Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 24-06-2021 09:29
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RD Congo 2023 : Les élections de 2023 sont-elles déjà boutiquées ? – B. Musavuli

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

La proposition de loi portant fonctionnement de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a été adoptée vendredi 4 juin 2021 par 336 des 337 députés présents à l’Assemblée nationale. Le texte prévoit une commission électorale de 15 membres (six de la majorité, quatre de l’opposition et cinq représentants de la société civile). Le texte a été contesté par la coalition LAMUKA de martin Fayulu qui l’a qualifié de « loi taillée sur mesure afin de préparer la fraude électorale en 2023 ». Mais selon le député André Mbata, un de ses défenseurs, la proposition de loi apporte des innovations qu’il a pris le soin d’expliquer dans l’émission suivie à Kinshasa, « Bosolo na politik » du 11 juin 2021.

Si les innovations sur papier sont bien réelles, les garanties pour des élections crédibles peinent à convaincre.

Kinshasa, 28 Novembre 2011. Dépouillement des bulletins de vote (MONUSCO / Myriam Asmani)

Les innovations de la nouvelle loi organique sur la CENI

  1. L’ancienne CENI comptait 13 membres dont 10 représentants des partis politiques et 3 membres de la société civile. Dans son texte, Lutundula a prévu une représentation à parts égales avec 5 représentants du pouvoir, 5 représentants de l’opposition et 5 représentants de la société civile. Finalement, dans la nouvelle loi, la société civile sera représentée par 5 membres.
  2. La représentativité ne sera pas seulement limitée aux femmes. Elle devra s’étendre aux jeunes aussi.
  3. Dans l’ancienne configuration, les membres de la CENI pouvaient en même temps continuer de militer dans leurs partis politiques. Dans la nouvelle configuration, les membres de la CENI doivent couper toute forme d’activité militante dans leurs partis politiques, sous peine d’être déchu par le Conseil d’Etat. « Nul ne peut être désigné membre de la CENI s’il est ou a été cadre national ou provincial d’une organisation politique ou d’une organisation de la société civile affiliée à une organisation politique au cours de 5 années précédant sa désignation».
  4. Les marchés conclus par la CENI ne doivent plus se faire de gré à gré. Ils le seront exclusivement par marché d’offre.
  5. Financement : La CENI sera financée par des dotations votées au parlement. Les élections ne doivent plus dépendre des financements étrangers.
  6. Le bureau de la CENI comptait 6 membres. Il comptera désormais 7 membres par création d’un deuxième vice-président de la CENI. L’enjeu est de prévenir les risques de blocage en cas de vote à égalité. Une quatrième voix est destinée à faire la différence et éviter le blocage.

Au sujet de l’élection à deux tours, André Mbata a répondu que cette modalité avait été introduite par modification de la Constitution. La loi organique sur la CENI n’est pas une loi portant modification de la Constitution. Répondant à la question concernant le phénomène des suppléants recrutés dans les membres des familles des candidats, André Mbata a renvoyé à la loi électorale qu’il ne faut pas confondre avec la loi organique portant sur la CENI.

Critiques

Les critiques portent essentiellement sur les lignes de démarcation entre les trois composantes du bureau de la CENI. La grande porosité entre acteurs se revendiquant du pouvoir, de l’opposition et de la société civile est telle qu’il est vain d’envisager des dynamiques de contradiction aux moments cruciaux face aux candidats disposant d’importants moyens d’influence au-delà des clivages politiques apparents. Le basculement des équilibres politiques issus des élections de 2018, largement favorables à l’ancien président Joseph Kabila, vers le nouveau président Félix Tshisekedi est une des preuves que dans le jeu politique de Kinshasa, il n’y a pas vraiment de différence entre les forces du pouvoir et les forces de l’opposition. Les forces fidèles à Kabila, qui avaient basculé dans le camp de Tshisekedi lors de la création de l’Union sacrée, gardent des liens d’affinité avec l’ancien président et sont potentiellement toujours disponible pour répondre favorablement aux mots d’ordre dans un sens comme dans l’autre, le moment venu.

Au-delà des acteurs politiques, la société civile pose également problème, rien qu’en observant les trois fiascos successifs des élections au Congo depuis 2006. Toutes les trois ont été menées par des présidents de la CENI issus de la société civile : Abbé Apollinaire Malu Malu en 2006, Pasteur Ngoy Mulunda en 2011 et Corneille Nangaa en 2018. L’expert en matière électorale Alain-Joseph Lomandja affirme qu’aucun des présidents de la CENI n’a été véritablement indépendant du président de la République. La question de l’indépendance de la commission électorale se pose ainsi, avant tout, par rapport au chef de l’Etat qui, dans le cas de la RDC, décide de la conduite des institutions dans le sens de ses intérêts politiques, et non en conformité avec les lois de la République.

Conclusion

Les premiers pas vers le rendez-vous électoral de 2023 sont ainsi marqués dans la contestation, ce qui n’augure rien de bon à l’issue du processus enclenché. Le Congo prend déjà rendez-vous avec une crise post-électorale dans l’après 2023 alors qu’il est toujours empêtré dans la crise post-électorale de 2018 et la contestation de la légitimité des institutions et de leurs animateurs. Il n’est pourtant pas trop tard pour recadrer les choses en commençant par une mise au point sur les trois élections successives bâclées et un engagement consensuel de ne plus rééditer les erreurs du passé. Dans notre ouvrage, « Les Élections au Congo », nous formulons des recommandations en vue d’assainir les processus électoraux à venir en rappelant les évènements qui ont négativement marqué les processus des trois précédentes élections et ruiné la confiance des citoyens dans les institutions.

Boniface Musavuli
Analyste politique et auteur
Coordonnateur d’Afridesk

Ouvrage : « LES ELECTIONS AU CONGO – Carnages, Martyrs et Impunité », https://www.amazon.fr/%C3%89LECTIONS-AU-CONGO-Carnages-impunit%C3%A9/dp/B087SCJ5HG

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