DROIT & JUSTICE | 27-09-2024 10:35
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RDC : qui est Jean-Jacques Wondo, l’expert militaire belge condamné à mort ?

Auteur : Romain Chanson Initialement publié dans www.jeuneafrique.com
Jean-Jacques Wondo au moment du verdict dans l’affaire de la tentative de coup d’État en RDC, le 13 septembre 2024 à Kinshasa. © BELGA PHOTO/ Icon Sport

Bonne connaissance du président Félix Tshisekedi, il a écopé de la peine capitale
pour son implication supposée dans la tentative de coup d’État du 19 mai à
Kinshasa

Une condamnation très lourde pour un dossier d’instruction extrêmement ténu. C’est ainsi que
Yannick Quéau résume l’affaire dans laquelle son collègue, Jean-Jacques Wondo, est
inquiété. Ce dernier a travaillé pour le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la
sécurité (Grip), dirigé depuis Bruxelles par Yannick Quéau. « On a tous été surpris par le
jugement », confie le directeur après avoir pris connaissance de ce qui est reproché à son
collègue. « Il n’y a rien dans le dossier », affirme-t-il.

« Un éminent chercheur »

Yannick Quéau loue les qualités de Jean-Jacques Wondo, expert militaire reconnu sur la place
de Bruxelles, sollicité par les journalistes et les ONG comme Human Rights Watch qui s’était
ému de l’arrestation d’un « éminent chercheur » avant sa condamnation. « C’est quelqu’un d’assez connu pour son travail sur les forces de police et militaires, et sur leurs relations avec
la population civile. Il a un agenda d’apaisement de ce type de relations, c’est pourquoi son
travail est apprécié », raconte Yannick Quéau.
Jean-Jacques Wondo était à Kinshasa au moment de la tentative de coup d’État du 19 mai. Il
avait accepté une mission de conseil auprès de l’Agence nationale de renseignements (ANR).
Le président Félix Tshisekedi avait dit vouloir humaniser cette agence, connue pour ses
violations des droits de l’homme et ses cachots secrets. L’ANR était dirigée depuis le 1ᵉʳ août
2023 par Daniel Lusadusu Kiambi, finalement relevé de ses fonctions le 31 mai dernier. Cet
ancien cardiologue a longtemps vécu à Bruxelles, où il a étudié à l’École royale militaire de
Belgique, comme Jean-Jacques Wondo, qu’il connaît, et à qui il a proposé cet audit des
renseignements congolais.
Jean-Jacques Wondo n’en est pas à sa première mission de conseil en RDC, mais il demande
à recevoir l’accord tacite du chef de l’État avant de commencer. « Il était un peu hésitant et il
voulait être vraiment sûr que tout le monde était d’accord au Congo. Il connaissait le risque
qu’il y avait à accepter », témoigne Séphora Wondo, l’une des filles de l’expert. Le président
de la République aurait dit, selon des propos rejoués par Joël Kandolo, porte-parole de la
famille Wondo : « Ah c’est une bonne chose ! Jean-Jacques est un jeune frère avec qui on a
beaucoup travaillé en Belgique, j’espère qu’il va mettre de l’ordre dans ce bazar. »

Connaissance du président

Joël Kandolo insiste sur la relation amicale qui unissait les deux hommes, qui ont tous les
deux fréquenté le collège Elikya (aujourd’hui Saint-Joseph) de Kinshasa, mais à des périodes
différentes. « C’est une relation qui dure depuis une trentaine d’années. Félix et lui se sont
retrouvés ici [en Belgique] dans la lutte contre l’ancien régime [de Joseph Kabila], ils ont
toujours été très proches. Devenu président, Tshisekedi l’appelait par son surnom, “Paly” »,
raconte Joël Kandolo. Une photo datant de novembre 2016 montre les deux hommes attablés
ensemble à Bruxelles.
C’est aussi dans la capitale belge, le 23 novembre 2016, lors d’une marche de l’opposition
congolaise, que Jean-Jacques Wondo a été pris en photo avec Christian Malanga, le chef du
commando du 19 mai, qui a été tué au cours des événements. La photo a été utilisée pour
accuser Jean-Jacques Wondo, comme l’une des preuves de sa proximité avec Christian
Malanga. « Cela ne prouve rien », soupire Yannick Quéau, qui rappelle que ces séances
photos improvisées sont très fréquentes lors des conférences.

Elles peuvent aussi témoigner de la notoriété de l’accusé. « Jean-Jacques Wondo est une
personne très connue dans le milieu politique », insiste son avocat, Me Carlos Ngwapitshi
Ngwamashi. Il était consulté par l’opposition en exil pour son expertise militaire, il avait
participé aux rencontres de Dakar sur l’île de Gorée du 12 au 14 décembre 2015, où
l’opposition congolaise – dont Félix Tshisekedi – s’était réunie. Il avait également assisté au
conclave de l’opposition réunie à Johannesburg, en mars 2018, autour de Moïse Katumbi,
qu’il a conseillé.
« Quand on a créé la plateforme Ensemble pour le changement, c’est naturellement que nous
l’avons contacté pour disposer de son savoir en matière de défense et de sécurité, explique
Olivier Kamitatu, directeur de cabinet de Moïse Katumbi. Il est devenu conseiller de Moïse
Katumbi sur toutes les questions ayant trait à la réforme de la sécurité. C’était la personne
indiquée. »

Dans l’avion de Félix

L’expert était aussi à Genève en 2018 lorsque l’opposition se cherchait un candidat commun.
Jean-Jacques Wondo a pris le même avion que Félix Tshisekedi pour rejoindre Bruxelles
après la réunion. Mais il n’aurait pas apprécié que ce dernier trahisse sa parole et ne soutienne
finalement pas la candidature de Martin Fayulu , pourtant désigné par les autres candidats
pour se présenter à l’élection présidentielle. « Qu’un homme politique change d’avis au
Congo, soit. Mais qu’un frère change d’avis de cette manière, ça ne pouvait que
l’interpeller », explique Joël Kandolo.

Leurs avis divergent, mais les deux camarades ne sont pas fâchés pour autant, selon ce proche
de la famille. Jean-Jacques Wondo continue par la suite à partager ses analyses avec le
président auquel il a directement accès. Parmi ses conseils : un avis négatif sur l’état de siège
permanent dans l’est du pays, mal ficelé et inadéquat, selon lui. Il déconseille aussi d’adhérer
à la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC), au risque d’être inondé par les produits
des pays partenaires. Le président n’a pas suivi ces conseils, « soumis bénévolement », appuie
Joël Kandolo. Peu importe : « Jean-Jacques Wondo est un patriote, il n’a jamais cessé d’offrir
son aide. »

Appel à l’aide
La supposée proximité de l’accusé avec le président ne l’a pas protégé d’une condamnation à
mort. « En tant que famille, on est dubitatif. On lui a fait passer des messages de l’épouse
Wondo, par tous les canaux possibles, le président n’a jamais réagi », déplore Joël Kandolo.
« Je vous en supplie, intervenez », implore Nathalie Kayembe dans une vidéo. « Faites
quelque chose, c’est quelqu’un que vous avez fréquenté, c’est quelqu’un que vous connaissez
[…]. Il n’en voudrait pas à votre vie, il ne chercherait pas à vous faire du mal », poursuit
l’épouse éplorée entourée de ses enfants.
Jean-Jacques Wondo est notamment accusé d’avoir mis sa Jeep de service à disposition des
assaillants. Mais le ministère public n’a pas été en mesure de préciser quelle était la couleur
du véhicule. Ce doute aurait dû suffire à le faire acquitter, selon Carlos Ngwapitshi
Ngwamashi.
L’avocat a fait appel sans avoir accès au jugement qui aurait dû être publié dès la sentence
prononcée mais qui n’a toujours pas été mis à sa disposition, empêchant le travail de la
défense. Congolais naturalisé belge et fonctionnaire de la fédération Wallonie-Bruxelles,
Jean-Jacques Wondo a reçu le soutien de la ministre belge des Affaires étrangères, Hadja
Lahbib, qui a téléphoné à son homologue, Thérèse Kayikwamba Wagner, pour lui dire son
opposition à la peine de mort et exiger le respect des droits de la défense.

La Matinale.
Kenix, le dealer de l’info

 

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