Processus électoral en RDC :
La diaspora congolaise est de nouveau exclue !
Par Timothée TSHAOMBO SHUTSHA
Ils sont estimés à plus de 7 millions, les Congolais qui vivent en dehors de la RDC, selon le rapport publié en 2008 par le Ministère des Congolais de l’étranger, à l’époque dirigé par Madame Colette Tshomba. Ce ministère, il faut le rappeler, a été d’une part le théâtre des abus de tous genres par ses animateurs, et d’autre part confronté à la recrudescence des attaques et la radicalisation des actions menées par les Congolais de l’étranger contre le régime de Kinshasa. Ces causes endogènes et exogènes ont milité pour la suppression carrément de ce Ministère, pourtant créé pour les Congolais qui vivent en dehors de leur Mère Patrie. A ce jour, aucune étude n’est jusque-là menée pour évaluer et remplacer ce chiffre vieux de 2008.
Des questions sans réponses depuis 2006
Depuis lors, les interrogations se soulèvent à ce propos, lorsque l’on sait que la diaspora Congolaise contribue de façon significative dans l’économie du pays. Ceci étant, quelles sont les vraies raisons que d’aucuns qualifient d’exclusion des Congolais de l’étranger du processus électoral en RDC? Sont-ils mis à l’écart parce que jugés insignifiants, ou tout simplement parce que réputés hostiles au pouvoir en place? Le sont-ils également du fait de la double nationalité que détiendrait la plus part d’entre eux? Ces raisons empêchent-elle la Commission électorale nationale indépendante (CENI) d’identifier, enrôler et ouvrir des bureaux de vote afin de donner à ces compatriotes une occasion de s’acquitter de leur devoir civique?
La problématique de la double nationalité.
L’article 10 de la Constitution de 2006 énonce : « La nationalité congolaise est unique et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec aucune autre. »
Cette disposition constitutionnelle est-elle dépassée au regard des enjeux mondiaux actuels? Est-elle visée lors de la révision de la constitution amorcée par le régime de Kinshasa? Le contexte actuel du Congo, victime de plusieurs complots, permet-il de traiter la question de double nationalité sans avoir procédé au préalable à un véritable recensement des populations?
1. De la légitimité réelle par rapport à l’ensemble de la population
Il y a une réalité indéniable qui se produit à chaque cycle électoral en RDC comme partout au monde, à savoir le taux d’enrôlés n’est pas égal au taux des votants. Et le taux des votants est aussi, et largement inférieur à l’ensemble des Congolais. En effet, le taux de participation est souvent inférieur au taux d’enrôlés. On a constaté en 2006 comme en 2011 une moyenne d’environ 30 millions d’enrôlés, avec une participation d’environ 20 millions des votants, soit à peu-près 30% de l’ensemble des Congolais, estimés à environ 65 millions en 2013. Et si nous poursuivons les calculs plus loin, on verra que la personne qui est élue Président de la République n’obtient pas plus de 15% de l’ensemble des Congolais, bien que l’on considère le nombre des votants comment étant le 100% représentatif de la population. On note à ce niveau que l’élu Président de la République obtient une légitimité représentative et non réelle, car 15% de 80 millions des Congolais est 12 millions. De ce fait, même si le nombre des Congolais de l’étranger était petit, pour ceux qui ont encore la nationalité, le fait de les inclure dans le processus électoral est symbolique et est un signal fort qui doit les interpeller.
2. Les Congolais de l’étranger jugés insignifiants et hostiles au pouvoir de Kabila
Après avoir démontré au point précédent, que les élections sont un symbole représentatif et non réelle, car un chef de l’Etat élu par 12 millions de Congolais, soit 15% est réellement minoritaire. Mais l’ensemble de notre peuple l’accepte comme tel, garant à la fois de ceux qui l’on élu et de 68 millions autres qui ne l’on pas élu. Donc les 15% on représenté l’ensemble de la nation. Autant pour un député national, élu avec 1.000 voix de son territoire, se voit siéger pendant 5 ans pour représenter l’ensemble des Congolais etc… Les élections sont donc tout un symbole, et rien ne peut justifier l’exclusion de la diaspora si ce n’est pour des raisons politiques.
Par ailleurs, il est une réalité indéniable que la plus part des Congolais vivants à l’étranger ne supporte plus le pouvoir de Kinshasa. Mais il faut noter en même temps que cette situation est aussi réelle sur toute l’étendue du territoire national, car il y a grogne dans tous secteurs de la vie des institutions: Armée et la police, une injustice criante. Santé, éducation, agriculture, tourisme,… sont devenus aujourd’hui en RDC des secteurs obsolètes. A cela, il faut ajouter des fléaux comme les violations répétitives des droits humains, la Justice confisquée, détournements des deniers public, bradages des ressources minières, crimes organisés, avec insécurité entretenue dans les grandes villes, l’aliénation des populations par l’organisation des grands évènements de divertissement, avec pour objectif de distraire et de détourner l’attention des Congolais sur les vrais enjeux de leur pays La liste n’est pas exhaustive.
Il se dégage un constat unanime, c’est qu’il y a usure du pouvoir dans le chef du régime du Président Kabila. C’est donc l’ensemble des forces vives de la nation qui réclame une alternance au sommet de l’Etat. Il ne s’agit pas seulement des Congolais vivant à l’étranger. Cela devient une nécessité.
3. De la question de la double nationalité:
Sur le vieux chiffre de 2006-2011, estimant à 7 millions le nombre des Congolais vivants à l’étranger, aucune enquête n’est jusque-là disponible pour d’une part, actualiser ce chiffre, puis d’autre part disposer d’un répertoire de ceux qui ont encore la nationalité Congolaise. Mais dans l’un ou l’autre cas, cette question de la double nationalité doit être sujet des colloques au sein de la diaspora comme au pays, car elle comporte des avantages et des inconvénients.
Dans un document publié en 2007, un panel d’experts congolais a réalisé un plaidoyer en faveur de la double nationalité (1). Selon les intervenants, « La double nationalité est un enrichissement aussi bien pour le pays d’accueil que pour le pays d’origine. Il s’agit d’un enrichissement socioculturel, dans ce sens qu’il permet une ouverture concrète de deux cultures. Ils notent les cas de l’article 52.5 de la Constitution polonaise qui stipule que : « toute personne vivant à l’étranger, dont les origines polonaises ont été constatées conformément à la loi, peut s’établir en Pologne de façon permanente » ou encore les articles 6.3 de la Constitution hongroise ; 42 de la Constitution lituanienne ; 6 de la Constitution polonaise ; art.34 de la Constitution slovaque et l’article 5 de la Constitution slovène.
Pour ces fervents défenseurs de la double nationalité en RDC, le rôle joué par la diaspora est aussi un avantage de la double nationalité. Même s’ils ont acquis une autre nationalité, ces personnes n’oublient généralement pas leurs origines et essaient, tant bien que mal, de venir en aide au reste de leur famille dans le pays d’origine. Pour s’en convaincre, il suffit de voir le volume de transfert d’argent que Western union réalise globalement en Afrique. Les statistiques sont éloquentes : ces transferts dépassent largement le volume global de l’aide public au développement des pays du nord
Selon Maître Mutambayi, « on peut aujourd’hui envisager la double nationalité soit comme une barrière ou un pont selon l’angle d’approche la question est abordée. Pendant que certains préfèrent ériger la double nationalité comme une barrière et/ou un mur entre des communautés en vue d’empêcher aux gens de se regarder droit dans les yeux, régler les problèmes communs et affronter ensemble leur destin, moi, en revanche, je vois en la double nationalité un pont à jeter sur une rivière afin de relier les différentes rives, les communautés et leur permettre ainsi de construire ensemble la main dans la main leur avenir comme un tisserand qui tisse une toile fibre par fibre. Ainsi inviterai-je le Chef de l’Etat, en sa qualité de magistrat suprême, l’Assemblée nationale, le Sénat, la Commission de la Réforme du Droit congolais et les différentes formations politiques de peser de tout leur poids afin de faire triompher la justice et l’équité sociale par ladoption de la double nationalité. A force de continuer à éluder la question en la renvoyant aux calendes grecques depuis les accords de Sun City, on va se prendre le pied dans le tapis. »
Plusieurs éléments plaident en faveur du traitement rapide de cette question par le parlement congolais
– Le contexte des institutions installées à Kinshasa issues du dialogue inter congolais de Sun City sont quasi les mêmes malgré les deux cycles électoraux que nous avons connus. Ceux qui sont aux affaires à Kinshasa sont: Les anciens des mouvements rebelles, de l’ex-composante Gouvernement de Kabila, quelques Mobutistes soit acquis au service de Kabila ou contraints de protéger leurs intérêts et quelques rares élus innocents, et qui se trouvent noyés dans un lac qui ne coule pas. Ceux-ci votent des lois et se taillent des réformes sur mesure et adaptées aux contextes personnels qui les ont amené au pouvoir Cela, au détriment des priorités réelles de la nation.
– Que l’actuel Ministère du plan chargé de faire le recensement des populations est dirigé par le Rwandophone Célestin Vunabandi un ancien du RCD-Goma dont on connait les accointances avec Kigali. Il faut rappeler que le RCD est ancien mouvement militaire totalement acquis au service du Rwanda, et dont on sais que plusieurs anciens cadres et officiers de ce mouvement, devenu parti politique, ont crée le CNDP, puis le M23 avec d’autres groupes gérés dans la sous-traitance. Le Ministre actuel n’est donc pas la personne indiquée pour amorcer le processus de recensement de nos populations.
– Le contexte politique actuel de la RDC empêche la révision constitutionnelle, qui ne doit pas intervenir avant les élections, et par des personnalités qui incarnent la volonté politique des Pays agresseurs.
Eu égard à tout ce qui précède, aucune raison objective ne peut être invoquée pour justifier, pour la troisième fois, l’exclusion des Congolais vivant à l’étranger du processus électoral, si ce n’est, comme nous l’avons dit plus haut, pour des raisons politiques. Il aurait été un signal fort de la part du Gouvernement d’impliquer la diaspora Congolaise au processus électoral, en procédant, à travers nos postes diplomatiques, à leur identification, à leur enrôlement, puis le moment venu au vote. Car si en Europe, aux Etats-Unis et au Canada la plupart des électeurs détient la nationalité du pays d’accueil, un nombre considérable d’électeurs dans des Pays d’Afrique et d’Asie la détient encore. Mais en ce qui nous concerne en RDC, l’accent est mis sur le symbole de ce processus et la volonté par la CENI qui ferait mieux d’impliquer aussi les Congolais vivant à l’étranger dans les choix de leurs dirigeants.
Timothée TSHAOMBO SHUTSHA / DESC
Journaliste Analyste politique
[1] Matala-Tala, L. ; Mutambayi, L.; Tshiyembe Mwayila, T. et Kabiona Kaseke, D., Plaidoyer pour la double nationalité des congolais d’origine http://iloapp.kaseke.fr/blog/denis-kabiona?ShowFile&doc=1253726475.pdf
One Comment “Processus électoral en RDC : La diaspora congolaise est de nouveau exclue – T. Tshaombo”
BAFUNYEMBAKA Justin
says:Me fondant sur cette phrase : »le taux des votants est aussi, et largement inférieur à l’ensemble des Congolais » je me demande si nous connaissons tous les réalités de notre pays. Quand vous voyez le nombre d’électeur au Kivu, plus particulièrement au Nord Kivu, ça laisse à penser. D’abord lors de l’enrôlement tous les Rwandais désireux d’obtenir la carte d’identité de la RDC traversent bonnement pour se faire enregistrer et ce sont eux qui élisent; ceci n’est pas une rumeur j’en ai été moi-même témoin lors des dernières élections. Nous devons lutter jusqu’au sans pour que notre Pays retrouve sa souveraineté.