Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 21-11-2018 18:00
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Opinion : Quel avenir pour les institutions politiques en RDC : Plaidoyer pour une transition citoyenne sans le régime de Kabila

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Quel avenir pour les institutions politiques en République democratique du congo : Plaidoyers pour une transition citoyenne sans la « kabilie».

Chers lecteurs, l’opinion exprimée dans cette libre tribune n’engage que son auteur et ne reflète nullement la position officielle de DESC.

Par Aimé GATA-KAMBUDI(*[1])

La République Démocratique du Congo (RDC) fait partie des pays africains les plus déstabilisés de ces vingt dernières années. Après une transition chaotique de treize ans (1990-2003) émaillée de nombreux conflits armés, le pays s’est inscrit dans la voie de la normalisation lorsque, au terme d’un « Dialogue intercongolais », les parties belligérantes ainsi que l’opposition politique et la société civile signeront à Pretoria (le 17 décembre 2002), et puis à Sun-city (le 1er avril 2003), un « Accord global et inclusif sur la transition en RDC ».  De cet accord naitra la Constitution de la transition (du 4 avril 2003) ainsi que la nouvelle Constitution congolaise du 18 février 2006, telle que modifiée à ce jour[2].

Selon cette dernière Constitution, le Président de la République, l’Assemblée nationale et les assemblées provinciales sont élus au suffrage universel direct. Le Sénat et les exécutifs provinciaux sont à leur tour votés au scrutin indirect. Élus pour 5 ans, les députés nationaux et provinciaux, ainsi que les sénateurs et les gouverneurs des provinces sont renouvelables indéfiniment. Seul le Président de la République est élu pour un mandat de 5 ans une seule fois renouvelable selon l’alinéa 1er de l’article 70 de la Constitution.

Arrivés au pouvoir à la suite des élections de 2006 et de 2011, les mandats de tous ces élus nationaux et provinciaux ont expiré en trois temps. En février 2012 [pour les sénateurs et animateurs provinciaux] ; en décembre 2016 [pour le Président de la République] et en février 2017 [pour l’Assemblée nationale]. En revanche, les élections municipales et locales n’ont jamais été organisées et il était prévu que ces reliquats électoraux soient comblés.

A ce jour, malgré l’expiration de leurs mandats respectifs, aucune de ces institutions nationales et provinciales, mises en place en 2006 et en 2011, n’a été renouvelée. Depuis 2012, les scrutins ont été à chaque fois repoussés pour différentes raisons, telles que la restructuration de la Commission électorale nationale indépendante (ci-après CENI)[3] ainsi que le manque des moyens financiers et logistique. Ceci parait paradoxal puisque le gouvernement congolais refuse toute aide internationale quant au financement des élections.

Suite à ces différents reports, les institutions politiques congolaises ont connu un sérieux dysfonctionnement durant toute la législature de 2011-2016. En claire, il n’y a jamais eu d’élections municipales et locales (reliquats de 2006), encore moins d’élections provinciales et sénatoriales (reliquats de 2011). D’où, de 2011 à 2016, le Congo s’est retrouvé avec des institutions politiques ayant des légitimités décousues et enchevêtrées suivant trois niveaux. Il s’agit d’une part d’un Président de la République et d’une Assemblée nationale légalement élus mais cohabitant avec un Sénat et des institutions provinciales (assemblées et exécutifs) en dépassement des mandats. Et, d’autre part, des autorités urbaines, municipales et locales nommées sur base de l’accord politique de Sun-city (2002).

Par ailleurs, c’est à compter du 19 décembre 2016 que ce défaut d’organisation des élections a véritablement plongé le pays dans une crise sans précédent. Faute d’avoir organisé le scrutin pour l’élection présidentielle à cette date symbolique de la fin du deuxième et dernier mandat de Joseph KABILA, toutes les institutions politiques à mandat électif ont perdu leur légitimité. Elles fonctionnent depuis lors dans une atmosphère des contestations.

En conséquence, pour imposer son maintien au pouvoir malgré cette crise de légitimité, la «kabilie[4]» a dû saisir la Cour constitutionnelle congolaise, bien avant le terme du mandat de l’actuel chef de l’Etat. Cette haute juridiction a rendu un arrêt le 11 mai 2016. Dans sa décision, elle a interprété les dispositions relatives aux articles 70, al.2, 103, 105 et 197 de la Constitution, comme permettant au Président de la République ainsi qu’à toutes les autres institutions de «rester en fonction jusqu’à l’élection et à l’installation effective des institutions correspondantes». Cette décision a été aussi confirmée par un groupe de la classe politique qui a conclu deux accords politiques le 18 octobre et le 31 décembre 2016. Les signataires de ces accords ont successivement mis en place deux gouvernements transitoires, par le partage du pouvoir entre la MP et l’opposition. Ce, dans le but de préparer, au plus tard en décembre 2017, l’organisation des élections voulues libres, transparentes et crédibles.

Cependant, sans respecter les termes de ce dernier accord, la CENI a prolongé motu proprio[5] cette transition d’une année. Elle a publié, le 5 novembre 2017, un nouveau calendrier électoral qui prévoit d’organiser les élections le 23 décembre 2018. Cette énième violation de la Constitution et de l’accord politique par la CENI a crédité la thèse de ceux qui ont contesté et critiqué l’arrêt de la Cour constitutionnelle ainsi que l’accord politique du 31 décembre 2018. C’est le cas des signataires du Manifeste du citoyen Congolais. Ces derniers ont été parmi les premiers à proposer la déchéance du régime KABILA (responsable de la non-tenue des élections) afin de mettre en place: « une transition citoyenne dont les animateurs seront désignés à la suite d’une concertation nationale ayant mission principale d’organiser des élections crédibles, transparentes, ouvertes…»[6]. Le docteur Denis MUKWEGE, prix Nobel de la paix en 2018, soutient aussi une position quasi similaire. Il estime, pour sa part, qu’à compter du 31 décembre 2016 : « les gouvernants de Kinshasa ont pris le pouvoir par la force » et qu’il faudrait « plutôt … lutter pacifiquement pour la libération totale [du] pays. Après cela viendra le temps des élections libres, crédibles et transparentes »[7].

C’est dans cette atmosphère des contestations et ce contexte conflictogène que se préparent ces scrutins prévus pour le 23 décembre 2018. Il faut surtout ajouter, qu’au-delà de cette question de la légitimité des gouvernants actuels, ces élections à venir sont également entachées d’autres irrégularités juridiques et politiques. Parmi celles-ci nous pouvons citer :

  • l’absence de consensus sur l’utilisation de la machine à voter qui viole l’article 237ter de la loi électorale[8] ;
  • l’existence sur les listes électorales de plus de six millions (soit 16,6%) d’électeurs qui manquent d’empreintes digitales selon le rapport d’audit du fichier électoral de l’OIF[9] ; ainsi que
  • l’exclusion du processus électoral de quelques acteurs majeurs de l’opposition dans des conditions juridiques peu orthodoxes[10].

Toutes ces raisons poussent à croire qu’il n’est pas exclu que ces élections soient reportées ou qu’elles soient bâclées, chaotiques et conflictuelles. Ce d’autant, la CENI ne cache plus son intention de reporter les élections si l’opposition maintient sa position de la contestation de l’utilisation des machines à voter[11]. Mais, à quelques jours de la tenue de ces scrutins, quelle que soit la décision qui sera prise par la CENI et le gouvernement congolais, il est difficile d’éviter des conséquences sombres sur la stabilité du Congo.

Devant cette situation d’impasse, pour éviter un nouvel épisode de chaos, la seule voie de sortie plausible est de proposer que soit mise en place une nouvelle transition citoyenne sans le régime KABILA. Celle-ci est une forme de sanction contre ces gouvernants qui ont manqué à leur obligation d’organiser les élections depuis décembre 2016. C’est aussi et surtout, un moyen de mettre en place un environnement politique neutre, condition sine qua none de la tenue des scrutins qui seront acceptées par tous les congolais. (I). En outre, cette transition citoyenne n’est pas seulement politiquement nécessaire. Elle est aussi juridiquement valable car fondée par les articles 5 al.1 et 64 al.1 de la Constitution. Ces dernières dispositions accordent respectivement au peuple la souveraineté nationale et le devoir de tenir en échec tous ceux qui prennent le pouvoir par la force ou qui s’y maintiennent en violation de la Constitution et des lois de la République (II). Mais, face à un gouvernement qui empêche à sa population d’exercer sa liberté d’opinion, une Cour constitutionnelle qui ne cesse de valider les actes de l’exécutif, et une classe politique assez divisée ; il sera difficile d’organiser des bonnes élections ou de mettre en place cette nouvelle transition sans l’accompagnement de la « communauté internationale ». Ce dernier point sera développé dans notre prochain article à la suite de celui-ci.

Une réunion dinatoire de la « kabilie » à Kingakati

I. La transition citoyenne comme sanction contre la non-tenue des élections en décembre 2016.

L’idée de la transition sans le régime Kabila n’est pas nouvelle. En 2016 déjà, peu avant le report des élections, certains leaders du Rassemblement de l’opposition[12] proposaient la démission du Président de la République et la mise en place d’une transition qu’ils ont qualifiée de régime spécial. Ils ont défini ce régime spécial comme une forme de transition sui generis qui devrait écarter le Président KABILA du pouvoir, dès lors que son mandat avait expiré et qu’il ne pouvait plus présenter la candidature pour un nouveau mandat. D’autres par contre proposaient que soient appliqués les articles 75 et 76[13] de la Constitution [qui prévoient un intérim du président du Sénat (lui-même hors mandat) pour remplacer l’actuel chef de l’Etat qui devrait, selon eux, tomber sous le coup d’un empêchement définitif d’exercer son pouvoir suite à l’expiration de son dernier mandat non-renouvelable].

Ce débat est celui qui a fondé l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 11 mai 2016. Celui-ci a protégé la « kabilie ». Il a offert au chef de l’État et à toutes les institutions en place, des perspectives de longévité inespérées à la tête de l’État. Au nom du principe de la continuité de l’État, il a été décidé que le Président de la République en exercice ainsi que toutes les autres institutions, pouvaient rester au pouvoir après les termes de leurs mandats jusqu’à l’installation des institutions correspondantes[14]. Cette interprétation a eu comme conséquence de rabibocher un semblant de légalité aux élus de 2006 et de 2011 qui n’avaient plus aucun mandat. Pourtant, comme nous allons le démontrer, c’est une interprétation non seulement contraire à la lettre et à l’esprit de la Constitution, mais aussi et surtout à l’origine de la forfaiture et des troubles en RDC depuis 2016. Elle est d’autant plus dangereuse qu’elle peut encore constituer la base juridique d’un éventuel report des élections prévues le 23 décembre prochain. C’est ainsi que cet arrêt Cour constitutionnelle du 11 mai 2016 doit être rejeté en faveur de la mise en place d’une transition citoyenne comme sanction contre ces gouvernants qui ont intentionnellement violé la Constitution pour se maintenir au pouvoir (A). Dans la même logique, l’accord politique du 31 décembre 2016 ainsi que les élections bâclées qui se préparent sur ce fond doivent être contestés (B).

A. Une transition citoyenne fondée sur la contestation de l’arrêt de la Cour constitutionnelle.

Soulignons d’emblée que ça peut paraitre paradoxal d’invoquer la possibilité de contester l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 11 mai 2016. Car, normalement, au regard de l’article 168, al.1 de la Constitution : « Les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et sont immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi qu’aux particuliers ».

Or, s’il est vrai que ses arrêts sont exécutoires de plein droit, une analyse approfondie des questions politico-constitutionnelles nous rappelle que la Cour constitutionnelle, comme toute autre institution de la République, peut faire aussi l’objet des contestations en cas de manque de qualité de ses décisions. C’est là que se pose la problématique de la limite de l’autorité de la Cour devant la volonté populaire par exemple ; ou en cas d’un arrêt qui violerait notoirement la Constitution. Dans le cas sous examen, l’arrêt de la Cour du 11 mai 2016 a été confronté à une forte contestation populaire[15] et politique. Il a été boycotté notamment parce qu’il est partiel, partial, politisé et vide juridiquement.

  • Il est partiel et partial

Par ce que le juge constitutionnel n’a fourni aucun effort pour répondre à toutes les questions qui étaient posées dans le débat politique et constitutionnel congolais en 2016. Deux thèses lui avaient été présentées. D’un côté, la MP qui soutenait que l’absence d’organisation de l’élection présidentielle à terme échu ne devrait empêcher le chef de l’Etat de poursuivre l’exercice de ses fonctions tant que son successeurs ne serait pas élu et installé à son poste. Ils se basaient principalement sur l’article 70, al.2 de la Constitution qui proclame qu’«à la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu ». Ainsi, pour eux, le même raisonnement s’étendait également aux autres institutions au regard des articles 103, 105 et 197 de la Constitution.

De l’autre côté, il y avait la thèse des partis politiques et mouvement dite de l’opposition. Ces derniers considéraient, à juste titre d’ailleurs, qu’après le 19 décembre 2016, au cas où les élections ne seraient pas organisées, le président de la République ainsi que toutes les institutions politiques à mandat électif devraient perdre leur légitimité. Il devrait en résulter un vide du pouvoir. Les tenants de cette thèse se fondaient principalement sur l’article 73 de la Constitution qui stipule que : « Le scrutin pour l’élection du Président de la République est convoqué par la Commission électorale nationale indépendante, quatre-vingt-dix jours avant l’expiration du mandat du Président en exercice ». De ce fait, ayant prêté serment pour son deuxième et dernier mandat le 19 décembre 2011, le scrutin pour l’élection du Président de la République devrait être convoqué le 19 septembre 2016, afin que Joseph KABILA passe le pouvoir à son successeur le 19 décembre 2016.

Par conséquent, les tenants de cette thèse de l’opposition proposaient deux solutions pour combler le vide du pouvoir qui allait se créer après le 19 décembre 2016. Si certains invoquaient l’application des articles 75 et 76[16] de la Constitution [qui prévoient un intérim du président du Sénat (lui-même hors mandat) pour remplacer l’actuel chef de l’Etat], d’autres par contre soutenaient la démission du Président de la République et la mise en place d’une période transitoire conduite par une personnalité neutre. C’est la fameuse thèse du régime spécial invoquée précédemment. Selon leur entendement, il était question d’écarter le Président KABILA du pouvoir, dès lors que ce dernier était considéré comme ayant commis l’infraction de Haute trahison et de parjure par le fait de ne pas respecter la Constitution au regard de son rôle de garant de bon fonctionnement des institutions (cfr. article 69 de la Constitution). Evidemment, cette thèse de régime spécial[17] n’a pu prospérer.

De son côté, la Cour constitutionnelle aussi n’a pas suivi cette dernière position. Elle a plutôt considéré, dans son arrêt du 11 mai 2016, que « l’alinéa 2 de l’article 70 permet au Président de la République arrivé fin mandat de demeurer en fonction, en vertu du principe de la continuité de l’État, jusqu’à l’installation effective du nouveau Président de la République élu[18]». Elle ajoute par ailleurs que le même principe s’applique mutatis mutandis aux Assemblées parlementaires nationales et provinciales qui doivent, à l’expiration de leurs mandats respectifs, demeurer en fonction jusqu’à l’installation effective de nouvelles assemblées (qui seront) élues[19].

A ce titre, la Cour a considéré que la non-organisation de l’élection présidentielle ne donne pas lieu à une vacance de pouvoir pour empêchement définitif au titre des articles 75 et 76 de la Constitution. Le raisonnement posé par la Cour était celui de soutenir que la vacance pour cause « d’empêchement définitif » ne pouvait pas être la conséquence de l’expiration d’un mandat présidentiel non suivi d’élection. Ce raisonnement parait cohérent car l’article 76 de la Constitution ainsi que l’article 84 de la loi n°13/026 portant sur l’organisation et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle, considèrent la vacance pour empêchement définitif comme une des causes d’interruption et de suspension du mandat présidentiel.        En claire, pour qu’il ait vacance du pouvoir pour cause d’empêchement définitif, il doit s’agir de certains événements qui surviennent en cours de mandat : « décès, démission, invalidité[20], condamnation judiciaire… ». Cet empêchement ne peut être la conséquence de l’expiration d’un mandat présidentiel non-renouvelé.

Cependant, malgré la clarté du raisonnement de la Cour sur la question de la vacance de la présidence, sa décision se révèle tout de même tronquée. Pour cause, les citoyens congolais ont cru avoir une décision non pas seulement au sujet des articles 70, 103, 105 et 197 de la Constitution. Ils espéraient aussi et surtout que le juge constitutionnel se prononce sur le lien supposé entre ces derniers articles et l’article 73 de la Constitution. Car, « s’il ne fait l’ombre d’aucun doute que l’alinéa 2 de l’article 70 n’est pas obscure, il est tout aussi vrai que la question principale soumise à la Cour consistait à confirmer ou à infirmer le lien supposé entre cette disposition et l’article 73. En d’autres termes, le chef de l’État en exercice ne pouvait-il rester en fonction au terme de son mandat que dans l’unique hypothèse où son successeur aurait été élu dans le délai constitutionnel et seulement en attendant l’installation effective de ce dernier ?»[21] . La Cour constitutionnelle a éludé cette question pourtant capitale.

Cet escamotage de l’interprétation de l’article 73 montre clairement le caractère partiel de l’arrêt du 11 mai 2016. Il a esquivé une des questions les plus importantes soumises à son appréciation.

Tout porte à croire que le juge constitutionnel a volontairement évité de faire ce lien entre l’alinéa 2 de l’article 70 et l’article 73 de la Constitution pour éviter de poser la question de la responsabilité des gouvernants face à ce manquement de l’organisation des élections. Car, au regard de cet article 73,  la CENI aurait dû convoquer le scrutin pour l’élection présidentielle au plus tard le 19 septembre 2016. Ne l’ayant pas fait, la CENI a donc violé la Constitution. Cela devrait être condamnable. Le réquisitoire aurait été encore plus sévère si l’on pouvait attester que la responsabilité de cette violation incombe non seulement à la CENI, mais aussi et surtout au gouvernement de la République qui, à dessein, n’a pas mis à sa disposition les moyens financiers requis à cet effet ainsi qu’au Président KABILA qui n’a pas veillé à ce que ces deux premières institutions s’acquittent de leurs obligations constitutionnelles respectives[22]. Ce manquement aurait pu être constitutif de violation intentionnelle de la Constitution. De ce fait Joseph KABILA aurait pu en être tenu coupable de haute trahison sur base des articles 69, 74, 163, 164 et 165 Constitution[23]. L’arrêt de la Cour a malheureusement évité d’examiner toutes ces problématiques. Surement parce que toute condamnation du Président de la République aurait pu constituer un empêchement définitif ouvrant véritablement la voie à une vacance de pouvoir.

Donc, si on examine avec argutie le raisonnement de l’arrêt du 11 mai 2016, il ne fait l’ombre d’un doute que la Cour constitutionnelle a choisi de protéger le régime KABILA. Il a donc été partial et a éludé toute question et tout raisonnement qui auraient pu mettre le régime en position inconfortable. De plus, la cour ne peut se cacher derrière le principe du dispositif pour justifier son silence sur la question de la responsabilité des gouvernants dans la non-tenue des élections. Car, elle a invoqué, dans le même arrêt, d’autres principes et articles de la Constitution, tel que l’article 69, non présenté dans la requête introductive d’instance.

  • Il est politisé et vide juridiquement.

Parce que cet arrêt n’avait pas été effectif et efficace pour faire valider la continuité des gouvernants. Suite aux diverses contestations contre cette décision, le pouvoir en place a été contraint de la faire accepter à la classe politique et à l’opinion publique, au risque d’être inexécuté. En d’autres termes, si les institutions gouvernantes ont réussi à imposer le dépassement de leurs mandats, ce n’est point du fait du caractère obligatoire et exécutoire de l’arrêt du 11 mai 2016. C’est plutôt grâce aux accords politiques du 18 octobre et du 31 décembre 2016. A défaut de la signature de ces accords, cet arrêt de la Cour constitutionnelle serait certainement inexécuté. Le pouvoir allait peut-être d’être balayé par des manifestations populaires. Ce qui pousse à affirmer que cette décision n’a aucune valeur juridique intrinsèque[24]. Son application a été endossée par les accords politiques qui pourtant n’ont eux-mêmes aucune valeur juridique et constitutionnelle.

B. Une transition citoyenne fondée par le rejet des accords politiques sur la continuité des pouvoirs.

Comme il a été démontré, l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 11 mai 2016 est une décision orientée politiquement et qui viole entre autres les articles 69, 70, 73, 75, 76 et 220 Constitution. Pourtant il constitue la base des accords politiques du 18 octobre et du 31 décembre 2016 qui ont justifié le dépassement des mandats des élus de 2006 et de 2011.          En conséquence, il se pose donc la question de la constitutionnalité de ces accords. D’une part parce que ce sont des textes qui se fondent sur un arrêt contesté, et, d’autre part, parce que ces types d’accord ne sont prévus nulle part dans la Constitution congolaise du 18 février 2006.

De plus, ces deux accords ont aussi violé l’article 78 de la Constitution en ayant accordé la gestion du gouvernement à l’opposition qui n’a logiquement aucune majorité au Parlement. L’accord du 31 décembre 2016 a même complété la liste des violations de la Constitution en créant arbitrairement et de manière unilatérale le Conseil national de suivi de l’accord (CNSA[25]). Pourtant, au regard de l’article 222 in fine de la Constitution, la création d’une institution d’appui à la démocratie nécessite l’adoption d’une loi organique. Celle-ci vient d’être promulgué pas plus tard qu’au moment nous accouchons ces lignes, le 15 novembre 2018. A quelle fin ? La suite des événements vont nous l’indiquer.

Toutefois, au sujet de ces deux accords politiques, au fil des événements, on observera que ces deux textes ont perdu aussi toute légitimité pour régir le pays. A titre de rappel, l’accord du 18 octobre 2016 a été contesté et abrogé par celui du 31 décembre 2016 ; alors que ce dernier a été inachevé car l’arrangement particulier, censé mettre en œuvre le texte principal n’a pas été adopté par toutes les parties signataires de l’accord principal[26]. D’aucuns ont estimé que la non signature de l’arrangement particulier dans les mêmes conditions des fonds et des formes que le texte principal a causé la désuétude de cet accord.

En termes claires, nous voulons faire remarquer que le gouvernement de la transition qui gère actuellement la République n’a aucune base juridique valide. Cela est d’autant plus vrai que les élus de 2006 et de 2011, exercent leurs pouvoirs dans un régime que l’on peut qualifier de sui generis, avec un semblant de légalité « rabibochée » par l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 11 mai 2016. Par conséquent, toutes ces institutions illégales et illégitimes (de 2006 et de 2011) doivent être rejetées. Toutes leurs décisions doivent être juridiquement invalides. Et surtout que les élections préparées par elles (à travers leur institution dérivée qui est la CENI) ne respectent pas la loi électorale en imposant notamment l’utilisation des machines à voter et en maintenant un fichier électoral corrompu.

Cela nous sensibilise sur l’urgence de mettre en œuvre une autre transition citoyenne sur base de l’article 64 de la Constitution. Cette solution semble être est le seul moyen pour un retour à l’ordre politique et constitutionnel normal.

II. La mise en place de la transition citoyenne sans la « kabilie» par l’application de l’article 64 de la Constitution congolaise

Face aux divergences évoquées ci-dessus, comment penser à l’organisation des élections dans ce contexte aussi conflictogène ? Doit-on les reporter pour écarter les machines à voter et le fichier électoral corrompu ? Si oui, sur quelle base juridique et constitutionnelle ? Dans la mesure où, il a été démontré les insuffisances de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 11 mai 2016 et la caducité de l’accord politique du 31 décembre 2016.

Dans ce cas, pour recouvrer un ordre politique cohérent et légitime, il parait on ne peut plus nécessaire de mettre en place une transition citoyenne sans le régime Kabila. Celle-ci doit être la conséquence de l’application de l’article 64 de la Constitution. Ceci impose une réflexion sur l’applicabilité (A) et l’opérationnalisation (B) de cette disposition de la Constitution.

A. Controverses sur l’applicabilité de l’article 64 de la Constitution congolaise

Telle que formulé, cet article comprend deux alinéas qui a priori semblent s’opposer. Pourtant, ces derniers ne s’éliminent pas. Ils sont plutôt complémentaires et obéissent à une même motivation qui est celle de réfuter la prise de pouvoir ou la continuité d’un régime politique par des procédés anti-démocratiques et anticonstitutionnels.

Le premier alinéa de l’article 64 stipule que : «Tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la présente Constitution ». Cette disposition est celle qui est invoquée par les partisans de la transition citoyenne qui considèrent, à juste titre, que depuis le 20 décembre 2016, le régime en place dirige le pays en violation des dispositions de la Constitution.

La controverse est dès lors apportée par l’interprétation de certains politiques, juristes et constitutionnalistes en faveur du pouvoir en place. Ces derniers n’hésitent pas d’invoquer à leur tour l’alinéa 2 de ce même article 64 pour menacer les tenants de la transition sans la « kabilie ». Ce dernier alinéa est ainsi libellé : « «Toute tentative de renversement du régime constitutionnel constitue une infraction imprescriptible contre la nation et l’Etat. Elle est punie conformément à la Loi ».

Ainsi, pour Joseph KOKONYANGI par exemple, la demande de la mise en place d’une transition citoyenne est punissable car ce serait «un coup d’Etat constitutionnel »[27]. Son point de vue est largement partagé par une grande partie de ses camarades de la MP. Certains ont même menacé d’actionner la justice pour poursuivre tous ceux qui recourent à des manifestations de rue pour résister contre les institutions en place. Les militants de la société civile qui tentent de manifester sont brutalement arrêtés. C’est le cas de Carbone BENI et ses compagnons du mouvement Filimbi qui participaient à une campagne de sensibilisation de la population en vue de la marche du 31 décembre 2017 organisée par les laïcs catholiques contre le maintien au pouvoir du Président Joseph KABILA.

Eu égard de cette controverse, quelle analyse pouvons-nous faire quant à l’applicabilité de l’article 64 de la Constitution ?

Le professeur NTUMBA LUABA a été on ne peut plus précis à ce sujet. Il affirme que l’alinéa 1er de l’article 64 s’applique dans le cas où la Constitution n’est plus du tout respectée et que le peuple n’a plus d’autres remparts de la sauvegarde de la démocratie que de recourir à la résistance républicaine, citoyenne et populaire[28]. C’est exactement la situation dans laquelle se trouve le Congo actuellement. Et, même si nous pensons que la Constitution de la RDC a commencé à être violée depuis très longtemps, l’acte le plus flagrant et le plus emblématique quant à cette violation, reste le dépassement des mandats des élus de 2006 et de 2011, formalisé par l’arrêt contesté de la Cour constitutionnelle et l’accord politique du 31 décembre 2016.

De ce fait, dès lors qu’il peut être démontré que le pouvoir en place a intentionnellement organisé divers stratagèmes pour retarder les élections ; et que cette violation de la Constitution est un des éléments qui prouvent « un exercice de pouvoir en violation des dispositions de la Constitution », il ne peut alors être contesté que nous sommes devant une configuration qui exige l’application de l’article 64. D’aucuns sont même allés plus loin pour considérer le dépassement des mandats opéré après le 19 décembre 2016 comme un « renversement du régime constitutionnel« [29] [au sens de l’alinéa 2 de l’article 64].

Vu sous cet angle, on ne saurait donc valider la position et les menaces du pouvoir en place contre les mouvements citoyens et les opposants qui réclament la transition sans la « kabilie ». La MP tient un discours tendant à les présenter comme des rebelles qui violent l’alinéa 2 de l’article 64 et qu’il faudrait les poursuivre du chef d’une «infraction contre la nation et contre la sureté de l’Etat ». Et pourtant, comme le rappelle le professeur NTUMBA LUABA, pour que l’alinéa 2 de l’article 64 soit appliqué, « il doit s’agir d’un « régime constitutionnel » […]. Or le régime en place actuel est déjà aconstitutionnel, c’est-à-dire éloigné de la Constitution ; et anticonstitutionnel autrement dit contre la Constitution ou contraire à la Constitution »[30].

Au regard de tout ce qui vient d’être dit, il convient d’affirmer avec force que c’est plutôt les menaces contre les opposants et les membres de la société civile [qui mèneraient des actions contre le régime pour imposer la transition citoyenne] qui sont injustifiées et illégales. Sur ce point nous sommes d’accord avec le juriste Fréderic BOLA quand il soutient que : «… les actions menées par le peuple congolais en « exécution » de l’article 64, alinéa 1er, de la Constitution, ne peuvent en aucun cas être poursuivies par la justice pénale, ni par la justice civile. Au contraire, la Constitution punit l’individu ou le groupe d’individus à la base des actions menées par le peuple, dès lors que cet individu ou groupe d’individus est présumé avoir commis des actes attentatoires au renversement du régime constitutionnel ou qu’il a renversé ledit régime »[31].

B. Les difficultés de l’opérationnalisation de l’article 64 de la Constitution face au contexte politique actuel

S’il est sur toutes les lèvres, peu de juristes, d’analystes et d’acteurs politiques se sont réellement intéressés sur les mécanismes pratiques de l’application de l’article 64 de la Constitution. Le débat est resté jusque-là assez théorique. Les propositions les plus pragmatiques viennent souvent des mouvements citoyens et de la société civile. Nous pouvons citer le cas de la Lutte pour le changement (LUCHA) et de FILIMBI. En novembre 2016, contrairement à la classe politique qui négociait l’accord du 31 décembre 2016, ce mouvement citoyen avait initié la campagne « Bye-bye Kabila »[32]. Il était question pour la LUCHA de mobiliser la population congolaise pour une opération de soulèvement populaire afin d’empêcher la violation de la Constitution et la continuité des pouvoirs hors mandat.  La même position a été soutenue par le Communiqué conjoint du 21 octobre 2016 des Mouvement citoyens et organisation de la société civile de la RDC. Ceux-ci réclamaient déjà en son temps, une transition sans KABILA en cas de non-tenue des élections.

Un autre exemple de l’application de l’article 64 est la démarche assez originale initiée par les mouvements de la Diaspora congolaise et des associations citoyennes regroupées au sein de la Coalition «Paix et Solidarité ». Ces derniers ont carrément organisé – avec l’expertise du professeur Jean MBELE – l’élection « d’un “Administrateur” susceptible de diriger une nouvelle transition citoyenne devant mettre en veille le pouvoir de Kinshasa qui n’a plus aucune légitimité [et qui est responsable de la non-tenue des élections en 2016][33]».

D‘après les résultats finaux de cette élection, le Cardinal Laurent MONSENGWO PASINYA (Archevêque de Kinshasa de l’église catholique Romaine en RDC) avait été plébiscité avec 3.581.423 de voix comme la personnalité choisie pour conduire cette période transitoire. Il avait été suivi par le Docteur Denis MUKWEGE (l’actuel prix Nobel 2018 de la paix) qui a recueillis pas moins de 2.000.000 des voix[34].

En revanche, comme le rappelle le professeur Jean BELE lui-même, cette élection de l’Administrateur de la transition n’est qu’une partie de l’application de l’article 64. L’étape ultime reste la sensibilisation de la population, de la classe politique (opposition) ainsi des mouvements de la société civile, en vue de neutraliser le régime KABILA à travers une mobilisation générale pouvant faire échec à ce régime[35].

Concrètement, dans les circonstances politiques actuelles, pour qu’une telle mobilisation soit possible, il faut que les efforts de toutes ces forces vives de la nation soient mis ensemble. A cet effet, nous proposons à l’opposition de se désengager de ce processus électoral vicié dans le but de réclamer cette transition citoyenne qui va organiser des élections apaisées, démocratiques et inclusives. C’est à ce titre que nous soutenons la désignation de Martin FAYULU MADIDI comme candidat commun de l’opposition par l’accord de Genève. Ce député national originaire de Kinshasa est parmi les politiques qui sont contre la participation de l’opposition aux élections du 23 décembre 2018 dès lors que les machines à voter et le fichier électoral corrompu ne seraient pas écartés. En plus, vu sa proximité avec les mouvements citoyens, il peut aussi être un atout pour la mobilisation générale en faveur d’une transition citoyenne. Malheureusement, le retrait de deux des signataires de cet accord de Genève, Félix TSHISEKEDI et Vital KAMERHE, va impacter sur l’unité d’actions et les revendications de l’opposition. Félix TSHISEKEDI et l’UDPS affirment déjà qu’ils vont participer aux élections du 23 décembre 2018, avec ou sans machine à voter.

Pourtant, il serait plus efficace que toute l’opposition et la société civile se réunissent pour exercer des pressions contre le pouvoir en place afin de mettre en place une transition devant établir un environnement politique neutre, condition sine qua non de la tenue des scrutins qui seront acceptées par tous les congolais. Ces pressions peuvent prendre plusieurs formes dont notamment les marches pacifiques, des marches de protestations ainsi que des mesures des désobéissances civiles. Elles sont toutes l’expression de la souveraineté et font partie du droit de chaque peuple à l’auto-détermination.

Pour la gestion de cette transition, le consensus peut se former autour Laurent MONSENGWO PASINYA et du Docteur Denis MUKWEGE qui ont été plébiscités par l’élection de la Coalition Paix et Solidarité. Ces deux personnalités ont les compétences, les expériences et ont montré leur engagement pour la cause du Congo.

Somme toute, nous pesons que l’opposition commettrait une grosse erreur en participant aux élections du 23 décembre 2018. Celles doivent être boycottées ces pour trois raisons principales :

  • Premièrement, parce que ce processus électoral est bâclé et viole les dispositions de la loi en imposant des « machines à voter », alors que le vote électronique est prohibé ;
  • Deuxièmement, parce que ce processus est organisé par des institutions hors mandat, illégales et illégitimes. De ce fait, ayant basé la continuité de leurs pouvoirs par la fraude, les élus de 2006 et de 2011 (ainsi que leur institution dérivée comme la CENI) doivent être disqualifiés en vertu du principe fraus omnia corrumpit. En réalité, même si ces élections du 23 décembre 2018 se tenaient, celles-ci seraient intrinsèquement entachées d’illégitimité due à la forfaiture des institutions organisatrices ;
  • Troisièmement, parce que ces scrutins sont organisés dans une atmosphère conflictogène qui risque d’embraser le pays aux lendemains des résultats.

En invoquant ce dernier point, on fait directement un lien avec les risques que la crise congolaise débouche à une menace contre la paix et la sécurité régionales et/ou internationales. Dans ce cas, il faudrait également poser la question sur l’implication de la communauté internationale. Ce qui revient au Nations unies d’appliquer les dispositions relatives au chapitre VII de la Charte et au Conseil de sécurité des Nations unies de jouer son rôle en tant que garant de la paix et de la sécurité internationales afin d’accompagner la mise en place d’une transition apaisée au Congo-Kinshasa. Ceci fera l’objet de notre prochain article qui est la suite de cette analyse.

Aimé Gata Kambudi

 Références

[1] Aimé Gata Kambudi est diplômé de l’Université de Kinshasa, de l’Université Paris I – Panthéon-Sorbonne et de l’université de Rouen en France, Aimé GATA-KAMBUDI est un Juriste publiciste, chercheur et analyste sur les questions politiques en République démocratique du Congo. Il ne se réclame pas de l’école positiviste. Il a une approche anthropologique et sociologique du droit. C’est la raison pour laquelle, dans ses différents écrits, il interprète les textes mais en observant aussi les comportements de tous les acteurs pour une appréciation globale du droit et de la politique. Monsieur Aimé GATA-KAMBUDI est joignable par mail : aime.gata22@gmail.com

[2] Ghislain MABANGA, Le principe de la continuité de l’État : issue de secours à la prohibition du troisième mandat ? Analyse critique de l’arrêt de la Cour constitutionnelle congolaise du 11 mai 2016, éd. L’Harmattan, Paris, 2016, pp. 27-28.

[3] En 2011, après les élections présidentielle et législatives nationales, il eut plusieurs contestations. Etienne TSHISEKEDI avait déclaré avoir été élu Président au point de prêter serment à son domicile à Kinshasa. Joseph KABILA quant à lui avait été proclamé gagnant par la CENI et puis par la Cour suprême de justice. Suite à ce fiasco électoral, il eut l’adoption des lois et mesures pour restructurer la CENI.

[4] Ce terme est popularisé par le journaliste et chroniqueur politique, Fabien KUSUANIKA. Nous qualifions de «Kabilie», le régime de Kinshasa représenté par Joseph KABILA ainsi que toute la galaxie de sa machine du pouvoir. Il s’agit donc des représentants de toutes les institutions nationales, provinciales et locales ainsi que les services de sécurité et des renseignements sur lesquels repose son pouvoir.

[5] Nous considérons que la CENI n’a pas respecté les termes de l’accord politique du 31 décembre 2016. Le point IV.2 de ce texte avait prévu que les élections se tiennent au plus tard en décembre 2017. Cfr. Accord politique global et inclusif du Centre interdiocésain de Kinshasa, 31 décembre 2016, Chapitre IV, point IV.2.

Toutefois, le deuxième alinéa de ce point IV.2 laissé penser qu’on pouvait prolonger la date des élections. Cela demandait une décision d’évaluation du processus électoral par le Conseil national de suivi de l’accord, la CENI et le gouvernement. Cependant, cette tripartite ne s’est jamais réunie quant à ce.

[6] Ce Manifeste du Citoyen Congolais avait été signé par les représentants des organisations de la société civile, des mouvements citoyens et personnalités indépendantes. Lire : http://www.manifesterdc.com/wp-content/uploads/2017/08/Manifeste-du-Citoyen-Congolais-18-aout-2017.pdf. Consulté le 25.09.2018

[7] LE MONDE, « Denis Mukwege : « Les élections en RDC seront falsifiées. Il faut lutter pour libérer le Congo », https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/07/02/denis-mukwege-les-elections-en-rdc-seront-falsifiees-il-faut-lutter-pour-liberer-le-congo_5324457_3212.html. Consulté le 21.10.2018.

[8] Rappelons la loi électorale n°15/001 du 12 février 2015 qui prohibe « le mode de vote électronique […] pour les élections en cours ». De plus, dans le calendrier de la CENI, il a été retenu entre autres, la période du 20 septembre au 6 octobre 2018 comme celle de l’impression et de la livraison des bulletins de vote papier, que la machine contestée entend remplacer. Cfr : Calendrier électoral : Décision n°065/CENI/BUR/17 du 05 novembre 2017 portant publication du calendrier des élections en RDC, p.3.

[9] OIF, Rapport d’Audit du fichier électoral en République démocratique du Congo : Conclusions et recommandations préliminaires, 6 au 26 mai 2018, P.5.

https://www.francophonie.org/IMG/pdf/audit_mission_rdc.pdf. Consulté le 10.10.2018.

[10] Parmi les candidats présidentiels majeurs de l’opposition, les candidatures de Jean-Pierre BEMBA du mouvement de la libération du Congo et l’ancien Premier ministre du Palu, Adolphe MUZITO, ont été invalidées. A cela il faut aussi ajouter le cas de Moise KATUMBI. Candidat déclaré du G7 et de Ensemble, ce dernier a déclaré le 7 août avoir été empêché de rentrer au Congo pour poser sa candidature.

[11] Fonseca MANSIANGA, « RDC : La CENI rejette toute responsabilité en cas de non-tenue des élections le 23 décembre »,https://actualite.cd/2018/09/25/rdc-la-ceni-rejette-toute-responsabilite-en-cas-de-non-tenue-des-elections-le-23 Consulté le 15.10.2018. Lire encore, Le vice-président de la CENI, Norbert Basengezi, a déclaré que sans l’usage de la machine à voter, la centrale électorale ne peut tenir l’échéance du 23 décembre 2018 https://actualite.cd/2018/09/18/rdc-sans-la-machine-voter-pas-delection-en-decembre-dit-basengezi

[12] Le Rassemblement est un collectif des regroupements politiques de l’opposition réunis autour d’Etienne TSHISEKEDI. Cfr. Rapport final des travaux du Conclave du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement du 4 octobre 2016. P.9. https://rassemblement.files.wordpress.com/2016/10/rapport-final-du-conclave-du-rassemblement-version-corrigc3a9e.pdf consulté le 12.10.2018

[13] L’article 75 de la Constitution stipule qu’« en cas de vacance pour cause de décès, de démission ou pour toute autre cause d’empêchement définitif, les fonctions de Président de la République, à l’exception de celles mentionnées aux articles 78, 81 et 82 sont provisoirement exercées par le Président du Sénat ».

[14] Ghislain MABANGA, op.cit., p.24.

[15] Il faut rappeler qu’il y a eu d’énormes affrontements meurtriers lors des manifestations du 19 septembre et du 19 décembre 2016 contre le report de l’élection présidentielle décidée par l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 11 mai 2016. C’est pour calmer ces affrontements et permettre à l’opinion d’accepter ce report que seront convoqués les deux dialogues qui se sont soldés par les accords politiques du 18 octobre et du 31 décembre 2016 sur le dépassement des mandats des institutions politiques.

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/09/19/rdc-heurts-a-kinshasa-entre-manifestants-d-opposition-et-policiers_5000042_3212.html consulté le 21 octobre 2018

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/08/22/rdc-le-report-des-elections-rallume-la-contestation-politique_4986111_3212.html consulté le 21 octobre 2018

https://www.radiookapi.net/2016/12/22/actualite/securite/rdc-19-morts-lors-des-manifestations-des-19-et-20-decembre-onu consulté le 21 octobre 2018

[16] L’article 75 de la Constitution stipule qu’« en cas de vacance pour cause de décès, de démission ou pour toute autre cause d’empêchement définitif, les fonctions de Président de la République, à l’exception de celles mentionnées aux articles 78, 81 et 82 sont provisoirement exercées par le Président du Sénat ».

[17] On peut donc affirmer que ce régime spécial est l’ancêtre de la thèse actuelle dite de la transition citoyenne sans la « kabilie ». Sauf que cette idée n’a pas prospéré parce que le Rassemblement qui la soutenait est allé négocier avec la « kabilie » un accord politique de partages des pouvoirs et des postes. Cette idée a été précisée et murie par les mouvements de la société civile qui ne demandent plus la démission de Joseph KABILA seulement, mais aussi et surtout, la déchéance de tout son système.

[18] Cour const. RDC, Emmanuel RAMAZANI SHADARY et al., R. Const. 262, 11 mai 2016, JORDC, numéro spécial, 5 juillet 2016, p.5 (ci-après « l’Arrêt du 11 mai 2016 »).

[19] Ibid., pp.13-14.

[20] Ibid., p.12.

[21] Ghislain MABANGA, Op.cit., p.78.

[22] L’article 69 de la constitution stipule que : «Le Président de la République est le Chef de l’Etat. Il représente la nation el’ le symbole de l’unité nationale. Il veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que la continuité de l’Etat… ». Ceci rend le Président de la République garant du bon fonctionnement des institutions et responsable en cas des dysfonctionnements de celles-ci.

[23] Zéphirin ZABO, « RDC, la requête en interprétation : un couteau à double tranchant susceptible de se détourner contre « Kabila » pour haute trahison », Kongo Times, 28 avril 2016 [en ligne], URL :

http://fr.kongotimes.info/2016/04/28/rdc-requete-interpretation-couteaudouble-tranchant-susceptible retourner-contre-kabila-haute-trahison/. non paginé. Consulté le 15.10.2018

[24] Cette question du défaut d’efficacité et de d’effectivité de l’arrêt du 11 mai 2016 n’est pas exclusivement congolaise. Elle pose plus globalement la problématique de la légitimité ainsi que de l’enracinement institutionnel et démocratique des juridictions constitutionnelles dans les pays africains. Celles-ci sont souvent vues comme des instruments (au service des pouvoirs en place) qui sont censés vider les régimes politiques africains de leur substance démocratique[24]. Stéphane BOLLE qualifie même les Conseils constitutionnels de la plupart des pays africains comme « des agents du « continuisme » des pouvoirs en place». Il faut néanmoins reconnaitre que la légitimité des décisions des juridictions constitutionnelles est souvent liée à la qualité de leurs arrêts ainsi qu’à leur capacité de s’affranchir de la tutelle des pouvoirs politiques. Malhreusement, la Cour constitutionnelle congolaise n’a pas excellé sur ces points. En trois années d’existence, elle a déjà produit plusieurs arrêts dont la plupart sont controversés.

[25] Lire notre analyse sur cette institution : Aimé GATA-KAMBUDI, « Le Conseil national de suivi de l’accord de la CENCO au cœur d’une transition à haut risque », http://afridesk.org/fr/le-conseil-national-de-suivi-de-laccord-de-la-ce-nco-au-coeur-dune-transition-a-haut-risque-aime-gata-kambudi/ consulté le 01.01.2018.

[26] Pour comprendre le débat sur la signature de l’accord politique du 31 décembre 2016 ainsi que les perturbations quant à la signature de son Arrangement particulier, prière lire une de nos précédents écrits dont : Aimé Gata-Kambudi, « Les sept péchés capitaux de l’Opposition congolaise face à la stratégie du « glissement» de la Mouvance Kabiliste », pp. 15-21., https://afridesk.org/wp-content/uploads/2018/02/Les-sept-p%C3%A9ch%C3%A9s-capitaux-de-lOpposition-1.pdf

[27] http://www.rfi.fr/afrique/20171018-rdc-majorite-opposition-article-64-constitution-congo-tshisekedi consulté le 20.10.2018.

Lire également : J.-J. Arthur MALU-MALU, « R.D.Congo- 23 décembre 2018 : le jour du destin ? », non paginé http://afrique.lepoint.fr/actualites/rd-congo-23-decembre-2018-le-jour-du-destin-06-11-2017-2170262_2365.php consulté le 20.10.2018.

[28] NTUMBA LUABA, « L’irrémédiable épuisement des mandats présidentiels à la lumière du noyau intangible de la Constitution », 14 juillet 2018, non paginé https://laprosperiteonline.net/2018/07/24/respect-de-la-constitution-oblige-rdc-ntumba-luaba-resolument-oppose-a-un-eventuel-troisieme-mandat-de-kabila/ consulté le 20.10.2018

[29] Frédéric BOLA, « Interprétation de l’article 70 de la Constitution : Faut-il craindre la Cour Constitutionnelle ?», non paginé https://www.editions-harmattan.fr/auteurs/article_pop.asp?no=31653&no_artiste=10190 consulté le 21.10.2018.

[30] NTUMBA LUABA, op.cit., non paginé

[31] Frédéric BOLA, op.cit., non paginé.

[32] LUCHA-RDC, «l’inexorable alternance le 19 décembre 2016 : un appel patriotique au peuple congolais ! », 01.12.2016 http://www.luchacongo.org/linexorable-alternance-le-19-decembre-2016-appel-patriotique-au-peuple-congolais/ consulté le 01.11.2018.

[33] Lire : Ibrahima CISSE, « Congo RDC: Le cardinal Monsengwo « plébiscité » pour diriger la transition après Kabila », https://www.cath.ch/newsf/congo-rdc-cardinal-monsengwo-plebiscite-diriger-transition-apres-kabila/ consulté le 25.10.2018.

Voir aussi : Vincent DEGUENON, «RDC : Le cardinal Laurent Monsengwo élu pour diriger la transition après Joseph Kabila» https://beninwebtv.com/2018/02/rdc-cardinal-laurent-monsengwo-elu-diriger-transition-apres-joseph-kabila/4 consulté le 25.10.2018.

[34] MWAMBA TSHIBANGU, « Le cardinal Monsengwo, Administrateur de la Transition sans Kabila en RDC », non paginé, https://www.congoindependant.com/le-cardinal-monsengwo-administrateur-de-la-transition-sans-kabila-en-rdc/ consulté le 25.10.2018.

[35] Pour suivre la position du Professeur, se référer à ses vidéos sur les réseaux sociaux dont notamment :   https://www.youtube.com/watch?v=BltM3MPFqBw consulté le 25 novembre 2018.

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