Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 13-12-2019 06:45
7002 | 3

Quelles motivations stratégiques derrière l’envoi du général John Numbi à Beni ? – Jean-Jacques Wondo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Quelles motivations stratégiques derrière l’envoi du général John Numbi à Beni ?

Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu

La nouvelle de la nomination du général d’armée (4 étoiles), John Numbi Banze, a fait le tour des réseaux sociaux en un clin d’œil ce 4 décembre 2019. John Numbi est envoyé au front du Nord-Kivu pour piloter les opérations militaires d’envergure menées contre les « présumés rebelles d’ADF et les groupes armés de la région aux côtés du commandant du secteur opérationnel Sokola 1 », peut-on lire sur la toile. Selon le général Léon Kasonga, porte-parole des FARDC : « la présence du général John Numbi dans la région de Beni entre dans le cadre du renforcement des stratégies mises en place mais aussi encourager les troupes engagées sur le terrain dans la traque contre les groupes armés, dont les ADF »[1].
Il s’agit d’un mini réajustement du commandement des opérations alors que l’offensive militaire semble s’enliser et qu’on recense plus de 160 civils massacrés, malgré la promesse présidentielle de ramener la paix à Beni avant la fin de l’année. Pourtant, au cours de la même communication, le même général Kasonga, se vantait du contrôle total de la situation militaire et de la destruction des bastions stratégiques des ADF.
Comment expliquer alors cette restructuration si les opérations se déroulaient avec la satisfaction totale des autorités comme le mentionne le général Léon Kasonga ? Ne dit-on pas qu’on ne change pas une équipe qui gagne ? Cet article illustre les incongruités stratégiques militaires dans l’envoi du général d’armée John Numbi à Beni pour piloter les opérations militaires infructueuses en cours. Il illustre aussi les mobiles géopolitiques qui sous-tendent cette désignation au moment où l’opinion publique attend du président Félix Tshisekedi un remaniement profond de l’état-major opérationnel de l’opération Sokola 1 à Beni et une réorganisation des troupes qui la composent.
Le Président Tshisekedi devant la population de Beni le 10 octobre 2019
Extrait de message du président Tshisekedi promettant la libération définitive de la avant la fin de l’année.

Un état-major général à Beni : une absurdité politique et stratégique militaire

Durant sa campagne électorale présidentielle, le président Tshisekedi avait promis de s’installer avec l’état-major général des FARDC à l’Est du pays jusqu’à l’éradication totale de tous les groupes armés locaux. Le 10 octobre à Beni, il a annoncé le déclenchement de l’offensive d’envergure en promettant des fêtes de fin d’année paisibles à la population locale. Ces opérations lancées en grande pompe le 31 octobre 2019 ont connu quelques maigres succès avant de tourner au cauchemar, faute de planification suffisante et intelligente, faisant en l’espace d’un mois plus de 110 victimes civiles dans les zones où étaient déployées les FARDC et la MONUSCO[2].

Si sur le plan de la propagande politique, l’installation d’un état-major général à Beni séduit naïvement les populations locales, sur le plan purement technique militaire, cela relève d’une absurdité stratégique notoire et d’une méconnaissance des principes de l’art de la guerre.

En effet, c’est en fournissant des moyens suffisants et une autonomie de manœuvre au commandant des opérations – selon le principe tactique cardinal « unité de terrain, unité de commandement » – qu’on assure à l’action militaire sur le terrain toute son efficacité. C’est ainsi que nous estimons que la mise en place de cet état-major général à Beni est à la fois une distraction et l’étalage de l’incompétence technique. En réalité, l’état-major opérationnel du commandant du secteur opérationnel suffit largement pour accomplir concrètement sa mission. C’est d’ailleurs suicidaire pour un Etat, qui se veut sérieux, de vouloir installer son état-major général, cœur de la stratégie militaire du pays, dans une zone aussi vulnérable et instable que la partie orientale du pays, facilement « prenable » par les ennemis. Aucun principe stratégique militaire et aucune armée ne peuvent se permettre de concevoir une telle ineptie !

Cela nous oblige à expliquer brièvement certains concepts militaires dans le cadre de l’emploi et l’articulation des forces militaires.

Stratégie générale, stratégie militaire, stratégie opérationnelle (opératique) et tactique militaire 

Le développement de ces notions vaut en soi des encyclopédies entières, mais nous allons tenter de les résumer en quelques lignes suivantes.

Dans son fonctionnement interne et dans ses rapports avec les autres Etats, l’objectif principal d’un Etat est de réaliser au maximum l’«intérêt national » (National Interest) en faisant appel à son pouvoir, ce qui résultera évidemment en une forme de conflit entre les Etats (Struggle for power) qui sera résolu par la confrontation des pouvoirs (pas seulement par l’emploi des armes). Et pour le stratégiste allemand Carl von CLAUSEWITZ, « La guerre est un acte de violence dont l’objectif est de contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté ».

Dans son célèbre livre De la guerre, Clausewitz avance que c’est au politique de fixer les buts de la guerre. Un principe devenu un classique dans le domaine stratégique : « L’objectif politique, comme mobile initial de la guerre, fournira le but à atteindre par l’action militaire, autant que des efforts nécessaires ». Idée maîtresse, qui aboutit à la célèbre ‘’formule” universalisée, souvent constamment citée de façon tronquée, sans en comprendre l’essence : « La guerre est une simple continuation de la politique par d’autres moyens. La guerre n’est pas seulement un acte politique, mais un véritable instrument politique, une poursuite des relations (ou transactions) politiques, une réalisation de celles-ci par d’autres moyens. »[3]

C’est d’ailleurs sur base de cette assertion que découle le principe de la subordination (contrôle) de l’armée à l’autorité civile. Ce principe sacré a été clarifié en 1875 par le Général français Lewal, après la défaite française face à l’armée prussienne en ces termes : « Les chefs de l’armée n’ont point à décider de la guerre : ils sont chargés de la faire une fois qu’elle est résolue, à tort ou à raison, et leur mission est de la conduire la mieux possible dans les limites strictes de leur profession spéciale. La puissance militaire est un moyen qui doit être mis au service d’une fin politique, faute de quoi ses limites apparaissent rapidement[4].

Cela peut se résumer par la question stratégique suivante : Où va-t-on faire quoi avec quels moyens et pourquoi ? La résolution de cette question peut se faire en suivant ces trois étapes :

  1. Décrire concrètement les objectifs posés
  2. Déterminer l’ensemble des moyens et ressources qu’on veut mobiliser et attribuer à la réalisation de ces objectifs.
  3. Établir et planifier les actions qui devront être entreprises, vu les moyens et ressources alloués, pour réaliser ces objectifs.
Le général d’armée et Inspecteur général des FARDC John Numbi saluant le général Léon-Richard Kasonga, le porte-parole des FARDC – Beni

L’Américain Randolph Bourne considère que la guerre devient aux côtés de la diplomatie une matrice importante de l’histoire des Nations. La guerre est une fonction – sinon la fonction principale – des Etats[5]. Il précise que la guerre ne saurait exister sans un pouvoir militaire structuré et un pouvoir militaire structuré ne saurait exister sans organisation étatique structurée[6]. Ainsi, la finalité militaire est celle de l’armée une fois entrée en guerre et engagée dans la violence. Sa fin est, alors, la victoire sur l’ennemi[7].

Ainsi, la Stratégie générale est pour un Etat, l’art de concevoir l’utilisation et de mettre en œuvre les éléments de sa puissance pour réaliser les objectifs de sa politique générale. La stratégie générale englobe la stratégie politique, la stratégie économique, la stratégie militaire, la stratégie diplomatique, etc…

La Stratégie Militaire, composante de la stratégie générale, est, pour un Etat, l’art de concevoir l’utilisation et la mise en œuvre des ressources de sa puissance pour atteindre par l’usage ou par la menace de l’usage de la force les objectifs qu’il s’est fixés. Ce niveau s’intéresse en particulier à la préparation et à la conduite de la guerre. Le niveau stratégique militaire est le niveau de direction des opérations militaires, de déploiement et d’emploi des forces dans un cadre politique fixé. A ce niveau et dans un cadre national, il relève du chef d’état-major général des forces armées qui propose les orientations militaires qui doivent permettre de satisfaire les objectifs politiques fixés.

La Stratégie opérationnelle ou l’opératique[8] peut être définie comme « l’art de coordonner à l’échelon d’un théâtre des opérations les actions de forces de nature différente. Il correspond au niveau opératif (= dérivé de l’anglais : ‘operational’). Ce niveau opératif correspond au secteur des opérations en cours pour le cas des offensives en cours menées autour de Beni et reste, quant à lui, du domaine ‘exclusivement militaire’ car directement lié au théâtre d’opération (militaire).

Ce niveau, vu sa proximité avec le terrain, est indispensable pour la conception, la planification, l’organisation du commandement, l’organisation du théâtre des opérations, la définition des mesures de coordination et des règles d’engagement, la conduite générale des opérations, l’articulation des forces et leur coordination sur le terrain, au regard du principe de l’unité de commandement. Ce, en vue d’éviter des interférences hiérarchiques ou politiques contre-productives[9], des commandements parallèles (multiplicité des centres de commandement) et un amalgame des structures des chaines de commandement comme en 2012 avant la prise de la ville de Goma par le M23[10].

C’est le commandant de la zone d’opération, qui peut être, tout au plus le commandant de la région militaire concernée, comme avec le Général Lucien Bahuma contre la rébellion du M23 en 2013 et l’anéantissement des ADF originelles en 2014, qui est le point focal principal de ce niveau et de qui dépendront toutes les actions menées par toutes les forces déployées sur les zones de combat du théâtre d’opération concernée. Et à l’époque, cette option, après avoir tiré les leçons de la prise de la ville de Goma par le M23, avait facilité l’unité de commandement en évitant, par exemple, de voir certaines unités combattantes ne répondent qu’aux ordres du Président de la république, comme cela s’est passé lors des opérations Umoja Wetu ou contre la rébellion du M23. A l’époque, le général Lucien Bahuma cumulait les fonctions de commandant de la 34ème région militaire correspondant au territoire administratif du Nord-Kivu et de commandant de l’opération Sokola 1 contre les ADF.

Les résultats sur le terrain ne se sont pas fait attendre. Aussi bien le M23 que l’ADF étaient défaites[11]. Donc, il est possible que les opérations militaires soient couronnées de succès en respectant ce schéma opératique. Ce qui montre l’inutilité de la superposition d’un état-major supplémentaire aux côtés du commandement du secteur opérationnel.

Ainsi, pour aider le commandant de la zone d’opération à accomplir sa tâche, il doit disposer d’un état-major dont le rôle est de traduire les directives données par le niveau stratégique (état-major général) en ordres opérationnels qui seront transmis aux forces sur terrain. Le commandant de la zone d’opération n’a pas seulement un rôle de concepteur, il ne reste pas en permanence à son poste de commandement, il doit aussi se rendre sur le terrain pour s’assurer du bon déroulement des opérations, apprécier la situation, s’inquiéter du moral des troupes et donner verbalement des consignes à ses subordonnés. Il est en réalité l’homme-orchestre des opérations militaires et doit jouir de ce fait d’une large autonomie de manœuvre.

Une Opération militaire : c’est l’ensemble d’actions militaires menées par une force généralement interarmées, voire interalliée ou multinationale, dans une zone géographique déterminée appelée théâtre d’opération, en vue d’atteindre les objectifs fixés par le niveau stratégique sur des théâtres d’opération. Cela concerne la coordination à l’échelon des théâtres des opérations de forces de natures différentes, pour mener à bien la manœuvre stratégique dans une aire géographique déterminé ». C’est à ce niveau que les opérations sont planifiées et soutenues[12].

Une fois les actions à effectuer déterminées et les moyens attribués, il s’agira surtout de connaître la meilleure façon de mettre en œuvre ces moyens sur le terrain d’opération afin d’exécuter les missions imposées par la Stratégie. Ces actions constituent ce qu’on appelle la tactique militaire[13]. C’est au niveau tactique que les batailles sont planifiées (Les ‘Ordres d’Opérations’ sont données), les forces engagées au combat sur le terrain et que s’exécutent les manœuvres sur le terrain en fonction des ordres[14] donnés par la hiérarchie, au niveau opératique[15].

Les éléments développés ci-dessus démontrent clairement l’inutilité de la nomination et de l’implication du général John Numbi, Inspecteur général des FARDC de surcroît, dans les opérations en cours. Légalement parlant, l’Inspecteur général de l’armée exerce une fonction purement administrative – rattachée au ministère de la Défense nationale[16]. De ce fait, John Numbi, malgré ses quatre étoiles de général d’armée, n’a aucune hiérarchie fonctionnelle et opérative directe sur l’armée[17] dont la mise en condition opérationnelle est assurée par le Chef d’état-major général des FARDC qui en fait le véritable patron de l’armée en tant que soutien au Chef de l’Etat en tant que Commandant suprême des FARDC[18].

Selon nous, la présence de Numbi à Beni répond à des objectifs géopolitiques sous-jacents qui seraient imposés au président Tshisekedi par Kabila et le Rwanda. Le passé militaire de Numbi dans la région ne plaide nullement en sa faveur en termes d’amélioration des performances militaires des FARDC. De même, le passif militaire de Numbi dans l’entretien de la milice armée Bakata Katanga, dans les massacres des adeptes de Bundu dia Kongo ou son implication supposée dans les assassinats ignobles de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, ne plaident pas en faveur de son déploiement dans une zone opérationnelle sensible comme Beni. On ne peut pas non plus oublier son passé activiste violent au comme chef de la milice de l’Union des fédéralistes et républicains indépendants (JUFERI), groupe de jeunes katangais aux méthodes violentes, qui dans les années 90, s’étaient livrés aux pogroms contre les Kasaïens – soupçonnés de soutenir l’UDPS – et qui ont fait plusieurs centaines de morts et un demi-million de déplacés au Katanga[19].

John Numbi : l’homme du Rwanda en RDC, de l’Umoja Wetu, et le deal privé de Kagame et Kabila

Pour comprendre les motivations géopolitiques de l’envoi du général Numbi à Beni, il faut remonter à l’opération Umoja wetu, menée conjointement par les armées congolaise et rwandaise.

C’est Numbi, alors Inspecteur général de la Police nationale congolaise (PNC), une première congolaise, qui fut chargé par Joseph Kabila d’entreprendre, en janvier 2007 à Kigali, les négociations secrètes avec le chef rebelle Nkunda et les officiels rwandais. Des négociations qui donneront lieu en janvier 2009 à l’opération Umoja wetu, menée conjointement par l’armée rwandaise et les FARDC dans le Nord-Kivu. Il en assurera la co-supervision avec les autorités militaires rwandaises. Cette opération aboutira à la signature de l’accord du 23 mars 2009 entre le Gouvernement et le CNDP[20]. Cela n’est pas l’œuvre du hasard dans la mesure où John Numbi entretenait d’excellentes relations avec les officiels rwandais qui le considéraient comme « un homme ouvert au dialogue, pragmatique et qui va droit au but »[21].

Menée entre janvier et mars 2009, Umoja wetu l’’intervention militaire (Umoja Wetu) va durer 35 jours au Nord Kivu et aboutit à des résultats mitigés en termes de désarmement et de rapatriement des FDLR, malgré le succès politique et diplomatique qu’elle a consacré. En pratique, elles n’ont exercé qu’une pression passagère contre un ennemi dont le temps et l’espace ont joué en sa faveur. Le général John Numbi, commandant des opérations conjointes FARDC-RDF (l’armée rwandaise), a, dans son allocution de la cérémonie de clôture de cette opération conjointe, donné le faible bilan de 153 FDLR tués, 13 blessés, 37 capturés, 103 rendus et rapatriés au Rwanda par le biais de la DDRRR de la MONUC[22]. Le général John Numbi avait ailleurs reconnu ce faible résultat en ces termes : « L’ennemi n’a pas été totalement détruit, mais sa capacité de nuisance a été réduite au maximum ». Il ajoute qu’après le départ des soldats rwandais, les FARDC vont poursuivre l’opération de ratissage[23]. Le général de Brigade Jérôme Ngenda Imana, représentant l’état-major de l’armée rwandaise, déclara quant à lui, que son pays considère comme terminée sa mission à l’Est de la RDC. Il ajouta que « le Rwanda n’a plus de raison de retourner au Congo ». A l’issue d’un entretien en tête-à-tête le 6 août 2009 à Goma entre les présidents Paul Kagame et Joseph Kabila, le chef de l’Etat rwandais avait cyniquement déclaré à la presse que « le problème de l’Est du Congo est le problème du Congo »[24]. Curieusement, dix ans après, les deux armées continuent à poursuivre les FDLR, avec les mêmes acteurs incompétents du côté congolais.

Conclusion : John Numbi, la solution ou la complexification de la situation sécuritaire à l’Est de la RDC ?

Sur base des éléments démontrés ci-dessus, aucun élément objectif ne milite en faveur de l’envoi de John Numbi à Beni. Nous entretenons plusieurs contacts avec des officiers généraux et supérieurs de la RDC et ce ne sont pas les compétences qui manquent dans les rangs des FARDC.

Par ailleurs, placé sous sanctions de l’Union européenne et des Etats-Unis d’Amérique, le soutien affiché du président Tshisekedi, cette nouvelle désignation dénote plutôt l’ancrage kabiliste du président congolais. Elle dessert en outre sa cause auprès des Américains qui avaient expressément demandé au président congolais d’écarter certains généraux congolais, dont John Numbi, du haut commandement de l’armée. Les Etats-Unis sont en « partenariat stratégique » avec la RDC, déclarait l’Envoyé Spécial des Etats-Unis dans les Grands Lacs, Peter Pham. Mais avant la mise en œuvre de la coopération militaire entre Washington et Kinshasa, il exigeait « un nettoyage à sec de la chaîne de commandement des FARDC en citant certains officiers généraux congolais – Gabriel Amisi Kumba « Tango Four » (Chef d’Etat-major général adjoint), John Numbi (Inspecteur général), Kahimbi (Renseignements militaires) –, fichés comme indésirables[25].

Avec la présence des unités spéciales rwandaises, dissimulées en tenues des FARDC, selon plusieurs sources militaires participant à ces opérations, après le désistement des armées ougandaise, burundaise et tanzanienne[26] – des pays en conflit avec le Rwanda –, John Numbi, du fait de ses liens étroits susmentionnés avec le Rwanda, passe actuellement pour être l’homme de confiance de Kigali capable de garantir la bon déroulement des activités militaires rwandaises en RDC aux côtés des FARDC et des groupes armés locaux comme le NDC-Rénové de Guidon qui bénéficie des soutiens des FARDC et de l’armée rwandaise pour combattre les groupes hostiles au Rwanda. Or les présumés ADF, qui sèment la désolation au sein des populations congolaises et où on recense des combattants rwandophones, ne représentent pas un danger sécuritaire pour le Rwanda. Ce qui fait croire que les finalités cachées de ces opérations ne concernent nullement les « présumés ADF » qui sont d’ailleurs en contact et même financés par le général Delphin Kahimbi selon des sources sûres et témoins de ses incessants voyages à Beni où il a tenu plusieurs réunions avec les ADF.

Dans une analyse de Stephanie Wolters, elle avance que le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi ont une longue histoire de déstabilisation de l’Est de la RDC, pour avoir soutenu des groupes rebelles successifs dans le pays depuis 1996. Aucun de ces pays n’est un acteur neutre dans la région, et la population congolaise a de nombreux mauvais souvenirs du rôle qu’ils ont joué dans l’histoire du pays. Bien que les gouvernements de ces pays aient certaines préoccupations légitimes de sécurité découlant de l’incapacité des FARDC à contrôler le territoire du pays, des opérations militaires passées impliquant ces pays n’ont pas réussi à éradiquer ces groupes armés, alors qu’il y a eu un très haut coût payé par la population congolaise[27].

C’est donc vers le réinvestissement militaire rwandais en RDC, comme après Umoja wetu qui a vu les effectifs des rébellions pro-rwandaises augmenter, qu’il faille chercher les motivations qui sous-tendent cette désignation surprenante de John Numbi. Une option qui ne vise pas la sécurisation des populations de Beni. Cet ultime acte présidentiel renforce ma conviction que le président Tshisekedi est encerclé militairement par les anciens collaborateurs militaires de Kabila qui lui imposent des choix stratégiques et opératiques contraire au bon sens élémentaire[28].

Jean-Jacques Wondo Omanyundu/Exclusivté DESC

Références

[1] https://7sur7.cd/2019/12/05/rdc-john-numbi-depeche-beni-par-tshisekedi-pour-le-pilotage-des-operations-de-traque-des.

[2] https://afridesk.org/loffensive-militaire-baclee-menee-par-les-fardc-a-lest-de-la-rdc-tourne-au-desastre-jj-wondo/.

[3] http://afridesk.org/strategie-ce-quil-faut-savoir-sur-la-guerre-1ere-partie-rwandam23-jj-wondo/.

[4] http://afridesk.org/strategie-ce-quil-faut-savoir-sur-la-guerre-1ere-partie-rwandam23-jj-wondo/.

[5] Randolph Bourne, La Santé de l’Etat, c’est la Guerre, Ed. Le passager clandestin, Paris, 2012, p.62.

[6] Ibid.

[7] Jean-Jacques Wondo Omanyundu, L’Essentiel de la sociologie politique militaire africaine, Amazon.com, Août 2019, p.41.

[8] L’Opératique : concept utilisé officieusement dans le vocabulaire militaire français et des ex-colonies françaises en Afrique.

[9] Jean-Jacques Wondo Omanyundu, Les Armées au Congo-Kinshasa. Radioscopie de la Force publique aux FARDC, Monde Nouveau/Afrique Nouvelle, 2013, p.376.

[10] Jean-Jacques Wondo Omanyundu, Les Forces armées de la RD Congo : Une armée irréformable ?, DESC, octobre 2015, p.56.

[11] Lire Jean-Jacques Wondo Omanyundu, Les Forces armées de la RD Congo : Une armée irréformable ?, DESC, octobre 2015.

[12] Glossaire interarmées – Doctrine interarmées françaises.

[13] En tant que dérivée de la stratégie militaire et de la stratégie opératique, la tactique se résume quant à elle comme l’art de mettre en œuvre, de combiner et d’articuler, dans le cadre de l’action directe, tous les moyens au combat, dans un terrain d’opération bien délimité, en vue de la victoire dans la bataille ; c’est-à-dire atteindre les objectifs assignés par la stratégie opérationnelle.

[14] Ces ordres donnent lieu, pour chaque manœuvre importante, à une conception tactique, la définition du rôle des différents éléments et l’organisation de l’espace de manœuvre (chaque élément opère dans une zone délimitée). En ce sens, la tactique est une science de rapport de forces devant tenir compte, entre autres, de la menace, du milieu et des moyens à mettre en rapport avec l’exécution de la mission imposée par la stratégie militaire. C’est-à-dire, la tactique répondra à la question fondamentale : comment exécuter la MISSION, avec les MOYENS disponibles, dans le MILIEU imposé et contre l’ENNEMI (Menace) désigné ? C’est ce qu’on appelle le problème tactique sur base du principe des 4M

[15] Jean-Jacques Wondo Omanyundu, Les Armées au Congo-Kinshasa. Radioscopie de la Force publique aux FARDC, Monde Nouveau/Afrique Nouvelle, 2013, p.377.

[16] Article 49 : L’Inspectorat général des Forces Armées relève du Ministre ayant dans ses attributions la Défense Nationale.

[17] http://afridesk.org/nouvelles-nominations-fardc-kabila-vers-un-putsch-constitutionnel-24090-2/.

[18] Article 63 : Le Chef d’Etat-Major Général des Forces Armées est chargé de la mise en condition des Forces et assiste le Commandant suprême dans leur mise en œuvre.

En rapport avec la mise en condition, le Chef d’Etat-Major Général des Forces Armées coordonne les activités des Chefs d’Etat – Major des Forces, de différents Corps et Services ainsi que du Commandant Général des Ecoles Militaires.

Sur pied de guerre, il assiste le Commandant Suprême des Forces Armées dans le commandement des opérations et la conduite de la guerre.

En temps de paix et en temps de guerre, le Chef d’Etat-Major Général assure un contrôle permanent du commandement des unités.

Article 64 :

Le Chef d’Etat-Major Général des Forces Armées relève du Ministre ayant dans ses attributions la Défense Nationale pour la mobilisation des ressources en vue de la mise en condition des Forces Armées.

[19] http://afrikarabia.com/wordpress/rdc-john-numbi-portrait-dun-homme-de-lombre/.

[20] JJ Wondo. Les Forces armées de la RD Congo : Une armée irréformable ?; 2è Ed, DESC, octobre 2015, p.31.

[21] http://afridesk.org/rehabilitation-general-john-numbi-consacre-dictature-militaire-regime-de-kabila-jj-wondo/.

[22] JJ Wondo. Les Forces armées de la RD Congo : Une armée irréformable ?; 2è Ed, DESC, octobre 2015, p.33.

[23] Wondo, J.J., Ibid.

[24] Le Potentiel, « Dangereux essaimage », 23/05/2011.

[25] https://www.mediacongo.net/article-actualite-59459_fardc_washington_exige_le_nettoyage_de_la_chaine_de_commandement.html.

[26] https://afridesk.org/loffensive-militaire-baclee-menee-par-les-fardc-a-lest-de-la-rdc-tourne-au-desastre-jj-wondo/.

[27] Stephanie Wolters, Opportunities and challenges in the DRC, CENTRAL AFRICA REPORT 15 | NOVEMBER 2019, ISS Africa. https://issafrica.s3.amazonaws.com/site/uploads/car-15.pdf.

[28] http://afridesk.org/special-desc-qui-sont-les-securocrates-qui-encerclent-felix-tshisekedi-jj-wondo/.

3

3 Comments on “Quelles motivations stratégiques derrière l’envoi du général John Numbi à Beni ? – Jean-Jacques Wondo”

  • GHOST

    says:

    NUMBI « GENERAL » ?

    Il ne possede aucune éducation militaire car n´étant qu´un « général » politique par la grâce de ses orgines katangaises. Numbi « général » de l´aviation militaire n´est pas un pilote ou un ingenieur en aéronautique. Numbi chef de la police nationale ne possede aucune formation de la Gendarmerie ou la Garde Civile comme les autres généraux de la police au Congo.
    Ainsi, il ne peut pas apporter des connaissances ou une expertise dans cette guerre non-conventionelle qui exige une capacité d´analyse et pire une capacité intellectuelle solide face aux officiers de l´ONU pendant la planification des operations.
    Numbi á Beni est une bourde politique et militaire de la part de Felix.

    DES GENERAUX, TROP DES GENERAUX…

    Concentrer tous ces généraux dans l´offensive contre les groupes armés est option militaire étrange. On retrouve un général « commandant et responsable » des operations qui a dans un état-major un autre général qui le depasse en grade.. lol
    Pire, le chef d´EMG des FARDC est aussi engagé sur le terrain. Maintenant qu´on ajoute l´inspecteur général de l´armée dans ce chaos, comprenez que nous ne pouvons que recolter un chaos!

    Pourquoi ne pas « limiter » la zone opérationnelle sans tenir compte des limites admnistratives? Ainsi, on va avoir une « zone » où un seul « général » sera le responsable des operations et qui va rendre compte au chef d´EMG..?

    L´EMG AU FRONT ?

    Une invention congolaise où non seulement on « concentre » un nombre enorme des généraux, mais on positione aussi le commandement superieur de l´armée au coeu de la zone des operations. Il suffit d´un kamikaze islamique pour decimer l´EMG des FARDC.

    ARGENT ?
    Pourquoi Numbi se precipite-t-il á Beni? La première raison est avant tout « politique ». Numbi semble être le vrai chef des FARDC á l´ombre et cette guerre est aussi une question d´argent quand le Congo doit augmenter sensiblement le budget des operations á l´Est. Le vrai chef de l´armée entend être non loin.. du partage du butin.

  • GHOST

    says:

    NUMBI EST SOUS SANCTIONS INTERNATIONALES

    Comment Felix compte ameliorer ses relations avec AFRICOM et la mission militaire de l´ONU si Numbi se retrouve l´un des responsables des operations militaires á Beni?
    Les USA étant l un des pays qui financent la MONUSCO ne vont certainement accepter que Numbi puisse participer aux planifications des operations militaires en cours.
    Nous nous souvenons de Shadary, « candidat du FCC » sous sanctions internationales. Felix devrait tirer des enseignements des experiences malheureuses de Kabila quand la MONUSCO refusait d´apporter sa contribution aux actions des FARDC au Kivu.

  • GHOST

    says:

    « PREPARATION OPERATIONNELLE »

    Enfin, l´EMG des FARDC atteint le niveau de la comprehension d´une planification d´une offensive militaire ? https://actualite.ce/2019/12/15/rdc-adf-beni-la-monusco-forme-les-militaires-congolais-aux-techniques-de-combat-dans-la-jungle
    Pendant 20 ans, les généraux congolais n´ont jamais demandés une assistance de l´ONU afin d´optimiser les forces spéciales pour le combat dans la jungle. Au contraire, on recopie sans discernement ni « retex » (retour d´experience) le fameux concept Belge de « Kota-Koli »

    Eeben Barlow (le fondateur sudaf d´Executive Outcomes) affirme avec raison dans son ouvrage « Composite Warfare2 page 15 « Many moderne day African armies are clones of the armies established by tehir once Colonial master… Many of the principles tactics, techniques and procedures tehy were – and are still being – taught relate to fighting in Europé and the Middle East and not in Adrica… Africa is currently the dumping ground for bad advice, and old and sometimes obsolete weapons from both the East andd the West… »
    Très recement mr JJ Wondo a publié un article où les officiers de la MONUSCO affirment ouvertement que les « forces spéciales » des FARDC ne possedent pas un bon niveau.
    Nous devons devenir de plus en plus conscients des insuffisances que les formations fragmentaires apportent á notre armée. Il est temps de prendre des options intelligentes dans ce domaine.

    Dans les armées modernes de la planète, toute opération est precedée d´une « préparation opérationnelle » où les troupes sont remis en niveau et surtout s´entrainent en fonction de la mission á accomplir. Envoyer 21000 hommes dans une offensive qui exige des petites unités mobiles et agiles capables de se battre dans la jungle est une preuve de plus des insuffisances des généraux congolais.

    Nous saluons cette initiative de la MONUSCO qui devait en principe être en pratique depuis 20 ans..

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

This panel is hidden by default but revealed when the user activates the relevant trigger.

Dans la même thématique

DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 08:06:35| 228 0
Deuxième Forum Scientifique RDC-Angola
REGISTER Invités d’honneur: Ambassadeur B. Dombele Mbala, Ambassadeur J. Smets, Ambassadeur R. Nijskens Programme : Introduction par M. Jean-Jacques Wondo, Afridesk… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DROIT & JUSTICE | 23 Sep 2025 08:06:35| 215 0
RDC: Jean-Jacques Wondo témoigne de ses conditions de détention devant le Parlement européen
L’expert belgo-congolais en questions sécuritaires, Jean-Jacques Wondo, a dénoncé les conditions de sa détention en RDC, qu’il qualifie d’inhumaines, devant… Lire la suite
Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 08:06:35| 441 1
RDC-conflits : Pourquoi les accords de paix échouent
Depuis trois décennies, la RDC est le théâtre de l’un des conflits armés les plus meurtriers et les plus longs… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 23 Sep 2025 08:06:35| 1191 0
L’ombre structurante de Heritage Foundation sur la RDC : Une paix minée par des intérêts stratégiques et personnels
Résumé: Cet article examine l’accord tripartite signé le 27 juin 2025 entre les États-Unis, la République démocratique du Congo (RDC)… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK