Le Lualaba, l’une des 26 provinces congolaises située dans le sud-est de la République démocratique du Congo (RDC), se distingue par un taux d’accès à l’électricité plus élevé que dans d’autres provinces. Les installations énergétiques sont inégalement réparties sur l’ensemble du territoire provincial. Leur distribution suit la géographie des ressources minières et de leur exploitation. Les zones privilégiées sont les bassins miniers de Lubudi et de Mutshatshsa, situés dans l’est du Lualaba. Les territoires de l’ouest, qui sont assez isolés, faute de routes praticables, ont un accès parfois très limité à l’électricité.
Si des efforts sont fournis pour renforcer les infrastructures énergétiques, il reste à augmenter l’offre en électricité, à répartir de manière plus équilibrée, les installations sur l’ensemble du territoire provincial. Pour, à terme, concrétiser la complémentarité entre le Lualaba minier et le Lualaba agricole.
L’énergie : le nerf de la guerre
Selon le Plan quinquennal de développement provincial 2019-2023, le taux de desserte en électricité du Lualaba serait de l’ordre de 20 %, « concentré essentiellement dans les deux villes de la province, Kolwezi et Kasaji, dans les 3 entités minières Fungurume, Kisenge et Kakanda et dans quelques entités desservies par la ligne caténaire de la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC) ».
Selon le rapport 2024 de l’Autorité de Régulation du secteur de l’Électricité (ARE), la puissance installée au Lualaba était, à fin 2024, de 847,2 MW dont 617,7 MW en hydroélectricité, 227,1 MW en thermique et 2,4 MW en photovoltaïque. Or les besoins énergétiques de la province sont énormes, secteur minier et croissance démographique obligent. Rien que pour le secteur minier, le déficit serait de quelque 2000 MW selon l’ARE.
Interconnexion avec Inga
Des trois réseaux de distribution de l’électricité que compte la RDC, seuls les réseaux Ouest (provinces de Kinshasa et du Kongo central) et Sud (Luababa et Haut-Katanga) sont interconnectés. Ainsi la province du Lualaba est connectée au réseau de la Société nationale d’électricité (SNEL), via la ligne à très haute tension (THT) de courant continu, longue de 1720 km, qui part du barrage d’Inga, situé dans la province du Kongo-Central, pour aboutir à Kolwezi. La transformation en courant alternatif est effectuée à la Station de Conversion de Kolwezi (SCK) qui assure ainsi le soutirage. Des lignes et des postes de transformation, moyenne et basse tension (MT/ BT) font le relais
Interconnexion avec les réseaux internationaux
À partir d’Inga, ce réseau est interconnecté au Pool énergétique d’Afrique centrale, via l’Angola et le Congo-Brazzaville. À partir de Kolwezi, il est relié, via la Zambie au Southern African Power Pool (Pool énergétique d’Afrique australe en français). Depuis Kolwezi, la ligne électrique passe par Lubumbashi et Kasumbalesa (frontière avec la Zambie) pour atteindre à Chililabombwe, ville située dans la province zambienne du Copperbelt, le réseau électrique de la Zambia Electricity Supply Corporation Limited (ZESCO), la compagnie nationale d’électricité.
Plusieurs solutions pour augmenter l’offre
La loi n° 14/011 du 17 juin 2014 relative au secteur de l’électricité a mis fin au monopole de la SNEL et ouvert le secteur à la concurrence. Cela a permis à des opérateurs privés d’investir sur toute la chaîne de valeur du secteur : production, transport, commercialisation, distribution, importation, exportation. Devenue une société commerciale, la SNEL intervient au même titre que les privés. Si elle ne peut pas exploiter elle-même, elle peut déléguer la gestion à un privé, qui devra exploiter et assurer la maintenance de la centrale. Plusieurs régimes juridiques (concession, licence, autorisation, etc.) existent selon que l’installation se trouve ou non dans le domaine public et selon la taille de l’équipement.
Pour augmenter l’offre, qui privilégie les énergies propres et renouvelables (hydroélectricité et solaire), plusieurs solutions ont été ou sont mises en œuvre : la réhabilitation des centrales hydroélectriques existantes, le développement de nouveaux sites hydroélectriques ou photovoltaïques, la rénovation de turbines du complexe hydroélectrique d’Inga, la réhabilitation de lignes de transport et l’importation d’électricité. Des groupes électrogènes de secours sur site s’ajoutent à l’ensemble de ces dispositifs,
Si le gros de la demande en énergie émane des miniers, le gouvernorat provincial, la SNEL, l’Agence Nationale de l’Électrification et des Services Énergétiques en Milieux Rural et Périurbain (Anser) et des particuliers sont aussi demandeurs. Tout dépend du type d’énergie recherché, de la taille des équipements et du volume de production.
Lire aussi : Les provinces du Corridor de Lobito : le Lualaba en RDC. 1. L’économie https://www.makanisi.org/les-provinces-du-corridor-de-lobito-le-lualaba-en-rdc-1-leconomie/
Les centrales exploitées par la Snel
Les compagnies minières exploitent rarement des centrales hydroélectriques. En revanche, elles préfinancent parfois les travaux (prêt remboursé sur les factures d’électricité), et, pour sécuriser leur approvisionnement, elles signent des contrats d’achat d’électricité (Power Purchase Agreement en anglais), à long terme, avec les producteurs. Toute la production ne leur revient pas. Un pourcentage (20 %) est réservé pour être vendu à la SNEL ou à un opérateur privé, lesquels revendront l’électricité à leurs clients, voire à l’Anser, qui peut financer des projets, mais ne peut pas être opérateur.
Au Lualaba, la fourniture d’hydro-électricité est actuellement assurée par trois centrales hydroélectriques implantées sur le fleuve Lualaba : N’Seke (260 MW), Nzilo 1 (108 MW) et Busanga (200 MW). La réhabilitation de N’Seke, qui est exploitée par la SNEL, a été financée dans le cadre d’un partenariat public/privé entre la Snel et l’entreprise Tenke Fungurume Mining (TFM). Une ligne haute tension 120 kV, reliant la centrale au Répartiteur Ouest, à Kolwezi, a été mise en service en octobre dernier.
La SNEL exploite également Nzilo 1 dont les travaux de réhabilitation du groupe 3 ont été financés par le suisse Glencore (prêt remboursé sur des factures d’électricité) et réalisés par Forrest Group (branche électricité) et Congo Energy.
Centrales hydroélectriques au Lualaba
| Nom | Territoire | Cours d’eau | Capacité | Statut | Exploitant |
| Nseke | Mutshatsha | Lualaba | 260 (4×65) | En service | SNEL |
| Nzilo I | Mutshatsha | Lualaba | 108 MW | En service | SNEL |
| Busanga | Lubudi | Lualaba | 240 (4×60) | En service | Sicohydro |
| Nzilo II | Mutshatsha | Lualaba | 200 MW+ 40 MW solaire | Opérationnelle en 2029 | Lualaba Power |
| Dikolongo | Lubudi | Kalule | 4,45 MW | À l’arrêt | Cimenkat |
| Kalule | Lubudi | Kalule | 2,2 MW | À l’arrêt | Cimenkat |
Les nouveaux exploitants/développeurs
En revanche, la situation est différente pour les nouveaux sites. Ainsi, la centrale de Busanga est exploitée par la Sino-Congolaise Hydroélectrique (Sicohydro S.A.) qui a obtenu une concession d’une durée variable, au terme de laquelle l’installation deviendra la propriété de l’État congolais. Sicohydro est un consortium formé de la Sicomines (Sinocongolaise des mines), un groupement d’entreprises chinoises, qui détient 60 % du capital et de la partie congolaise (Gécamines, SNEL) qui en détient 40 %. Le financement des travaux a été assuré par des prêts chinois. Sur les 240 MW produits, 170 MW vont au projet minier de la Sicomines, situé à Kolwezi. Le reste est revendu à la Snel et à d’autres acquéreurs.
Le projet NZilo 2, en construction, qui combine hydroélectricité (200 MW) et solaire (40 MW) est porté par le producteur indépendant Lualaba Power, un consortium associant Mining Engineering Services (MES), du groupe indien Vinmart, et la SNEL. Son coût, d’environ 470 millions de dollars, est financé par MES et CMOC Group, dans le cadre d’un partenariat signé en mai 2024. La durée de la concession est de 12 ans, renouvelable une fois. La centrale devrait être opérationnelle en 2029.
Propriétés de la Cimenterie du Katanga (Cimenkat), les centrales de Dikolongo (4,45 MW) et de Kalule (2,2 MW), construites sur la rivière Kalule dans le Lubudi, sont à l’arrêt. L’entreprise Kalule Power envisage de construire deux centrales hydroélectriques. plus puissantes que celles existantes, sur la même rivière mais pas au même endroit. Les anciennes centrales pourraient être démontées.
L’essor du photovoltaïque
À côté des mini-réseaux solaires, les centrales photovoltaïques (parcs solaires) se développent comme solutions alternatives à l’hydroélectricité ou en complément. Leur coût est moins élevé que celui d’une centrale hydroélectrique et leur construction plus rapide. Des licences sont octroyées à des producteurs indépendants, quand le parc est installé sur un domaine privé. Pour des petites centrales, l’autorisation suffit. Les exploitants sont généralement des entreprises congolaises ou étrangères, plus rarement des compagnies minières.
Parmi les équipements photovoltaïques déjà réalisés dans le Lualaba figurent le parc solaire de Kisanfu Mining SAS (Kimin SAS), qui s’étend sur 25 hectares à 60 km de Kolwezi, dont Kimin est le gestionnaire. L’autre réalisation est la Centrale solaire de Fungurume (2,6 MW),située à 100 km de Kolwezi, qui générera à terme 46 MWc. Construite par l’entreprise congolaise Kipay Energy, pionnière sur ce segment en RDC, elle est la première en Afrique centrale à utiliser la technologie Tracker.
Lire aussi : Provinces du Corridor de Lobito : le Lualaba en RDC. 2. Le transport https://www.makanisi.org/provinces-du-corridor-de-lobito-le-lualaba-en-rdc-2-le-transport/
Les projets à venir
Plusieurs projets sont en développement. Le développeur canadien East African Power et le groupe congolais Ihusi ont lancé, en juillet dernier, la construction de la centrale solaire de Mutshatsha, d’une capacité de 133 MWc, dont la production sera vendue à la Snel et à des compagnies minières. La durée de réalisation est estimée à deux ans. East African Power prévoit également de construire une centrale solaire à Kolwezi, de 100 MWc dans le cadre d’un consortium avec la SNEL
Développée par Green World Energie en partenariat avec l’entreprise chinoise Shenzhen Hongfuhan Technology, une centrale photovoltaïque, comprenant un système de stockage d’énergie par batteries, fournira environ 30 MW au complexe minier de cuivre de Kamoa-Kakula, exploité par Kamoa Copper SA, un partenariat entre Ivanhoe Mines et Zijin. À cet effet, une coentreprise sera créée, dont le capital sera réparti entre Hongfuhan (80%), qui assurera le contrôle, et Green World/SDCC (20%), qui sera chargée de la construction, l’installation, l’exploitation et la maintenance. Un autre accord a été signé entre la compagnie minière et Cross Boundary Energy DRC pour financer, construire et exploiter une autre centrale solaire de 30 MW. Un contrat d’achat d’électricité à long terme a été signé entre les deux parties.
Étendre les interconnexions avec les pays voisins
Des interconnexions directes entre le Lualaba et ses pays voisins sont en projet. Côté Zambie, le projet Kalumbila-Kolwezi Interconnector Project (KKIP) est développé par Enterprise Power DRC ‘EPDRC, une société privée de trading d’électricité opérant en Afrique Australe, et sa filiale Enterprise Power Zambia. Validé par le régulateur zambien du secteur énergétique, il reliera, par une ligne haute tension de 147 km, Kolwezi à la sous-station ZESCO, située dans le district de Kalumbila (province du nord-ouest) en Zambie.
Côté Angola, un protocole d’accord signé, en octobre 2025, entre la RDC et la société américaine Hydro-Link LLC, prévoit la construction d’une ligne de transmission de 1150 km, qui acheminera 1,2 GW d’électricité depuis la centrale hydroélectrique de Lauca en Angola jusqu’à la frontière congolaise et permettra ainsi d’alimenter la zone minière de Kolwezi. La mise en service de la ligne est prévue pour 2029.
Commercialisation, distribution et importation d’énergie.
Sur les autres segments de la chaîne de l’énergie, les demandes sont également en hausse. Dans le transport, figurent entre autres JC Mining Lualaba et Zhan Fei Mining. Dans l’importation et la distribution opèrent la Société africaine de l’énergie électrique, Africa Energy Investment et Vostro Power. Le statut de client éligible, qui permet à une société d’acheter ou d’importer de l’électricité auprès d’un opérateur qui ne se trouve pas dans son périmètre, est de plus en plus sollicité par la clientèle Haute tension que représentent les miniers, dont Kamoa Copper, Kimin, Metalkol, Cmoc, etc. Reste à développer la clientèle Moyenne Tension et Basse Tension pour que le plus grand nombre dispose de l’électricité à domicile, dans son entreprise, sa ferme, son magasin ou son atelier.
