Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 24-12-2015 11:20
10851 | 0

Regard critique sur le discours du Président Kabila du 14 décembre 2015 – Sinaseli Tshibwabwa

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Regard critique sur le discours du Président Kabila du 14 décembre 2015 :

Colère, désillusion et désespoir dans la population congolaise

Par Sinaseli TSHIBWABWA

sinaseli@hotmail.com

24 décembre 2015

L’adresse du Président Kabila sur l’état de la nation a surpris plus d’un citoyen qui suivent à la loupe l’évolution de la situation générale en R.D. Congo. Ce discours, qui était tant attendu, a plutôt accouché d’une souris et déçu les Congolaises et Congolais. D’une part, il devait être le plus grand discours-bilan de fin de mandat, de l’action du Président J. Kabila depuis le 26 janvier 2001 (jusqu’à la date du 14 décembre 2015, soit 14 ans, 10 mois et 14 jours), date à laquelle il est entré en fonction en qualité de Président de la République Démocratique du Congo en remplacement du Président L.D. Kabila. D’autre part, il était attendu surtout pour décrisper l’atmosphère politique en annonçant l’organisation des élections prochaines dans le respect de la Constitution et en désignant son dauphin au sein de son propre parti. Ce discours a été tout sauf un bilan à voir la colère, la désillusion et le désespoir qu’il a suscités dans la population congolaise, dans le camp des partis de l’opposition et dans la société civile. En effet, tout celui qui a lu attentivement ce discours a pu relever un grand fossé entre les attentes de la population congolaise et les propres attentes du chef de l’État et ses infimes réalisations dans 14 ans de pouvoir. Quel était en 2001, en 2006 ou en 2011 le projet de société du Président Kabila ? Quels sont les points de ce projet de société qui ont connu une réalisation effective dans le pays ? Quel contrat politique avait-il signé avec sa population ? Questions sans réponse ! De notre humble avis, le Président Kabila vient, par ce discours, de rater encore une fois l’occasion d’entrer dans l’histoire de la démocratisation de la R.D. Congo. Le présent article se propose d’analyser quelques passages du discours du Président de la République à la lumière des réalités vécues dans le pays afin de tenter de comprendre l’origine de la colère, de la désillusion et du désespoir qu’il a suscités dans la population.

J Kabila_Discours état de la nation

1. Taux de croissance économique élevée vs Dégradation du système des soins de santé

Le Président J. Kabila a annoncé que suite à une politique engagée en 2001, le pays a connu un taux de croissance estimé à 7,7 %, un taux d’inflation de moins de 1 % et des réserves internationales brutes évaluées à 1,46 milliards de dollars américains. Cette augmentation du taux de croissance économique a été aussi reconnue au niveau mondial(1). On peut cependant relever une contradiction à ce niveau. Le gouvernement Matata Ponyo a publié un taux de croissance de 8,7 % en novembre 2013 pour l’exercice budgétaire 2014(2). Lequel de ces deux taux la population doit-elle prendre en considération ? Cette manne n’a eu, on peut le dire sans crainte d’être contredit, aucun effet sur le quotidien de la population. Elle a plus profité aux ploutocrates et oligarques du régime qui, arrivés au pouvoir par «miracle», ont vu leurs comptes en banque gonfler démesurément sans raison. Cette situation est en partie confirmée par le dernier rapport de la Commission d’enquête parlementaire sur la gestion des fonds de promotion de l’industrie (FPI) de novembre 2015. Pendant ce temps, ni la santé, ni l’éducation, ni la qualité de vie en général n’en ont profité. Nous allons le démontrer par quelques exemples puisés dans le quotidien des Congolais.

En 2008, pendant la période de vache grâce, la R.D. Congo occupait la sixième position dans la liste des États défaillants (incapacité à fournir des services publics, érosion de l’autorité légitime, corruption, criminalité, etc.). En 2011, la R.D. Congo figurait à la dernière place du classement selon l’Indice de Développement Humain (IDH) établi par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Selon cet organisme, le désengagement de l’État congolais de la réglementation et du financement du secteur de la santé, auquel il faut ajouter les problèmes de bonne gouvernance, s’est soldé par un grand affaiblissement du système de santé du pays. Le budget alloué à la Santé Publique s’élevait à 3 % du budget annuel de l’État en 2008 et à 3,47 % en 2011. Ce maigre budget finance principalement le paiement (irrégulier) des salaires (très bas) des agents de santé gouvernementaux(3).

Selon le Secrétariat Général du Ministère de la Santé Publique de la R.D. Congo dans son document «Rapport d’analyse des résultats – Comptes nationaux de la Santé 2010 et 2011 en RDC» publié en août 2013, le budget alloué au domaine de la Santé Publique de 2008 à 2011, années correspondant aux meilleures performances des paramètres macroéconomiques, est passé de 3,02 % en 2008 à 3,47 % en 2011 après une légère augmentation inférieure à 6 % en 2009 et en 2010(4).

Ces données reflètent le mieux la réalité sur le terrain et permettent d’affirmer que la Santé n’a pas profité de la manne issue du taux de croissance de 7,7 %. Ce ridicule budget en Santé permet de comprendre que dans son discours, le Président Kabila ait compté parmi ses réalisations depuis 2001 quelques réhabilitations des hôpitaux hérités de l’époque coloniale. En 14 ans de pouvoir, combien de nouveaux hôpitaux, de standard international, ont été construits en RDC ? Aujourd’hui, la mode chez les oligarques du régime, les nouveaux riches et leurs familles est d’aller se faire soigner en Inde, en Chine, au Maroc ou en Afrique du Sud. Au vu de ce qui précède, y a-t-il lieu d’exprimer une autosatisfaction dans un discours sur l’état de la Nation ?

En ce qui concerne la formation du personnel dans ce secteur, en 2009, certaines études avaient montré que 56 % des instituts médicotechniques fonctionnaient sans décret d’agrément officiel(3). Ce constat avait été confirmé par les résultats d’une enquête commandée par le Conseil des Ministres en juin 2009. En effet, pour la filière médicale, les résultats étaient tout simplement ahurissants. On y avait dénombré 106 établissements d’enseignement supérieur sur un total de 277 du secteur public (c-à-d. des établissements entièrement financés par l’État congolais) qui étaient non-viables, soit 38,27 %. Par contre, dans le secteur privé, 157 établissements d’enseignement supérieur sur un total de 231 étaient non-viables, soit 67,97 % ! Donc sur un total de 508 établissements d’enseignement supérieur, 263 étaient déclarés non-viables, soit 51,77 %(5). Dans ces établissements non-viables, des cours se donnaient à l’ombre des figuiers ou des manguiers. Dans une conférence magistrale en janvier 2013 à l’Université d’Ottawa sur le thème «L’Université congolaise face au nouvel espace mondial des savoirs – Défis du passage au LMD», le Prof. Kapagama avait montré des photos qui avaient fait couler des larmes aux Congolais qui avaient vécu les meilleurs temps de gloire de l’Université congolaise. Dans un établissement, une photo montrait pour tout matériel de laboratoire, un vieux petit microscope monoculaire des années 50 (Fig. 1).

MicroscopeFig.1. Un vieux microscope optique monoculaire. Source : Internet.

Dans un autre établissement, c’était une hutte qui tenait lieu de bureau du recteur tandis qu’une table faisait office de bibliothèque. Enfin, dans un autre, les murs des chambres des étudiants étaient faits de nattes, etc. ! Aujourd’hui encore, en raison de la fuite des cerveaux, du vieillissement du personnel et de sa démotivation, il y a un manque évident de professeurs compétents, ce qui n’a fait qu’accroître la pression sur la qualité de l’enseignement. Malgré cette difficulté, de nombreux établissements d’enseignement supérieurs et universitaires ainsi que des centres de formation visaient (et visent encore) à produire le plus grand nombre possible de travailleurs médicaux de sorte à générer des revenus. Cette situation engendre une pléthore de ressources humaines – de qualité douteuse – dans l’ensemble du pays. En 2009, par exemple, ces établissements avaient largué sur le marché de l’emploi 26.000 infirmiers et plus de 2.000 médecins ! Ces jeunes diplômés «à formation douteuse» sont une «armée de tueurs tranquilles» dans les hôpitaux-mouroirs disséminés sur l’ensemble du pays. Cet exemple, qui contraste avec « la révolution de la modernité », montre à suffisance qu’il y a une volonté manifeste d’abrutir notre peuple, de le tuer à petit feu et non de le mener vers le développement. Les nombreuses corrélations négatives, fatales pour le peuple congolais, qui existent entre le taux croissance d’environ 8 % et la forte dégradation observée dans tous les secteurs de la vie nationale, plus particulièrement en Santé Publique, sont bien documentées et connues du Président de la République et ses collaborateurs. Ces corrélations négatives expliquent la colère et le désespoir de la population suite à l’autosatisfaction exprimée par le Président Kabila dans son discours du 14 décembre 2015.

2. Chute des cours du cuivre et de l’or sur le marché international et Baisse du moral des chefs d’entreprises

Dans un autre paragraphe de son discours, certainement inspiré du mobutisme, le Président J. Kabila prépare l’esprit de la population à accepter encore de serrer davantage la ceinture car, a-t-il dit : «… Le ralentissement de l’économie mondiale et l’assombrissement des perspectives économiques internationales a eu pour conséquence, la baisse des prix du cuivre et de l’or,… la baisse du moral des chefs d’entreprises et une contraction des réserves budgétaires….. Face à cette situation, j’ai instruit le Gouvernement de prendre des mesures visant, d’une part, à stabiliser la situation et, d’autre part, à améliorer la résilience de notre économie et à permettre une croissance soutenue de cette dernière grâce à une politique de diversification économique et d’industrialisation…» Gouverner, c’est prévoir, dit-on. Il est difficile de croire que le Président J. Kabila ait attendu seulement la fin de l’année 2015 pour instruire son gouvernement pour initier «une politique de diversification économique et d’industrialisation» ! Pourquoi avoir attendu 2015, en fin de mandat ?

Pendant la période de vache grasse, la grande majorité de la population a, plus que jamais, tiré le diable par la queue. Maintenant que le ciel économique semble s’assombrir, le Président se tourne encore vers ce peuple affamé et appauvri pour solliciter sa compréhension. On croit entendre le Maréchal Mobutu et ses dignitaires pour lesquels en période de vache grâce c’était la bombance, des voyages inutiles à travers le monde, des dons même aux dirigeants des pays nantis et qui, en période de crise économique, offraient jusqu’aux larmes des discours-fleuve au peuple pour lui demander de serrer davantage la ceinture. Tout Congolais sait aujourd’hui que le cuivre et l’or ne sont pas les seuls minerais d’exportation et que le fléchissement de leur marché ne peut justifier «la baisse du moral des chefs d’entreprises ni une contraction significative des réserves budgétaires.» Quel est ce Chef d’État qui, au lieu de s’inquiéter de la grande pauvreté et des conditions de vie misérables de son peuple, s’inquiète plutôt, dans un discours à la nation, du moral des chefs d’entreprises dont la contribution au trésor public laisse à désirer malgré les tonnes de minerais qu’ils sortent du Congo ou dont les crédits et autres facilités leur offerts par le Gouvernement n’ont jamais connus de remboursement ? Ces mêmes chefs d’entreprises qui ne respectent pas l’environnement au vu de la pollution des terres et des eaux partout où ils exploitent les minerais et qui n’ont développé aucun programme social pour les populations autochtones, propriétaires terriens(6). Où vont les revenus du coltan, du diamant, du cobalt, de l’étain, du zinc, du manganèse, du niobium, du fer, du plomb, du vanadium, du platine, de l’argent, du nickel, du cadmium, du germanium, du pétrole, du bois de luxe, etc. ?

3. Amélioration des conditions de scolarisation et d’apprentissage dans le domaine de l’éducation

Dans ce domaine également, nous reprenons un tirage du discours du Président J. Kabila afin de le soumettre à l’épreuve des faits du vécu quotidien des élèves, des écoliers tant du primaire que du secondaire ainsi que celui des étudiants de l’enseignement supérieur et universitaire et de leurs parents. Ou le Président a menti à son peuple dans son discours, ou il est complètement déconnecté de la réalité sur le terrain ou encore il a été induit en erreur par ses conseillers qui ont pondu son discours. Tenez : « Dans le domaine de l’enseignement, l’amélioration des conditions de scolarisation et d’apprentissage de nos enfants s’est poursuivie sans relâche,…S’agissant de l’accès à l’éducation, au niveau préscolaire, le total des enfants enregistrés est passé de 280.000 en 2013/2014 à 300.000 en 2014/2015. Quant à l’enseignement primaire, à la faveur de la gratuité, il compte aujourd’hui 15,5 millions d’élèves contre 13,6 millions à la rentrée scolaire 2013/2014…Ces bonnes performances s’expliquent par l’extension progressive de la gratuité, la prise en charge, sur le budget de l’Etat, des salaires de plus de 25.000 nouveaux enseignants,….Elles s’expliquent également par la mise en œuvre des programmes de construction d’écoles,… Au total, 787 écoles ont été construites en 2013/2015, dont 512 directement sur fonds propres, tandis que 232 chantiers sont encore en cours d’exécution…En ce qui concerne l’Enseignement Supérieur et Universitaire, une réflexion en profondeur a été engagée à ma demande, en vue de décider du type d’enseignement qui sied le mieux aux exigences de développement de notre pays : un enseignement universitaire de masse mais fonctionnel, ou un enseignement universitaire élitiste et général.» Comme le disait le philosophe allemand Friedrich Nietzsche, «le diable se niche dans les détails.» Examinons en détails ce tirage

a)- En ce qui concerne l’amélioration des conditions de scolarisation et d’apprentissage :

Nous avons à ce sujet sélectionné quelques photos ci-dessous qui ne demandent pas un commentaire de notre part. Ces photos interpellent : 55 ans après l’indépendance, devrions-nous avoir de telles classes ? Lorsque le Président parle d’amélioration dans son discours, on peut à juste titre se demander combien d’écoles, en 14 ans de pouvoir, ont vu leurs conditions améliorées ?

Ecole1Fig. 2. Type de délabrement d’une école primaire en RDC. Source : Photo Internet.
Ecole 2Fig. 3. Une vue d’une classe d’une école primaire en RDC : pas d’équipement minimum. –Source : Photo dc-kin.net/Radiookapi, 2014.

b)- En ce qui concerne l’accès à l’éducation :

Dans le monde entier et plus particulièrement dans les pays développés, l’éducation est un levier essentiel du développement. C’est pour cela que leurs gouvernements font des investissements conséquents dans l’éducation. En R.D. Congo, l’Unicef et l’Institut de Statistique de l’Unesco (2013) ont rapporté que 28,9 % des enfants de 5-17 ans (soit, en termes absolus, 7 375 876 enfants et adolescents !) sont en dehors de l’école, donc ils ont de fortes chances de demeurer des analphabètes parfaits(7).

Malgré ce douloureux constat, le Président Kabila donne une statistique troublante dans son discours : «…au niveau préscolaire, le total des enfants enregistrés est passé de 280.000 en 2013/2014 à 300.000 en 2014/2015 », soit une augmentation de 20 000 enfants nouveaux enregistrés sur l’ensemble de la République qui compte environ 75 millions d’habitants ! Les Congolais qui ont eu la chance de sillonner notre pays savent que des dizaines de milliers d’autres enfants sont tout simplement gardés à la maison par les parents faute d’argent (chômage, salaires impayés par l’État, manque de places disponibles dans le réseau préscolaire, insécurité dans les zones de conflits de l’Est du pays ou absence de ce réseau dans les centres urbains et dans les villages). Selon Crispin Ngulungu, Coordinateur du Programme d’Enfant-à-Enfant à l’Unicef (2009) : « L’éducation préscolaire est un problème sérieux en RDC depuis de nombreuses années. Quatre-vingt-dix-sept pour cent (97 % !) des enfants n’ont pas accès à l’éducation préscolaire ».

c)- En ce qui concerne la gratuité de l’enseignement primaire :

Le Président a déclaré à ce sujet : «Quant à l’enseignement primaire, à la faveur de la gratuité, il compte aujourd’hui 15,5 millions d’élèves contre 13,6 millions à la rentrée scolaire 2013/2014,…». Pour une fois qu’il voulait montrer que la Constitution est respectée en son article 43 consacrant le caractère obligatoire et la gratuité de l’enseignement primaire en R. D. Congo, malheureusement, il n’a sorti qu’un gros mensonge : L’enseignement aussi bien public que privé n’est pas gratuit en R.D. Congo, peu importe le niveau ! Dans sa livraison du mardi 09 Septembre 2014 reprise le samedi, 08 Août 2015 et intitulée «R.D.C. : les multiples affectations des frais scolaires», Radiookapi écrivait «Les frais que les parents d’élèves paient pour la scolarité de leurs enfants en R.D.C. prennent de multiples directions…Outre les montants dépensés pour l’achat d’uniformes et autres fournitures scolaires, ces parents ont aussi dû faire face à des frais parfois exorbitants exigés par les écoles. Pourtant, une grande partie de cet argent ne sert pas les établissements ni les enseignants.» Selon l’enquête de Radiookapi dans la ville de Kinshasa (siège du Gouvernement Central), les frais scolaires s’élèvent à 350 $ US par élève en dehors des dépenses liées aux uniformes et autres fournitures scolaires. Cette somme comprend la part du gouvernement provincial, la part de l’organisme de tutelle (État, Confessions catholique, protestante, musulmane ou kimbanguiste, etc.) et la part destinée à la motivation des enseignants(8).

Comme en Santé Publique, le Gouvernement congolais s’est aussi désengagé du financement du système d’éducation, sacrifiant ainsi l’avenir du pays. Bien que l’éducation ait fait partie des 5 chantiers prioritaires du Gouvernement, le budget alloué est demeuré extrêmement très faible (5,4 % du budget national annuel) alors qu’il devrait être compris entre 20 et 25 % selon la norme de l’initiative «Fast Track» afin de garantir le droit à l’éducation pour tous(9). C’est ainsi que, à cause de ce maigre budget, pour l’année scolaire 2014-2015, le Gouvernement a reconduit le système de la prise en charge des enseignants par les parents. Cela veut dire qu’en plus des frais repris ci-dessus, déjà exorbitants, les parents doivent payer d’autres frais dits «frais de prise en charge des enseignants.»(10). À titre d’exemple, pour l’année scolaire 2015-2016, certaines écoles des quartiers moins nantis de la ville de Kinshasa ont exigé, malgré la loi, 95 à 150 $ US/trimestre (Bumbu, Ngaba, Masina, Kimbanseke, ND’Jili, Maluku, Selembao ou Makala) alors que celles des communes nanties ou moyennement nanties réclament 100 $US/mois (Gombe, Barumbu, Limete, Lemba, Bandalungwa, Mont-Ngafula et Kitambo). A y regarder de très près, les parents ont été floués dans cette disposition de gratuité de l’éducation par le Gouvernement. S’ils ne versent pas les frais exigés, leurs enfants ne seront pas admis à l’école. Cette dernière va tout simplement rendre le tablier car le Gouvernement, qui s’est totalement désengagé depuis plusieurs années, ne lui verse rien ou presque rien et d’une manière très irrégulière. Y a-t-il armes fatales plus redoutables que priver de l’éducation des générations entières des jeunes enfants et adolescents d’un pays ? Ailleurs, un État aurait été poursuivi en justice pour génocide intellectuel.

d)– En ce qui concerne la mise en œuvre des programmes de construction d’écoles :

Selon l’Agence Française de Développement (AFD), en R.D. Congo, près de 65 % des locaux scolaires du primaire et 55 % du secondaire ne sont pas en dur et/ou sont dans un état de délabrement avancé et ne disposent pas toujours des équipements indispensables (Fig. 2 et 3). Les enseignants, insuffisamment formés, sont peu motivés par un salaire dérisoire (moins de 25 $/mois dans les zones rurales) (11).

Dans son discours, le Président Kabila annonce courageusement qu’entre 2013 et 2015, 512 écoles ont été construites «directement sur fonds propres, tandis que 232 chantiers sont encore en cours d’exécution». Ce nombre, étalé sur 14 ans de pouvoir, est insignifiant par rapport aux énormes besoins du pays en matière d’infrastructures scolaires et aux énormes revenus confirmés par une augmentation du taux de croissance signalée dans la première partie de son discours. Dans une étude scientifique intitulée «Gratuité et Qualité de l’enseignement primaire en R.D. Congo», le Prof. G. Mokonzi Bambanota avait montré que pour atteindre l’objectif d’une scolarisation universelle (100 %) en R.D. Congo, il fallait créer pour l’année 2014-2015, 10 339 écoles par rapport à la situation de l’année scolaire 2007-2008. Comme on le voit, le nombre d’écoles construites par le gouvernement du Président Kabila en 14 ans de pouvoir est nettement en dessous du seuil minimum de 10 339 écoles pour assurer une scolarisation universelle à 100 % dans notre pays(12).

e)- En ce qui concerne l’enseignement supérieur et universitaire :

Le Président assure sa population que depuis 14 ans : «…une réflexion en profondeur a été engagée à ma demande, en vue de décider du type d’enseignement qui sied le mieux aux exigences de développement de notre pays : un enseignement universitaire de masse mais fonctionnel, ou un enseignement universitaire élitiste et général.» Pendant que cette réflexion se déroule à une vitesse minimale, ce secteur se meurt aussi à petit feu bien qu’il est soutenu à bout de bras par des vaillants membres des corps scientifiques et académiques souvent mal rémunérés. Les titres tels que : -«Le système éducatif congolais : Une fabrique de cerveaux inutiles ?»(13) ; «Espoir dans l’obscurité»(14) ; «La Cenco en guerre contre le phénomène des diplômés «analphabètes»(15); «Une pléthore de ressources humaines de qualité douteuse »(3, 9) nous épargnent de nombreux commentaires sur l’enseignement supérieur et universitaire. Tout se passe comme si les gouvernants actuels militent sur plusieurs fronts pour empêcher la formation d’une grande et puissante élite nationale dans ce pays afin d’augmenter sa vulnérabilité. À chaque Congolaise et Congolais de comprendre les objectifs cachés et la gravité de toutes ces incohérences.

Conclusion

L’analyse de quelques passages du discours du Président Kabila sur l’état de la nation du 14 décembre dernier a permis de montrer que «le diable se niche dans les détails». Loin d’être un discours-bilan de ses 14 années de pouvoir à la tête d’un pays aussi vaste, aussi potentiellement riche, ce discours a plutôt été un tissu poreux de quelques réalisations glanées par-ci par-là, ne répondant à aucun projet de société et des contre-vérités à la lumière des réalités que vivent les Congolais sur le terrain. L’autosatisfaction exprimée par le Président J. Kabila sur ses médiocres réalisations dans les domaines de la Santé Publique et de l’Éducation (tous niveaux confondus) pendant 14 ans de pouvoir a provoqué la colère, la désillusion et le désespoir au sein de la population congolaise qui s’attendait à des accomplissements à la hauteur du taux de croissance économique affiché de 7,7 %. Ce contraste qui traduit un manque évident de vision dans la gestion de ce vaste et beau pays signifierait probablement une atteinte des limites dans l’exercice du pouvoir. Et ces limites imposent une seule voie pour l’avenir, celle de l’alternance du pouvoir. Si bien conseillé, le Président J. Kabila pourrait encore inscrire son nom dans l’histoire de la jeune démocratie congolaise en garantissant le respect de la Constitution, en organisant des élections libres et en assurant une saine transition entre lui et celui que la population aura choisi pour le remplacer à la tête du pays. Par contre, si par défi, arrogance ou orgueil mal placé, il est mal conseillé par les flatteurs et autres troubadours qui gravitent autour de son pouvoir finissant selon la Constitution et opte pour la voie de la violence par ses armes et de l’arbitraire des lois taillées sur mesure, la population, souverain primaire, lui montrera le chemin de sortie par des moyens qu’elle jugera utiles selon cette même Constitution plusieurs fois violées par lui et son équipe(16).

Références

(1) Katshingu, R.K., 2015. Du miracle rwandais au paradoxe congolais (RDC) – De la pauvreté à l’émergence économique. Ed. L’Harmattan, Paris

(2) http://afrique.kongotimes.info/eco_tech/6960-rdc-taux-accroissement-budget-2014-gouvernement-presente-milliards-fc.html.

(3) Stasse, S., Vita,D., Kimfuta, J., et al., 2015. Improving financial access to health care in the Kisantu district in the Democratic Republic of Congo: acting upon complexity Glob Health Action 2015, 8: 25480).

(4) Ministère du Budget, Loi portant Budget de l’État des exercices 2008, 2009, 2010 et 2011.

(5) Maindo M. Ngonga, A. et P. Kapagama Ikando (eds), 2012. L’Université congolaise face au nouvel espace mondial des savoirs – Défis du passage au LMD.

(6) Tshibwabwa, S., 2015. -Eau-Secours-Congo R.D. : Journée mondiale de l’eau 2015, in http://www.afridesk.org

(7) http://www.uis.unesco.org/Library/Documents/out-of-school-children-congo-country-study-2013-fre.pdf.

(8) http://www.radiookapi.net/actualite/2014/09/09/rdc-les-multiples-destinations-prennent-les-frais-scolaires.

(9) http://www.afd.fr/home/pays/afrique/geo-afr/republique-democratique-du-congo/projets-rdc/education-rdc.

(10) http://groupelavenir.org/kinshasa-campagne-pour-la-gratuite-de-frais-scolaire-au-niveau-primaire/

(11) http://www.afd.fr/home/pays/afrique/geo-afr/republique-democratique-du-congo/projets-rdc/education-rdc.

(12) Bambanota Mokonzi, G. :«Gratuité et qualité de l’enseignement primaire en RD Congo». Fac. Psychologie et Sciences de l’Éducation, Université de Kisangani, in http://www.skolo.org/IMG/pdf/gratuite_congo.pdfé.

(13) Bongeli, É., 2015.-«Le système éducatif congolais : Une fabrique de cerveaux inutiles ?». Communication à la 2e édition de la Semaine de la Science et des Technologies de Kinshasa-Jeudi 16 – Vendredi 17 avril 2015 à l’Institut de la Gombe.

(14) Kabemba, Y., 2015. Espoir dans l’obscurité. Film documentaire payant de 48 minutes produit par Congomikili Cinéma, Montréal, 01 Mai 2015 : «Malgré que les universités et instituts supérieurs de la R.D. Congo sont remplis de corruption, harcèlement sexuel et misère, la majorité des étudiants restent optimistes en leur avenir et continuent à croire fermement en la qualité de la formation qu’ils reçoivent

(15) http://www.lephareonline.net/eps-inc-la-cenco-en-guerre-contre-le-phenomene-des-diplomes-analphabetes/ du 21 décembre 2015

(16) – Kongolo, J.B., 2015. Cour constitutionnelle ou caution de violation de la Constitution ? in http://www.afridesk.org.

http://siteresources.worldbank.org/INTAFRREGTOPEDUCATION/Resources/444659-1210786813450/ED_CSR_DRCongo_fr.pdf

http://www.unicef.org/french/education/drcongo_58248.html.

http://kinshasa-ca-bouge.net/-Scolarite-des-enfants.

http://eyinda.com.79-171-34-5.willbemysite.com/detailsnews.aspx?Id=13625

http://www.radiookapi.net/actualite/2014/08/12/katanga-le-chef-de-groupement-mukimbo-appelle-les-enseignants-regagner-leur-village.

Sinaseli TSHIBWABWA

Expertise en Biodiversité des Poissons d’eau douce d’Afrique&
Écologie des Eaux Continentales

sinaseli@hotmail.com

0

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

This panel is hidden by default but revealed when the user activates the relevant trigger.

Dans la même thématique

DROIT & JUSTICE | 23 Sep 2025 22:58:21| 168 0
RDC : Jean-Jacques Wondo dépose plainte en Belgique pour menace de mort
Il y a dix jours, un journaliste congolais critique du régime Tshisekedi a été violemment agressé à Tirlemont. “Les menaces… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 22:58:21| 651 0
Un hommage poignant de JJ WONDO à sa fille MAZARINE WONDO en ce jour d’anniversaire, malgré l’injustice de son incarcération
"Joyeux Anniversaire à la très inspirée et exceptionnelle MAZARINE WONDO. Je t'envoie plein de Bisous,d'Amour et de Bénédictions. Nous sommes… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 22:58:21| 1535 0
RDC : Dossier Jean-Jacques Wondo, la défense contre-attaque et démonte toute l’accusation
Le dossier de la téléphonie sur lequel repose l’accusation apparaît comme un enorme montage pour accuser l’expert belge. Le procès… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 22:58:21| 781 0
HONORABLE PATRIOTE SERGE WELO OMANYUNDU DANS NOS COEURS
Ce 5 novembre 2024, cela fera un an que le Député Honoraire Serge Welo OMANYUNDU nous a quittés.Nous, sa famille… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK