Jean-Jacques Wondo, le Belge condamné à mort à Kinshasa, évoque – un peu – ses conditions de détention.
Près de cinq mois après sa libération, le 4 février 2025, Jean-Jacques Wondo, l’expert militaire belge, diplômé de l’École royale militaire (ERM), parti à Kinshasa avec mission d’humaniser les services de renseignement congolais, sort peu à peu du silence.
“Je vais chaque jour un peu mieux”, explique-t-il dans un échange avec La Libre Belgique. Le 25 juin dernier, pour une de ses premières sorties publiques, à la veille de la Journée internationale contre la torture, il a témoigné de son calvaire devant un panel de parlementaires européens.
La voix nouée, Jean-Jacques Wondo n’a pu cacher les séquelles encore palpables de ses neuf mois d’emprisonnement dans les cachots de la Demiap, le renseignement militaire congolais, un service dirigé lors de son arrestation par le général, de nationalité belge, Christian Ndaywell. Les deux hommes se connaissent depuis des années. Ndaywell, en véritable passionné du monde galonné, s’est longtemps immiscé en Belgique dans les pas de Jean-Jacques Wondo. Mais à partir du 23 mai 2024, tout a basculé. Quatre jours après une étrange tentative de coup d’État à Kinshasa, Jean-Jacques Wondo va être auditionné pour être apparu sur une vieille photo au côté du principal auteur de ce putsch improbable, le général mobutiste autoproclamé Christian Malanga.
Jean-Jacques Wondo est rapidement arrêté et présenté comme le “cerveau” de cette attaque nocturne contre la résidence du président de l’Assemblée nationale Vital Kamerhe et contre le palais de la Nation, siège de la présidence congolaise, vide au moment des faits.
Jugé avec les autres putschistes, Jean-Jacques Wondo est condamné à mort le 13 septembre 2024, une peine confirmée en appel le 27 janvier 2025, “alors que le dossier est absolument vide et que même l’avocat de la République a réclamé la libération de Jean-Jacques”, témoigne Me Carlos Ngwapitshi, son avocat.
Plusieurs sources pointent la responsabilité du frère cadet du président de la République, Jacques Tshisekedi, coordinateur de la sécurité interne du chef de l’État, comme principal responsable de ce que Jean-Jacques Wondo présente comme « une cabale politico-judiciaire diabolique ».
“Leur décès n’est pas une fatalité”
Devant les parlementaires européens, Jean-Jacques Wondo a dévoilé une partie de son calvaire. “Je n’ai pas tout dit. Loin de là”, explique-t-il dans son échange avec La Libre. Mais ses propos témoignent de la violence et de l’inhumanité qui sévissent dans les cachots “secrets” de Ndolo, le centre de détention de la Demiap.
“Le président Tshisekedi avait promis de fermer ces cachots illégaux. Une promesse restée lettre morte. Pire, ces lieux clandestins de souffrance se sont multipliés”, a expliqué M. Wondo.
Il poursuit : “J’ai vu la mort de près. J’ai entendu de la bouche d’un geôlier de la Demiap, en voyant quelqu’un qui venait de mourir dans une cellule et qu’on jetait comme un animal, ‘ce sont des opposants en moins pour le président Tshisekedi’.
Devant les eurodéputés, il expliquera encore : “J’ai assisté, impuissant, à l’agonie du colonel Musukusuku. J’ai côtoyé le général à la retraite Sikatenda Shabani, 82 ans, qui vient de mourir ce 3 juin. Tous les deux ont été sciemment privés de soins médicaux. […] Leur décès n’est pas une fatalité, il est le fait d’un système qui choisit d’exécuter sournoisement les détenus en les privant de soins médicaux. Je pouvais être leur prochaine victime”.
Le combat continue
Plus d’un an après son arrestation, Jean-Jacques Wondo s’interroge toujours : “Pourquoi moi ? Quel crime ai-je commis ? Est-ce pour avoir osé critiquer scientifiquement ce qui ne marche pas au Congo ? J’ai été détenu dans des conditions indignes, sans accès aux soins appropriés, sans possibilité de communiquer avec les miens. Durant les premiers jours de ma détention, j’ai aussi été privé de nourriture, de médicaments et même de produits d’hygiène de base.”
RDC : Les pièces à conviction escamotées dans le dossier Jean-Jacques Wondo
Aujourd’hui, de retour en Belgique, Jean-Jacques Wondo entend être totalement blanchi et obtenir des excuses des autorités congolaises. “Il faut savoir que je n’ai jamais bénéficié d’une quelconque mesure de libération conditionnelle pour des raisons médicales, ni d’une grâce présidentielle”, nous explique-t-il. “Jean-Jacques n’a reçu aucune notification lors de sa libération, enchaîne son avocat. Il faut savoir qu’un directeur de prison peut extraire un détenu pour qu’il bénéficie des soins nécessaires, mais il ne peut le libérer sans l’aval des autorités politique”, poursuit-il pour illustrer à quel point la libération de Jean-Jacques Wondo, comme son arrestation, est uniquement politique.