Les dictateurs ont en commun le fait d’être possédés par un entêtement quasi-suicidaire. Esclaves de leurs ambitions et exclusivement portés par ces dernières, ils se refusent à s’inspirer des faits et événements passés. Surtout si ces derniers les inclinent à la raison. N’eut-été cette maladie résultant d’un goût trop prononcé pour le pouvoir, Joseph Kabila, réaliserait que son sort n’est pas loin de ressembler à celui du capitaine Moussa Dadis Camara, éphémère ancien président de la Transition guinéenne, aujourd’hui en exil forcé à Ouagadougou. Même si le président congolais ne tire pas sa légitimité d’un putsch comme ce fut le cas du bouillant capitaine guinéen, il y a que la réaction du gouvernement congolais aux propos de François Hollande rappelle une cinglante contre-attaque que Moussa Dadis Camara avait réservée, quasiment dans les mêmes circonstances, à Bernard Kouchner, à l’époque patron de la diplomatie française. Autre point de ressemblance ?  C’est bien le massacre du 19 septembre à Kinshasa qui n’est pas sans rappeler le tristement célèbre 28 septembre 2009.

Du 28…au 19 septembre

Comme au lendemain de la violente répression de 2009 dans l’enceinte du stade du 28 septembre, le régime congolais est aux abois après le massacre du lundi dernier à Kinshasa. Les condamnations fusent de partout et le pouvoir est de plus en plus sur la sellette. Si jusqu’à cette manifestation réprimée dans le sang, Joseph Kabila pouvait encore compter sur la compréhension tacite de certaines chancelleries occidentales quant à son intention de rester en place au-delà du 20 décembre prochain, désormais cela devient plutôt difficile. Comme Dadis en 2009, le président congolais semble avoir grillé son ultime carte avec la cruelle répression que les forces de l’ordre ont réservée à la manifestation de l’opposition de ce 19 septembre. D’où les déclarations plutôt osées du président français à la tribune des Nations unies. A l’image de Bernard Kouchner en 2009, François Hollande croit avoir trouvé l’occasion inespérée pour liguer le monde contre Joseph Kabila. Il est vrai qu’avec la terreur que le régime fait régner depuis le début de la semaine à Kinshasa notamment, il semble plus facile à abattre. Car il n’a jamais été aussi esseulé.

Souverainisme contre néo-impérialisme

Justement-et c’est l’autre trait de ressemblance avec le capitaine Dadis-il fait appel au souverainisme et invoque le nationalisme contre un néo-impérialisme dont le président français est tout naturellement l’incarnation. Moussa Dadis Camara pour le débarquement duquel Bernard Kouchner n’avait pas hésité à sollicité une intervention armée, avait rétorqué que « la Guinée n’est pas une sous-préfecture, pas un arrondissement de la France ». En RDC, pour dire exactement la même chose, Lambert Mendé, le porte-parole du gouvernement, renvoie à François Hollande : « C’est à se demander si la RDC (est) devenue un nouveau département d’outre-mer issu des nouvelles conquêtes de l’Hexagone ». Dans la défensive et rappelant désespérant la situation du naufragé, le gouvernement congolais se raccroche à la seule bouée qui s’offre à lui, à savoir le nationalisme. En d’autres circonstances, la recette aurait probablement marché. Mais au regard de la situation qui prévaut et surtout en raison de l’inconfortable position de Joseph Kabila, on a  plutôt l’impression que l’épilogue, lui aussi, sera identique à celui du cas guinéen. Sauf que le numéro un congolais, aveuglé par sa boulimie du pouvoir, ne se laisse point alerter par ces signes.

Boubacar Sanso Barry