Jean-Jacques Wondo Omanyundu
SOCIÉTÉ | 19-10-2018 15:20
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Opinion : Pour une administration civile transitoire à la place des élections-piège du 23 décembre 2018 en RDC – Hofée Semopa

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Libre opinion : Pour une administration civile transitoire à la place des élections-piège du 23 décembre 2018 en RDC

Par Hofée Bavon Semopa

Chers lecteurs, l’opinion exprimée dans cette libre tribune n’engage que son auteur et ne réflète nullement la position officielle de DESC.

Un pays au cœur des ténèbres

Avec l’attribution du Prix Nobel de la Paix 2018 au Dr Denis Mukwege, le « réparateur des femmes violées ». le 13 octobre 2018, la RDC refait la Une de l’actualité internationale. Un pays dont les populations connaissent depuis deux dernières décennies une barbarie à large échelle avec le martyr à des dizaines de milliers de familles, par l’utilisation du viol sexuel comme arme de guerre.

Et le pays continue de végéter dans les toutes dernières places de quasiment tous les classements mondiaux en matière de performances ou de perspectives de développement. Avec un budget  annuel insignifiant autour de 5 milliards de dollars américains pour plus de 60 millions d’habitants, la RDC est au bord de la faillite, ses fabuleuses richesses naturelles continuent d’être méthodiquement pillées avec des complicités au niveau mondial. La population congolaise est régulièrement victime d’assassinats sommaires ainsi que de toutes sortes d’injustices, brimades, viols et violences, y compris de la part des forces armées et de police nationales. La corruption est érigée en mode de gestion. Absolument toutes les institutions nationales et provinciales du pays sont devenues hors mandat, donc illégitimes.

Les domaines régaliens dont la haute hiérarchie de l’administration congolaise, les forces armées, de sécurité et de police (…) on retrouve plusieurs officiers ressortissants de pays voisins aux visées expansionnistes et hégémoniques bien avouées. Ce n’est donc pas un hasard si depuis deux décennies, en dépit de l’imposant déploiement des Forces armées de la RDC (FARDC) à l’Est du pays, et malgré la présence des soldats de la Mission de l’ONU pour la Stabilisation en R.D. Congo (MONUSCO), les massacres des populations congolaises, le pillage des ressources se perpétuent.

Par loyauté à leur serment envers la nation, certains officiers supérieurs congolais ont osé se lever pour résister aux assaillants sur lesquels ils ont obtenu des victoires ponctuelles retentissantes. Mais, malheureusement, à chaque fois, ils ont fini par être tués dans des circonstances jamais élucidées. Tel a été le cas du Général Budja Mabe et du Colonel Mamadou Ndala, pour ne citer que ces deux-là. Et les exactions continuent, dans l’indifférence du gouvernement, trop occupé à s’enrichir et à s’éviter toute alternance politique. Plus de 6 millions de Congolais ont trouvé la mort, soit bien plus que le nombre des victimes de n’importe quelle guerre de l’histoire humaine et de n’importe quel génocide reconnu.

Elections 2018 : y participer ou les boycotter?

L’organisation régulière des élections, en respect avec la Constitution, les lois de la République et des standards internationaux, est une nécessité démocratique ; encore faut-il qu’un minimum de conditions soit réuni. Ainsi, la RDCongo est l’un ds rares pays au monde dont les ressortissants sont pas identifiés avec certitude, puisque ne disposant pas de carte nationale d’identité. Pourtant, des solutions existent : peu onéreuses, rapides à mettre en œuvre, fiables, sous-tendues par des options technologiques avancées.

Force est de constater que le gouvernement entretient cette formidable lacune et profite de ce flou administratif qui, scrutin après scrutin, continue de favoriser l’enregistrement massif d’intrus, de fictifs sur les listes électorales et le tripatouillage du résultat des urnes.

Si on relève la minutie avec laquelle la Commission Electorale Nationale (dite) Indépendante (CENI) mène l’organisation des élections au profit du régime en place, on peut logiquement penser que même si, par miracle, l’opposition arrivait à obtenir gain de cause sur toutes ses revendications (ndlr, abandon du recours à la machine à voter, libre accréditation d’observateurs neutres étrangers et nationaux, élimination de faux inscrits du fichier électoral, etc.) et sur les pré-requis de l’Accord de la Saint Sylvestre, le camp présidentiel serait encore capable d’influer négativement sur le travail de la CENI, de sorte à assurer sa victoire, malgré son immense impopularité, par le moyen de la fraude, exactement comme en 2006 et en 2011. Alors que les préalables imposés par l’Accord de la Saint Sylvestre arraché péniblement sous l’impulsion de l’épiscopat catholique congolais (libération des prisonniers politiques, abandon des poursuites judiciaires contre les leaders politiques pour des raisons politiques, retour au pays en hommes libres des Congolais ayant fui la répression, libéralisation des médias publics et réhabilitation des médias privés proches de l’opposition, libération de l’espace public en faveur des réunions publiques), continuent d’être royalement ignorés par le gouvernement, il est surprenant et incompréhensible de voir qu’une partie non négligeable de l’opposition s’est précipitée, pour participer à ces élections du 23 décembre 2018 dont pourtant l’organisation a déjà suffisamment révélé son lot de présomptions de partialité à ses dépens.

Dans ces conditions, il devient donc indispensable de repartir de zéro pour rebâtir l’organisation de nouvelles élections, si on veut que leurs résultats reflètent la libre expression des votes exprimés et ainsi redonner la légitimité institutionnelle qui fait défaut, à tous les niveaux, aux gouvernants en place.

A quoi bon de participer à une telle parodie électorale et se rendre en conséquence complices de la légitimation de dirigeants mal élus qui, comme leurs prédécesseurs, viendront, eux aussi, s’enrichir outrageusement et maintenir à leur tour dans la misère des dizaines de millions de Congolais ?

A quoi bon d’accepter un changement de façade qui, en réalité, a pour but de perpétuer un système et des pratiques qui ont plongé la RDC dans cette misère abyssale que le peuple congolais subit ?

Le Congo « démocratique » a besoin maintenant, plus que jamais, d’une rupture claire; d’un changement radical : institutionnel, politique, social et moral, qui amène chaque acteur de la vie publique à intégrer le fait que l’intérêt de la collectivité et la force de la loi doivent en tous temps primer sur tout et s’imposer à tous.

Une transition avec les administrateurs de la société civile (TASC)

Les élections ne constituent pas une fin en soi. Ce qui importe, c’est l’alternance politique pacifique issue des résultats incontestables, fruit d’élections bien organisées. La légitimité ainsi acquise permettra de refonder la République sur des bases nouvelles et solides de cohésion nationale et de confiance. Or, concernant les élections annoncées, ces conditions ne sont pas remplies. Le vrai patriotisme devrait inciter les acteurs politiques tant du camp des gouvernants actuels que de celui de la nébuleuse de l’Opposition de se mettre en quarantaine, en retrait du pouvoir, pour laisser la place à une Transition avec les Administrateurs de la Société Civile (TASC) dont la tâche principale devra être de préparer l’organisation des élections et d’introduire le pays dans la refondation, afin de basculer dans l’ère de la bonne gouvernance. Ne seraient acceptés comme acteurs de cette TASC que des femmes et des hommes, compétents, expérimentés, dépourvus d’ambition politicienne et d’intérêt personnel.

Les mouvements politiques, eux, mettront à profit le temps de la transition pour se refonder, eux aussi, et préparer leurs projets de société respectifs, car il faudra donner au peuple la possibilité de poser un vote éclairé, loin du clientélisme et du tribalisme ambiants.

Ainsi donc, un véritable défi attend la RdCongo : il lui faudra se doter de nouvelles règles de gestion, adopter une démarche nouvelle, respectueuse de tous et replacer les valeurs morales et républicaines, le patriotisme – en son sens le plus noble – afin d’enfin mettre l’Homme congolais au centre de l’action publique.

Au nombre de ces défis, il faudra également définir clairement la vision de nouvelles relations diplomatiques, commerciales et de coopération, dans un cadre pacifiée d’échanges de type gagnant-gagnant avec les neuf pays limitrophes, les institutions et pays africains – particulièrement ceux des des zones centrale et australe auxquelles la RDC appartient – ainsi qu’avec le reste du monde.

Comment installer cette transition administrative ?

Plusieurs scénarios existent et certains ont déjà été miss à l’épreuve dans le cadre de cette vision de la refondation du Congo. Ainsi, sur la base des articles 5 et 64 de la Constitution congolaise, le 26 novembre 2017, plus de dix millions quatre cents mille citoyens congolais avaient participé à un vote libre supervisé par plus de trois cent mille référents. Cette élection s’était déroulée au grand jour, dans les 26 provinces du pays et à travers la diaspora. Les organisateurs ont réussi à cette occasion l’invraisemblable prouesse de passer par-dessus la vigilance des forces de sécurité congolaises ; ce qui n’est pas rien dans un pays aussi militarisé que le Congo. Ils en clament la régularité et disent disposer de nombreuses preuves audio et vidéo de la réalisation et la totale traçabilité des résultats de cet événement démocratique historique.

Aujourd’hui, le nombre de Congolais participant au réseau de l’application de l’article 64 de la Constitution a plus que doublé, atteignant pratiquement vingt-cinq millions de patriotes qui n’attendent qu’un signal pour se lever.

Le soulèvement populaire n’est qu’un scénario parmi tant d’autres. Il ne tarde à être lancé que parce que les stratèges du peuple continuent de passer au peigne fin tous les paramètres et scenarii, afin d’assurer la minimisation du nombre de victimes humaines éventuelles et des troubles corollaires.

Conclusion

Ainsi, l’idée d’intercaler une période transitoire entre le chaos actuel et l’avènement de l’ordre nouveau tant espéré s’impose, afin de remettre en route les mécanismes nécessaires au retour de la bonne gouvernance, de la confiance et du développement. Cette administration d’exception serait animée par des membres de la société civile dont autant les compétences intellectuelles que l’intégrité morale, l’expérience sont avérées. La Transition avec les Administrateurs de la Société Civile constituera donc le début de cette refondation pour permettre au peuple de se réapproprier son impérium confisqué depuis l’assassinat de Patrice Lumumba. Elle aura notamment pour tâche d’assurer :

  • le retour à la sécurité, la paix et à la cohésion nationale;
  • la revisitation et l’exécution des résolutions de la Conférence Nationale Souveraine (7/08/1991 – 6/12/1992);
  • la lutte contre les anti-valeurs, en vue de la bonne gouvernance;
  • la réorganisation et la remotivation de la Fonction publique (Justice, Police/Renseignements, Education et Santé principalement) ;
  • la redéfinition de la place des forces armées, du maintien de l’ordre et de sécurité au service réel de la défense du pays, des biens et de la population et non plus comme actuellement une force de répression, indisciplinée, affairiste, au service des intérêts exclusifs du régime régnant
  • l’identification biométrique de la population congolaise;
  • la gestion administrative de la diaspora congolaise et la question de la multiple nationalité ;
  • la pacification des relations sociales et le retour de la confiance du peuple envers les dirigeants;
  • la redéfinition de la place des forces armées, du maintien de l’ordre et de sécurité au service réel de la défense du pays, des biens et de la population et non plus comme actuellement comme comme une force de répression, indisciplinée, affairiste, au service des intérêts exclusifs des dignitaires et de la pérennisation du régime régnant.
  • l’organisation impartiale et transparente d’élections libres et apaisées ;
  • la définition d’une vision géopolitique cohérente, intégrant les contraintes de la mondialisation et la nécessité pour la RDC de vivre et commercer avec d’autres en bonne intelligence au mieux des intérêts du pays et en bonne intelligence. Pour relever ce gigantesque défi, la transition nécessitera une vaste adhésion populaire pour l’implication de la plus grande majorité de Congolais, sachant que seuls les Congolais sauveront le Congo.

Pour ce qui est de la durée de cette administration d’exception, on pourrait s’inspirer de la durée constitutionnelle de la vacance de la Présidence de la République limitée à 120 jours en cas de force majeure (Article 76). Cependant, étant donné l’immensité de la tâche à accomplir on comprendra aisément que les quatre mois prévus dans ce cas par la Constitution ne suffiront vraisemblablement pas. Et, pourquoi ne pas solliciter d’emblée l’avis souverain du peuple par le moyen d’une consultation populaire bien étayée sur les qualités et durées de mandats des Administrateurs ?

Hofée Bavon Semopa

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