RDC : Vers l’implosion du Rassemblement ?
Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Alo rs que la fin de son mandat constitutionnel était prévu le 19 décembre 2016, Joseph Kabila continue à trôner à la tête du pays, déjouant à la fois la menace du carton rouge promis par le Rassemblement de l’opposition congolaise et les mouvements citoyens et les sanctions de la communauté internationale. Mieux encore, l’homme qui devait être sanctionné par son illégalité et son illégitimité est en passe de devenir le « légitimateur » de l’opposition. Il contrôle et oriente désormais le jeu politique après avoir floué, piégé et pris en otage la CENCO dans ses missions des bons offices dont il peine à conclure. Seul maître du jeu, disposant de l’impérium, Kabila parvient subtilement à piéger à la fois l’opposition autour de Vital Kamerhe puis le Rassemblement qui se trouve au bord de l’implosion du fait de la guerre pour la primature. Telle est la substance de cette analyse synthétique.
Premiers signes du malaise au sein du rassemblement : la division au sein de la Dynamique de l’Opposition
« Gilbert Kiakwama et Freddy Matungulu sont suspendus, depuis samedi 21 janvier, à la plate-forme Dynamique de l’opposition. Il est reproché à Kiakwama Kia Kiziki d’avoir refusé de se conformer au principe rotatif, d’un mois, à la modération de la dynamique, alors qu’il a déjà fait deux mois à cette fonction. Une situation qui a créé un malaise et une confusion au sein de cette structure. Pour sa part, Freddy Matungulu est également suspendu pour avoir non seulement soutenu la position de Kiakwama mais également pour s’être illustré par la manipulation et la sournoiserie au sein du groupe »[1]. Il nous revient d’une source diplomatique occidentale que certains milieux américains pro-kabilistes soutiendraient le ticket Kabila – Matungulu. Une option qui serait une aubaine pour Kabila vu le déficit de charisme et de poids politique de cet ancien expert du FMI au profil professionnel flatteur, mais qui doit prendre la mesure de son potentiel décrit dans une analyse prospective de DESC[2]. Au cas contraire, il risque de devenir une sorte de Badibanga bis dans la conjoncture politique actuelle où il ne disposerait pas suffisamment de marge de manœuvre politique pour faire valoir ses atouts. Sinon, il n’aurait pas démissionné en 2003 car Kabila ne l’a pas laissé travailler sereinement comment en pourrait-il être autrement avec un Kabila autocratique radicalisé? Toutefois, l’intéressé a formellement contredit l’information de sa suspension qu’il qualifie de cabale. Il brandit le document ci-dessous qui dément ces accusations et lui accorde pleinement le bénéfice du doute.
Deuxième signe : Le pavé dans la mare jeté par Raphaël Katebe Katoto
Dans une interview accordée au journal en ligne, Actualité.cd, alors qu’un front semblait se constituer autour d’un candidat unique au poste de Premier ministre proposé à Joseph Kabila par le rassemblement, Raphaël Katebe Katoto, membre éminent du comité des sages du Rassemblement, a brisé le tabou et le principe de ‘consensualité’ de prise des décisions au sein de cette plateforme politique qui jusque-là, s’est montrée radicale et ferme contre le régime de Kabila. « Proposer cinq noms à Kabila pour la Primature, je ne vois pas d’inconvénient »[3], telle était sa déclaration en substance. Mieux encore, l’initiateur et l’argentier du Rassemblement s’est dit disposé à proposer sa candidature au poste de Premier ministre. Le frère aîné de Moïse Katumbi ne trouve par ailleurs aucun inconvénient de proposer cinq noms à présenter à Joseph Kabila pour le poste de Premier ministre. Selon lui, loin d’être un obstacle, cette proposition de la MP relève des principes démocratiques. Depuis, selon plusieurs sources convergentes, l’homme s’est lancé dans une campagne politico-financière de séduction de plusieurs membres du rassemblement. Dans sa ligne de mire : la Dynamique de l’opposition et l’Alternance pour la République (AR), une plateforme de l’opposition qui soutient la candidature de Moise Katumbi à la prochaine élection présidentielle.
La contre-attaque de l’UDPS soutenue par le G7
L’UDPS veut aller jusqu’au bout et voir son Premier ministre travailler. C’est la manchette que l’on pouvait lire dans une interview accordée à Christian Lusakueno du Top Congo FM au secrétaire national adjoint à la Communication de l’UDPS, Dori Dumbi. « L’UDPS veut mener à son terme les discussions sur les arrangements particuliers, nous allons atterrir parce que l’accord a été signé, nous devons trouver les moyens de l’appliquer », estime Dori Ndumbi.
Et le « communicateur de l’UDPS » en profite pour lancer une flèche contre Katebe : « Raphaël Katebe Katoto, qui n’est pas le Vice-Président du Rassemblement, n’a fait que donner son avis, quand il dit que le Rassemblement pourrait proposer plusieurs noms à la nomination du président de la République ». « Raphael Katebe à son avis, l’UDPS a aussi le sien. Le point de vue de Monsieur Katebe n’est pas celui du Rassemblement qui reste sur le principe qu’il n’y aura qu’un nom donné. »
(…) « L’UDPS sait déjà qui il va désigner comme Premier ministre, je crois même que les évêques le savent aussi. Nos partenaires du Rassemblement nous ont demandé de désigner le premier ministre au sein de L’UDPS », dit encore Dori Ndumbi, qui refuse de dire qui il est… mais nous avons, à mon sens, déjà choisi celui qui sera le prochain Premier ministre » désigné par le rassemblement[4].
Pour illustrer ce malaise, Pierre Lumbi, président du Mouvement social pour le renouveau (MSR) et président en exercice du G7, est sorti du silence, pour mettre en garde Katebe Katoto. L’ancien Conseiller spécial en sécurité de Joseph Kabila n’y est pas allé du dos de la cuillère : « Nous avons beaucoup de considération et beaucoup de respect pour Katebe Katoto. Nous sommes démocrates. Nous considérons que dans le Rassemblement ou dans le G7 chacun peut avoir sa propre opinion. Mais à partir du moment où une option est déjà levée, on doit mettre dans le tiroir les opinions personnelles. Le président Tshisekedi avant de partir à Bruxelles avait procédé à des consultations de toutes les plateformes. D’ailleurs, les résultats de ces consultations n’ont pas encore été publiés par Etienne Tshisekedi. Personne ne peut s’arroger le droit de prendre son opinion propre comme une option du Rassemblement. Nous voulons être clairs surtout pas en usurpant de la fonction dont Katebe a parlé. Il dit qu’il est vice-président du Conseil. Il ne l’est pas. Le vice-président c’était Mwando. Celui qui devrait revendiquer cette fonction, c’est le président actuel du G7 que je suis. Je ne le fais pas parce que je ne le suis pas. Il faut être sérieux. Nous faisons cette remarque à l’endroit de Katebe Katoto, mais elle vaut également pour ceux qui veulent courir derrière les postes. L’objet de notre lutte, ce n’est pas les postes ou la primature. Ceux qui veulent vraiment être premier ministre ou ministre pendant longtemps, ils n’ont qu’à attendre les élections. Lorsque leurs partis vont gagner, ils seront de ministres (…) Le G7 ne court pas derrière les postes. Le problème, c’est la responsabilité. Le moment venu, nous en discuterons et trouverons un consensus. Notre préoccupation principale, c’est d’aller aux élections en 2017. Le reste est secondaire.[5] »
Comme si cela ne suffisait pas, Olivier Kamitatu y a ajouté sa couche de lasagne dans la cacophonie actuelle en déclarant que « le président de la République doit être respecté dans ses fonctions. Il a le pouvoir de dire non si la personne ne lui plaît pas ou si les critères n’étaient pas respectés. C’est son choix. Nous disons que l’accord est très simple. On ne demande pas au Rassemblement de présenter une liste des candidats. Le Rassemblement va présenter le Premier ministre. Il appartiendra maintenant au président de la République de voir dans quelle mesure il peut nommer ce Premier ministre et c’est son pouvoir »[6].
Le journal en ligne 7sur7.cd de ce 31 janvier tranchait : « Désignation du premier ministre: c’est Félix Tshisekedi, tranche Katumbi via Twitter ». Selon cet article, « le candidat G7 [Ndlr. Moïse Katumbi] à la présidentielle rappelle que l’Accord de la Saint-Sylvestre ne parle pas d’une liste des candidats premiers ministres mais d’un seul candidat. » Il n’est pas dit que le Rassemblement présente une liste des candidats, martèle Katumbi »[7] . Voilà de quoi jeter de l’huile sur le feu dans les rapports fratricides déjà très tendus au sein de la famille Soriano. L’avenir nous le dira, mais nous sommes rentrés dans une dynamique politique que personne ne soupçonnait il y a quelques mois.
Vers la résurrection de la formule d’Ibiza et de Venise entre l’UDPS et la MP ?
Ces sorties médiatiques cachent mal la crise qui s’installe déjà au sein du rassemblement. Une crise qui pourrait conduire à l’implosion de cette plateforme politique. Cela pourrait amener l’UDPS, le parti poids lourds de l’opposition congolaise, à entrevoir éventuellement des concertations directes avec la famille politique de Joseph Kabila. C’est-à-dire reprendre les discussions initiées à Venise et Ibiza en 2015, car déçue de composer avec des opposants de circonstance inconstants et inconsistants. Dans ce cas, on risque d’être ramené à une sorte d’accord de l’OUA bis. ce scénario ouvrira une large porte à un troisième mandat à Kabila, si on en croit les informations à notre disposition sur les arrangements entre les deux camps, qui prévoyaient un partage du pouvoir pour une période transitoire de trois ans permettant la possibilité d’un référendum constitutionnel pour faire sauter le verrou de l’article 220.
Quels scénarios possibles face à cette crise au sein du Rassemblement ?
Ma petite analyse succincte de la situation me pousse à prédire un risque très élevé de l’implosion du Rassemblement dans les prochaines semaines. En cause? La course à la primature, d’abord, puis la posture à prendre vis-à-vis de Kabila. Dans cette hypothèse, trois pôles politiques, opportunistes et parfois antinomiques risquent de se constituer:
Le pôle autour de l’UDPS qui soutient mordicus la candidature unique de Félix Tshisekedi qui se radicalise vis-à-vis de Kabila et ne veut faire aucune concession à Kabila, du moins jusqu’à présent.
Le pôle autour de Raphaël Katebe Katoto qui constelle la majorité des partis de la Dynamique de l’opposition et de l’AR, moyennant des dessous de table, sachant que la plupart des membres de cette plateforme ne supporteront pas de mener une carrière politique d’opposant, non rentable financièrement pour eux. Ces politiciens opportunistes et matérialistes n’ont pour conviction politique que se retrouver au pouvoir pour en profiter de ses avantages sociaux financiers, en commençant par se remplir les poches auprès de Katebe Katoto.
Le pôle autour de Moise Katumbi, qui regroupe essentiellement le G7 dont une majorité soutiendrait l’UDPS vu que Katumbi ne conçoit aucune cohabitation avec Kabila. La déclaration de Pierre Lumbi l’atteste.
Cela déclencherait une guerre de tranchées entre les frères Katebe et Katumbi. Des sources en Afrique du sud signalent déjà la présence de Katebe à Johannesburg pour y rencontrer quelques membres de la Dynamique de l’opposition et de l’AR afin de soutenir sa candidature moyennant des motivations financières.
Quelle lecture faire de ces scénarios ?
Cela amène à croire que la lutte pour l’alternance au pouvoir n’est plus la priorité pour une majorité des partis de l’opposition, si on y ajoute l’opposition kabiliste autour de Kamerhe. La course au partage du pouvoir a pris le pas à la lutte pour l’alternance au pouvoir et contre le glissement de Joseph Kabila dont on ne conteste plus son illégalité et son illégitimité.
Un rapprochement entre l’UDPS et Kabila n’est pas à exclure si les malentendus se maintiennent. Et que l’UDPS se rend compte qu’on s’est servi de lui comme tremplin politique pour certains opposants comme ce fut le cas après les accords de Sun City, en Afrique du Sud en 2003. Et DESC n’avait cessé de prédire ce risque, en son temps.
Un rapprochement entre l’UDPS et Moïse Katumbi qui ne jure que par le départ de Kabila peut encore sauver ce qui restera du Rassemblement. Ce rapprochement aura pour corollaire de rompre l’unité familiale entre Katebe et Katumbi. Toutefois, Tshisekedi et Katumbi éprouveront désormais des difficultés à remobiliser la population très déçue des agissements des politiciens, notamment du message flou et démobilisateur d’Etienne Tshisekedi à la population, lors des événements du 19 décembre 2016.
La confrontation entre les deux ex-alliés Kabila – Katumbi est telle que l’un ne peut plus cohabiter avec l’autre, du moins à court terme, tant les deux protagonistes se sont lancés dans une guerre sans merci, prédite à l’époque par DESC[8].
On constate une tendance assez visible du rapprochement entre Kabila et Katebe pour affaiblir Katumbi. DESC vous a déjà mis au courant des tentatives initiées par Zoé Kabila pour rapprocher son grand frère de Katebe afin d’isoler davantage Katumbi. Il est fort probable que les deux hommes se soient rencontrés récemment à Naïrobi.
En tout état de cause, aussi paradoxal et inimaginable que cela puisse paraître si on était dans un pays normal avec des acteurs polituques conscients et responsables, triste est de constater que le seul maître à bord à la manœuvre reste Kabila, le violeur de la Constitution et président illégal et illégitime qui devient le légitimateur des opposants. Quel renversement antinomique de la situation?
Voilà ce dont la classe politique congolaise, notamment de l’opposition, est capable d’offrir à la population congolaise après lui avoir miroité en vain l’alternance le 19 décembre 2016. Pendant ce temps, Kabila a glissé vers le terrain de la guerre[9], où il compte désormais réinstaurer le désordre ordonné[10] dont il tirera davantage des dividendes politiques dans les tout prochains mois. Tout cela, dans l’indifférence totale de cette opposition inconsciente
La conclusion générale que l’on peut tirer de tout ceci est l’incapacité de la classe politique post-Lumumba de se fédérer autour des valeurs républicaines et patriotiques de l’intérêt général. Mobutu a eu raison de l’Union sacrée de l’opposition radicale qui s’est effritée à la suite de l’appât du gain. Kabila est en passe de réussir le même pari en atomisant le Rassemblement. L’unique variable qui semble demeurer constante dans l’équation politique congolaise est que seule la guerre ou l’option militaire reste la continuation de la politique en faveur de l’alternance qui a montré ses preuves depuis 1960. Malheureusement les généraux congolais en jupettes préfèrent servir au garde-à-vous les agresseurs du Congo.
Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Références
[1] http://www.radiookapi.net/2017/01/22/actualite/en-bref/dynamique-de-lopposition-kiakwama-et-matungulu-suspendus.
[2] http://afridesk.org/fr/ma-lecture-2-rdc-2016-equations-et-les-hommes-en-vue-jean-jacques-wondo/.
[3] https://actualite.cd/2017/01/25/katebe-proposer-cinq-noms-a-kabila-primature-ne-vois-dinconvenient-interview/.
[4] Pour écouter l’interview, cliquer sur le lien ci-dessous : https://soundcloud.com/user-767523546/dori-dumbi.
[5] https://actualite.cd/2017/01/30/p-lumbi-remarque-a-lendroit-de-katebe-vaut-egalement-veulent-courir-derriere-postes/#S1sokXJjkytG7ewu.99.
[6] https://www.africa243.com/2017/01/designation-du-premier-ministr/.
[7] http://7sur7.cd/new/designation-du-premier-ministre-cest-felix-tshisekedi-tranche-katumbi-via-twitter/.
[8] http://afridesk.org/fr/kabila-et-katumbi-engages-dans-une-guerre-economique-fatale-enquete-desc/. Ou http://afridesk.org/fr/le-duel-kabila-katumbi-la-continuation-de-lenjeu-geopolitique-en-afrique-jj-wondo/.
[9] http://afridesk.org/fr/deux-helicopteres-des-fardc-abattus-joseph-kabila-laisse-t-il-faire-le-rwanda-et-louganda-jj-wondo/.
[10] http://afridesk.org/fr/bruits-de-bottes-groupes-armes-kabila-et-la-strategie-rwando-ougandaise-du-desordre-ordonne-jj-wondo/.
One Comment “RDC : Vers l’implosion du Rassemblement ? – JJ Wondo”
Colard Kabeya
says:Je pense que, il n y a pas lutte pour les postes comme vs le prétendez, le problème pour arriver à une alternance démocratique, il faut des gens crédibles la thèse que soutien le rassopp et le front de eve bazaiba, la mp ne veux pas des personnes credibles, parce-que ils ne sont corruptibles, ils cherchent des personnes qu’ils peuvent corrompre facilement pour bloquer l’alternance, oubliant qu’ils sont illégitimes , dô ns ne devons pas cédé à ceux caprices, je sais qu’ils vont égaré bcp de politiciens qui prétendent être neutre, mais nous a l’udps ns vaincrons quelques soit la longer de la nuit