondo – Boniface Musavuli
Références
[1] See more at: http://afridesk.org/fr/passation-de-pouvoir-en-rdc-larticle-70-de-la-constitution-ne-prete-a-aucune-confusion-jb-kongolo/#sthash.m2umDC3u.dpuf.
2 Comments on “Requête en interprétation de l’article 70 : L’avis de l’Avocat général Donatien Mokola Pikpa trahit un complot contre la Constitution – DESC”
Makutu Lidjo
says:L’interprétation de l’article 70 de la constitution par la cour constitutionnelle était prévisible. La loi stipule que les arrêts de la cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’appel. La MP en sort ragaillardi. L’udps, adepte du dialogue en sort éclaboussé tout comme les anti dialogue de la dynamique, du front anti dialogue tout comme le G7.
Ce soir, les bulles de champagne vont égayer les gosiers des bien-pensants de tous les camps. Ne vient-on pas de signer une présidence à vie pour Joseph Kabila ?
Musavuli
says:Non, ce n’est pas encore une présidence à vie, parce qu’on a encore les articles 73 et 64 de la Constitution.