Qui pour succéder à Etienne Tshisekedi ?
Le Peuple d’abord
Par Jean-Bosco Kongolo
Relativement à ce que tout être humain a été et du patrimoine qu’il peut avoir accumulé de son vivant, sa succession est toujours l’objet de beaucoup d’interrogations aussi bien des personnes directement concernées que de toutes celles qui ont été, à quel que titre que ce soit, simplement témoins de sa vie. Dans beaucoup de sociétés du monde moderne, les textes législatifs offrent à tout individu ou à sa famille biologique des réponses adéquates sur la manière de léguer son patrimoine ou de résoudre conflits susceptibles de surgir lors de la liquidation de ce patrimoine[1]. Ce n’est cependant pas aussi simple lorsqu’il s’agit d’un patrimoine immatériel attaché à la seule personne du défunt eu égard à ses qualités individuelles, non seulement difficiles à transmettre aux héritiers mais surtout à trouver et à réunir sur la tête de l’un d’entre eux.
Parmi ces personnes au patrimoine immatériel, il convient de citer les hommes de sciences, les artistes et les grands leaders spirituels ou politiques. Très objectivement, Etienne Tshisekedi appartient à la catégorie de leaders politiques qui, même sans détenir l’impérium au moment de leur décès, auront marqué positivement plusieurs générations de leurs contemporains jusqu’au-delà des frontières de leurs pays d’origine. Au pays comme dans la diaspora, le peuple congolais reconnaît massivement en cet homme des qualités d’homme d’État et déclare majoritairement être désormais orphelin de celui qui incarnait, mieux que quiconque, la lutte pour l’instauration de la démocratie, des libertés fondamentales, de l’État de droit et, par conséquent, du progrès social. S’il était donné à chaque être humain l’occasion de ressusciter, même pour quelques jours avant de disparaître définitivement, plusieurs de ses adversaires politiques, qui ont toujours contesté son leadership, se rendraient à l’évidence que le peuple, au nom duquel tous se réclament, l’avait plébiscité comme son valable interlocuteur et défenseur. D’où, les pertinentes questions de savoir de quoi est constitué son patrimoine/héritage politique(1), qui mérite d’en être héritier(2) et que faire pour pérenniser cet héritage(3)? Telles sont les questions qui sont abordées dans cette analyse, en espérant que des biographes, historiens et politologues le feront mieux que nous avec plus de détails.
1. De quoi est constitué l’héritage politique d’Etienne Tshisekedi ?
Au tant il serait prétentieux et intellectuellement incorrect d’affirmer que le parcours politique d’Etienne Tshisekedi n’est parsemé que de fleurs, autant il est méchant et cynique de chercher à associer, à tout prix, son nom à tout ce qui a assombri l’histoire de notre pays. Non contents de son charisme et de son leadership incontestables, ses adversaires ont chaque fois cherché à falsifier l’histoire pour lui reprocher notamment sa participation au Collège des Commissaires généraux et, plus tard, au gouvernement de Mobutu, successivement en qualité de Ministre de la Justice, de l’Intérieur, du Plan et ambassadeur[2]. Il lui est surtout reproché le fait d’avoir rédigé, en compagnie de Joseph Singa Udjuu et autres, le Manifeste de la N’sele, acte fondateur du Mouvement Populaire de la Révolution(MPR).
S’agissant du Collège des Commissaires généraux, l’histoire et les honnêtes gens retiendront qu’il n’y était pas seul et qu’il n’en avait même pas été le chef. Mais pourquoi ne s’en prend-t-on qu’à lui et pas aux autres?
Quant au Manifeste de la N’sele, que nous (auteur de ces lignes) avons parcouru de la première à la dernière lettre en tant qu’étudiant en Droit public très intéressé aux conséquences du MPR sur l’évolution de la Constitution en République du Zaïre[3], nous pouvons affirmer sans crainte d’être contredit que ce parti n’avait pas été créé comme ou pour être parti unique. Bien au contraire, quiconque a pu lire ce document peut attester que c’était tout un projet de société, conforme au contexte de l’époque et qui laissait d’ailleurs la possibilité de créer un deuxième parti politique. L’on peut retenir de ce manifeste les principes ci après :
« la restauration de l’autorité de l’État et son prestige international, »
« le respect des libertés démocratiques, »
« la participation active directe ou indirecte de chacun à la discussion publique des problèmes de la vie commune, »
« libérer les Congolais et les Congolaises de toutes servitudes et assurer leur progrès en édifiant une République vraiment sociale et vraiment démocratique, »
« la Révolution ne se fera pas par l’écrasement de l’individu, »
« la liberté humaine est au centre des préoccupations du MPR, »
« suppression des oppressions politiques, »
« réaffirmation de grandes libertés traditionnelles : liberté d’opinion, liberté de Presse, liberté de conscience, »
« le citoyen doit être respecté dans sa liberté qui lui rend la force de son dévouement, »
« le MPR respectera les libertés fondamentales et facilitera leur exercice »
Est-ce, franchement, la faute à Etienne Tshisekedi si le MPR, qui n’était encore que fait privé en 1967, a été institutionnalisé en 1970 puis proclamé unique Institution de l’État (Parti- État) en 1974 ? Déjà en 1970, E. Tshisekedi n’était plus qu’un député, privé comme tout Zaïrois de l’époque de la possibilité de faire l’opposition. «Le fossé entre les deux hommes se creuse en 1969, lors du massacre d’étudiants de l’université de Lovanium qui demandent une amélioration de leurs conditions matérielles et une plus grande autonomie de leur établissement. Cet événement est conjugué aux dérives dictatoriales du régime, autant de faits que Tshisekedi dénonce. En 1969, il est envoyé comme ambassadeur au Maroc, histoire de l’éloigner du pays. La goutte d’eau qui fera déborder le vase est le massacre d’exploitants clandestins de diamant en juillet 1979, au Kasaï oriental, à Katekelayi ».[4]
C’est, déçu de voir Mobutu personnaliser le pouvoir et afficher clairement son intention de s’y éterniser, que Tshisekedi et ses douze autres collègues lui adressèrent leur célèbre lettre ouverte du 1er novembre 1980 appelée « Lettre des treize parlementaires »[5]. Dans cette lettre, les signataires lui rappelaient, d’entrée de jeu et en lettres majuscules, ses propres propos : « LE MOUVEMENT POPULAIRE DE LA REVOLUTION EST UN PARTI DEMOCRATIQUE ET NON UN PARTI DICTATORIAL. LE PEUPLE ZAlROlS DOIT AUSSI AVOIR L’OCCASION D’EMETTRE DES CRITIQUES CONSTRUCTIVES; CAR, A MON SENS, TOUTE CRITIQUE OBJECTIVE FAIT PARTIE DE L’EXERCICE DE LA DEMOCRATIE. UNE CRITIQUE NE DEVIENT SUBVERSIVE QUE QUAND ELLE EST CLANDESTINE, SOURNOISE ET DESTRUCTIVE »[6].
Ce fut le début de l’opposition politique que, il faut l’avouer, Tshisekedi a incarnée jusqu’à sa mort se faisant ironiquement qualifier d’éternel opposant par ceux, anciens et nouveaux opposants, qui n’ont pas eu le courage, la constance, l’abnégation, le franc-parler et le charisme que tout le monde lui reconnaît comme étant des qualités qui ont fait de lui un personnage exceptionnel. Ces qualités constituent désormais l’héritage qu’il lègue à la postérité et surtout à quiconque veut mener l’opposition contre un pouvoir cynique qui tient à tout régenter.
a) Le courage
Dans le contexte de 1980, année de la rédaction de la lettre ouverte au Président Mobutu, c’était plutôt la témérité d’affronter un tel personnage qui se faisait passer au Zaïre et dans les environs comme un petit dieu. Tout le monde avait pensé que c’en était fini avec ces treize parlementaires téméraires. La répression qui s’en était suivie eut progressivement raison de la plupart d’entre eux, qui reprirent timidement et hypocritement leur place au sein de la « nation zaïroise organisée politiquement »[7]. Pratiquement isolé mais jamais découragé, Tshisekedi demeura pratiquement seul à défier et à démystifier jusqu’à sa mort, sans compromission ni crainte de représailles, tous les dictateurs qui se sont succédé : Mobutu, Laurent-Désiré Kabila et Joseph Kabila.
b) La constance
La première phrase de la lettre ouverte adressée au Président Mobutu, lettre fondatrice de l’opposition au Congo-Kinshasa, commence ainsi : « Dans votre discours du premier juillet 1977 à la Cité du Parti à N’SELE, après avoir constaté que la voix du peuple était souvent étouffée, et qu’elle risquait de se faire entendre trop tard… ».
Depuis cette lettre ouverte, qui mérite d’être enseignée au niveau supérieur et universitaire, Tshisekedi est demeuré constant dans ses discours, meetings et combats politiques en ne s’appuyant que sur le peuple. Ni les postes politiques ni encore moins l’argent, qu’il aurait pu obtenir facilement de tous ces dictateurs en échange de son silence, ne sont pas venus à bout de son combat. Alors qu’auprès de lui, des générations de politiciens sont venus se blanchir en utilisant son nom et le peuple comme fonds de commerce pour ensuite s’en aller prendre leur place autour de la mangeoire, Tshisekedi est demeuré fidèle à ce peuple qui le lui rend aujourd’hui à travers un deuil dont les images tranchent nettement entre la légitimité octroyée à Joseph Kabila par la Cour constitutionnelle fortement instrumentalisée et la vraie légitimité issue de la majorité silencieuse.
Les traîtres et les opportunistes ont donc également perdu leur grand pilier sur lequel ils s’appuyaient avant de sauter pour prendre leur place autour de la mangeoire. «La défection du Dr. Tharcisse Loseke Nembalemba, présenté comme l’un des fidèles compagnons d’Etienne Tshisekedi, n’a pas été beaucoup commentée par la presse. Pourtant, deux jours avant le dernier voyage de ce médecin de Belgique pour Kinshasa, l’auteur de ces lignes, a été surpris de recevoir son appel téléphonique alors qu’aucun lien ne les avait jamais unis auparavant. Le neurologue lui témoignait toute son estime pour la qualité, la profondeur, l’objectivité et le sérieux de ses analyses. Il exprimait en même temps son souhait de le rencontrer lors de son prochain voyage au Canada pour affermir le contact et discuter de la possibilité de mettre sur pieds une cellule de lutte pour une vraie justice et les droits humains. Avant de terminer cette conversation en nous informant qu’il descendait sur terrain (au Congo) pour y continuer le combat, l’ancien collaborateur de Tshisekedi a tenu à nous communiquer ses cordonnées téléphoniques personnelles en vue de poursuivre régulièrement nos échanges. Quelle n’a pas été notre surprise lorsque trois jours après son arrivée à Kinshasa, nous apprenions par la voie de la presse sa suspension de l’UDPS alors qu’il venait d’être nommé Secrétaire national chargé des Relations extérieures! Malgré ses justifications non convaincantes sur sa rencontre amicale avec Samy Badibanga, il était nommé une semaine après, Vice-ministre aux finances alors que sa place aurait pu se trouver à la santé. Seul le démon de l’opportunisme pourrait mieux expliquer le cas Loseke. De quoi se poser la question de savoir s’il peut avoir le courage de se présenter aux obsèques de son ancien ami, de regarder dans les yeux les membres de la famille de l’illustre disparu et d’y croiser les regards des combattants courroucés? Ceci n’est pourtant qu’un cas parmi tant d’autres, qui donnent du dégoût à bon nombre de Congolais, dont nous, de faire la politique dans le contexte actuel ou qui alimentent la méfiance et la suspicion entre les politiciens au sein d’un même parti politique ou d’une même plate-forme, toutes tendances confondues.[8]
c) L’abnégation
Si le combat de Tshisekedi avait été celui de l’opportunisme et du positionnement personnel, il y a longtemps qu’on ne parlerait même plus d’opposition au Congo-Kinshasa. Sa constance et son abnégation vis-à-vis des postes politiques ont plutôt profité à plusieurs politiciens sans idéal ni conviction ni vision, qui se sont moqués de lui le qualifiant ironiquement d’opposant à vie mais qui perdent ainsi leur unique raison d’exister politiquement. C’est cette abnégation qui fait de lui un véritable homme d’État, d’idéal, de principes et visionnaire, contrairement à ceux qui poursuivent une chose en octobre et qui l’abandonnent en décembre, guidés uniquement par la quête de leurs intérêts personnels.[9] Quant à ceux qui continuent de se réclamer de lui en déclarant qu’ils ont perdu leur modèle, l’heure de vérité et de sincérité a sonné de prouver à ce même peuple, qu’ils sont capables de continuer la lutte, dans l’abnégation, jusqu’à l’avènement effectif de la démocratie et de ‘État de droit.
d) Le franc-parler
Contrairement à beaucoup de politiciens, dont le discours est ambivalent selon qu’ils sont en face du pouvoir ou de leurs « bases », Etienne Tshisekedi a toujours martelé ses propos sans équivoque. À titre d’exemple, le 30 mai 1998 interviewé par «Jeune Afrique» à la sortie de son entretien avec le Président Laurent-Désiré Kabila à Lubumbashi, Étienne Tshisekedi, Président de l’UDPS avait répondu : « Quand je dis que nous allons travailler ensemble, c’est dans le cadre d’une Constitution que nous devons élaborer. Enlevez-vous définitivement de la tête que Tshisekedi pourrait travailler dans une structure établie par décret-loi de manière antidémocratique »9bis. S’interdisant de trahir un seul instant le peuple, il a injustement été qualifié d’intransigeant par des prédateurs internationaux, ces faiseurs des rois qui avaient toujours craint qu’il les empêche de continuer à piller les ressources naturelles du pays. La récente déclaration de Mme Justine Mponyo Kasa-Vubu le confirme : « Voilà un fils du pays qui a gagné les élections en 2011 mais qui n’a pas été soutenu dans cette victoire. J’ai vu beaucoup de personnalités belges ici, j’ai aussi entendu beaucoup de discours, mais c’est de l’hypocrisie totale. Alors j’espère que nous n’allons pas nous laisser berner par cette hypocrisie et que nous allons prendre les choses en mains pour exiger le départ de Joseph Kabila et qu’on ne vienne pas nous parler d’accord ».[10]
e) Le charisme
Il n’était qu’opposant, mais c’est curieusement lui que le peuple écoutait le mieux et à qui il obéissait le plus. Il y avait une telle complicité entre lui et le peuple que moyennant un simple message, il mobilisait des foules immenses ou retenait celles-ci chez elles dans les opérations « ville morte ». Par ses mots d’ordre, il était capable d’annuler une décision gouvernementale ou d’en suspendre l’exécution. D’aucuns se souviennent de sa décision de démonétiser des billets de banque à valeur faciale élevée qui avaient été mises en circulation pour créer l’inflation et saboter l’action de son gouvernement issu de la Conférence Nationale Souveraine. Tout récemment encore, il avait demandé et obtenu de son peuple le rejet des conclusions du dialogues de la Cité de l’Union Africaine entraînant le pouvoir et toute la classe politique à tenir un autre dialogue plus crédible.[11]
Il n’était pas au pouvoir mais maintes fois, en cas de blocage, c’est chez lui que défilaient des envoyés spéciaux ainsi que des représentants des missions diplomatiques pour décanter la situation. Même âgé et avec une santé fragile, c’est sa seule présence qui a crédibilisé le dialogue de la CENCO, dont l’accord est devenu l’unique source de légitimité du pouvoir même à l’avantage de ceux qui cherchent à en retarder la mise en œuvre. Mort, son esprit continue de planer aussi bien sur le peuple que sur la classe politique, toutes tendances confondues. Alors qu’il a tiré sa révérence, la consternation qui s’est envahie de tous les Congolais, du pays et de la diaspora, prouve à suffisance que même sans impérium, l’Autorité Morale (le père) de la nation, c’était lui. Il y en a qui invoquent hypocritement son nom juste pour flatter le peuple, ce grand perdant, tandis que d’autres, se demandant comment gérer ce Tshisekedi devenu esprit, tentent désespérément d’inoculer le venin de la division au sein de la population et des plates-formes politiques qui le soutenaient. « Dans un message posté sur son compte facebook, le frère aîné de l’opposant Moïse Katumbi dénonce une campagne d’intoxication qui vise à le salir et semer la division au sein du Rassemblement ».[12]
2. Tshisekedi a-t-il laissé un successeur?
Eu égard au statut du défunt, à son long combat pour la démocratie et l’État de droit ainsi, surtout, qu’à ses qualités intrinsèques invoquées ci-dessus, il n’est pas aisé de répondre à une telle question. Si au niveau de son parti, l’on peut considérer que sa succession est réglée par les statuts, il ne faut cependant pas perdre de vue que l’illustre disparu n’appartenait plus seulement à sa famille politique, qui n’est ni l’UDPS, ni la Dynamique de l’opposition, ni encore moins le Rassemblement des Forces Politiques et Sociales acquises au changement. Contrairement au Belge Louis Michel qui, toute honte bue, pour des raisons qui lui sont propres mais faciles à deviner (il fait partie de ces politiciens belges que Mme Mponyo Kasa-Vubu a traité d’hypocrites), a cherché à le réduire à la dimension d’un leader provincial[13], Etienne Tshisekedi incarnait les aspirations de tout le peuple congolais, du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, toutes générations confondues. Dès lors, il est difficile et même risquant pour un individu de prétendre prendre sa place. C’est pourquoi, nous pensons que le véritable HÉRITIER d’Etienne Tshisekedi et de son combat politique, c’est avant tout le peuple : « Peuple d’abord ». Cet héritier n’a besoin que d’un encadrement pour que le patrimoine qui lui est légué ne lui soit pas dérobé et que ses aspirations à la démocratie et à l’État de droit se concrétisent. « A ses héritiers, Tshisekedi offre sur un plateau d’or sa propre mort pour que celle-ci serve de ressort idéologique et de catalyseur de toutes les forces du changement dotées d’un élan nouveau pour mettre hors d’état de nuire un régime qui a pris la triste habitude de « chosifier » tout un peuple. C’est maintenant ou jamais ! »[14]
3. Que faire pour pérenniser l’héritage politique d’Etienne Tshisekedi ?
Certains pourraient être tentés de jubiler en considérant la mort de Tshisekedi comme un cadeau venu du ciel ou un bon débarras de cet encombrant personnage qui les empêchait de mâter ce peuple devenu orphelin et sans défenseur. Ceux qui ne s’engagent en politique que pour les avantages et privilèges matériels pourraient également continuer d’ironiser sur sa mort en disant qu’il a échoué parce qu’il n’est pas devenu Président de la République. Les uns et les autres ignorent ou font semblant d’ignorer que si cet homme avait opté pour la lutte armée comme eux, il y a très longtemps que des appuis lui seraient venus de toutes parts pour qu’il prenne le pouvoir et que le peuple soutienne massivement pareille initiative. Pendant plus de trente ans de constance, de lutte pacifique et de complicité avec le peuple, ce dernier est aujourd’hui suffisamment mûr, éveillé et déterminé à « SE PRENDRE EN CHARGE »[15] pour s’affranchir de l’oppression d’où qu’elle vienne et qui l’empêche de réaliser ses aspirations à la démocratie, à l’État de droit et au progrès.
C’est pourquoi, ceux qui se portent candidats, au niveau des partis politiques et des plates-formes se réclamant de Tshisekedi devront s’abstenir d’utiliser le peuple comme marchepieds pour leurs intérêts personnels. Bien au contraire, ils devront tenir compte, en toutes circonstances, des intérêts de l’héritier de la première catégorie d’Etienne Tshisekedi : « Peuple d’abord » et avoir pour boussole(GPS) le patrimoine qu’il a laissé : le courage, la constance, l’abnégation, le franc-parler. Quant au charisme, c’est une qualité rarissime difficile à exiger à tous les hommes politiques. Il faudra attendre longtemps pour qu’émergent au sein de la population d’autres leaders charismatiques de la stature de Lumumba et de Tshisekedi.
Conclusion
Il avait déjà pris de l’âge, 84 ans, et on le savait malade depuis quelques années mais le peuple congolais ne s’imaginait surtout pas qu’il allait se séparer de lui en ce moment. Oui, il n’était pas éternel mais le peuple congolais avait encore besoin de son accompagnement dans la lutte pour la démocratie et l’État de droit. Aujourd’hui le destin, mieux son créateur, en a décidé autrement en le rappelant à lui, juste au moment où ceux qui ont cru en son combat espéraient pouvoir cueillir les fruits de sa constance dans la recherche d’un idéal : la libération du peuple congolais des forces obscures internes et externes qui l’empêchent de s’autodéterminer et de jouir d’innombrables ressources dont Dieu a doté notre pays.
Peu importent ses erreurs, inhérentes à tout être humain, et qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, Etienne Tshisekedi aura marqué à lui seul des générations entières d’hommes et de femmes politiques ou simplement de combattants, du pouvoir comme de l’opposition. Ils sont nombreux, en effet, les dirigeants Congolais qui n’ont accédé à des postes de responsabilité dans les institutions ou dans les entreprises étatiques qu’en se présentant comme ses purs adversaires ou, actualité oblige, en se réclamant de lui. Dieu seul sait combien de milliers de Congolais de la diaspora, même parmi ceux qui n’ont cessé de l’encenser d’injures sur les réseaux sociaux, ont eu leurs papiers d’immigration ou leur statut de réfugiés grâce à l’UDPS, son parti, utilisé comme une blanchisserie. Avec sa disparition, plus rien ne sera comme avant et il va falloir que les uns et les autres revoient leur façon de se positionner, sans lui.
Certes, comme Moïse, qui n’a pas pu conduire le peuple juif jusqu’à destination, Etienne Tshisekedi peut être sûr que grâce à l’héritage de courage, d’abnégation, de patriotisme et de constance qu’il laisse, le peuple congolais saura faire preuve de résilience pour continuer ce combat jusqu’à son affranchissement. Ça serait donc une grave erreur pour les ennemis de la démocratie et de l’État de droit de croire que la mort de Tshisekedi leur laisse désormais la voie libre pour imposer leur volonté.
L’Heure de vérité et de sincérité a plutôt sonné pour tous ceux qui se réclamaient de lui ou qui se sont rassemblés, sous diverses plates-formes, autour de lui et de son nom, de prouver que ce n’était pas par opportunisme ni par simple besoin de positionnement. Le deuil passé, DESC sera très vigilant pour surveiller le comportement et les attitudes de la classe politique actuellement réunie au siège de la CENCO en vue de la mise en œuvre de l’Accord du 31 décembre 2016 pour lequel E. Tshisekedi a sacrifié sa dernière énergie qui aurait pu lui permettre de prolonger sa vie même pour quelques jours.
C’est pourquoi, plutôt que de faire de la récupération politique autour de ses funérailles, comme on en a pris l’habitude, nous pensons que la meilleure manière de lui rendre un hommage mérité pour tout ce qu’il a fait, c’est de procéder sans réserve à la signature de l’arrangement particulier consécutif à l’accord de la CENCO. Le contraire risque de plonger le pays dans une crise aux conséquences imprévisibles pour tout le monde. Le peuple, qui est déjà suffisamment éveillé et qui aspire à la démocratie et au bien-être, n’acceptera pas que son leader se soit sacrifié pour rien.[16] Pour honorer la mémoire de son leader charismatique, ce peuple n’hésitera pas un seul instant à se prendre en charge pour mériter de son statut d’hériter de la première catégorie, Peuple d’abord.
Jean-Bosco Kongolo M.
Juriste&Criminologue
Références
[1] Au Congo-Kinshasa, ce sont les articles 775 à 818 du Code de la famille qui traitent de tous les aspects relatifs à la succession.
[2] Muriel Malu Malu Devey, 5 février 2017. RDC-Tshisekedi : pourquoi il est le père de la démocratie congolaise, In http://afridesk.org/fr/rdc-tshisekedi-pourquoi-il-est-le-pere-de-la-democratie-congolaise-muriel-malu-malu-devey/.
[3] Sujet de notre mémoire de fin d’études, dirigé par le Professeur Auguste Mampuya Kanunka Tshiabu
[4] On estime entre 100 et 300 creuseurs clandestins de diamant fauchés par l’armée dans la localité de Katekelayi, près de Mbuji-Mayi. In http://lexpressguinee.com/fichiers/blog16-999.php?langue=fr&code=calb9455&num=.
[5] Voici les noms des signataires de cette lettre : Ngalula Pandanjila, Tshisekedi wa Mulumba, Makanda Mpinga Shambuyi, Kapita Shabani, Kyungu wa Kumwanza, Lumbu Maloba Ndoba, Kanana Tshungu, Lusamba Ngieni, Kasala Kalumba, Bengamine Manga Ruga, Dia onken Ambel, Ngoyi Mukendi, Mbombo Lona. Ces treize parlementaires ne sont pas à confondre avec les autres fondateurs de l’UDPS qui s’étaient joints à eux.
[6] Extrait du discours prononcé le 1er juillet 1977, après la première guerre du Shaba.
[7] Article 29 de la Constitution de 1974 : « Le Mouvement Populaire de la Révolution est la nation zaïroise organisée politiquement ».
[8] Kongolo, JB, 2017. L’opportunisme et le positionnement empoisonnent la démocratie au Congo-Kinshasa, In http://afridesk.org/fr/lopprtunisme-et-le-positionnement-empoisonnent-la-democratie-en-rd-congo-jb-kongolo/.
[9] Les deux dialogues, de la Cité de l’UA et de la CENCO sont révélateurs du type de politiciens qu’on a au Congo-Kinshasa
9bis Tshibwabwa, Sinaseli, 2015. Les 12 erreurs politiques du Président Laurent-Désiré Kabila. Vers un deuxième échec des Progressistes congolais ? Deuxième édition. Congo-CRITERE-B. In http://afridesk.org/wp-content/uploads/2016/01/LD_Kabila_12_erreurs_politiques.pdf
[10] BA SANGO YA CONGO KINSHASA, 05/02/2017, In http://www.sangoyacongo.com/2017/02/de-bruxelles-justine-kasa-vubu-qualifie.html
[11] « M. Tshisekedi s’est exprimé ainsi pendant cinq minutes mardi à la permanence de son parti, lors du conclave du Rassemblement (une plateforme d’opposition qui réunit plus de 50 partis politiques). »Que le peuple ne considère pas les résolutions du camp Tshatshi. Nous donnerons un carton jaune à Kabila le 19 octobre et un carton rouge le 19 décembre. Le Rassemblement reste fidèle au peuple et il ne peut pas le trahir. », In http://www.onewovision.com/actu-rdc/RDC-l-opposant-Tshisekedi-demande-a-la-population-de-rejeter-les-conclusions-du-dialogue-politique-national,i-20161005-68cb.
[12]7sur7.cd, 6 février 2017, In https://7sur7.cd/new/qui-a-tue-tshisekedi-katebe-katoto-denonce-une-campagne-dintoxication-qui-vise-a-diviser-le-rassemblement-et-invite-les-auteurs-darreter-les-declarations-diffamatoires/.
[13] « Son décès nous enlève un visionnaire, une figure emblématique forte profondément attachée sa région, le Kasaï et à son pays, il était un défenseur acharné de la démocratie qui a mis tout son savoir, tout son savoir-faire et tout son savoir-être au service de son pays. », In https://actualite.cd/2017/02/02/louis-michel-a-propos-de-tshisekedi-cest-personnalite-norme-dotee-dune-intelligence-superieure/.
[14] Germain Nzinga Makitu, 8 février 2017, Les trois scenarios autour de la dépouille d’Etienne Tshisekedi, In http://nzingagermain.com/les-trois-scenarios-autour-de-la-depouille-detienne-tshisekedi-par-germain-nzinga-makitu/.
[15] Tel est le testament laissé par Etienne Tshisekedi au peuple congolais.
[16] Kongolo, JB, 2017. Tshisekedi était un véritable Baobab, In http://afridesk.org/fr/etienne-tshisekedi-wa-mulumba-nest-plus.