Une pluie de critiques sur l’action diplomatique belge à Kinshasa.
« Les Affaires étrangères suivent le dossier Wondo de très prés », explique un porte-parole du ministère belge des Affaires étrangères qui se refuse à tout autre commentaire.Jean-Jacques Wondo, diplômé de l’École royale militaire de Bruxelles, (ERM) titulaire d’un master en criminologie de l’Université de Liège et d’un post-graduat en science politique de l’Université libre de Bruxelles, auteur de plusieurs ouvrages sur l’armée congolaise, est un des meilleurs spécialistes des questions militaires congolaises et africaines. De nationalité belge, il avait accepté une mission de consultance auprès du patron des services de renseignements civils (ANR), un autre diplômé de l’ERM, le colonel-médecin Lusadusu.
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Le mardi 21 mai dernier, au lendemain d’une aventure armée menée par une poignée d’hommes peu aguerris qui ont visé la demeure du futur président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, avant de s’attaquer au palais de la Nation, vide en pleine nuit, Jean Jacques Wondo a été une première fois interpelé par le patron de la sécurité intérieure de l’ANR.
Jean-Jacques Wondo est entendu suite à un cliché qui le montre en compagnie du « cerveau » du « coup d’État », Christian Malanga. « Une photo qui remonte à 2016 », explique Joël Kandolo, le porte-parole de la famille de Jean-Jacques Wondo.
« Cette arrestation va se dérouler sans que le directeur général ne soit au courant », explique un homme politique congolais qui souligne « les tensions qui règnent dans ce service et de manière générale entre ce service et le renseignement militaire ». Des tensions qui vont aboutir, le 31 mai au limogeage du colonel Lusadusu, remplacé, comme nous le laissions entendre dès le 24 mai par Justin Inzun, qui avait occupé ce poste de mars 2019 à décembre 2021.
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En route pour Bruxelles
Libéré le mercredi matin, Jean-Jacques Wondo se prépare à prendre un vol Ethiopian Airlines en début d’après-midi en direction d’Addis Abeba puis de Bruxelles, où il est attendu le jeudi pour donner un cours, « programmé depuis de longs mois », à l’ERM, selon un membre de l’établissement.
Avant le décollage, il est invité à se présenter à la Cité de l’union africaine, à Kinshasa, lieu où s’est notamment installé l’actuel président de la République Félix Fshisekedi. « Il s’agit d’un rapide échange » et « d’un complément d’information », explique un membre des services. Jean Jacques Wondo n’arrivera jamais à l’aéroport. Il est arrêté et transféré à la prison militaire de Ndolo où il est toujours détenu près de deux semaines plus tard.
« Il a pu s’entretenir avec son avocat », explique un autre membre de sa famille. Des contacts avec un représentant belge ? « No comment », répondent les Affaires étrangères. « À Kinshasa, rien n’est simple », explique un diplomate européen. « La Belgique a tenté de lui rendre visite mais n’a pu entrer. Pour les Congolais, le prévenu n’est pas belge, ce qui n’est visiblement pas la vérité mais ça suffit pour empêcher des contacts avec votre ambassade si celle-ci se montre trop docile ».
« C’est un droit qui est bafoué », poursuit un avocat congolais qui espère que « la Belgique ne se laissera pas faire et n’abandonnera pas un de ses compatriotes ». Pour un autre juriste, « il est évident que c’est la notion même d’égalité entre Belges est foulée au pied dans ce dossier. Wondo serait-il moins belge parce qu’il est d’origine congolaise? C’est choquant ».
« On se sent abandonné »
Dans la communauté belge de Kinshasa, le malaise est palpable. « Ils n’oseront pas défier Tshisekedi et de tous ses sécurocrates dont la plupart sont de nationalité belge », explique un de nos compatriotes installé à Kinshasha, qui dit sa colère vis-à-vis « de l’information délivrée par l’ambassade lors de ce pseudo coup d’État. Je pense que les Belges ont été les derniers avertis. Nous avons reçu deux textos de l’ambassade à 14h48 alors que tout était fini depuis des heures. Ce n’est vraiment pas sérieux ».
Les griefs sont nombreux, certains rappellent le « suicide douteux » d’un expert électoral belge, L. D., le 23 ou le 24 décembre dernier, « selon les scénarios et en plein chaos électoral. La Belgique n’a pas cherché à enquêter. Elle a refermé le dossier et accepté le scénario du suicide présenté par la justice congolaise », explique un autre Belge de Kinshasa. Un avocat congolais, régulièrement de passage dans notre pays, rappelle, lui, le dossier de la séquestration du passeport « d’un de mes confrères du Barreau de Bruxelles resté bloqué plus de 500 jours à Kinshasa. Le précédent ambassadeur belge n’est pas intervenu, estimant que c’était un dossier privé. Un vrai scandale. Mon confrère a finalement reçu un nouveau passeport mais la Belgique n’a jamais exigé la restitution de l’ancien. La Belgique joue un drôle de jeu vis-à-vis du pouvoir congolais, comme pour l’experte envoyée dans le cadre de l’enquête sur un autre suicide étrange, celui de l’opposant Chérubin Okende. Cela fait 9 mois jour pour jour que cette experte a rendu son rapport mais il reste invisible. La Belgiqe s’est-elle vraiment engagé à ne pas le divulguer comme certains le disent ? »
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Un Belge de 82 ans à Makala
Un autre cas évoqué à bas bruit, celui de ce Belge de 82 ans, F. D., né en novembre 1941 à Nivelles et détenu depuis 9 ans à la prison de Makala. « Il devrait être libre depuis plus d’un an, explique un Congolais qui lui vient en aide. « Il est malade, il tient à peine debout, il voit difficilement. Il est complètement abandonné. Il faut faire quelque chose rapidement pour lui, explique un de ces condisciples contacté à l’intérieur de la prison ce mardi, qui a joint une photo de F.D. dans son message.