Joseph KABILA va t-il encore violer la Constitution ?
Par Didier Nkingu
Le 15 décembre 2012 lors de son discours sur l’état de la Nation devant les deux chambres du parlement réunies en « Congrès » Joseph KABILA avait annoncés l’idée de tenir des « concertations nationales ».
Ainsi, selon l’article 12 de l’ordonnance n° 13/078 du 26 juin 2013 portant création, organisation et fonctionnement des concertations nationales Joseph KABILA devrait rendre compte – à une date qui demeure incertaine à ce jour – des conclusions et recommandations dégagées à l’issue desdites concertations nationales devant l’Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès. (1)
Or, cette disposition viole la Constitution de la République Démocratique du Congo laquelle en son article 119 prévoit seulement quatre hypothèses permettant la réunion des deux chambres du Parlement congolais en Congrès à savoir : la procédure de révision constitutionnelle; l’autorisation de la proclamation de l’état d’urgence ou de l’état de siège et de l’état de guerre; l’audition du discours du Président de la République sur l’état de la Nation et enfin, la désignation de trois des neuf membres de la Cour Constitutionnelle.
Usurpation des fonctions de Président de la République par Joseph KABILA le 20.12.2011 à Kinshasa
Par ailleurs, il faut encore relever qu’au regard des dispositions constitutionnelles relatives d’une part, à l’installation du Sénat et de l’Assemblée nationale à l’issue des élections législatives et d’autre part, à la rédaction du règlement d’ordre intérieur du Congrès qu’il n’est pas possible à l’heure actuelle en raison du non-renouvellement du Sénat pour les parlementaires congolais de se réunir en Congrès ! En effet, La République Démocratique du Congo présente la singularité d’avoir deux assemblés parlementaires qui légifèrent ensemble alors qu’elles relèvent de deux législatures différentes.(2)
En République Démocratique du Congo, le pouvoir législatif est exercé dans le cadre d’un système bicaméral mais à l’heure actuelle seule l’Assemblée nationale a été renouvelée à l’issue des scrutins du 28 novembre 2011 eux-mêmes entachés d’illégalité en raison de la falsification grossière du nombre d’électeurs par la Commission électorale nationale indépendante en complicité avec la société belge ZETES et les magistrats de la Cour Suprême de Justice de la République Démocratique du Congo.
Quelles sont la légalité et la légitimité du Sénat de la République Démocratique du Congo dont les membres ont été élu de façon indirecte ensuite des élections provinciales de 2006 pour un mandat de cinq ans expiré depuis bientôt deux ans ? Les prétendus Sénateurs ne sont ils pas en réalité des usurpateurs qui devraient d’ailleurs rembourser la totalité de leurs émoluments depuis la fin de leur mandat. Le principe de continuité de l’Etat ne saurait justifier cet état de fait puisqu’il relève des principes généraux du droit administratif applicables par nature au pouvoir exécutif et au service public.
Cette question revêt une importance capitale lorsqu’on tient compte du fait qu’en cas de vacance du pouvoir conformément à l’article 75 de la Constitution il revient au président du Sénat d’assumer les fonctions – à titre transitoire – de Chef de l’Etat. Par conséquent, afin de combler ce vide institutionnel, il y a donc urgence pour le pouvoir organisateur des élections en République Démocratique du Congo d’organiser sans atermoiement et dans les meilleurs délais les élections provinciales afin de pouvoir assurer le renouvellement du Sénat et la désignation de son président. Toujours à ce propos, les récentes déclarations de l’Abbé MALU MALU selon lesquelles l’organisation de ces élections n’aurait lieu qu’après la fin du recensement général de la population qui n’interviendra au plus tôt qu’à la fin du premier semestre de 2015 ne sont guère rassurantes ! La Commission électorale nationale indépendante doit donc prendre sans plus tarder les dispositions requises pour assurer l’audit du fichier électoral ayant servi de soubassement aux scrutins du 28 novembre 2011 et commencer ensuite les opérations relatives à la mise à jour des listes électorales avec délivrance des cartes d’électeurs uniquement après l’opération de nettoyage du nouveau fichier électoral par un prestataire de service au-dessus de tout soupçon ! Le tout sous le contrôle de la classe politique congolaise, de la société civile et de l’assistance électorale internationale.
Le « président » du Sénat Léon KENGO WA DONDO et Louis MICHEL
L’impossibilité pour les parlementaires congolais de se réunir en Congrès rend inapplicable diverses dispositions contenues dans la Loi fondamentale.(3) Ainsi, l’annonce ce jour de la promulgation par Joseph KABILA de la Loi créant la Cour Constitutionnelle n’aura pas d’effet dans l’immédiat puisqu’il appartient au Congrès – qui ne peut se réunir compte tenu des circonstances susévoquées – de désigner trois des membres de cette Cour. (4)
Au regard des faits susmentionnés, nous devons déplorer qu’en République Démocratique du Congo malgré la présence des Nations unies et le déroulement de deux cycles électoraux l’anarchie a atteint un niveau inégalé en Afrique et dans le monde !!!
Fait à Halle, le 16 octobre 2013
Pour APRODEC ASBL
Didier NKINGU
Vice-Président
Administrateur chargé des Affaires juridiques