Collusion de la hiérarchie catholique avec le pouvoir politique ?
Par Jacques Galangwa
Cette réflexion est une libre opinion dont l’auteur assume le seule responsabilité
Plutôt que de conclure les négociations, lundi soir 27 mars, par la signature de l’arrangement particulier, la Conférence épiscopale nationale congolaise a fait le bilan de ses bons offices avec beaucoup d’amertume, au vu des quelques points non résolus : le mode de désignation du Premier ministre, le chronogramme de mise en place du gouvernement ou encore la question de la présidence du Conseil national de suivi de l’accord du 31 décembre. Un constat d’échec, mais la Cenco s’est abstenue de dire qu’elle mettait fin à sa médiation.
L’Église catholique en RDC a joué rôle important dans le passé avec la prise de position de certains évêques. Aujourd’hui, elle se recherche avec ses prises des positions sporadiques ou elle s’est tue au moment où sa parole était la plus attendue pour orienter le peuple de Dieu. A part les messages et les lettres pastorales aussi riches, mais qui n’arrêtent pas les violences et qui ne condamnent pas directement le système politique actuel, la question fondamentale est celle de savoir comment interpréter une telle inaction dans un pays envié et côtoyé par les grands loups du monde entier ?
Le petit nombre du clergé, mais aussi de laïc qui manifeste publiquement leur indignation pour protester contre les violences infligées au peuple reçoit de mise en garde sévère, avant de l’envoyer en exil. Ce comportement pourrait aussi justifier la présence des plusieurs prêtres congolais bien préparés en occident plutôt qu’au pays. Une telle pratique nous rappelle les accusations aussi sévère du romancier camerounais Mongo Beti par rapport au silence et à l’inactivité des hommes de l’Église en Afrique :
« Le clergé africain, lui-même domestiqué par une collaboration intéressée avec la dictature, se range plutôt dans la classe bureaucratique ; il jouit comme cette dernière, des nombreux privilèges qu’on ne prend plus la peine de camoufler en aides pour les écoles, l’édification de lieux de culte ou de pèlerinage des fidèles sur la Terre Sainte… Vénération des autorités établies, déférence envers les puissants et les riches, insensibilité à la détresse des foules ignorantes et démunies, collaboration ostentatoire avec un régime qui se maintient par l’effusion du sang ininterrompue, telles sont quelques-unes des tares dont souffre l’Église[1] ».
Au-delà des expressions fortes utilisées par ce romancier camerounais, Mongo Beti, sa description de l’Église dans ce contexte pourrait apparaître comme un jugement excessif. Mais objectivement parlant, ses affirmations véhiculent une vérité. Ceci peut justifier une prise de position par lettres et déclarations, sans aucune initiative concrète pour mettre fin au mal qui tue l’innocent en RDC.
D’une manière générale, la collaboration entre certains membres de la hiérarchie catholique congolaise et le régime est indéniable. Quoi faire pour rompre une telle pratique ? Parmi les pistes de solution pour mettre fin à la passivité et ne pas céder aux injonctions des hommes politiques congolais, l’Église catholique doit accepter de perdre certains avantages et privilèges de la part de l’Etat comme la subvention des écoles, des dispensaires et des hôpitaux catholiques, le non-paiement de la douane pour l’importation des certains produits, renoncer aux villas et voitures offertes par certains hommes politiques lors des ordinations presbytérales ou épiscopales.
L’exemple de Mgr Christophe Munzihirwa, archevêque de Bukavu, assassiné le 29 octobre 1996 est éloquent. Selon l’histoire de Église congolaise, cet homme de Dieu et pasteur d’un peuple opprimé est l’unique jusqu’ici qui a eu le courage de refuser le cadeau empoisonné de la part du pouvoir politique lors de son ordination épiscopale de la part du dictateur Mobutu. Cet esprit du renoncement et de sacrifice manque dans notre Église. Ceci expliquerait même la banalisation des messages du clergé catholique de la part des hommes politiques, qui considèrent la religion comme l’opium du peuple.
Cependant, accepter de jouer la carte des compris et des calculs diplomatiques institutionnels ou personnels à long terme, comme aujourd’hui, expose toute la communauté chrétienne catholique à ne plus être modèle et par conséquent la dimension prophétique de l’Église se limite aux discours. L’Église congolaise est appelée plus que jamais à rendre témoignage à la vérité, en défendant les pauvres et les opprimés. Nous croyons fermement que le non-respect des droits de l’homme et l’injustice sociale seraient plus important que les subventions des structures.
Le rôle peu prophétique de ces derniers temps de la hiérarchie catholique congolaise s’expliquerait ainsi par la collusion de certains hommes d’Église avec les hommes politiques. Cette pratique a permis à certains de bénéficier de certains avantages et privilèges matériels mais, revers du médaille, les empêche de condamner courageusement et à la lumière du soleil les injustices et les abus de pouvoir. Le dernier message par exemple intitulé « non au blocage », face aux tribulations du moment : prenez courage, car le Christ a vaincu le monde, (Jn 16,33). Les évêques penchés sur la situation socio-politique et sécuritaire, qui prévaut actuellement en RDC, adresse au peuple congolais un appel à un sursaut patriotique et exhorte à ne pas perdre courage[2].
Dans un cafouillage politique fondé sur un manque de volonté politique de la part des acteurs, qui sont le parti au pouvoir et l’opposition, un observateur averti demanderait à l’Église que signifieraient dans le contexte actuel, prendre du courage, un sursaut patriotique ? Alors que le même système continue à tuer les innocents ? D’une part, nous constatons qu’il y a un trou profond entre les appels et la situation concrète du peuple.
Jacques Galangwa,
Président de la Dynamique de la diaspora congolaise en Emilia Romagna (Italie).
Références
[1] BETI M., Main basse sur le Cameroun, Éditions québécoises, Montréal 1974, pp. 93-94.
[2] Cf, Le message de I ‘Assemblée Plénière extraordinaire des Evêques m0embres de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), du 22 février 2017.
3 Comments on “Opinion : Collusion de la hiérarchie catholique avec le pouvoir politique ? – Jacques Galangwa”
Alain-Joseph LOMANDJA
says:C’est quand même assez triste et désolant que, sous prétexte d’une opinion, on avance des affirmations gratuites et sans la moindre preuve sur le travail d’une institution que l’auteur ne connaît visiblement pas. Une opinion ne doit pas se ramener à une collection des rumeurs ou à une expression d’une frustration politique, en ce sens qu’on veut faire jouer à l’Eglise un rôle qui n’est pas le sien et qu’elle n’a jamais revendiqué…
GHOST
says:LE FANTÔME DE LA CNS ?
Il existe une certaine perception que la stratégie de Kabila s´inspire de celle appliquée par Mobutu* Lors de son speech à N´sele où il prenait congé du MPR, Mobutu avait tout simplement « demissioné » de sa fonction de président du Zaire* La Constitution du MPR disait explicitement qu´on était président de la République qu´en étant simultanement président du MPR*
Ainsi, la Conférence Nationale ne serait qu´une stratégie de recuperer le pouvoir via des negociations et des dialogues interminables. Mobutu est resté au pouvoir sans se faire élire pendant 7 ans grâce á la CNS*
Quand Kabila quitte subitement son dialogue de *Kodjo pour une visite au Vatican où il rencontre le Pape, la Cenco quitte aussi le camp Tshatshi.
Une perception ferait voir qu´exactement comme pendant la CNS où l´église Catholique avait assumé une place importante dans la stratégie de Mobutu, la Cenco va obtenir non seulement la confiance du Rassemblement quand elle assiste au conclave de Limete, mais aussi celle des USA et de l´UE*
Nul novi sub sole** Le refus de la Cenco d´appliquer le plan « B »..peut amener certains congolais á imaginer que les évêques ont repris le rôle nefaste de la CNS et seraient entrain de torpiller l´aspiration des congolais á des élections où ils peuvent se debarasser de Kabila et son gang une fois pour toute*
Quand Kabila « consulte » (lire sur RFI) on ne peut que se demander pourquoi une « consultation » quand il ne faut qu´appliquer l´accord?
¤ L`AUTRE PERCEPTION
La Cenco semble avoir obtenue pourtant une avance respectable par rapport au dialogue de Kodjo*: Que le président Kabila ne peut plus organiser un réferendum ou tenter de se présenter aux élections, et même mieux que les élections se tiennent cette année..sont quand même des avances notables dont la Cenco peut-être remerciée par les congolais.
Confier la Primature et la présidence du comité de suivie de l´accord sont aussi des termes forts qui positione le Rassemblement dans l´organisation des élections. Encore une avance obtenue grâce á la Cenco*
¤ LE VATICAN
Oui, depuis 1885 le Vatican a été pour beaucoups dans les dictatures au Congo* Lors de la CNS, les congolais continuent á avoir cette perception que le Cardinal Monsengwo a été pour beaucoups dans la longue transition gratuite accordée á Mobutu.
Cette fois ici, le Pape qui est le « parrain » logique de l´accord de la Cenco. Le fait que ce Pape a annulé sa visite au Congo très recement est une indication diplomatique forte que le Vatican ne cautione pas Kabila et son gang.
Les évêques de la Cenco sont des « citoyens » congolais et possedent selon la constitution de la RDC le « droit » d´aider le pays á avancer vers la démocratie et mieux s´impliquer pour éviter une guerre civile dont les membres de leur église seront des victimes.
Pendant ce process, le Vatican et la Cenco ont contribués positivement á faire avancer l´idée d´une démocratie électorale et d´une alternance politique pacifique.
Il est très tôt pour accuser les évêques catholiques de complicité quelconque en faveur de Kabila.
GHOST
says:¤ CENCO: « QUI PERD, GAGNE » ?
http://www.radiookapi.net/2017/03/31/actualite/politique/laccord-du-31-decembre-au-centre-du-nouveau-mandat-de-la-monusco
La Cenco qui semble-t-il est responsable d´un echec dans sa médiation, démontre une capacité de « nuisance » surprenante…En effet, convaincre le Conseil de Sécurité de l´ONU de faire de l´accord une « résolution » est un tour de force respectable.
Voici l´ONU qui prend la responsabilité de faire appliquer l´accord et pour le malheur de certains caciques de Kabila, les USA assument la présidence du Conseil de Sécurité pendant ce mois d´avril 2017..donc, l´ambassadrice Nikki sera á la pointe pour imposer l´accord de la Cenco.