Pas facile d’être opposant au Congo-Kinshasa : cas de vital Kamerhe et compagnie
Par Jean-Bosco Kongolo
Alors que le peuple congolais croyait pouvoir compter sur des nouveaux acteurs venus de la Majorité Présidentielle pour renforcer l’opposition dans le combat pour la démocratie et l’État de droit, voilà que certains membres de cette opposition font le mouvement inverse et accourent vers la MP pour y occuper des places disponibles ou laissées vacantes autour de la mangeoire nationale. Oubliant leurs discours virulents qu’ils tenaient il y a peu contre le régime en place, ils ne font plus de la question du respect de la Constitution et de la légitimité de Joseph Kabila au-delà de son mandat présidentiel leur préoccupation. Désemparé et déçu par l’inconstance de sa classe politique, toutes tendances confondues, le peuple congolais a de justes motifs de se demander à qui faire désormais confiance.
Depuis son historique ouvrage intitulé « Pourquoi j’ai choisi Joseph Kabila? », Vital Kamhere, qui incarne cette tendance de l’opposition, est certainement le plus célèbre et le plus controversé. Avec la signature fracassante et solennelle de l’accord issu du dialogue de la Cité de l’UA, plusieurs Congolais sont d’avis que V. Kamhere ne s’était jamais séparé de Joseph Kabila et qu’en participant activement à ce dialogue auquel il était longtemps opposé, il n’a fait que rejoindre sa famille politique naturelle et, par ricochet, son ancien boss. Dans cette analyse, nous essayons d’examiner l’impact des ambitions et des choix de V. Kamhere et de ses compagnons sur leur avenir politique, dans l’optique de leur participation au prochain gouvernement d’union nationale au mépris de la Constitution.
1. Rappel des faits sur le parcours politique de Vital Kamhere
De son passé d’ancien conseiller dans des cabinets ministériels (Kengo, Mushobekwa…), beaucoup de Congolais ne retiennent pas grand-chose. Kamhere ne s’était révélé au grand public que lorsqu’il fut nommé Commissaire Général adjoint du gouvernement de l’AFDL, chargé des relations avec la MONUC et, plus tard, Commissaire général titulaire, chargé du suivi du processus de paix dans la Région des Grands Lacs. Depuis lors, V. Kamhere réussit à mieux se positionner dans le nouvel espace politique congolais jusqu’à devenir ministre de la Presse et de l’Information dans le gouvernement de Transition (2003) issu de l’accord global et inclusif de Sun City, où il joua un rôle de premier plan en tant que négociateur pour le compte du pouvoir de Kinshasa. Élu député dans son fief natal de Bukavu, son parcours fut couronné par sa désignation en qualité de Président de l’Assemblée nationale de la première législature de la Troisième République. Il se raconte que le poste qu’il convoitait réellement était celui de premier ministre.
Sous le titre « Jusqu’où ira Vital Kamhere? », tiré du magazine Jeune Afrique du 09 juillet 2007, François Soudan écrivait : « Fin juillet 2006, à Kinshasa, capitale frondeuse et hostile, le grand meeting de clôture prévu par Kabila menace de tourner au fiasco. « Aide-nous Vital, cela se présente mal », lui demande Olive Kabange, la première dame. Kamhere sillonne les quartiers populaires avec sa mallette à billets et rameute la population, qui accourt. Les apparences, au moins, sont sauvées. Dans la fièvre de ce jour-là, il pense entendre Joseph Kabila lui promettre de devenir son Premier ministre. Certes, le poste sera, au lendemain du premier tour, offert au vieux combattant Antoine Gizenga, dont les 12 % des voix pèseront lourd dans la balance. Mais jusqu’au bout, Kamerhe pense qu’il y a moyen de négocier, d’autant que Gizenga lui-même lui assure qu’il n’en fera pas un casus belli. Il y croit, donc, mais il devra une nouvelle fois déchanter. »[1]
2. Kamerhe a-t-il capitulé ou signé son retour au bercail?
Ce n’est plus un secret, Vital Kamhere croit que son heure a enfin sonné pour occuper le poste de Premier Ministre, non pas à l’issue d’élections qu’auraient gagnées son parti ou sa plate-forme mais comme récompense de son active participation à la tenue du dialogue convoqué par Joseph Kabila dans le but de se maintenir au pouvoir au-delà de son dernier mandat présidentiel. Ses propos moqueurs tenus à l’égard de ses anciens collègues de l’opposition lors des manifestations des 19 et 20 septembre dernier ne laissent aucun doute quant aux garanties qu’il aurait reçues de diriger le prochain gouvernement : « C’est pourquoi je lance encore une fois un cri de cœur à tous nos compatriotes que j’exhorte à choisir la voie de la paix et non la violence. Je les invite de nouveau à se joindre à nous dans le dialogue pour qu’ensemble nous puissions rencontrer les attentes des Congolais qui aspirent à la paix (…) Comme je l’ai dit à l’ouverture des travaux de ce dialogue, certains choisissent de commencer par la guerre pour finir par le dialogue mais nous avons opté pour le dialogue parce que nous connaissons bien les méfaits de la guerre que nous avons tous vécue dans notre chaire. »[2]
Ces propos rappellent étrangement ceux tenus par Mova Sakanyi qui s’exprimait de la même manière avant le dialogue, en brandissant le spectre de la guerre au cas où le dialogue ne se tenait pas. Par conséquent, Vital Kamhere semble non seulement avoir rompu définitivement avec l’opposition, qui ne lui a pas procuré ce qu’il attend depuis le début de sa carrière politique mais, également, avoir renoué avec son ancienne famille politique. Comment ne pas y croire lorsqu’on se souvient de son activité débordante au sein de l’opposition non seulement avec son parti, l’Union pour la nation congolaise(UNC), mais aussi avec les autres partis dont il a toujours voulu se faire considérer comme le leader incontestable et incontesté? « Ainsi, l’UNC ne cache pas son ambition de voir son chef Vital Kamehre être désigné porte-parole de l’opposition politique, cependant que le MLC semble dubitatif.
De son côté, l’UDPS brandit ses 42 députés pour se présenter comme la «première force» de l’opposition au sein de l’Assemblée nationale où elle assume la présidence du groupe parlementaire UDPS/Forces alliées pour le changement (55 députés) par l’entremise du député Samy Badibanga, conseiller spécial du président de l’UDPS, Etienne Tshisekedi dont il a été l’homme-orchestre de sa campagne électorale à la présidentielle du 28 novembre 2011, en tête de liste des députés élus dans la circonscription électorale du Mont Amba. »[3]
Comment, surtout, ne pas croire à son retour au bercail lorsque, malgré la confiance qu’une bonne partie de la population congolaise lui a témoignée en l’adoptant comme opposant, artisan du changement et de l’alternance politique, V. Kamhere efface du jour au lendemain toutes ces années « de communion avec le peuple » pour être le porte-étendard du glissement qu’il avait fait semblant de combattre? A quelques questions lui posées par Jeune Afrique en 2015, voici ce qu’il avait répondu, in tempore non suspecto, sur le calendrier électoral, le financement du processus électoral, la sécurisation de ce processus et la participation aux scrutins des citoyens récemment parvenus à la majorité, en tant que membre de la Dynamique pour l’unité et l’action de l’opposition : « Si l’on se réfère à la Constitution en vigueur en RDC, ces quatre matières retenues par le Président de la République sont des prérogatives exclusives de la CENI. Autrement dit, si nous suivons Joseph Kabila dans sa démarche, nous allons l’accompagner dans la violation de la Loi fondamentale de notre pays et nous allons entamer l’indépendance de la CENI. Voilà pourquoi je ne participerai pas au dialogue tel que préconisé par le chef de l’État.
En revanche, nous considérons que le dialogue doit se faire au sein d’une tripartite formée par la CENI, des représentants de l’opposition et de la majorité. D’autant que Joseph Kabila n’est pas candidat à la présidentielle de 2016. Qu’il se retire donc du dialogue puisqu’il n’est pas concerné et laisse les parties prenantes aux élections se rencontrer avec la CENI pour consolider le système électoral. C’est très clair : Joseph Kabila, avec ses spécialistes, veut nous tendre un piège. Mais c’est un piège d’amateurs puisque nous savons où il veut nous amener. Kabila est resté en effet constant dans sa détermination d’opérer le « glissement » du calendrier électoral [ne pas organiser les élections dans les délais constitutionnels, ndlr]. »[4]
En politique comme dans la vie courante, les décisions que l’on prend étant le plus souvent des choix mûrement mesurés, il ne serait pas exagéré de considérer qu’en étant le premier à se précipiter sur ce dialogue et en s’y présentant comme le porte-parole de l’opposition, c’est lui Vital Kamhere qui a cherché à piéger toute l’opposition pour l’offrir à Joseph Kabila. Au cas contraire, c’est l’histoire qui le rattrape. N’est-ce pas lui qui avait rédigé un livre élogieux, non encore démenti, intitulé « Pourquoi j’ai choisi Joseph Kabila? » A la page104 de cet ouvrage, il avait écrit ceci : « J’ai choisi Joseph Kabila parce qu’il est l’homme du respect de la parole donnée. Je ne me souviens pas, en effet, d’un engagement politique majeur pris par le Président Joseph Kabila qui ne soit pas réalisé ou respecté. Joseph Kabila n’est pas l’homme à mener le combat du grand retour vers un passé que les Congolais voudraient oublier pour écrire les plus belles pages de leur propre histoire…seuls face à leur conscience pour concrétiser la prophétie de Patrice Emery Lumumba…Joseph Kabila est l’homme qui convie son peuple au rendez-vous avec l’espérance. Il aura ainsi le grand mérite de sortir le Congo de la société de la peur et du doute, pour le propulser dans les hautes sphères du développement, du progrès et de l’espoir. »[5]
Nombreux sont ceux qui ont hâtivement émis leurs avis et considérations sur l’intitulé et le contenu de ce livre sans se préoccuper d’examiner la nature de son auteur et son mode opératoire pour atteindre ce qu’il veut, ainsi que le contexte politique de février 2006. Du point de vue psychologique et comportemental, les actes, décisions et propos de Vital Kamhere s’apparentent plus à ceux d’un personnage narcissique : «Les individus qui ont une personnalité narcissique ont habituellement un besoin excessif d’être admirés. Leur estime d’eux-mêmes est en règle générale très fragile. Ils envient souvent les autres et peuvent être jaloux du succès ou des biens des autres pensant qu’eux-mêmes seraient plus dignes de ces réalisations, de cette gloire et de ces privilèges. Leur attitude est souvent arrogante, méprisante ou condescendante. »[6]
Ceci explique la démission de certains cadres majeurs de son parti, justifiée notamment par l’absence de démocratie au sein du parti et sa tendance à vouloir tout décider seul. Il en a été de même au sein de l’opposition où son égo a été souvent incompatible avec l’orgueil des autres. Julius César n’avait-il pas raison de dire : « Mieux vaut être premier dans son village que second dans Rome? » Au dialogue, V. Kamhere a été fier et très à l’aise de jouer le rôle de porte-parole de l’opposition, même si pour cela il est conscient du fait que devenir Premier Ministre dans ces conditions viole la Constitution.[7]
Quant au contexte politique qui avait prévalu lors de la rédaction de son livre, en pleine campagne pour le référendum et en prévision des premières élections voulues démocratiques, nous ne pensons pas que l’auteur ait été sincère avec tous ses propos laudatifs à l’égard de J. Kabila. C’était juste sa façon de se positionner et de prévenir Joseph Kabila de sa loyauté et de sa fidélité pour qu’au moment de désigner le Premier Ministre, ce dernier n’aille pas voir ailleurs. Malheureusement pour lui, la géopolitique avait tranché en faveur d’Antoine Gizenga. L’histoire ne risque-t-elle pas de se répéter? Ceux qui attendent de faire partie du gouvernement issu de ce dialogue se sont-ils posé la question de savoir sur quelle protection juridique ce gouvernement s’appuiera pour conduire la politique de la nation? Ont-ils pensé également à leur avenir politique ou ce qui compte pour eux, c’est uniquement d’être ministres, peu importe la façon de le devenir?
3. Indices de fragilité du prochain gouvernement d’union nationale
A moins d’inviter tout le monde au suicide collectif, les sociétaires de la MP et leurs nouveaux alliés venant de l’opposition savent pertinemment bien que faute de soubassement juridique défendable et du soutien populaire, le gouvernement issu du dialogue risque d’enterrer politiquement tous ceux qui y prendront part. Des raisons juridiques et politiques foisonnent pour montrer qu’il porte en lui les germes de sa fragilité et, par conséquent, de son échec.
A. Collusions entre la CENI, la MP et la Cour constitutionnelle
A trois reprises, la C.C. a été incapable de jouer son rôle de dernier rempart contre les dérives dictatoriales de Joseph Kabila.
La première fois et contre toute attente, elle avait non seulement reçu la requête en interprétation de la Constitution émanant de la CENI, qui n’en avait pas qualité, mais s’était également attribué une compétence qu’elle n’avait pas, jusqu’à statuer sur une matière ne faisant même pas l’objet de la requête.[8]
La deuxième fois, sur requête de 250 députés de la MP, la Cour a de nouveau surpris en rendant un arrêt permettant à Joseph Kabila de demeurer au pouvoir aussi longtemps que ne sera organisée l’élection de son successeur.
Dans la logique du complot ourdi de longue date, la Cour est restée logique avec sa jurisprudence du glissement en autorisant récemment la CENI principal responsable du retard connu dans le processus électoral, de prendre tout son temps pour élaborer le calendrier électoral. En deçà du quorum (au moins 7 juges sur les 9) légalement exigé par la loi[9]
, et déroutant même des étudiants de deuxième année de Droit, qui apprennent le cours de Droit constitutionnel, cinq des neuf juges qui composent la C.C. se sont permis de rendre leur mascarade d’arrêt. Et ce sont justement tous ces arrêts de la honte qui constituent désormais l’unique socle juridique dont se targue la MP, recomposée, pour légitimer le gouvernement à mettre sur pieds.
B. Désignation anticonstitutionnelle d’un Premier ministre issu de l’opposition
Sauf s’il s’agit d’une nouvelle majorité, encore que dans ce cas il faille désigner un informateur, les constitutionnalistes et toutes les personnes censées se demandent sur quelle disposition constitutionnelle les dialogueurs se fondent pour confier la direction du gouvernement à un « opposant ». Selon Henri Thomas Lokondo, membre influent de la MP, « Ce projet d’accord prévoit notamment la mise en place d’un nouveau gouvernement d’union nationale dont le Premier ministre sera issu de l’opposition.
Pour le député Lokondo, cette disposition viole l’article 78 de la Constitution qui prévoit que le Président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire.
Il indique que la nomination d’un Premier ministre de l’opposition va nécessiter la mise en place d’« une nouvelle majorité dans un jeu de coalition ». « Pour identifier cette coalition, le Président de la République doit nommer un informateur conformément à l’article 78 de la constitution, étant donné que notre constitution ne prévoit pas l’existence d’un gouvernement de transition », soutient Henri Thomas Lokondo. « Selon lui, le Premier ministre et les autres ministres qui seront issus de l’opposition vont devenir membres de la majorité »[10].
A ce sujet, toute la latitude est d’ailleurs laissée au Président Joseph Kabila de nommer qui il veut au sein des partis ou plates-formes qui ont participé au dialogue. Comme lors du premier gouvernement de la Troisième République, il pourrait tenir compte de la géopolitique et de ses intérêts personnels pour surprendre ceux qui n’attendent que sa signature afin de fêter leur ascension ou leur maintien. Quelle que soit la taille de ce gouvernement, ce n’est pas tout le monde qui y trouvera sa place. Et ce sont les malheureux candidats qui seront les premiers à décocher leurs attaques. Malheureusement pour eux, ils auront à ce moment-là perdu et leur électorat et leur place au sein de l’opposition.
C. Prévisibles déchirements au sein des plates-formes pro-dialogue
La joie d’avoir tenu ce dialogue, pour les uns, ou d’y avoir participé, pour les autres, ne sera que de courte durée. En effet, aussitôt que sera mis sur pied ce gouvernement, nombreux sont ceux de la MP et des « opposants » qui, mécontents d’avoir été exclus, vont former de nouvelles alliances pour combattre ce gouvernement afin de mieux se positionner dans la perspective d’un éventuel remaniement.
D. Délicate position des députés des partis d’opposition ayant participé au dialogue
Même devenant membres à part entière du pouvoir, les partis politiques qui ont activement participé à ce dialogue vont continuer à clamer haut et fort qu’ils sont toujours de l’opposition. Mais c’est au sein du Parlement, encore contrôlé par la MP que l’heure de vérité va sonner pour voir si leurs députés vont exercer sans faille leurs prérogatives de contrôle parlementaire ou, en guise de solidarité gouvernementale, ils vont fermer leurs yeux sur des faits de mauvaise gouvernance qui seront imputés à ce gouvernement réputé d’« union nationale ».
E. Contradictoire référence au respect de la Constitution et de l’accord issu du dialogue
Alors qu’ils ont violé la Constitution dans ses dispositions fondatrices de la démocratie et de l’alternance au pouvoir, tous les prétendants au partage du gâteau prennent les Congolais pour des imbéciles en chantant en chœur qu’ils vont la respecter et respecter l’accord signé entre eux. Pour Vital Khamere «Et nous devons, nous les politiques congolais, nous interpeler aujourd’hui pour dire et prendre un engagement, que nous allons appliquer cet accord dans ses moindres détails. »[11]
Jouant comme d’habitude à la manipulation de leur autorité morale, les faucons du régime lui ont fait dire que la Constitution n’a pas été touchée. « Le Président Kabila s’est du reste réjoui que les participants au dialogue n’ont pas ignoré la Constitution mais ils se sont plutôt engagés à la respecter dans son intégralité.»[12] Quelles garanties les futurs membres du ce gouvernement ont-ils obtenues du Président de la République pour avoir les mains libres dans l’exercice de leurs fonctions, lui qui n’a jamais été en mesure de respecter son propre serment constitutionnel? N’ayant pas été lui-même partie prenante ni encore moins signataire de cet accord non contraignant et non opposable à tous, il risque d’en faire la lecture dictée par sa volonté de demeurer au pouvoir le plus longtemps possible.
F. Inopposabilité de l’accord à l’égard de tous
Conscients du défaut du caractère non inclusif du dialogue ainsi que de l’accord qui en est sorti, la MP et ses nouveaux alliés, se sont ravisés pour laisser une ouverture à une probable adhésion non pas du peuple mais de quelques indécis qui pourraient aller les rejoindre pour ramasser les miettes. Comme si le mandat confié à Edem Kodjo par l’Union Africaine ne suffisait toujours pas à procurer à cet accord un soutien diplomatique et international consistant, le syndicat des dictateurs africains s’est réuni à Luanda, capitale de l’Angola, pour voler au secours de Joseph Kabila en l’encourageant de privilégier les résolutions du dialogue au détriment de la Constitution. Satisfait par les conclusions de ce sommet, l’ancien prisonnier de Joseph Kabila, devenu le porte-parole de la MP par la magie de l’argent, a eu ses mots flatteurs : « Pour la Majorité Présidentielle, cette position des chefs d’État est un couronnement des efforts consentis par les acteurs politiques congolais avec à leur tête le chef de l’État.
Cela signifie que l’Union Africaine a reconnu la qualité du travail abattu par le dialogue, la pertinence de cette initiative qui a abouti à un consensus avantageux sur le processus électoral notamment, sur la refonte, sur la séquence et sur le calendrier. Deuxièmement, c’est aussi la reconnaissance de mérite d’un homme : le Président Kabila qui a su braver contre vents et marrées les vicissitudes pour aboutir à ce résultat aujourd’hui unanimement accepté. »[13] Mais sur terrain, au Congo, et ailleurs, en Occident, le peuple et les principaux bailleurs des fonds ne sont pas prêts à lâcher prise pour exiger respectivement le départ de Joseph Kabila[14] et/ou la tenue d’un vrai dialogue afin de baliser la voie pour l’alternance au pouvoir conformément à la Constitution congolaise.
Il est étonnant que les nouveaux alliés de la MP, dont certains ont pourtant été des grands acteurs et mobilisateurs lors des grandioses manifestations de l’opposition de ces deux dernières années, puissent ignorer toutes ces pressions internes et externes, juste pour faire partie d’un gouvernement qui risque d’être le plus impopulaire de l’histoire de notre pays. Déjà avec un projet de budget deux fois moins que celui de 2014, on se demande comment le gouvernement congolais, habitué à bénéficier de l’aumône internationale, pourra réussir à conduire la politique de la nation et à organiser les élections.
Conclusion
Dans une analyse publiée en avril 2015 sur ce même site, nous avions déjà exposé des raisons de nous inquiéter de la médiocrité d’une certaine élite congolaise, toutes tendances confondues. En abandonnant leur combat pour rejoindre le camp du pouvoir, certains anciens ténors de l’opposition confirment ce que nous disions : « Sous prétexte d’éviter de pratiquer « la politique de la chaise vide », l’opposition politique congolaise est, sciemment ou inconsciemment, partie prenante dans la violation de la Constitution et la déconstruction de la Troisième République. Sans le concours des pressions de la communauté internationale auprès de laquelle elle ne cesse de se lamenter dans ses points de presse, elle ne donne pas l’impression d’exister comme alternative crédible et d’avoir face à elle un adversaire commun : le camp du pouvoir. Issus du même moule sociétal que leurs collègues du pouvoir, la plupart des opposants congolais ne sont que des personnalités sans assise populaire à l’échelle nationale. Par sa pluralité, cette opposition ressemble à une équipe de football composée de quelques stars mais sans cohésion pour mener à la victoire, chaque joueur pratiquant un jeu personnel et égoïste non seulement pour son positionnement mais surtout pour éviter que l’autre lui vole la vedette. Entre eux, ils sont opposants les uns envers les autres. »[15] Ces politiciens confirment aussi l’adage qui dit : « Avec l’argent, on peut faire monter des fantômes aux arbres. »
C’est pourquoi l’appel est lancé aux faiseurs d’opinion et aux mouvements tels que Lucha et Filimbi d’éclairer davantage et correctement le peuple sur la marche du pays en dénonçant tous les politiciens véreux, qui doivent savoir que leurs actes seront désormais suivis de près. Conformément à l’article 64 de la Constitution, le peuple doit apprendre à se prendre lui-même en charge et à favoriser en son sein l’émergence d’une nouvelle classe politique plus consciencieuse et proche de ses aspirations.
Par Jean-Bosco Kongolo M.
Juriste et Criminologue / Coordonnateur Adjoint de DESC
Jean-Bosco Kongolo est le Coordinateur adjoint de DESC, chargé des aspects juridiques et institutionnels. Juriste et criminologue de formation, M. Kongolo a été magistrat de cour d’Appel en RDC avant de démissionner volontairement, refusant de cautionner la corruption et les anti-valeurs qui rongent cette institution censée incarner l’Etat de droit en RDC.
Références
[1] Jeune Afrique, 09 juillet 2007, In http://www.jeuneafrique.com/122149/archives-thematique/jusqu-o-ira-kamerhe/.
[2] Actualité.cd., In https://actualite.cd/2016/09/20/kamerhe-regrette-morts-demande-aux-opposants-de-rejoindre-dialogue/.
[3] Le Potentiel, 25/05/2012, In http://afrique.kongotimes.info/rdc/parlement/4318-congo-vital-kamerhe-porte-parole-opposition-assemblee-nationale.html.
[4] Jeune Afrique, 07 juillet 2015, In http://www.jeuneafrique.com/244407/politique/rdc-vital-kamerhe-ne-participerai-dialogue-kabila/.
[5] In https://www.youtube.com/watch?v=5ld1DnX0D1o.
[6] In http://www.fondationdesmaladiesmentales.org/la-maladie-mentale.html?t=8&i=30.
[7] Radio Okapi, 31/08/2016 : Bertrand Ewanga a, à cet effet, accusé ses pairs de l’opposition, présents aux travaux préparatoires, de cautionner «un complot contre la République», en contrepartie des postes juteux au gouvernement et dans les entreprises publiques. In http://www.radiookapi.net/2016/08/31/actualite/revue-de-presse/le-phare-le-depute-ewanga-devoile-les-secrets-de-beatrice-hotel.
[8] JB Kongolo, 2015. Cour constitutionnelle ou caution de la violation de la Constitution? In http://afridesk.org/fr/cour-constitutionnelle-ou-caution-de-violation-de-la-constitution-jean-bosco-kongolo/.
[9] Article 30 de la Loi portent organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.
[10] Radio Okapi, 27 /09/2016, In http://www.radiookapi.net/2016/09/27/actualite/politique/rdc-le-projet-daccord-politique-du-dialogue-viole-la-constitution.
[11] Mediacongo.net, 16 octobre 2016, In http://www.mediacongo.net/article-actualite-21372.html.
[12] Africa News, 25/10/2016, In http://fr.africanews.com/2016/10/25/rd-congo-joseph-kabila-se-felicite-du-respect-de-la-constitution-lors-de-la/.
[13] Radio Okapi, 27/10/2016, In http://www.radiookapi.net/2016/10/27/actualite/politique/conclusions-du-sommet-de-luanda-la-mp-satisfaite-lopposition-decue.
[14] Ces derniers temps dans les stades de Kinshasa, même les supporters des équipes de football dirigées par les ténors de la MP s’amusent à rappeler à Joseph Kabila que son mandat se termine le 19 décembre 2016.
[15] JB Kongolo, 2015. Des raisons de s’inquiéter de la médiocrité d’une certaine élite congolaise, In http://afridesk.org/fr/des-raisons-de-sinquieter-de-la-mediocrite-dune-certaine-elite-congolaise-jb-kongolo/.
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