Pourquoi je milite pour le départ de Joseph Kabila en 2016 : les enjeux
Par Dr Florent Pumu
P-J Proudhon: “Quelle que soit donc la capacité d’un homme, dès que cette capacité est créée, il ne s’appartient plus; semblable à la matière qu’une main industrielle façonne, il avait la faculté de devenir, la société l’a fait être. Le vase dira-t-il au potier : je suis ce que je suis et je ne te dois rien ?’
Demain nous mourons, après nous viendra une nouvelle génération. Cette génération future héritera directement de ce que nous aurions accompli comme citoyens. Elle lira nos épitaphes : ci- gît tel or telle. Comment voulons-nous qu’elle se souvienne de nous ?
Malgré quelques petites percées socioéconomiques du Kenya, du Ghana ou du Rwanda tous les indicateurs de la prospérité des peuples démontrent que l’Afrique Noire avec plus d’un milliard d’habitants demeure le continent le plus pauvre du monde.
Il y a une dynamique qui génère l’évolution des nations prospères : c’est le dur labeur pour transformer en meilleurs les conditions de vie des individus et de leurs communautés et surtout d’assurer une vie plus glorieuse aux générations futures ; non pas en termes trop restreints de la famille nucléaire, mais de toute une communauté généralement à l’échelle nationale. La motivation et le savoir-faire dans cette dynamique déterminent le comportement et les actions des humains (et même des beaucoup d’animaux) sur la face de la terre.
Le nœud de la question est celle de savoir la mission que chaque individu s’attribut dans la communauté. Il y a donc la dimension individuelle et la dimension communautaire. Lorsque la dimension-individu est simplement lié à l’autonomie des êtres, optant pour faire ce qu’ils veulent, la dimension-communauté est la résultante de l’interaction des agissements des individus composant cette communauté. Il y a ici la notion de vouloir et aussi de pouvoir : Le vouloir de changer le sort de sa communauté pour le meilleur et acquérir les capacités de le faire par l’information et la formation intellectuelle mais surtout la participation. La participation pour sortir les pays africains du carcan de la pauvreté, de l’arbitraire et de la mauvaise gouvernance est souvent entravée par ce dont nous sommes conscients aujourd’hui. C’est un cocktail fait de la faillite des politiques, le système éducatif défaillant, l’instabilité sociopolitique et la corruption. Comme disait Marcus Boni Teiga sur « pourquoi l’Afrique ne se développe pas : « L’Afrique, -j’ajoute, la communauté africaine-, souffre de la faiblesse de son organisation sociale et politique ».
Le dimension-communauté est la résultante des volontés et capacités individuelles dans l’essor plus ou moins rapide du groupe, sa stagnation et même sa régression ou sa disparition.
Les attributs de prospérité ou d’anéantissement des communautés sont inhérents aux sociétés. Ils peuvent être des valeurs ou des anti-valeurs. L’anéantissement, la stagnation ou la régression peut être un sabordement, c’est-à-dire une autolyse ou une autodestruction. Ceux-ci peuvent résulter de l’influence hostile des autres, c’est-à-dire des nations étrangères. Les valeurs suprêmes, en dehors des valeurs spirituelles, sont celles liées à la maitrise de la connaissance : la technologie pour transformer son espace vital dans l’objectif de générer les biens de consommation (production) et d’accroitre ses capacités de protection de la communauté face aux élans humains d’hégémonie et de domination d’autres peoples et des rebellions (défense). Ceci se résume à la conception et l’édification d’un système éducatif d’excellence, l’accroissement exponentiel rapide de la richesse nationale afin de doter le pays des moyens nécessaires pour le bien et la paix du citoyen et de sa famille. Il s’agit donc d’assurer pour toute la population du pays la paix, l’accès à une éducation de standard universel et aux soins de santé décents ; la sortir des affres de la guerre, de la maladie et de la désolation. Il s’agit aussi de garantir pour elle le respect des droits et libertés simples.
A la « rencontre des civilisations », l’ancêtre africain a été réduit en esclavage à cause du retard malencontreux dans l’accumulation des connaissances du monde et de la technologie : Face aux astrolabes et les boussoles, il a opposé la lecture sur la position de la lune ; face aux caravelles, il a opposé la pirogue (qui par ailleurs existe encore en tant que telle), face aux fusils à canon, il a opposé des flèches. Ceci a permis, la conquête aisée de l’Afrique Noire par des arabes et des occidentaux. Cette domination continue à avoir une influence générale plus ou moins néfaste pour les communautés dans les pays de ce continent.
Beaucoup des congolais me disent ne pas être engagés dans les efforts de transformation drastique du Congo en nation prospère par ce qu’ils ne sont pas des « politiciens » et souvent se définissant comme « apolitiques » ou « technocrates ».
De l’apolitisme, quelqu’un avait écrit ceci : cette position à première vue tout à fait tenable, est de plus en plus revendiquée. On lui concède volontiers un petit goût de prestige : L’apolitique, « c’est ce personnage, presque divin et détaché, qui trônerait au-dessus des insignifiantes préoccupations humaines ». Il conclut, « l’apolitique vit avec ses semblables, il a le même destin, il fait corps avec la société, comment peut-il oser dire qu’il n’en fait pas partie en essayant de partir dans les nuages pour faire œuvre de neutralité alors qu’il aura toujours les pieds sur terre ? ». La technocratie est un terme péjoratif dont beaucoup simplement ignore la vraie définition.
Les enjeux sont liés à l’acquisition par les pays de l’Afrique Noire, dont la RDC, des capacités de prospérité et de protection. Celle-ci passe inéluctablement par l’organisation des sociétés. La société a d’abord besoin des institutions stables administrées par les dirigeants compétents et redevables. Dans une démocratie, la redevabilité vis-à-vis du peuple est généralement la sanction des élections libres, régulières, conformes au bon sens et à la loi. Le respect de la loi, dont la constitution demeure la matrice, garantit la coexistence pacifique entre les citoyens et assure le bon fonctionnement des institutions du pays. Il assure l’exécution des contrats entre individus, personnalité physique ou morale. Il favorise ainsi la confiance des investisseurs nationaux et étrangers. Dans tout pays du monde, l’arbitraire et le non-respect des textes de loi et de la constitution du pays est une recette sure d’instabilité à venir. L’histoire récente du Congo en constitue un témoignage encore frais dans nos mémoires.
Les enjeux sont aussi ceux d’éviter de retourner dans les atrocités vécues dans ce pays. C’est une mission qui devrait être comprise comme notre lot.
L’Afrique Noire a trop souffert d’humiliation face aux autres peuples du monde. Les raisons culturelles ont d’abord longtemps et continuent encore d’empêcher son évolution. En plus, l’émancipation du noir africain été longtemps entravée par l’esclavage et la colonisation. Celui-ci est encore perçu par beaucoup comme un moins-homme incapable même de s’auto-administrer.
Les enjeux sont ceux de travailler non seulement pour le progrès socio-économique de nos communautés de base et des nations africaines, mais aussi de prouver à l’humanité entière que nous a nous sommes des hommes et des femmes capables de nous administrer selon les normes modernes des organisations des états et de bâtir des nations grandes et prospères.
Tous ces enjeux passent premièrement, comme dit, par l’organisation de l’état, le respect des textes légaux, la promotion de la démocratie et la participation des citoyens à la gestion de la chose publique. Il s’agit donc de doter le pays des institutions solides dont une justice qui établit l’état de droit, c’est-à-dire un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit.
Après une longue lecture des actes du président Joseph Kabila et de son équipe dont l’incapacité, après des longues années, d’assurer la paix et l’intégrité territoriale dans l’ensemble du pays, le défaut de volonté d’assurer le fonctionnement harmonieux et efficient des institutions du pays et l’instauration d’un état de droit, j’ai compris que son administration est drastiquement opposée à ma vision de l’Afrique Noire en général et de la RDC en particulier. Ceci constitue le soubassement de ma position contre le prolongement du régime Kabila dans ce pays et c’est pour cela que je milite pour son départ en décembre 2016. Le souci de militer pour le progrès social de la république démocratique du Congo est une voix douce qui parle en notre conscience, comme conclurait le poète, « Qui n’a pas entendu cette voix dans son cœur ? *»
Une opinion personnelle du Dr Florent Pumu
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*Référence : le vallon, Alphonse de Lamartine.