Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 19-11-2016 10:00
10840 | 0

Opinion : A propos de la nomination de Samy Badibanga : Qu’est ce qui a changé de 2013 à 2016 ? – Fl. Pumu

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

A propos de la nomination de Samy Badibanga : Qu’est ce qui a changé de 2013 à 2016 ?

La présente réflexion est une opinion personnelle de son auteur.

Par Dr Florent Pumu

Lorsque je reçois la demande d’un ami voulant recueillir ma première impression sur la nomination de Mr Samy Badibanga comme Premier ministre de la République démocratique du Congo (RDC), issu de l’accord politique du Dialogue de la cité de l’Union Africaine, j’ai d’abord invoqué la déception qui devrait être cuisante dans le camp de Mr Vital Kamerhe. Surement, qu’il se voyait déjà pompeusement dans le costume de Premier ministre. En fait, je savais déjà que Mr Kamerhe ne sera pas premier ministre de la RDC. Pour un homme aussi peu fiable, il ne faisait pas bon calcul politique pour Mr Kabila de le voir à la tête du gouvernement national. Comme à l’époque de Mobutu, l’éléphant dans le palais du pouvoir de Kinshasa demeure encore et toujours l’UDPS. La nomination de Mr Samy Badibanga, (ex-)président  du groupe parlementaire de l’UDPS et alliés et en prime originaire du Kasaï comme les Tshisekedi répond à un principe machiavélique de longue date : Diviser pour mieux régner. A propos de l’homme fort de l’UNC, j’ai posté il y a quelques jours dans mes commentaires Facebook qu’il était bien la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf.

Pour revenir à mon ami ci-haut mentioné, j’ai dit qu’il faudrait qu’il se rappelle l’expression qui dit que « quand on mange avec le diable, il faut avoir les fourchettes longues ». Mr Kamerhe a été récemment traité de plusieurs noms dont celui populaire de « kamerheon ». Ce n’est point un concept nouveau attaché à lui (et d’ailleurs beaucoup d’autres politiciens du pays) depuis les Cables américains révélés par Wikileaks. J’ai, moi-même dans un de mes articles du début de 2015, articulé ceci sur lui : le président de l’UNC aurait mieux fait de rester dans le PPRD et près de Mr Kabila qu’il glorifiait il n’y a pas longtemps ; et j’ai conclu alors que « je suis convaincu qu’il est vraiment opposant à Mr Kabila même s’il parait un peu opportuniste ».

vital_kamerhe_ouverture_dialogue_rdc_0

Mais revenons au nouveau Premier ministre nommé par Mr Kabila. D’abord, je dois avouer que lors de mon premier passage au Département d’Etat américain en 2013, une femme, officielle de ce département qui assiste à plusieurs séances du parlement congolais, m’a évoqué avoir eu plusieurs discussions avec Mr Samy Badibanga sur la démocratie en RDC. J’avais compris que celui-ci avait un certain poids politique auprès des Américains. La dame reprochait alors au groupe parlementaire de l’opposition politique d’engager des discussions très pertinentes par exemple sur les projets des lois mais in fine souvent s’abstenir lors des votes.

Samy Badibanga de 2013 à 2016

Il y a deux interventions capitales de Mr Samy Badibanga que nous allons analyser pour élaborer cette comparaison. D’abord son interview avec Mr Wetchi publiée sur YouTube le 30 septembre 2013 et son intervention au parlement européen de 2014 où il explique avec éloquence son idéologie et sa démarche politique. Nous allons à partir de ces deux éléments tirer des projections jusqu’à sa participation au dialogue du facilitateur Edouard Kodjovi Kodjo et à sa nomination actuelle comme premier ministre de la RDC. Il faudrait d’abord rappeler et insister sur le fait que nous comprenons que la politique étant dynamique, le diagnostic et la gestion d’une situation peut logiquement changer selon les circonstances ; mais seulement, la question fondamentale sur les raisons d’un détour se pose. Qu’est-ce qui a changé pour qu’il tourne casaque dans une démarche politique ? Ceci épouse la même logique que la question posée à Mr Tshisekedi Wa Mulumba par un journaliste de France 24 sur sa participation à l’élection présidentielle de 2011 et non pas à celle de 2006 dont Mr Badibanga fait allusion. Il dit trouver la question pertinente. Qu’est qui a changé en fait pour lui-même entre 2013 et 2016 ?

Nous allons aborder la question sous deux volets ; le premier sous l’angle institutionnel et le second sous l’aspect purement politique.

1.    Volet institutionnel de la crise de légitime et institutionnelle en RDC

Six années après son adhésion à l’UDPS en 1994, Mr Samy Badibanga devient conseiller spécial de Mr Etienne Tshisekedi. En 2011, il est en charge de la logistique du candidat Tshisekedi à l’élection présidentielle alors qu’il est lui-même candidat à la députation. C’était une démarche très sérieuse de sa part dans ce qu’il a souvent soutenu en principe : la fin de la politique de la chaise vide. Il stigmatise comme période des vaches maigres l’absence de l’UDPS dans le « make-up » politique de l’époque 1+4, le boycott du referendum de 2005 sur la nouvelle constitution, le refus de participation aux élections de 2006. La logique qui se dégage des réflexions de Mr Samy Badibanga est celle d’ancrage vers l’imperium par étapes à défaut de disposer des moyens de l’accomplir à tire-d’aile. Il invoque l’idée « d’occuper certaines fonctions » de l’état au lieu « d’être absent des circuits » politiques. Il croit que l’absence de l’UDPS dans les institutions politiques est facteur de son « faire du sur place » dans la conquête du pouvoir et la marche générale du pays vers la démocratie. Il attribue cette politique de son groupe entre autres à l’adoption facile de la loi numéro 11/003 du 25 juin 2011 sur la réduction du nombre de tours pour l’élection présidentielle que la Libre Belgique à l’époque commentait de « friser la tricherie » de la part du pouvoir.

Seulement comment en plus comprendre que Mr Samy Badibanga invoque que cette modification de la loi électorale ait été obtenu « par la corruption et le débauchage ? » L’UDPS prend part aux élections de 2011, il n’explique pas ici le défaut d’acquisition de l’imperium par la politique de la chaise vide précédente mais plutôt par ce qu’il qualifie de « tripatouillage des résultats ». Au parlement européen il affirme avec conviction que Mr Etienne Tshisekedi « était victime de la tricherie qui a eu lieu !»

Lorsque le nouveau Premier ministre désobéit à la hiérarchie de son parti et entre au parlement contrairement aux gens comme Claude Kiringa, il dit avoir fait cela dans le souci de « préserver les acquis de la démocratie ». Il ajoute qu’il fallait « respecter les votes des électeurs » et pour cela il a plutôt choisi « d’agir selon sa conscience ». Il a dit ouvrir ainsi un autre front du combat pour le changement, le front qu’il qualifie d’institutionnel, le « front diplomatique pour appuyer le front de la rue pour l’imperium ». Cette logique est engageante et convaincante et semble avoir beaucoup de soutiens notamment dans les chancelleries occidentales dont le département d’Etat américain ou l’on est fermement convaincu que les attributs de la démocratie s’acquièrent par étapes. Il est toutefois difficile de concilier cette vision politique façon de Mr Badibanga à la réalité dès lors qu’il martèle être convaincu que « Mr Tshisekedi avait gagné les élections ». Il est aussi difficile d’assortir la logique de préservation des acquis de la démocratie et du respect des votes de électeurs qu’il avait alors évoquée et continuer de faire partie d’un parlement qui s’est vite révélé ce que le pouvoir voulait qu’il soit : une simple caisse de résonance et de légitimation de l’arbitraire.

En outre, qu’est-ce qui a changé en cette fin de 2016 par rapport à 2013-2014 pour que Mr Samy Badibanga soit convaincu que 2016 sera différente de 2018 quand il souligne le fait qu’il n’y ait « aucun signal qui montre que Mr Kabila ne va pas se présenter en 2016 comme le prévoit la Constitution ». En quoi sa nomination aujourd’hui résout l’équation de sa conviction exprimée alors qu’il existe en RDC une « crise de légitimé au niveau des institutions (étatiques) depuis les élections catastrophiques de 2011 »

2.    Volet politique : Des Concertations Nationales au Dialogue, qu’est-ce qui a changé ?

Lors des Concertations Nationales de 2013, Mr Samy Badibanga avait fustigé la majorité présidentielle, en leur réprochant de ne pas jouer franc-jeu. Cette déclaration se rapproche des phrases de Mr Vital Kamerhe quand celui-ci parle des pièges tendus par Mr Kabila par le dialogue (dont il semble être le plus gros gibier attrapé). Le Premier ministre nommé, a cité plusieurs raisons qui a fait qu’ils (lui et ses alliés) ne se sentent alors pas concernés par ces concertations :

1. L’absence d’inclusivité ou d’un consensus plus large, il souhaite même la présence des groupes armés qui « pullulent dans le pays » ;
2. L’absence d’un médiateur qui pouvait être accepté par toutes les parties ;
3. Le défaut de libération des prisonniers politiques dont Mr Diomi Ndongala ;
4. Le fond et la forme de la rencontre c’est-à-dire les thématiques qui devrait être discutées au préalable avec les parties impliquées. Une allusion est faite ici sur le « concept de la vérité et de la réconciliation » et
5. L’identification des causes exactes et les rasions réelles qui nous amenait dit-il à cette concertation, sinon à quoi bon. Certains se demanderons, aujourd’hui que le Dialogue n’ait point identifier les causes exactes entre autres du fait que les actes de la constitution sur les élections en RDC surtout présidentielle n’ont pas été appliqués à quoi bon le Dialogue de la cité de l’UA Mr le premier ministre ?

Mr Badibanga invoque ensuite le projet fallacieux du gouvernement de cohésion nationale et que les Concertations Nationales se sont déroulées sur « fond d’arrangements financiers et des tripatouillages et surtout de bardage des responsabilités publiques » et il fustige les gens qui se « précipitent aux portillons pour entrer dans le gouvernement ».

Il y a enfin cette nomination du Premier ministre basée dont il fait allusion sur le non-respect de l’alinéa 1 de l’article 2 en relation avec la loi portant sur les partis d’opposition : qu’est ce qui a changé par rapport à sa situation actuelle ?

Conclusion

En RDC il y a deux réalités : la première est souvent ce que me répète un ami : Pour beaucoup, tout est parfait lorsqu’il s’agit des mêmes concernés quand ils font des revirements de 180 degrés. La deuxième est celle de « unfinished business » ou la politique du « metigeur » de notre ami écrivain Norbert Mbu Mputu, qui finalement fait que plus les choses changent en RDC, plus elles demeurent les mêmes. On a appelé cela la politique du « rond-point ». Mr Joseph Kabila l’a invoqué de façon magistrale à la délégation du Conseil de Sécurité des Nations Unies qui viennent à peine de séjourner en RDC lorsqu’il fait allusion à la présence de l’ONU déjà en 1960 et encore en 2016.

Il semble que cette fois de FB (lire Faustin Birindwa) on est passé à SB (Samy Badibanga). La nomination du Premier ministre par Mr Mobutu un certain 18 mars 1993, un « faux-vrai » UDPSien diraient à tort ou à raison certains et celle aujourd’hui par Mr Kabila un « vrai-faux » UDPSsien pour les mêmes surement, de surcroit originaire du territoire de Kasaï des Tshisekedi révèlent simplement d’une tactique ancienne de l’école machiavélique de diviser pour mieux régner. Le « Divide ut regnes » des romains et grecs anciens ou le « Divide et Impera » du théoricien Niccolo Machiavelli qui depuis a prouvé être le meilleur moyen d’avoir les mains libres pour pérenniser son régime en semant la discorde parmi les opposants. Parfois on en fabrique des faux pour créer la diversion.

Il devient tout de même de plus évident que malgré la politique de la chaise vide, Mr Tshisekedi peut un jour « rejoindre la terre de nos ancêtres » le cœur en paix, son ombre planera à jamais sur le devenir politique de la RDC. Faute d’une vraie UDPS, il faut en disposer d’une réplique ou d’une pièce de seconde main. Nous ne souhaitons pas que les mêmes causes produisent les mêmes effets ici. Il faut que ce pays avance de façon plus drastique dans la voie de la démocratie et de la bonne gouvernance. Il faudrait que la politique du rond-point continue plutôt à demeurer ce que je pense être : plutôt celle d’une spirale qui donne l’illusion de revenir au même point alors qu’on avance.

Il y a une élément capital révélé dans les interviews de Mr Samy Badibanga. Il a pensé que les Concertations Nationales pouvaient être une première étape que « la volonté politique pouvait soutenir pour un consensus plus grand ». Il y a ainsi espoir que sa nomination soit une première étape pour un consensus plus élargi et que vite avec son mentor actuel Mr Joseph Kabila, qui ne devra point être au-dessus de la mêlée, ils vont amorcer un dialogue plus sérieux avec ses amis de cœur du Rassemblement et les autres groupements politiques et de la société civile « acquis au changement » pour finalement amener le progrès social des populations meurtries de la RDC. Les interviews de Mr Badibanga et le respect qui a été manifesté sur sa personne au département d’état américain me font croire qu’il a plus de classe, d’intelligence et de maturité politique que les FB, les Nguz Karl-i- bond, ou les VK n’ont pas ou n’ont pas encore eu l’occasion de faire une démonstration convaincante pour la majorité de leurs concitoyens.

Scientia splendet et conscientia est de notre alma mater.

Dr. Florent Pumu

http://www.kamotocentre.com

0

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

This panel is hidden by default but revealed when the user activates the relevant trigger.

Dans la même thématique

DROIT & JUSTICE | 24 Sep 2025 09:52:07| 171 0
RDC : Jean-Jacques Wondo dépose plainte en Belgique pour menace de mort
Il y a dix jours, un journaliste congolais critique du régime Tshisekedi a été violemment agressé à Tirlemont. “Les menaces… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 24 Sep 2025 09:52:07| 653 0
Un hommage poignant de JJ WONDO à sa fille MAZARINE WONDO en ce jour d’anniversaire, malgré l’injustice de son incarcération
"Joyeux Anniversaire à la très inspirée et exceptionnelle MAZARINE WONDO. Je t'envoie plein de Bisous,d'Amour et de Bénédictions. Nous sommes… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 24 Sep 2025 09:52:07| 1536 0
RDC : Dossier Jean-Jacques Wondo, la défense contre-attaque et démonte toute l’accusation
Le dossier de la téléphonie sur lequel repose l’accusation apparaît comme un enorme montage pour accuser l’expert belge. Le procès… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 24 Sep 2025 09:52:07| 782 0
HONORABLE PATRIOTE SERGE WELO OMANYUNDU DANS NOS COEURS
Ce 5 novembre 2024, cela fera un an que le Député Honoraire Serge Welo OMANYUNDU nous a quittés.Nous, sa famille… Lire la suite
Par La Rédaction de AFRIDESK