Promulgation de la loi fixant le statut du personnel de carrière de la Police nationale, PNC

Le Chef de l’Etat a promulgué à la date du 1er juin la loi portant statut du personnel de carrière de la Police nationale congolaise (PNC) et a signé en même temps plusieurs autres ordonnances d’organisation judiciaire portant nomination, démission ou révocation des magistrats
Le Président de la République, Joseph Kabila Kabange, a promulgué, en date du 1er juin 2013, la loi portant statut du personnel de carrière de la Police nationale congolaise (PNC). Il a signé, à la même date, plusieurs ordonnances d’organisation judiciaire portant notamment nomination, démission ou révocation des magistrats civils du siège et de parquet, des magistrats militaires et des juges. La loi portant statut du personnel de carrière de la PNC fixe le statut du personnel de carrière de ce corps, le dotant d’un cadre réorganisé et fonctionnel adapté à la vision portée par la loi fondamentale.
Elle tient compte des conditions particulières du travail du policier et lui accorde, en plus d’un traitement de base, des avantages sociaux, primes et indemnités lui dus en cours de carrière. De même qu’elle fait, en outre, de la Police nationale, un service public, civil, républicain et professionnel. Les ordonnances d’organisation judiciaires signées par le Chef de l’Etat portent démission d’office de trois magistrats civils du siège, démission de deux magistrats du siège, mise à la retraite de six magistrats civils du siège, révocation d’office de deux magistrats civils du siège, nomination des magistrats civils du siège. A la Cour suprême de justice, elles portent sur la nomination au grade: à titre posthume ; des magistrats civils du siège ; nomination des chefs des juridictions civiles : Cours d’appels et Tribunaux de Grande instance.
Les autres ordonnances portent sur la nomination des magistrats civils du siège Tribunaux de travail et Tribunaux de commerce; nomination des chefs des juridictions civiles Tribunaux de paix ; nomination et affectation des chefs des juridictions civiles : Tribunaux de paix ; nomination des magistrats civils du siège : Tribunaux pour enfants et nomination des magistrats civils du siège : juge de grande instance.
Le Chef de l’Etat a également signé des ordonnances portant démission d’office de sept magistrats civils du ministère public; révocation de deux magistrats civils de parquet; nomination aux grades, à titre posthume, de sept magistrats civils du ministère public; mise à la retraite de trois magistrats civils du ministère public; nomination des magistrats civils du ministère public: Premier substitut du Procureur de la République; nomination des magistrats civils du ministère public : Parquet général de la République ; démission de trois magistrats militaires du ministère public; mise à la retraite anticipée des magistrats militaires du siège; nomination, à titre posthume, d’un magistrat militaire du ministère public et révocation d’office d’un magistrat militaire de parquet.
Pour ce qui est des ordonnances signées par le Président de la République, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), a siégé normalement avec à son ordre du jour la mise en place des magistrats, pour donner une nouvelle dynamique au système judiciaire congolais, qui doit participer efficacement à la consolidation d’un Etat de droit, dans la dispensation de la justice, dans le souci aussi de la modernisation du pouvoir judiciaire en République Démocratique du Congo. Il faut noter ici la promotion de beaucoup de femmes, la mise en oeuvre du Traité de l’OHADA, l’organisation des Tribunaux de commerce avec des chefs de juridiction, la mise en place effective des Tribunaux pour les enfants ainsi que des juridictions du travail.
ACP
(DN/TH/GW/Yes)
Commentaire de Jean-Jacques Wondo
Il sied de rappeler que la promulgation de cette loi adoptée depuis le 19 octobre 2012 au sénat mais renvoyée par le président de la République en seconde lecture pour cause d’interprétations différentes entre le Sénat et l’assemblée nationale. A l’instar de la loi sur la CENI, le chef de l’Etat s’est rangé une fois de plus derrière la version défendue par l’Assemblée nationale dominée par la majorité présidentielle acquise viscéralement et ‘polticiennement’ à sa cause. Le point de discorde entre les deux chambres concerne l’article 4 de cette loi.
D’après les observations de la commission spéciale, dans la loi portant Statut du personnel de carrière de la Police nationale, l’article 4 visé par la correspondance du président de la République, se réfère non pas à l’article 85 de la loi organique n°11/13 du 11 août 2011 portant organisation et fonctionnement de la Police nationale congolaise, mais plutôt à l’article 72 de la même loi organique. Il s’ensuit que la nouvelle formulation décidée par l’Assemblée nationale à cet article 4 ainsi qu’aux articles 5, 6, 7, 8, 9 et 10 qui suivent est conforme aux dispositions de l’article 72 de la loi organique susvisées.
Or cette version a été balayée d’un revers de main par le sénat. Lors de sa discussion à la chambre haute du parlement, la plénière a décidé par vote, d’élaguer l’article 4 suite à un amendement introduit par les sénateurs Henri-Thomas Lokondo et Mokonda Bonza soutenus par le président du Sénat Kengo wa Dondo. Pour le sénat, il fallait éviter à tout prix la politisation de la police. En effet, cet article impliquait les délégués de la présidence de la République et de la primature (cabinet du premier ministre) dans la commission d’avancement en grade des policiers de carrière. Les sénateurs préféraient garder dans cette commission uniquement le ministère en charge de l’Intérieur et de la sécurité pour représenter le gouvernement en tant que tutelle de la police. Cette décision de la plénière est allée à l’encontre de celle de la commission ad hoc, celle-ci ayant proposé de maintenir la présence des délégués autres que ceux du ministère de l’Intérieur. Mais la plénière [du sénat] étant souveraine, c’est son avis qui l’a emporté.
Cela n’a pas été du goût du président Kabila qui a renvoyé la loi pour une seconde lecture. Ainsi, c’est la version défendue par l’assemblée nationale mais rejetée par le sénat car jugée porteuse de la politisation d’un corps appelé républicain, qui a été promulgué le 1er juin par M. Kabila. Un passage en force qui montre que la politisation des institutions censées êtres des socles de la jeune démocratie fait partie de la règle du jeu du pouvoir qui éprouve de plus en plus des difficultés à fonctionner dans un esprit républicain, transcendant la mesquinerie partisane qui ne sert pas l’intérêt général de l’Etat. D’autant que dans un passé très récent, c’est la politisation des nominations qui a fait que des sujets Tutsi affidés au régime rwandais de Kagame aient été nommés à des postes opérationnels stratégiques de l’armée ou de la police : Ntaganda, Obedi (4ème région militaire), Bisengimana (en remplacement de John Numbi), Rugayi (à la tête de la 14ème brigade au Nord-Kivu) et autres Makenga… En effet, une telle politisation ne risque-t-elle pas de transposer à la police ce qui a été vécu récemment au sein des FARDC. Je pense précisément à l’interpellation du ministre de la défense, l’infortuné pharmacien de formation (d’un pays agressé et en état de guerre) par sénateur Mokonda Bonza le 03 décembre 2012 sur la déconfiture des FARDc du fait notamment de la nomination politisée par le chef de l’Etat de certains officiers considérés come étant la cinquième colonne au service du Rwanda au Congo:
« (…). Qui nomme les généraux et les officiers supérieurs ? Tient-il compte de la compétence réelle de ces officiers ? Pourquoi a-t-on nommé des étrangers dans notre armée ? Le cas de Bosco Ntaganda en est un. Cette année, on a trouvé des officiers et hommes de troupes rwandais dans notre armée. Est-ce normal ? Que fait-on de la souveraineté de notre pays ? Peut-on s’étonner qu’aujourd’hui les armées étrangères connaissent parfaitement nos insuffisances quand le commandement militaire intègre des étrangers dans les FARDC ?».(…) (…) «Messieurs du gouvernement, vous avez-vous-même préparé le terrain à l’agression et à la déstabilisation. Vous devez rendre compte au peuple congolais. Les accords secrets que vous signez affaiblissent notre armée. Une ARMEE que le Constituant et l’ensemble du peuple congolais veulent nationale et républicaine. De la santé de ce corps dépendent l’indépendance, la souveraineté et l’avenir de notre pays, l’Unique que nous avons hérité de nos ancêtres qui, dans ses frontières du 30 juin 1960, doit demeurer un Etat de droit, indépendant, souverain, uni et indivisible (…)»
Enfin, il y a lieu de signaler que d’une manière générale, cette loi permet de réorganiser le cadre fonctionnel de la PNC en l’harmonisant à l’esprit de la Constitution du 28 février 2006. Elle tient compte de conditions particulières du travail du policier et lui accorde, en plus d’un traitement de base, avantages sociaux, primes et indemnités qui lui sont dus en cours de carrière. D’après ce texte de loi, le Corps des policiers de carrière comprend les catégories suivantes, à savoir, la catégorie A1 : les Commissaires divisionnaires de police ; A2 : les Commissaires supérieurs de police ; B : les Commissaires de police ; C : les Sous-commissaires de police ; D : les Brigadiers de police ; E : les Agents de police. La recrue est appelée élève policier. A noter aussi à titre d’exemple que la catégorie des Commissaires divisionnaires comporte quatre grades qui sont : le Commissaire divisionnaire en chef avec quatre étoiles d’or ; le Commissaire divisionnaire principal avec trois étoiles d’or ; le Commissaire divisionnaire avec deux étoiles, le Commissaire divisionnaire adjoint avec une étoile d’or.
Cependant, la promulgation de cette loi n’est qu’une étape préalable à sa mise en œuvre effective du statut de policier. Pour s’appliquer, il faut des ordonnances présidentielles de sa mise en exécution. Là c’est une autre histoire lorsque l’on sait la lenteur emblématique du chef de l’Etat à s’exécuter pour rendre effective les lois essentielles sur la sécurité. espérons que cette fois-ci l’urgence pour lui ne se mesure pas en termes des mois.
Jean-Jacques Wondo
Criminologue et breveté de l’Ecole d’application de l’Ecole Royale de Gendarmerie (Belgique)