L’expert militaire a vécu un véritable enfer pendant près de 9 mois.
“En juillet 2023, j’ai été contacté par Daniel Lusadusu, le nouveau patron de cette agence”, explique-t-il à La Libre. Les deux hommes se connaissent depuis plusieurs années. Ils ont tous les deux étudié à l’ERM. “Avant d’accepter, j’ai demandé l’accord préalable du président Félix Tshisekedi. Celui-ci a répondu que c’était une bonne chose. Il a expliqué à M. Lusadusu qu’il était content que je revienne pour l’aider à mettre de l’ordre à ce bazar.”
Jean-Jacques Wondo évoque sa relation avec Félix Tshisekedi, “un ami de longue date”. Il ajoute qu’il a posé un regard “analytique et critique sur sa politique sécuritaire dès son accession au pouvoir en 2019”. Il cite aussi pour la première fois le nom “du frère cadet du président, Jacques Tshisekedi” bombardé Coordonnateur de la sécurité intérieure des services de la présidence de la République par lien familial. Un nom et un prénom qui sont apparus ces derniers mois dans plusieurs plaintes instruites en Belgique, dans des dossiers d’arrestations arbitraires ou de violence. M. Wondo explique que ce frère cadet et d’autres zélotes de la présidence “percevaient mes analyses et publications scientifiques comme des attaques et des insultes personnelles à l’encontre du chef de l’État”.
La rencontre qui change tout
Notre interlocuteur revient aussi sur la date du 16 décembre 2016. C’est ce jour-là qu’il rencontre Christian Malanga, à sa demande, “dans un hall d’hôtel de Bruxelles. La rencontre n’a pas duré plus de 30 minutes. Je ne trouvais pas cet entretien très intéressant. Il était fréquent que des Congolais de passage à Bruxelles me sollicitent pour un entretien, une ébauche d’analyse. À la fin de ce court entretien, Malanga a demandé pour qu’on prenne une photo ensemble. J’ai accepté. Le piège se refermait sur moi.”
Le 18 mai 2024, le général autoproclamé Jacques Malanga se lance dans une aventure rocambolesque, qualifiée de tentative de coup d’État par les autorités congolaises. Sa bande bigarrée s’emparera pendant quelques heures, de nuit et sans rencontrer d’opposition, le palais de la nation, siège déserté de la présidence congolaise.
Malanga sera abattu et deviendra une des rares victimes de cette aventure. Quelques heures plus tard, Jean-Jacques Wondo est rattrapé par cette photo prise huit ans plus tôt à Bruxelles et posté par sur Facebook par le chef de ce putsch rapidement avorté.
Le début d’une incroyable descente aux enfers pour l’expert militaire belge qui sera interpellé et auditionné une première fois le 21 mai alors qu’il se rendait “tout à fait naturellement au bureau. Une audition particulièrement éprouvante, empreinte de railleries et d’humiliation”, se souvient Jean-Jacques Wondo qui n’est pourtant qu’au début de son calvaire.
Le lendemain, alors qu’il se prépare à prendre son avion pour rentrer en Belgique où il est attendu pour dispenser un séminaire, il est arrêté. “J’étais loin d’imaginer que c’était le début de près de neuf mois de détention, de privation, de supplice et de cauchemar éveillé”. Il est présenté comme le “cerveau” de ce coup d’État. Il sera jugé et condamné à mort en première instance et en appel malgré un dossier totalement vide et les preuves de son innocence apportées par son avocat Me Ngwapitshi. Il sera libéré au début du mois de février 2025 suites aux pressions de la diplomatie belge et au bon vouloir de son “ami” Félix Tshisekedi.
Mais pendant près de neuf mois, il a enduré les pires vexations, il a côtoyé quotidiennement l’inhumanité.
“J’ai été amené, en boxer et petit gilet de corps, dans un cachot absolument vide. Pas de lit. Pas de matelas. Pas de savon, pas de dentifrice. Même pas un seau pour mes besoins. Je dormais sur le béton, dévoré par des moustiques qui pullulaient dans un marécage entretenu près du bâtiment et avec une chaleur qui avoisinait les 50° ». Il évoque encore ses séances de douche collective dans des endroits d’une crasse déshumanisante et « les cachots du rez-de-chaussée » où s’entassent des dizaines de détenus obligés de vivre dans une promiscuité insoutenable, de dormir à tour de rôle faute de place. “Ils étaient près de 150 dans trois cellules dont la plus grande faisait 40 m2. Des conditions qui rappellent les pires goulags soviétiques. Des corps épuisés, des regards vides, une promiscuité étouffante. Tout semblait fait pour broyer l’humain.”
La voix nouée, le regard embrumé, il revient à demi-mot sur “cette épreuve impensable qui a brisé ce qu’il me restait de dignité lorsque j’ai dû me nettoyer tout le corps avec moins de 5 litres d’eau, sans savon, sans gant. Avec la main qui sert à tout faire”. L’horreur absolue pour un homme que tout le monde savait innocent
