Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 06-01-2017 18:40
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Négociations politiques en RD Congo : Signe d’espoir ou enlisement planifié? – Louise Ngandu

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Négociations politiques en République Démocratique du Congo : Signe d’espoir ou enlisement planifié?

Par Louise Ngandu Lukusa

Un proverbe africain dit : « Si tu ne sais pas où tu vas, sache au moins d’où tu viens ».

Cette énième crise politique en République Démocratique du Congo tout comme les précédentes, est générée par les mêmes causes ; à savoir, la lutte pour le pouvoir, l’incapacité d’accepter les règles démocratiques, la difficulté  de réunir les leaders politiques congolais autour des enjeux politiques, économiques, culturels et sociaux du pays et l’incapacité d’amorcer un changement qualitatif au profit du bien-être de la population.

Si d’aucuns avaient estimé que la voie de la négociation était la meilleure pour la stabilité politique et la dissipation des antagonismes, la situation actuelle suscite beaucoup d’interrogations en même temps qu’elle génère une crise de confiance manifestée au sein du peuple congolais vis-à-vis de la classe politique dans son ensemble.

Après un premier dialogue ayant conduit à l’accord du 18/10/2016, dialogue considéré comme non inclusif, un deuxième dialogue, présenté comme global et inclusif a été initié le 08 décembre dernier. Placé sous l’égide de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), ce deuxième dialogue devait conduire à un deuxième accord[i] qui a été signé le 31/12/2016. Accord dénommé « Compromis politique global inclusif ».

Qu’est-ce qu’un compromis ?

D’après le dictionnaire Larousse, « un compromis est une action qui implique des concessions réciproques » ; en droit, « un compromis c’est une convention ordonnant qu’un litige soit soumis à un arbitre extérieur » ; « c’est une solution intermédiaire ».

D’après l’encyclopédie libre, « un compromis, c‘est le résultat d’une négociation entre les parties en présence où chacune aura fait des concessions pour arriver à une solution à exécuter conjointement par les protagonistes».

Qu’est-ce qu’un Accord politique ?

D’après le dictionnaire Larousse, «  Un accord est un arrangement entre deux ou plusieurs parties pour régler un différend, définir les modalités d’une entente ».

Les parties prenantes à ce dialogue dit global et inclusif  sont, d’une part, les partis de l’opposition regroupés sous différentes bannières : le Rassemblement, le front pour le respect de la Constitution, l’opposition ayant participé au premier dialogue ; d’autre part, la Majorité présidentielle et la société civile. L’arbitre considéré comme l’autorité morale « neutre », c’est la CENCO qui, soit dit en passant, n’en est pas à sa première expérience de médiation.

L’objectif poursuivi par ce deuxième dialogue était d’apaiser les tensions politiques et sociales dans la perspective des prochaines élections provinciales, législatives et présidentielle que les Congolais espèrent « transparentes et crédibles ». L’enjeu est donc de taille. Cependant il y a une crise de confiance manifeste au sein des parties prenantes, et cela peut entraîner la perte du peu de confiance que la population témoigne encore à certains acteurs politiques et à certaines institutions.

Un accord politique problématique

Cet accord politique demeure problématique dans la mesure où il a des implications juridiques qui impactent la Constitution et les institutions en place. N’est-ce pas là le nœud du problème, au-delà des intérêts particratiques ou personnels ?

Comme le souligne le prof. P Mambo[ii], « La relation entre la constitution et les accords politiques, dans certains États africains en crise ou fraîchement sortis d’une période de conflits, est marquée par des expériences juridiques et institutionnelles exceptionnelles, voire parfois surréalistes ».

Où situe-t-on les organes prévus par le futur accord politique, notamment le Conseil National de Suivi de l’Accord et du processus électoral (CNSA) par rapport à la Constitution et aux institutions en places ? Quels sont les critères de sélection des 28 membres qui composeraient cette structure comme prévu dans l’Accord ? Puisque les parties en présence revendiquent toutes, le respect de la Constitution, ne seraient-elles pas en train de violer cette même Constitution qui apparaît dès lors comme une feuille de chou mangée à toutes les sauces ?

Par ailleurs, l’Accord politique mentionne à la page 9 le point relatif au financement des élections et exhorte le Parlement à exercer le contrôle budgétaire des ressources mises à la disposition de la CENI. Le budget de 4,5 milliard de dollars, présenté au parlement, a-t-il été adopté ? Quid également du budget de la CENI ? Est-ce avec cette prévision budgétaire que l’on va gérer la transition, calmer les tensions sociales et organiser les élections ? La classe politique ne serait-elle pas tombée dans les travers habituels, à savoir le partage des postes politiques et l’accès au peu de ressources financières alors que l’urgence s’impose pour stopper l’hémorragie financière causée entre autres par les détournements de fonds publics et la corruption généralisée ?

En lieu et place d’un accord politique à exécuter conjointement, les parties en présence ont accouché ce 31/12/2016 d’un compromis « signé sous réserve » par la Majorité présidentielle et remis en question deux jours après avec trois arguments qui reflètent la nature même de l’Accord recherché.

Compromis non inclusif

Certains partis de l’opposition ayant participé au dialogue auraient refusé de signer le document final. Que recherchent finalement les parties prenantes au dialogue ? Veulent-elles réellement organiser les élections dans les délais annoncés ou visent-elles le partage des postes ? A cette allure qui pourrait croire que les élections auraient lieu en décembre 2017 ? Cet argument renforce la crise de confiance du peupleà l’égard de la classe politique dans son ensemble.

Référendum consacré par l’article 5 de la Constitution

L’on se retrouve dans l’incohérence même qui a généré cette Crise. En effet, celle-ci est née du non-respect de la Constitution. Où situe-t-on cet Accord politique par rapport à la Loi fondamentale ? N’aurait-il pas été plus simple et logique de respecter la Constitution plutôt que d’en faire un usage sélectif de ses articles ?

Demander pardon pour tous les morts lors des manifestations

C’est toute la classe politique, opposition comme majorité présidentielle qui devrait demander pardon au peuple congolais et réparer les préjudices subis par les familles car elle est responsable à des degrés divers des vies congolaises qui ont été sacrifiées. L’accord politique du 31/12/2016 prévoit la possibilité d’octroyer une assistance forfaitaire aux victimes de septembre et décembre 2016. Pourquoi se limiter à ces dernières ? Cette assistance vise-t-elle tout le pays ou se limite-t-elle à Kinshasa ?

Enfin s’agissant de la sécurisation du processus électoral, il est mentionné dans les recommandations à la page 13, la neutralisation des groupes armés nationaux et étrangers qui sévissent en RDC. Cela fait deux décennies que les groupes armés sévissent dans le pays notamment à l’Est où la situation est tragique. Est-il possible de neutraliser ces groupes armés en quelques mois alors que le Gouvernement en a été incapable depuis deux décennies ?

Cet Accord politique dans sa globalité n’a aucun caractère contraignant. En cas de non-respect ou de violation de cet Accord, qu’adviendrait-il ?

Conclusion

Ce deuxième dialogue, à l’instar du premier, porte en lui les germes d’une nouvelle crise de légitimité et de légalité. Cependant le Congo compte parmi ses fils et filles des experts qui peuvent aider à sortir de cette crise sans perdre les acquis ni refaire l’histoire de la roue.

Le manque d’humilité et de sagesse de la classe politique l’aveugle et met en péril l’avenir de notre pays. Il est encore temps de se ressaisir dans la résolution de cette crise. Aussi, il est nécessaire de mettre en place quelques commissions d’experts qui se pencheront sur les matières techniques et formuleront des propositions réalistes et réalisables dans les délais raisonnables :

– Des experts en droit pour stopper les dérives que l’on constate dans l’instrumentalisation de la loi fondamentale et proposer un cadre juridique cohérent d’élaboration et d’application de l’Accord politique en ce compris les mécanismes de contrôle pour prévenir les dérives ;

– Des experts en économie pour proposer un cadre et une estimation budgétaire réaliste tenant compte de la réalité des caisses de l’Etat actuel et des alternatives pour faire face aux dépenses financières qu’implique la mise en œuvre de cet Accord ;

– Des experts dans les matières électorales afin de proposer des ajustements et mesures nécessaires pour reformer la CENI et la rendre opérationnelle à bref délai ainsi qu’un calendrier réaliste tenant compte des contraintes multiples liées à notre pays.

– Les parties prenantes au dialogue doivent instaurer un climat de confiance afin de permettre aux citoyens congolais de l’intérieur et de l’extérieur qui le souhaitent de contribuer au budget des élections ; celles-ci n’étant pas une fin en soi mais une étape importante dans la démocratisation de notre pays.

Louise Ngandu Lukusa,

Politologue

Références

[i] Accord politique global et inclusif du centre interdiocésain de Kinshasa

[ii] P. Mambo : « Les rapports entre la constitution et les accords politiques dans les États africains : Réflexion sur la légalité constitutionnelle en période de crise », Article, juin 2012

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2 Comments on “Négociations politiques en RD Congo : Signe d’espoir ou enlisement planifié? – Louise Ngandu”

  • GHOST

    says:

    ¤ « DEMANDER PARDON… »

    Entre l´impunité et pire une arrogance très cynique de ceux qui massacrent les congolais dans la rue.. les congolais devraient sans doute étudier un peu plus l´approche adoptée par l´ANC lors de la fin de l´apartheid*
    Si nous optons pour cette approche, alors il faut compte une fois de plus sur la Cenco pour mettre en musique le « pardon »*
    Relisez attentivement le message du Cardinal Monsengwo qui « conditione » le pardon par une « confession » publique comme on l´avait fait en Afrique du Sud.
    Ce cynisme où on demande á l´opposition qui a subie les massacres, la repression, les tortures depuis des annés á demander pardon aux assassins et aux criminels qui sont au commande de la machine de la repression…Franchement, quelle arrogance cynique !

    ¤ EXPERTISE « ELECTORALE », DEVOIR DE MEMOIRE ?

    Quand nous lisons..toutes les affirmations des experts « électoral » congolais, on se demande si nous prenons le temps de consulter l´histoire recente des élections au Congo?
    *Malu Malu qui ne possedait aucune « expertise électorale », en partant de rien avait organisé des élections crédibles en moins de 12 mois*
    Ngoyi Mulunda accusé d´avoir favorisé l´élection de Kabila s´était basé sur le travail de Malu Malu et avait pu organisé des élections en moins de 12 mois*
    Cette fois ici, nous tombons sur des « experts » qui ont repris tout á zero comme si Ngoyi Mulunda et Malu Malu n´avaient rien accomplis sur le plan électoral et il nous faut faire table rase des archives et de cette experience’. Une fois de plus cynisme des « mercenaires » qui en réalité sont payés pour faire retarder la démocratisation du Congo

  • GHOST

    says:

    « FACTEUR EXTERIEUR »

    Quelques soient les « reserves » de la fameuse majorité, Joseph Kabila est celui qui a accepté la médiation de la Cenco. Il avait fait un voyage au Vatican avant la fin du dialogue de Kodjo afin de negocier cette implication des évêques catholiques congolais qui ne peuvent pas agir sans l´accord implicite du Pape.
    Ces « reserves » ne possedent pas de poids politique car le principal concerné dans l´accord est le président en fin de mandat Joseph Kabila.

    Les congolais doivent (toujours) intégrer un facteur important dans leurs analyses politiques: l´influence des USA et des 28 pays membres de l´UE.
    Ces pays disent explicitement avoir depensés des millions de $ depuis plus de 10 ans afin de « stabiliser » la RDC politiquement et sur le plan de la sécurité. Ne pas tenir compte de l´avis de ces puissances fausse toute tentative d´analyse de la situation au Congo.
    Que disent ces puissances depuis quelques mois? Les USA et l´UE ont imposés l´implication de la Cenco et cet accord resulte de leur pressions sur le Rassemblement et le président Kabila.
    Sans les pressions de ces puissances, Kinshasa allait sombrer dans une révolution dans la rue au mois de decembre.

    ¤ « EXPERTISE »

    Le Vatican existe depuis plus de 2000 ans, un autre facteur qu´il faut inclure dans les analyses. Cette organisation spirituelle possede toutes les formes d´expertises que les congolais souhaitent avoir. Dèjà lors du dialogue de Kodjo, les experts juristes de la Cenco avaient mis en doute certains aspect de l´accord.
    Ainsi. avec la Cenco les congolais beneficient de toute l´expertise et économisent ainsi le temps dans des discutions contre productives.
    Souvenons nous que les premières élections d´il ya 10 ans l´oeuvre d´un prêtre catholique. Malu Malu a réalisé la tour de force de mettre en place une admnistration électorale et organiser des élections crédibles en moins de 12 mois.

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