RDC – Marche du 21 Janvier 2018: « Trop, c’est trop! Tuez-nous aujourd’hui »
Récit glaçant, mais plein de dignité d’une jeune religieuse blessée par balles
La messe vient de prendre fin. Le cortège des marcheurs de la paroisse Reine des Apôtres se trouve déjà sur Wenge, à Righini. Une sœur Annonciade porte la croix en tête du cortège. Suivent les 4 prêtres qui ont officié. La sœur X, que je connais personnellement, se trouve derrière le curé. Au 2ème rang. A environ 20 m de l’avenue Université (vers Intendance), les militaires attaquent le cortège. Tous se mettent à genoux, sur ordre du curé.
Tous chantent: « Tokobondelayo eee, Mama Maria ». Tous ont les mains en l’air. Les militaires tirent. Gaz lacrymogènes d’abord. Puis, dans ce brouillard, des balles réelles. Sœur X se prend une balle dans l’avant-bras. Une balle réelle. Une balle bien ciblée, non perdue. Elle ne le sait pas. Face à cette résistance, les militaires s’emparent des prêtres et des religieuses. Notre sœur X aussi. On les traîne de Wenge vers le rond-point Ngaba. Sur les hauteurs de Ste Famille, Sœur X, du haut de ses 33 ans, s’arrête. Le bras blessé s’alourdit. Elle constate que sa robe blanche est maculée de sang. De son propre sang. Les douleurs commencent. Elle décide alors d’affronter les militaires. » Je ne descends plus.
« Tuez-moi ici, car trop, c’est trop! ». Les militaires la bousculent. La frêle religieuse X résiste. Les prêtres aussi. Arrivent d’autres militaires et policiers appelés au secours. Gaz lacrymogènes, à nouveau. Sr X s’échappe et se réfugie chez les Conceptionistes. En face de Sainte Famille. Il faut vite l’amener aux Cliniques Universitaires. Son bras saigne toujours. Départ vers les CUK. Mais le véhicule sera bloqué par les militaires qui menacent de tirer sur eux. C’est dans un Centre de santé que la sœur X recevra les premiers soins. Les débris de la balle sont enlevés. Courageuse, elle répète à tous ses nombreux visiteurs: « Je marcherai la prochaine fois. Trop, c’est trop »! Le Pouvoir a créé des martyrs et de nouveaux patriotes. Ils sont lâches, ces militaires qui tuent les civils désarmés. La lutte ne fait que commencer et on en connaît l’issue: le Peuple vaincra. J’admire le courage et le patriotisme de sœur X.
Addendum DESC : L’ancrage de la RDC vers un régime prétorien dictatorial
Ce témoignage émouvant et pathétique se passe de tout commentaire. Cette violence gratuite et inouïe des événements du 21 janvier 2018 vient s’ajouter à la pléthore d’actes de répression et de traitements inhumains des populations congolaises orchestrés par le régime de Joseph Kabila, illégitime et illégal. En sa qualité légale du responsable numéro un des missions exécutées par les forces de sécurité, l’armée et sa Garde républicaine ((article 155 loi organique sur les FARDC), Joseph Kabila devra tôt ou tard répondre de ses responsabilités devant les instances judiciaires nationales ou internationales pour les massacres, violations des droits humains et exactions imputés aux hommes en armes sous son commandement en tant que commandant suprêmes des armées.
La Loi organique portant organisation et fonctionnement des forces armées de la RDC du 11 août 2011 définit en son article 2 l’armée républicaine comme étant « celle qui, respectueuse des lois et des institutions de la République, est soumise à l’autorité civile ». L’Exposé des motifs de la Constitution congolaise, au point relatif à l’Organisation et à l’Exercice du pouvoir fait de la défense nationale un domaine de collaboration entre le Président et le Gouvernement comptable de son action devant l’Assemblée nationale qui peut le sanctionner[1]. L’objectif visé par le constituant est d’éviter que la défense nationale soit le domaine de compétence exclusive du chef de l’Etat. Mais bien plus, comme le stipule lui-même l’exposé des motifs de la Constitution : « éviter les conflits ; instaurer un Etat de droit ; contrer toute tentative de dérive dictatoriale ; garantir la bonne gouvernance et lutter contre l’impunité »[2].
Malheureusement, avec la militarisation à outrance de son régime, par le coup d’Etat opéré le 31 décembre 2017, date de la fin de son ultime mandat, le régime de Kabila n’est ni plus ni moins une dictature militaire prétorienne où l’armée est désormais au service de l’autoritarisme. Les forces armées et de sécurité cessent d’être constitutionnellement garantes de l’ordre républicain. Elles sont donc comptables des crimes graves commis contre les Congolais.
Nous nous permettons de rappeler aux Congolais et amis du Congo cette déclaration de René Cassin, Prix Nobel de la Paix en 1968 et un des artisans, aux côtés de Stéphane Hessel, de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme :
« L’essentiel est que notre conscience ne devienne jamais indifférente même par l’excès de l’horreur aux injustices et aux souffrances qu’il a été possible d’épargner à d’autres hommes par un effort fraternel. Aucun de nous n’a le droit d’être en repos en face de l’oppression ou de la misère ».
Références
[1] Exposé des motifs, Constitution du 18 février 2006 : « Bien plus, les affaires étrangères, la défense et la sécurité, autrefois domaines réservés du Chef de l’Etat, sont devenues des domaines de collaboration.
Cependant, le Gouvernement, sous l’impulsion du Premier ministre, demeure le maître de la conduite de la politique de la Nation qu’il définit en concertation avec le Président de la République ».
[2] Ibid.
One Comment “Congo-Kinshasa – Marche du 21 Janvier 2018: « Trop, c’est trop! Tuez-nous aujourd’hui »”
GHOST
says:..STRATEGIE DE PROXIMITE
Efficace approche appliquée depuis des années par les Frères Musulmans, le Hamas ou le Hezbollah. La meilleure approche dans toute lutte est de prendre « racine » au sein de la population.
Une église, un mosqué, un lieu d´évangelisation est une infrastructure médiatique très efficace qui ne necessite aucune « technologie ».
« A cappella », le prêtre, l´évangeliste ou l´iman peut lancer son speech in live et une action pratique immediate est mis en action.
Dans cette nouvelle « urbaine », nous ne cessons d´attirer l´attention de nos compatriotes sur un fait important: Nous avons le nombre et rien que dans la capitale nous possedons assez des femmes et des hommes capables de faire pencher la balance de l´histoire en notre faveur.
Proximté, des manifestations de proximité qui n´ont pas besoin de se diriger vers la République de Gombe…Au contraire, les prêtres démontrent á chaque fois qu´il suffit de marcher seulement á 500 m d´´ une église pour faire le passer le message !
Ce que les kinois sont connectés au niveau de leur quartier, de leur rue et de leur paroisse, Ils n´ont pas besoin pour le moment d´avoir pour cible les infrastructures gouvernementales.
Ce processus a pour but de « conscientiser » le peuple, d´affiner cette conscience collective d´une lutte pour notre survie á tous.. Quand les racines seront profondement ancrées, nous allons passer á la seconde phase de la lutte…pas avant…Encore deux ou trois marches et les « racines » seront profondement ancrées dans la conscience collective!
Tous dans la rue !