PPRD, un parti hors-la-loi, à bannir
Par Jean-Bosco Kongolo
Pour tout observateur attentif du profil socio-familial et paramilitaire de Joseph Kabila, ainsi que de son mode d’accession au pouvoir, tous les doutes raisonnables étaient permis sur sa capacité à fonder un parti politique, dont l’essence est de conquérir et d’exercer le pouvoir dans le respect des règles démocratiques. Avec le recul de temps, et comme nous n’avons cessé de le clamer, l’usure du pouvoir fait apparaître de plus en plus l’idéologie réelle du PPRD, celle de se maintenir au pouvoir par la violence et au mépris tant aussi bien de la morale que des lois de la République. Et ce qui n’était jusque-là que rumeurs, sans preuves tangibles et irréfragables, a fini par émerger à la surface. En effet, c’est un secret de polichinelle que depuis le temps d’Évariste Boshab, les responsables du PPRD recouraient, moyennant quelques miettes de billets de banque, plusieurs fois aux bandits (kuluna), abusivement appelés « sportifs » soit comme éléments de leur garde rapprochée soit, surtout, pour perturber les manifestations pacifiques de l’opposition avec pour objectif d’imputer à leurs adversaires le trouble de l’ordre public.
C’est dans ce contexte que n’importe quel observateur s’était interrogé sur le laxisme des autorités sécuritaires et judiciaires face au comportement ultracriminel des Bakata Katanga et l’objectif caché derrière l’abandon des poursuites contre le sanguinaire Gédéon Kyungu Mutanda, aujourd’hui membre à part entière de la MP, logé, véhiculé et sécurisé aux frais du contribuable congolais. Depuis la veille de la marche des chrétiens catholiques, prévue pour le 25 février 2018, on n’en sait un peu plus sur la mission confiée à la milice du PPRD et sur le but poursuivi par ses instances dirigeantes d’envoyer certains de ses éléments en formation auprès de la milice sœur du parti au pouvoir au Burundi. Au regard de la Constitution et de la loi, le PPRD s’est tout simplement disqualifié comme parti politique et doit par conséquent être dissout tandis que ses dirigeants doivent être poursuivis en justice.

1. Les Imbonerakure, une dangereuse inspiration pour le PPRD
Personne ne peut nier le réchauffement des relations et le rapprochement entre Joseph Kabila et Pierre Nkuruziza, président burundais, tous deux hors mandat dans leurs pays respectifs, depuis 2015 pour le premier et 2016 pour le second. Contrairement à Pierre Nkuruziza, qui s’en est sorti en imposant à son pays la révision de la Constitution, Joseph Kabila continue de faire face à une pression tous azimuts aussi bien interne qu’externe. Pour mâter l’opposition burundaise, qui ne cache pas de recourir aux actions armées, les dirigeants du parti au pouvoir au Burundi ont dispensé à la ligue des jeunes une formation paramilitaire dont l’objectif avoué est de barrer la route à quiconque oserait s’opposer à la candidature de Pierre Nkuruziza pour 2020. Considérant, comme les idéologues du PPRD, que « Tout pouvoir vient de Dieu », le 18 novembre 2017 à Cibitoke, Nkuruziza n’avait pas hésité de comparer les Imbonakure à Dieu lui-même : « Le seul impératif qui y soit audible, c’est bien évidemment la candidature de NKURUNZIZA pour les prochaines élections de 2020, … et gare à celui ou celle qui s’y opposera, son « laisser passer » pour l’aller simple au paradis (euphémisme!) sera disponible à partir 2018! (dixit Nkurunziza, discours clôture de la semaine du combattant).
Ce dernier ayant compris que sa candidature ne passera pas comme une lettre a la poste, il essaie de mobiliser ses troupes et munitions car la bataille risque d’être meurtrière! Et dans ce contexte quoi de plus normal que d’aguerrir la jeunesse du parti qui lui est inféodée, la glorifier presque pour que une fois la hache de guerre déterrée, elle se case aux premiers loges de la répression, un peu comme de la chair à canon lors de la seconde bataille cette fois-ci contre la Cour Pénale Internationale!… »[1]
2. Les preuves de l’existence d’une milice du PPRD
Le premier rapprochement connu entre la ligue des jeunes du PPRD et les Imbonakure du Burundi a eu lieu en août 2017, lorsque ces jeunes Congolais s’étaient retrouvés à Gitega, au Burundi, pour répondre à une curieuse et suspecte invitation des Imbonakure. Là-bas, ces jeunes Burundais sont soupçonnés par l’ONU de jouer un rôle supplétif « des forces de l’ordre pour réprimer les manifestants opposés au troisième mandat de Nkuruziza. » Le tollé général soulevé par une photo-souvenir montrant les jeunes de ces deux structures, image ayant gêné et indigné même certains cadres du PPRD, avait forcé Patrick Kanga Bekonda, responsable de la ligue des jeunes du PPRD et membre du Collège des conseillers du Président Kabila à faire un démenti non convaincant : « Nous ne sommes pas allés au Burundi pour soutenir une milice, mais pour répondre à l’invitation d’une structure civile d’un parti ami. C’était dans le cadre des rapports structurels que nous entretenons avec les ligues des partis de la région. » Mais pour en avoir une idée exacte sur les activités des Imbonakure du Burundi, il est important de retenir que « Début avril, les Imbonakure étaient de nouveau mis en cause pour une vidéo embarrassante dans laquelle on pouvait voir certains jeunes affiliés du conseil national pour la défense de la démocratie(CNDD-FDD) menacer d’engrosser les filles de leurs adversaires politiques. Pis, dès 2014, un document confidentiel du bureau des Nations unies au Burundi alertait New York et les envoyés spéciaux de la région de la distribution d’armes aux Imbonerakure. »[2]
De la clandestinité et des démentis, la jeunesse du PPRD s’est finalement affichée publiquement dans l’enceinte de la paroisse Notre-Dame de Kinshasa/Lingwala proférant ouvertement des menaces contre les prêtres catholiques et leurs fidèles, qui s’apprêtaient à organiser une troisième marche pacifique pour réclamer l’application stricte de l’accord du 31 décembre 2016.
Des images de ces jeunes, coiffés de bérets rouges à leurs têtes, ont fait le tour du monde montrant leur « commandant », Popol Badjegate leur donnant des instructions claires et sans équivoques de s’en prendre aux hommes en soutanes (prêtres) non seulement pour les empêcher de dire la messe mais surtout pour les acheminer de force à la police. « Vous êtes des soldats politiques du Raïs (président), vous avez été formés pendant trois ans. Ce dimanche est Force. Il y aura 10.000 soldats politiques dans chaque messe. Vous serez 10.000 dans chaque église. » Il ne faut pas frapper, vous voyez un prêtre ensoutane en train de faire le signe de la croix « Au nom du père… », prenez-le par sa soutane et amenez-le à la police. »[3] Le plus choquant dans tout cela, c’est que le transport de ces jeunes voyous, visiblement drogués, a été assuré avec les moyens de l’État tandis que certains d’entre eux, mécontents de leur prime, ont avoué avoir été motivés avec la somme de 10.000 FC( plus ou moins 6 $ au taux du jour) au lieu de 40$ promis.

Faut-il s’étonner que lors de son investiture, le 19 février 2018, le nouveau gouverneur du Kasaï Central, Denis Kambayi (membre influent du PPRD), ait annoncé que « le Kasaï Central sera doté bientôt d’un corps d’activistes de la paix. Il regroupera plus ou moins deux milles jeunes désœuvrés. Ceux-ci auront pour mission d’appuyer les forces de l’ordre pour anticiper et renforcer le rétablissement de la paix sur toute l’étendue de la province. »[4] Pour mémoire, Mova Sakanyi, alors tout nouveau Secrétaire général du PPRD, avait le premier porté le béret rouge au stade vélodrome de Kintambo à l’occasion des 45 ans de Joseph Kabila. « Coiffé d’un béret rouge à la Che Guevara, arborant un tee-shirt noir au cœur duquel dominait un carré rouge, Henri Mova était visiblement déterminé à haranguer les foules comme un général préparant ses troupes à la bataille ». Sous un ton arrogant, qui présageait déjà ce qui est arrivé ce samedi 24 sous l’enceinte de la paroisse Notre Dame de Lingwala, il avait déclaré, faisant allusion à l’opposition qui réclamait le retrait de Joseph Kabila : « Mais, ce que tous ceux-là doivent savoir, c’est qu’il n’y aura pas d’élections en cette année en République démocratique du Congo. Joseph Kabila est encore fort, son sang circule encore, ce n’est pas encore pour lui le moment de se reposer. A 45 ans, on ne va jamais en retraite. »[5]Les paroles ne s’envolent plus, comme ne cesse de le répéter Ndeko Éliezer. Désormais tout le monde sait d’où viennent les bérets rouges et la violence verbale tenue par la jeunesse droguée du PPRD à l’égard des prêtres catholiques.
La législation congolaise, que refusent d’appliquer ceux qui en ont la charge, existe pourtant bel et bien pour sanctionner tout parti politique fonctionnant hors-la-loi.
3. Ce que disent les lois sur la création des milices
Tout en permettant le pluralisme, la Constitution exige aux partis politiques le respect de la loi, de l’ordre public et des bonnes mœurs.
- Constitution :
Article 6(al. 3)
« Les partis politiques concourent à l’expression du suffrage, au renforcement de la conscience nationale et à l’éducation civique. Ils se forment et exercent librement leurs activités dans le respect de la loi, de l’ordre public et des bonnes mœurs.
En conformité avec cette disposition, le Parlement avait voté la Loi n0 04/002 du 15 mars 2004 portant organisation et fonctionnement des partis politiques, qui prévoient la suspension et la dissolution, selon les cas, des partis qui fonctionnent en marge de cette loi. Nous reprenons ci-dessous certaines dispositions pertinentes de celle loi, dont le libellé est à la portée de toute personne instruite. »
Article 190
« Nul ne peut, sous peine de haute trahison, organiser des formations militaires, paramilitaires ou des milices privées, ni entretenir une jeunesse armée. »
- Loi partant organisation et fonctionnement des partis politiques
Article 1er:
« Le pluralisme politique est reconnu et garanti en République
Démocratique du Congo. Il se manifeste notamment par l’existence de plusieurs partis politiques régis par la présente loi.
Nul ne peut instituer, sous quelque forme que ce soit, un parti unique sur tout ou partie du territoire national.
L’institution d’un parti unique constitue un crime de haute trahison puni par la loi. »
Article 3 :
« Les partis politiques se créent, s’organisent et exercent leurs activités librement sur toute l’étendue du territoire national dans le respect de la constitution, des lois et règlements de la République ainsi que de l’ordre public et des bonnes mœurs.
Ils sont tenus au respect des principes de démocratie pluraliste, d’unité et de souveraineté nationales. »
Article 4 :
« Les partis politiques constitués conformément à la présente loi, sont dotés de la personnalité juridique. Ils ont droit à un égal traitement par l’État, les services publics et par tout détenteur de l’autorité publique.
Les autorités civiles et militaires leur assurent assistance et protection chaque fois que de besoin. »
Article 5 :
« Dans leurs création, organisation et fonctionnement, les partis politiques veillent:
- a. à leur caractère national et ne peuvent ni s’identifier à une famille, à un clan, à une tribu, à une ethnie, à une province, à un sous-ensemble du pays, à une race, à une religion, à une langue, à un sexe ou à une quelconque origine, ni instituer toutes discriminations fondées sur les éléments ci-dessus ;
- au respect du principe de l’alternance au pouvoir par la voie du libre choix du peuple;
- à la consolidation de l’unité nationale;
- à la préservation de la souveraineté de l’État congolais;
- à la préservation de la sécurité et de l’intégrité du territoire national;
- au respect du caractère républicain, démocratique, social, laïc et indivisible de l’État congolais.
Ils s’engagent à promouvoir la démocratie en leur sein, les droits de l’homme et les libertés fondamentales et à ne jamais recourir à la violence ni à la contrainte comme moyen d’expression, d’action politique et d’accès ou de maintien au pouvoir. »
Article 28 :
« Tout acte d’un parti politique contraire à la loi, à l’ordre public, aux bonnes mœurs, à ses statuts ou ayant porté atteinte aux intérêts d’un de ses membres ou d’un tiers, peut être annulé par le tribunal de Grande Instance du ressort de la commission de cet acte, à la requête soit du Ministère Public, soit du membre ou du tiers intéressé.
Ce jugement est susceptible de recours. »
Article 29 :
« Lorsque l’activité d’un parti politique menace ou porte atteinte à l’unité et à l’indépendance nationales, à l’intégrité du territoire de la République, à la souveraineté de l’État congolais et à l’ordre institutionnel démocratique ou trouble gravement l’ordre public, l’autorité territoriale du ressort décide la suspension immédiate des activités du parti incriminé dans sa juridiction par décision motivée pour une durée qui ne peut excéder 15 jours. EIle saisit, sans délai, l’Officier du Ministère public.
A la requête de l’autorité publique, ou sur dénonciation d’un tiers ou d’office, l’officier du Ministère public saisit la juridiction compétente pour connaître des faits ci-dessus. Celle-ci statue toutes affaires cessantes et prononce, le cas échéant, les sanctions prévues par la loi à l’encontre des dirigeants de ce parti ou la dissolution de celui-ci.
A l’expiration du délai fixé à l’alinéa premier, la suspension est levée d’office, à moins que le juge saisi des faits incriminés n’en décide autrement. Dans tous les cas, la suspension ne peut excéder 30 jours.
La suspension des activités d’un parti politique peut être annulée ou prorogée par décision motivée du juge du tribunal de Grande
Instance du ressort, selon le cas, à la requête des organes dirigeants du parti politique et de l’Officier du Ministère public. »
Article 30 :
« Tout dirigeant du parti politique qui viole les dispositions de l’article 6 de la présente loi est puni des peines prévues par la loi pour atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’État.
Au des actes posés par les responsables du PPRD, nul besoin d’être juriste ou juge pour comprendre que non seulement ce parti fonctionne en violation de la loi mais que la dissolution pure et simple constitue l’unique sanction à lui infliger, en plus des poursuites judiciaires contre ses dirigeants. »
Mais comme la justice congolaise ne présente aucun gage et aucune garantie d’impartialité et que les autorités compétentes pour la saisir sont celles-là même qui abusent de la pauvreté de leurs concitoyens pour les opposer les uns contre les autres, les laisser encore longtemps au pouvoir risque de conduire le pays à une guerre civile pouvant entraîner le pays à l’implosion totale. Est-ce le but recherché par le PPRD et alliés ? Vu le contexte, la réponse affirmative ne serait pas une erreur.
Conclusion
A l’exception des responsables et membres du PPRD et alliés, formant ce qui convient d’être appelée aujourd’hui médiocrité présidentielle(MP), aucun Congolais épris de paix, de démocratie et de justice, ne peut être fier de voir son pays siéger au Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Pour y faire quoi, se défendre tout le temps pour violations massives et récurrentes des droits humains ou pour y condamner quel autre pays accusé d’opprimer ses citoyens ? Étant donné que le PPRD a délibérément opté pour la violence pour se maintenir au pouvoir, l’attitude conséquente attendue de ses alliés, s’ils sont respectueux de la Constitution et de la loi, consiste à se retirer de cette association des malfaiteurs.
C’est pourquoi, en attendant la dissolution du PPRD, l’appel est solennellement lancé à tous les intellectuels et faiseurs d’opinion, chacun en commençant par sa famille biologique et partout dans sa circonscription électorale, d’identifier tout membre du PPRD et alliés afin de lui barrer la route aux prochains scrutins. Car, il n’est pas normal que dans un pays qui se veut démocratique, on continue d’observer des gens commettre des crimes en toute impunité et de les laisser concourir aisément à l’accession au pouvoir. Aux membres du PPRD et alliés de notre circonscription électorale : « Tenez-vous bien, nous ne vous permettrons pas d’abuser de l’ignorance et de la pauvreté de notre population. » Qui et avec quels arguments peut en vouloir aujourd’hui à Son Éminence le Cardinal Monsengo d’avoir dit : «Il est temps que la vérité l’emporte sur le mensonge systématique et que les médiocres dégagent ? »
Jean-Bosco Kongolo M.
Juriste et Criminologue
Références
[1] Yaga Burundi.com, 1er décembre 2017, In https://www.yaga-burundi.com/2017/12/01/dieu-imbonerakure-deux-notions-incompatibles/
[2] Jeune Afrique, 25 août 2017, In http://www.jeuneafrique.com/468511/politique/rdc-burundi-quand-les-jeunes-du-parti-de-kabila-saffichent-avec-les-imbonerakure/
[3] Congo vox, 26 février 2018, In http://www.congovox.com/menaces-aux-pretres-preuve-flagrante-qui-incrimine-joseph-kabila-et-sa-milice-criminelle.
[4] Congo Indépendant, 22 février 2018, In http://www.congoindependant.com/kasai-central-denis-kambayi-annonce-la-creation-dune-milice/.
[5] Forum des As, 6 juin 2016, In http://www.forumdesas.org/spip.php?article7764.
One Comment “Le PPRD, un parti hors-la-loi, à bannir – Jean-Bosco Kongolo”
Makutu Lidjo
says:Dans une démocratie que l’on cherche à installer, est-il sain d’interdire une formation politique ? Moi qui ne suis proche d’aucune formation politique qu’elle soit du pouvoir actuel(MP) ou de l’opposition. Je ne pense pas que cela soit sain. Le seul thermomètre devrait être le suffrage exprimé par les votants. Voyez le MPR après trois décennies d’existence, il n’est plus que l’ombre de lui-même. Notre population n’est pas bête. Faisons lui confiance. Aujourd’hui le mot « médiocrité est utilisé à toutes les sauces. De quoi retourne-t-il ? Quel contenu donnons nous à ce mot dans la situation que connaît notre pays ? La bonne attitude consiste à faire comme vous l’aviez dit dans votre conclusion de faire une campagne explicative auprès des votants montrant les méfaits du PPRD et non de décréter son bannissement par un décret ou une loi. Pour le démocrate que je cherche à devenir, un bannissement me semble exagéré. Quoiqu’il faille dénoncer, condamner les dérapages inacceptables de certains militants de ce parti.