Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 17-04-2017 20:55
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RDC: la fuite en avant de Joseph Kabila – Christophe RIGAUD

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Le tout nouveau Premier ministre Bruno Tshibala avec le président Joseph Kabila en avril 2017 © Présidence RDC – DR

A vouloir la carte du temps pour se maintenir au pouvoir, Joseph Kabila ne peut plus reculer et doit de nouveau
tout faire pour retarder le processus éléctoral… au risque de l’isolement.

Publié  dans afrikarabia.com le 17/04/2017

Interdit par la Constitution à briguer un troisième mandat, le président congolais Joseph Kabila a rapidement compris que le meilleur moyen de rester au pouvoir était de ne pas organiser les élections. Par de nombreux subterfuges, le camp présidentiel a donc cherché à retarder le processus électoral : modification de la loi électorale, retard dans le nettoyage du fichier électoral et de l’enrôlement des électeurs, assèchement financier de la Commission électorale (CENI)… Pour gagner du temps et faire patienter l’opinion congolaise et la communauté internationale, le pouvoir a ensuite cherché à négocier le report des élections avec l’opposition. Un premier dialogue, sous l’égide de l’Union africaine (UA), a accouché d’une souris, d’autant que la majorité de l’opposition avait décidé de boycotter le forum.

De négociations en négociations

Pourtant, ce premier round de négociation, à l’automne 2016, a permis à la majorité présidentielle de marginaliser l’UNC de Vital Kamerhe, seul opposant de poids au dialogue de l’UA et qui briguait le poste de Premier ministre de la transition. C’est en fait Samy Badibanga, un opposant dissident de l’UDPS, qui sera nommé à la Primature, divisant un peu plus le camp des opposants. Un second dialogue, encadré par l’église catholique (Cenco), a ensuite permis de dégager un relatif consensus grâce à la participation du Rassemblement de l’opposition : maintien au pouvoir de Joseph Kabila après la fin de son mandat le 20 décembre 2016, nouveau Premier ministre issu du Rassemblement, présidence du Conseil national de suivi de l’accord (CNSA) réservé également au Rassemblement et report de la présidentielle en décembre 2017.

 …toujours gagner du temps

Après ce dernier accord du 31 décembre 2016, on pouvait penser que l’organisation de la transition politique et du processus électoral étaient sur les rails. Mais trois mois plus tard, et après le décès surprise du principal opposant Etienne Tshisekedi le 1er février 2017, aucun des points de l’accord n’était mis en oeuvre et l’église catholique était obligée de reconnaître son échec. Il faut attendre début avril pour Joseph Kabila se décide enfin à nommer un nouveau Premier ministre. Mais Bruno Tshibala est loin de faire consensus. Et pour cause. Car comme Samy Badibanga, il résulte d’un débauchage politique fortement critiqué par l’opposition qui ne lui reconnaît aucune légitimité. Encore une fois, Joseph Kabila continue de gagner du temps alors que la date de la présidentielle se rapproche à grand pas. Le président du Conseil national de suivi de l’accord et le nouveau gouvernement Tshibala ne sont toujours pas nommés presque deux semaines après le décret présidentiel.

Spirale de l’instabilité

L’arme du temps étant la seule que semble vouloir manier Joseph Kabila, le président congolais est condamné à une dangereuse fuite en avant qui l’oblige à se couper de la communauté internationale, au risque de l’isolement. Pour continuer à manoeuvrer, afin de reculer la date des élections, le chef de l’Etat s’est enfermé dans une spirale de l’instabilité : politique (avec l’impossibilité d’organiser l’élection présidentielle) et sécuritaire,(avec une nouvelle flambée de violence dans les Kasaï). Dans sa fuite en avant, Joseph Kabila doit maintenant tout faire pour les élections de décembre ne puissent se tenir dans les délais. Pour cela, le pouvoir avance deux arguments contradictoires. Premièrement : l’Etat veut financer seul le processus électoral et ne veut aucune ingérence étrangère. Deuxièmement : les caisses de l’Etat sont vides et le coût estimé des élections s’élève à un tiers du budget national. En gardant la haute main sur le processus électoral (sans intervention extérieure), Joseph Kabila peut donc à tout moment l’interrompre.

Massacres sans témoin

Sur le plan sécuritaire, le président congolais est sur la même ligne : aucune ingérence extérieure. Lors du renouvellement du mandat de la Monusco, l’imposante mission des Nations unies au Congo, la RDC a réussi à faire diminuer (symboliquement) le nombre des casques bleus présents sur le sol congolais.  500 soldats ont été retirés de la mission, portant tout de même les effectifs de la Monusco à 16.215 hommes, le plus important déploiement de casques bleus au monde. Mais depuis plusieurs années, Kinshasa demande (par intermittence) la fin de la mission. Il fait dire que l’ONU pointe régulièrement les nombreuses violations des droits de l’homme en RDC et les exactions des forces de sécurité. Actuellement, les Nations unies enquêtent sur plus de 23 fosses communes découvertes au Kasaï à la suite des affrontements entre les miliciens du chef traditionnel Kamuina Nsapu et l’armée régulière. Fin mars, deux experts occidentaux de l’ONU, qui enquêtaient dans le centre du pays, ont été exécutés. Une « première » inquiétante depuis la création du groupe des experts de l’ONU au Congo en 2004. Les ONG congolaises des droits de l’hommes dénoncent la volonté des autorités de pouvoir réprimer en toute impunité sur le sol congolais et de « massacrer sans témoin ».

Isolement

Dans cette logique d’isolement politique revendiqué, Kinshasa a rompu le 14 avril dernier sa coopération militaire avec la Belgique selon Jeune Afrique. La RDC se referme donc sur elle-même, avec la volonté pour le camp présidentiel de pouvoir manoeuvrer en toute liberté et à l’abri des regards de la communauté internationale. La répression qui continue de s’abattre sur les opposants politiques, mais aussi sur les journalistes et les médias proches de l’opposition ne rassure guère sur le désir de Joseph Kabila de vouloir quitter pacifiquement le pouvoir. Principal responsable de la crise politique congolaise, le président de la République semble attendre une nouvelle fois que le pays soit au pied du mur pour sortir une nouvelle carte de sa manche. En décembre 2017, si les élections ne peuvent se tenir, ce qui paraît le plus probable, Joseph Kabila pourra alors sans doute avancer l’idée d’un référendum pour « sortir de la crise politique ». Référendum-plébiscite qui pourrait lui permettre alors de pouvoir postuler à sa propre succession.

Christophe RIGAUD
Journaliste, réalisateur de documentaires TV. Anime depuis 2007 le site AFRIKARABIA consacré à la République démocratique du Congo (RDC)

 

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One Comment “RDC: la fuite en avant de Joseph Kabila – Christophe RIGAUD”

  • Article 64

    says:

    Il peut toujours rêver le jour et les yeux ouvert il apprendra à ce dépend que le triomphe de l’Afdl de triste mémoire n’est pas à mettre à l’actif de son faux défunt Père et ses parrains Kagame et Museveni mais bien plus. le jour où il osera prononcer son referendum l’appel à la retenue de la communauté internationale va se perdre dans le désert car ça sera soit la fin de Mr Kabila ou bien celle du congo!!!

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