Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 21-03-2014 07:15
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Préface révoltante de l’ex-sénatrice belge Els Schelfhout dans l’ouvrage « Les Armées au Congo »

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Préface de la Sénatrice honoraire belge Els Schelfhout dans l’ouvrage « Les Armées au Congo-Kinshasa… »

Cette situation au Congo est difficile à comprendre pour ceux qui ne la suivent pas de près.

Avec la sénatrice Els SchelfhoutMardi 20 novembre 2012. Le chef-lieu de la province du Nord-Kivu, Goma, tombe sous contrôle du ‘Mouvement du 23 Mars (M23). Cette nouvelle milice compte principalement des anciens soldats du ‘Congrès National pour la Défense du Peuple’ (CNDP) dans ses rangs. Ce sont des rebelles, majoritairement d’ethnie tutsie dont certains sont d’origine rwandaise, qui ont bénéficié d’un important soutien logistique, politique et militaire du Rwanda.

Après le brassage des groupes rebelles MLC et RCD au sein des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), l’armée nationale a du ‘accueillir’ le CNDP suite à l’Accord de paix du 23 mars 2009. Cette intégration a permis au CNDP de contrôler une plus grande partie du territoire des Kivu et d’étendre son contrôle sur des zones économiquement rentables. Ainsi, les rebelles ‘intégrés’ ont pu poursuivre tranquillement leur commerce des minerais, du pétrole, des armes etc. en terrorisant les populations locales.

Ancien Commandant du CNDP et criminel de guerre Laurent Nkunda, fut placé sous ‘résidence surveillée’ à Kigali, mais un autre criminel plus grand que lui, recherché par la Cour Pénale Internationale, le remplaça : Bosco Ntaganda. Dans les brigades, qui étaient un mélange de soldats ‘réguliers’ et de rebelles ‘intégrés’, il n’y avait aucune discipline. Opérant désormais ensemble au sein des FARDC et portant le même uniforme militaire, les rivalités et les hostilités entre ces ennemis d’hier devenaient fréquentes. La méfiance persistait et la frustration des autres militaires FARDC ne bénéficiant pas de bons postes augmentait jour après jour. Beaucoup ont déserté et se sont enrôlés dans de petites milices qui ont fait du pillage des ressources du Congo leur principale activité lucrative. Le seul dénominateur commun, des actions de ces groupes armés, au sein et en dehors de l’armée régulière, demeure les actes de terreur commis à l’encontre de la population

Le M23 est en fait l’émanation de l’ancien CNDP ‘intégré’ dans sa version ‘light’. Récemment, ces rebelles ont montré leur vraie face : une force d’invasion, d’occupation et d’exploitation des ressources du Congo. Et encore une fois avec un soutien politique, logistique et militaire du Rwanda. En collaboration avec Bosco Ntaganda et le chef d’État-major général de l’armée rwandaise, Charles Kayonga, sous le commandement directe du ministre rwandais de la Défense, James Kabarebe, ils défendent les intérêts de la minorité Tutsie de l’entourage du président rwandais Paul Kagame.

Lors de l’offensive militaire du M23 qui s’approchait de la ville de Goma, les troupes nationales congolaises ont dû (sur ordre de Kinshasa ?) battre en retraite. Et pourtant, elles se trouvaient par moments dans des situations de contre-offensive favorables. Cette attitude causa une grande déception auprès des officiers et leurs troupes, dont certains font partie des bataillons qui ont été formés par la Belgique. A ce moment des faits, j’ai appris que les troupes n’avaient que de la nourriture pour deux jours et droit à dix munitions par soldat. L’auteur de cet ouvrage, monsieur Jean-Jacques Wondo Omanyundu, se pose à raison la question fondamentale: Comment est-il possible que 17.000 militaires des FARDC ne soient pas capables de combattre une division M23 de 3.000 hommes ?

Corruption, kleptocratie, trahison et absence de conscience; L’histoire se répète

Après la diffusion de l’information sur la débâcle des FARDC à Goma et le soutien de Kigali (et Kampala) au M23, nous apprenons qu’un certain général Gabriel Amisi Kumba, alias Tango Fort, chef de l’armée de terre, a vendu des armes aux différents groupes rebelles, et probablement aussi au … M23. Le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, n’a pas nié l’implication des autres officiers.

La situation actuelle du Congo est difficile à comprendre pour ceux qui ne la suivent pas de près. Mais avec une petite connaissance du pays, on peut constater que l’histoire se répète. Le comportement du général Amisi illustre la corruption, la kleptocratie, la trahison et l’absence de conscience qui marquent l’armée congolaise, ainsi que la Garde Présidentielle, l’Agence Nationale des Renseignements (ANR), la Police Nationale Congolaise (PNC) et la magistrature. Amisi est la personnalisation/personnification du cancer qui affaiblit le secteur de la sécurité au Congo.

Qui est Tango Fort ? Lors de la première guerre du Congo (1996-1997) les Tutsis au Sud Kivu, les Banyamulenge, ont pris les armes contre les Hutus, Interhahamwe et soldats de l’armée rwandaise, qui avaient traversé la frontière avec le Zaïre après le génocide du 1994 au Rwanda. Pour cette ‘révolte’ ils ont fait appel à l’homme fort à Kigali : Paul Kagame. Avec l’accord des États-Unis, de la Grande Bretagne et du Canada, l’Armée Patriotique rwandaise (APR) a soutenu l’alliance militaire, AFDL, pour envahir l’Est du Zaïre. Des milliers de personnes ont perdu la vie, dont beaucoup de civils congolais. Les forces armées zaïroises (FAZ) du président Mobutu, dont les militaires avaient déjà vendu leurs équipements et munitions pour compléter leur petit salaire, se sont enfuit. A cette époque, Amisi était membre de l’AFDL et collègue de Laurent Nkunda. Les deux, ainsi que Joseph Kabila, sont responsables de la mort, la torture et le viol de milliers de réfugiés Hutu à Kisangani.

Après l’accord de paix de Prétoria en 2002, qui marqua la fin officielle de la deuxième guerre (1998-2003) et le début de la transition (2003-2006) Amisi et Nkund, appartenant au groupe rebelle RCD-Goma soutenu par le Rwanda, furent intégrés dans la nouvelle armée congolaise : FARDC. Refusant cette intégration, Nkunda commença avec 4.000 hommes une nouvelle rébellion sous le compte du CNDP. Et pour Amisi c’était le début d’une carrière splendide dans l’armée congolaise.

En 2007 et 2008 le président Joseph Kabila a voulu mettre fin au CNDP par la voie militaire. Il envoya 20.000 hommes pour combattre les rebelles, mais cela fut un échec. Nkunda a surpris l’armée congolaise avec une offensive militaire et en volant le matériel et les munitions des FARDC. Cette situation n’est pas difficile à comprendre en sachant que

La complexité décryptée

La situation à l’Est du Congo, semble-t-elle complexe? En fait c’est simple. Le Rwanda occupe les Kivu. La région fait de facto partie de la zone économique du Rwanda et de l’Ouganda. Depuis des années, le régime de Kagame légitime sa présence militaire au Congo sous le motif de protéger les Tutsis congolais contre les génocidaires Hutus qui ont quitté leur pays pendant et après le génocide. En réalité Kigali vise les ressources naturelles congolaises et gagne des fortunes avec le commerce en diamant, or et coltan ; des minerais qui ne sont pas dans le sous sol rwandais. Et Kabila ? Il est préoccupé par ses intérêts personnels et ceux de son entourage.

Mais pas seulement le Rwanda et d’autres pays voisins sont impliqués dans l’instabilité à l’Est du Congo. Vu ses propres intérêts, la Communauté Internationale n’est pas préoccupée de mettre fin à cette injustice au Congo. Les intérêts des Etats-Unis, des lobbies juifs, du Canada, de la Grande Bretagne, de la France, de la Chine, de l’Afrique du Sud et ceux de certains belges dans l’exploitation des minerais est un secret de Polichinelle. Des considérations géopolitiques et géostratégiques sont à la base du cauchemar à l’Est du Congo où la vie d’un être humain semble avoir aucune importance.

« C’étaient des hommes en uniforme… »

Avez-vous déjà écouté le témoignage des victimes de violences sexuelles ? Souvent il se termine suivant par les mots, comme on peut le lire dans ce livre: « C’étaient des hommes en uniforme ». Selon The American Journal of Public Health, 1.152 filles et femmes (mais aussi des garçons et des hommes) sont violés tous les jours au Congo. Parmi les 3.723 incidents signalés lors du premier semestre de 2010 par le Haut Commissariat de l’ONU pour les Réfugiés au Nord-Kivu, 35% sont causés par les FARDC.

On ne réécrit pas le passé, mais on doit encore écrire et construire l’avenir. Il est clair que les Congolais ne doivent pas chercher leur bonheur auprès de la Communauté Internationale égocentrique et ses institutions paralysées. Il paraît aussi évident qu’il ne faut pas attendre un soutien volontariste des pays voisins. Les Congolais doivent redevenir maîtres de leur destin”, écrit Jean-Jacques Wondo dans sa conclusion. Le Congo possède tous les atouts pour devenir un Etat magnifique où, d’abord, les Congolais peuvent grandir, travailler et vivre dans la sécurité et dans la prospérité. Pour réaliser cela, il faut entre autres une armée bien formée. Cela sous-entend une armée congolaise libérée du cheval de Troie rwandais, bien équipée, nourrie, casernée et payée. Et l’auteur le dit si bien : « On ne peut parler d’État sans la puissance publique devant lui permettre d’exercer son autorité et son pouvoir régalien sur l’ensemble du territoire. Et sans État, tout projet de reconstruction ou de développement de la RDC est voué à l’échec ». Une armée dont les Congolais pourront dire avec fierté : « Ce sont des hommes en uniforme! »

Livre-JJWondoLe livre « Les Armées au Congo » de Jean-Jacques Wondo Omanyundu a le grand mérite de soulever le débat sur l’échec du secteur de la sécurité en RDC, et en particulier l’armée congolaise, au-delà des anecdotes. L’auteur ne se limite pas à une liste de constats et de faits. Sur base des documents officiels, des interviews, des rencontres, des lettres, des rapports, de la littérature spécialisée et de son vécu personnel, il analyse et interprète la situation sécuritaire du Congo. Avec la connaissance acquise, l’auteur prouve l’importance d’une armée républicaine et nationale en RD Congo et fixe un cadre conceptuel pour le processus de sa (re-)fondation. Le Congo a besoin d’une armée qui ne se réduit pas à la protection du président et de son régime, mais qui a pour priorité  et vocation la défense des intérêts de la république et la sécurité de son peuple. Hope springs eternal, écrivait Alexander Pope dans son poème ‘An Essay on Men’. L’espoir demeure…

Cette analyse de Jean-Jacques Wondo sur les armées au Congo, de la Force Publique aux FARDC, est un mélange de rigueur scientifique et d’expertise. « Acquérir une bonne connaissance est une condition préalable et indispensable pour réaliser des progrès ». Ce livre est plus qu’une analyse scientifique accessible uniquement aux initiés. Il est le produit d’un engagement énorme de Jean-Jacques,Paly’, pour sa mère-patrie le Congo et ses frères et sœurs congolais.

Entre temps, c’est une vérité horrible et inacceptable que la Communauté Internationale, l’Union Européenne ainsi que ses États-membres, sur base des raisons purement matérialistes, regardent de côté des atrocités infrahumaines impunies au Congo. Je courbe la tête avec honte…

« Plus jamais 6 millions de morts ! »

(Traduit du néerlandais)

Els Schelfhout

Sénatrice honoraire belge

Ancienne Professeure d’université

Décembre 2012

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