DROIT & JUSTICE | 03-07-2025 13:58
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Qui se préoccupe d’un Belge dans une prison congolaise ?

Auteur : Nadia Nsayi Initialement publié dans www.lalibre.be
Jean-Jacques Wondo, à côté de son avocat Me Carlos Ngwapitshi, le 18 juin devant le tribunal militaire

Nadia Nsayi est politologue et autrice du livre » Dochter van de dekolonisatie » (Fille de la décolonisation) et Congolina. Ces jours-ci, elle peine à trouver le sommeil à cause du procès de Jean-Jacques Wondo. « Je me pose la question de savoir s’il y aurait plus d’attention pour Jean-Jacques s’il était un homme blanc ».

J’ai obtenu la nationalité belge en 2000. Je vis cette nationalité plus comme un privilège légal que comme une identité affective. J’assume ma citoyenneté belge en étant consciente de mes droits et de mes devoirs. Ce qui ne m’empêche pas de chérir mes racines congolaises.

Ce lien avec le Congo s’exprime souvent, par exemple le 30 juin. Ce dimanche, c’est le 64e anniversaire de la fête de l’indépendance de mon pays natal. Cette année, ce jour à un goût amer, car je ne peux pas séparer le Congo du procès Wondo.

Il y a un mois, Jean-Jacques Wondo a été arrêté à Kinshasa et transféré à la prison militaire. Il est jugé, avec une cinquantaine d’autres personnes, pour avoir participé à la tentative de coup d’État présumée du 19 mai. Les personnes poursuivies risquent de longues peines de prison, voire la peine de mort.

Jean-Jacques est plus qu’un ami. Je le considère comme un grand frère. Nous nous sommes rencontrés il y a dix ans et nous avons tout de suite sympathisé en raison de notre intérêt commun : les questions sécuritaires au Congo. Je le connais comme une personne intelligente avec un grand cœur. Belge d’origine congolaise, criminologue, ancien élève de l’École royale militaire et expert militaire, dont les analyses critiques sont lues par des journalistes, des politiciens, des diplomates, des militaires et des chercheurs.

Au début de cette année, son expertise l’a amené à Kinshasa pour aider à réformer les services de sécurité civile à la demande de l’administration congolaise. Un acte de patriotisme, mais peut-être une erreur de calcul dans un pays où l’appareil sécuritaire est trop souvent un organe de répression.

La dernière fois que j’ai vu Jean-Jacques, c’était deux semaines avant son arrestation. Il organisait une conférence avec l’Institut Egmont à l’AfricaMuseum. Ensuite, il est reparti au Congo. Je m’insurge contre l’absence d’indignation de l’opinion publique belge à l’égard de son procès. Qui se préoccupe de la présence d’un Belge dans une prison congolaise ? Où sont les interviews dans les médias et les actions des organisations de défense des droits de l’homme comme Amnesty et 11.11.11 ?

Je me demande s’il y aurait plus d’attention si Jean-Jacques était un homme blanc, comme Olivier Vandecasteele, pour lequel la Belgique a, à juste titre, remué ciel et terre pour le faire sortir d’Iran. Sur le papier, les Belges noirs ont les mêmes droits que les Belges blancs. Par exemple, ils ont droit à une protection consulaire en cas d’arrestation, de détention ou de maladie.

Le ministère des Affaires étrangères affirme suivre la situation de très près par l’intermédiaire de l’ambassade de Belgique à Kinshasa. Que signifie concrètement ce langage diplomatique ? Selon l’avocat, il n’y a pas de charges sérieuses. La défense demande une mise en liberté provisoire pour des raisons de santé.

Dans un État de droit, on attend le verdict du tribunal. Malheureusement, le Congo n’est pas un État de droit. La diplomatie belge le sait, mais ne veut peut-être pas donner l’impression de s’immiscer dans les affaires congolaises. Cependant, rien n’empêche le Premier ministre démissionnaire Alexander De Croo de contacter le président Félix Tshisekedi en concertation avec les ministres des Affaires étrangères et de la Justice et même l’ambassadrice dans l’intérêt de la protection d’un compatriote belge.

Une visite consulaire de la prison et une présence au procès ne suffiront pas. Jean-Jacques, diabétique et hypertendu, vit depuis un mois dans des conditions indignes.

Jean-Jacques a droit à un procès équitable. Il a droit à des conditions de détention décentes, à des médicaments, à une alimentation adéquate et à des contacts familiaux.

Certains interpréteront cette tribune comme un soutien à une attaque armée ou comme un appel contre la souveraineté du Congo. Je prends un risque en m’exprimant sur ce dossier délicat. C’est le moins que je puisse faire. Dans les moments difficiles, on apprend à connaître ses amis.

Derrière ce dossier, une famille en Belgique tente de rester forte. Sa femme, ses enfants et ses amis espèrent qu’il sera bientôt libéré. J’espère qu’il ne se brisera pas mentalement et physiquement.

Compte tenu de la gravité de la situation, la Belgique a le devoir de faire pression sur les autorités congolaises pour faire valoir les droits de Jean Jacques WONDO. Si son emprisonnement se termine mal, la responsabilité en incombera non seulement au Congo mais aussi à la diplomatie belge. Notre pays ne doit pas attendre une éventuelle condamnation pour s’indigner publiquement. La Belgique doit agir maintenant.

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