Nationalité congolaise : Qui est Congolais et qui ne l’est pas ?
Par Jean-Bosco Kongolo
Dans son discours d’ouverture de la cession ordinaire du Comité Central, le 21/03/1981, le Président Fondateur du MPR, Président de la République du Zaïre, avait posé cette question : « Qui, au Zaïre, est Zaïrois et qui ne l’est pas? » A Kinshasa, plusieurs fois nous avions entendu des compatriotes, essentiellement jeunes, affirmer qu’ils n’hésiteraient pas de changer de nationalité s’ils avaient l’opportunité de se retrouver au-delà de la Méditerranée ou de l’Atlantique. Un rejet tout de même curieux de sa nationalité alors qu’à cause de ses innombrables ressources naturelles, le Congo-Kinshasa fait l’objet de convoitises et de jalousie de la part des grandes puissances et des pays voisins. Par contre, ici en Occident, nous constatons, avec fierté, que malgré la qualité de vie dont ils jouissent comparativement à leurs frères et sœurs du pays, plusieurs compatriotes venus avant ou après nous sont demeurés si profondément attachés à la mère patrie qu’ils ne jurent que d’y retourner si, politiquement et socialement, les conditions s’y améliorent. Entre temps, certains hommes et femmes cultivés de l’Occident, qui ont tissé des relations avec des Congolais ou qui se servent de l’internet pour apprendre sur le Congo, ne cessent de se demander et/ou de nous (Congolais) demander pourquoi nous quittons massivement un si beau et riche pays pour nous expatrier prenant même le risque de perdre notre citoyenneté.
Sur le plan légal, la Constitution et la loi congolaises sont demeurées inchangées sur le principe selon lequel la nationalité congolaise ne peut pas être détenue concurremment avec une autre. Paradoxalement, c’est au sein de l’élite intellectuelle et surtout politique locale que se recrutent ceux-là qui ont acquis, pour diverses raisons, une nationalité étrangère tout en exerçant des fonctions politico-administratives légalement réservées aux seuls Congolais. Le dernier cas en date est celui du Premier Ministre Samy Badibanga, qui a été nommé alors qu’il aurait acquis la nationalité belge depuis 2002, sans fournir aucune preuve qu’il y a renoncé avant sa nomination. Plutôt que d’assister comme simple spectateur à la désuétude[1] des dispositions constitutionnelles et légales relatives à la nationalité, nous estimons, à travers cette analyse, que le moment est venu d’inviter l’élite intellectuelle et politique (principalement les parlementaires) d’engager sur cette question des discutions sincères afin de tirer, objectivement et en toute responsabilité, les conséquences de cette situation de violation des lois du pays, d’hypocrisie collective et inutile.
1. Ce que disent les textes de loi en vigueur
Comme partout à travers le monde, la nationalité relève de la souveraineté de chaque État qui, à travers ses textes législatifs, mais aussi en conformité avec les règles internationales, lève des options sur la matière en tenant notamment compte de sa sécurité tant intérieure qu’extérieure. Au Congo-Kinshasa, le premier alinéa de l’article 10 de la Constitution fait ressortir le principe de l’unicité et de l’exclusivité de la nationalité congolaise tandis que les deuxième et troisième alinéas distinguent la nationalité d’origine de celle d’acquisition tout en expliquant ce qu’il faut entendre par Congolais d’origine : « La nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec aucune autre.
La nationalité congolaise est soit d’origine, soit d’acquisition individuelle.
Est Congolais d’origine, toute personne appartenant aux groupes ethniques dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (présentement la République Démocratique du Congo) à l’indépendance. » La nouvelle loi sur la nationalité, adoptée le 12 novembre 2004 en remplacement de celle du 29 juin 1982 reprend les mêmes options, respectivement dans ses articles 1er et 4.[2]
2. La philosophie qui sous-tend ce principe
Le principe de l’unicité et de l’exclusivité de la nationalité congolaise n’est pas une nouveauté de la Troisième République. Dans un pays qui compte plus de 450 ethnies, cette option, datant de la Première République (Constitution de Luluabourg) se justifiait historiquement par le souci de forger dans les cœurs de tous les Congolais le sentiment d’appartenir à une même nation et d’éviter ainsi le spectre des velléités sécessionnistes qui avaient endeuillé le pays dès son accession à l’indépendance. C’est dans ce même contexte que le Mouvement Populaire de la Révolution(MPR) avait été défini comme étant la nation zaïroise organisée politiquement. Constantin Yatala signale que « L’unité et l’exclusivité de la nationalité congolaise figurent dans les textes constitutionnels, de la Constitution de Luluabourg du 1er août 1964 à la Constitution de la RDC du 18 février 2006. Sans en faire une règle dans une même formule, la Constitution de Luluabourg prévoyait déjà, en ses articles 6 et 7, les principes d’unité et d’exclusivité de la nationalité congolaise. À teneur de l’article 6 alinéa 1er, « Il existe une seule nationalité congolaise « .
Quant à l’article 7, alinéa 2, il dispose : « Tout congolais qui acquiert volontairement la nationalité d’un autre État perd la nationalité congolaise ».
Les Constitutions ultérieures n’ont fait qu’unifier par une formule synthétique et dans un seul article deux principes qui existaient déjà dans la Constitution de Luluabourg. Ainsi: l’article 11, alinéa 1er, de la Constitution de la République du Zaïre (mise à jour le 27 juin 1988); l’article 8 de l’Acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la période de transition du 04 août 1992 (non promulgué); l’article 9 de la Loi n°93-001 du 02 avril 1993 portant acte constitutionnel harmonisé relatif à la période de transition (JO, 34e année, n° spécial, avril 1993); l’article 12 de la Constitution de la Conférence nationale souveraine de Novembre 1992 (jamais promulguée); l’article 8 de l’Acte constitutionnel de la transition du 09 avril 1994. (Cf. Journal officiel de la République du Zaïre (35e année), n° spécial, avril 1994); l’article 14 de la Constitution de la transition (44ème Année Numéro Spécial 5 avril 2003); l’article 10 de la Constitution de la RDC du 18 février 2006. »[3]
Le constituant et le législateur de la Troisième République, qui n’ont fait que reprendre mot à mot n’en fournissent aucune explication sur le plan politique et sociologique. L’exposé des motifs de la Loi no 04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise se limite à distinguer la nationalité congolaise d’origine de celle d’acquisition : « La nationalité congolaise d’origine est reconnue dès la naissance à l’enfant en considération de deux éléments de rattachement de l’individu à la République Démocratique du Congo, à savoir sa filiation à l’égard de d’un ou de deux parents congolais (jus sanguinis), son appartenance aux groupes ethniques et nationalités dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo(présentement la République Démocratique du Congo) à l’indépendance (jus sanguinis et jus soli) ou sa naissance en République Démocratique du Congo (jus soli).
L’acquisition de la nationalité congolaise se distingue de la reconnaissance de la nationalité congolaise d’origine par le fait que l’intéressé a, jusqu’au moment où il acquiert la nationalité congolaise, la qualité d’étranger.
En effet, c’est dans le souci bien compris de répondre aux impératifs des conventions internationales aussi bien que de conjurer les frustrations dont ont fait l’objet certaines couches de la population nationale. »
Pour comprendre le choix du principe de l’unicité et de l’exclusivité de la nationalité congolaise, de même que pour savoir de quelles couches et de quelles frustrations il s’agit, il est important de remonter loin dans l’histoire.
3. La nationalité congolaise sous la Deuxième République
Sous l’influence de Barthélemy Bisengimana, ancien Directeur de cabinet du Président Mobutu, la nationalité zaïroise fut accordée collectivement aux populations d’origine rwandaise vivant à cette époque au Zaïre. C’était par la Loi n° 72 – 002 du 5 janvier 1972 relative à la nationalité zaïroise, une nouveauté en matière d’octroi de la nationalité. N’ayant pas fait l’unanimité au sein de la classe dirigeante de l’époque, particulièrement les élus du Kivu, le Président Mobutu, dont la parole avait force de loi, fit un revirement à 360 degrés dans son discours d’ouverture de la session du Comité Central du MPR (26 mars 1982), en posant la question de savoir « Qui, au Zaïre, est Zaïrois et qui ne l’est pas? » De la parole aux actes, c’est à l’issue des travaux de cet organe d’orientation, d’inspiration et de décision du parti que le Conseil Législatif, parlement de l’époque, adopta au mois de juin une nouvelle loi[4] sur la nationalité et dont l’article 4 disposait : « Est Zaïrois, aux termes de l’article 11 de la Constitution, à la date du 30juin 1960, toute personne dont un des ascendants est ou a été membre d’une des tribus établies sur le territoire de la République du Zaïre dans les limites du 1er août 1885, telles que modifiés par les conventions subséquentes. » Pour nombre d’historiens et d’anthropologues, ce libellé était plus conforme aux réalités sociologiques du Congo et aussi à l’histoire du partage de l’Afrique par les puissances d’antan.
Non contents de leur exclusion de la nationalité zaïroise, les Rwandais tutsi, premiers concernés, du fait qu’à Kigali le pouvoir était détenu par les Hutu, considérèrent que cette loi les rendait apatrides et, solidaires, entreprirent des activités de nature à porter atteinte à la sécurité du pays. A l’Université de Kinshasa, des documents séditieux furent même trouvés entre les mains de certains amis et condisciples, qui étaient des agents relais de leurs frères basés à Kigali ainsi que dans la diaspora.
C’est alors que sous prétexte de revendications identitaires, l’Est du pays fut attaqué par des individus se réclamant de l’ethnie Banyamulenge, non répertoriée nulle part sur les cartes géographiques du Congo et dans toutes les archives coloniales. Quand bien même pareille revendication serait légitime, est-il pour cela humainement admissible que des millions de vies d’autres Congolais soient fauchées, de centaines de femmes violées et des ressources naturelles du pays systématiquement pillées? C’est cette guerre qui se transformera par la suite en celle de l’AFDL et pour laquelle le HCRPT[5] constitua une commission dite « Commission Vangu », qui sillonna les provinces du Kivu afin d’éclairer l’opinion publique nationale sur les enjeux réels de ladite guerre. « Après plusieurs jours d’enquête, la Commission Vangu était arrivée à la conclusion selon laquelle les nouvelles autorités tutsies installées à Kigali voulaient installer un pouvoir pro-tutsi à Kinshasa. En plus, dans le même rapport, Vangu avait soulevé le problème de la nationalité congolaise. Certains députés du Kivu, dont Kalegamire et Mutiri wa Bashara (élus député national en 2006 pour le compte du MLC) étaient même invalidés. »[6] Il a donc fallu attendre la signature de l’accord de paix signé à Pretoria entre le pouvoir de Kinshasa et les groupes belligérants pour que les communautés rwandophones établies au Congo recouvrent à nouveau, collectivement, la nationalité congolaise. D’où la reformulation, respectivement dans la Constitution du 18 février 2006 et dans la loi relative à la nationalité (2004), des articles 10 et 4 précités faisant principalement de ces populations, des Congolais d’origine, au nom de la paix.
L’ancien assistant à la Faculté de Droit, notre condisciple Tshilombo Munyengayi (paix à son âme), fait état du caractère houleux des débats au Sénat pour l’adoption de cette loi : « Très incisif, le Sénateur Gervais Chiralirwa exigera d’éviter de faire du Congo un dépotoir, qui risque d’être envahi par tous les pays du monde. Trouvant que l’exposé des motifs « est truffé de complaisance », il va s’opposer à l’acquisition de la nationalité congolaise par le mariage. S’il accepte que ce soit la femme congolaise qui acquiert la nationalité congolaise par le fait de son mari, il s’oppose à l’hypothèse inverse : « ce serait une insulte et une façon de brader la nationalité congolaise, en l’ouvrant à n’importe qui ». Rejetant visiblement la réalité Banyamulenge, il constate que « pour qu’il y ait une ethnie, il faut qu’il y ait d’abord une dynastie ». A la même séance, le mot d’introduction du président du Sénat a été un appel à beaucoup de retenue : « La nationalité est une question cruciale, qui se pose avec beaucoup d’acuité et doit être abordée sans passion… la réconciliation nationale devra interpeller tout le monde et guider les débats ». Il va proposer le consensus, pour son adoption, au lieu du vote. »[7]
4. A qui et comment s’appliquent l’unicité et l’exclusivité de la nationalité congolaise?
Durant de longues années après l’indépendance, très peu de Congolais étaient recensés à l’extérieur du pays, à l’exception des diplomates et des étudiants. La plupart de ces diplomates et de ces étudiants rentraient au pays automatiquement après leur mandat et leurs études. Les premières vagues d’exilés ont eu lieu surtout dans les années 1980, lorsque le régime de Mobutu s’était radicalisé consécutivement à la lettre des treize parlementaires (dont E. Tshisekedi et G. Kyungu wa Kumwanza) qui ne lui demandaient rien d’autre que la démocratisation de la gouvernance politique. Ce mouvement d’exode des Congolais vers l’Occident ou l’Afrique du Sud fut amplifié par l’épuration ethnique des Kasaïens au Katanga durant la longue transition (1990-1997) puis accéléré par la guerre dite de libération déclenchée par le conglomérat d’aventuriers dénommé AFDL. Il y a lieu de signaler qu’au sein de la diaspora congolaise, nombreux sont les membres de familles et les enfants des caciques du régime, envoyés par leurs parents pour des études supérieures et universitaires de qualité, dans la perspective de rentrer au pays afin d’y occuper des postes de choix dans les institutions et entreprises publiques et ce, malgré l’acquisition d’une autre nationalité dans leurs pays d’accueil.

A cause de leur exigence pour la démocratie et le respect des droits de l’homme, il est appliqué de façon discriminatoire à la majorité de Congolais binationaux (de la diaspora) toute la rigueur de l’unicité et de l’exclusivité de la nationalité congolaise.
Malgré leur contribution substantielle à l’économie et au social du pays sous forme de microprojets ou d’aide directe à leurs familles, ces Congolais d’origine ne peuvent pas voter et sont traités d’étrangers avec pour conséquences de priver à la nation d’une main-d’œuvre qualifiée et diversifiée dans les domaines quasi inexistants sur place. Il est en effet ridicule et paradoxal de hisser des étrangers au plus haut sommet de la hiérarchie policière, militaire et institutionnelle et des autres services clés de la nation pendant qu’au même moment il est privé aux Congolais d’origine, y compris ceux qui ont conservé leur nationalité congolaise dans leur pays d’accueil, de participer aux élections. Ne reste-t-il donc comme droits aux Congolais de la diaspora que celui de transférer des fonds au pays natal et de permettre que leurs enfants nés à l’étranger renforcent les contingents de joueurs professionnels dans des équipes sportives ? Voilà que le destin vient de nous tendre une perche. « En effet, la nomination de Samy Badibanga comme Premier Ministre de la RDC par ordonnance présidentielle du 17 novembre 2016 pourrait faciliter la récupération du jeune ailier du Standard de Liège, Beni Badibanga, un pur produit du centre de formation du club liégeois. »[8]
5. Déséquilibre sociologique et sécuritaire dû à l’unicité et à l’exclusivité de la nationalité congolaise
Le maintien et l’application discriminatoire du principe de l’unicité et de l’exclusivité de la nationalité congolaise contraste avec l’absence, depuis 1997, d’une carte d’identité nationale qui en fait preuve comme dans tous les pays. Point n’est besoin de rappeler qu’arrivés à Kinshasa le 02 mai 1997, les Rwandais (James Kabarebe et consorts), abusivement appelés « Tutsi Congolais », convainquirent Laurent Désiré Kabila d’interdire la détention et l’usage de la carte d’identité nationale, document considéré à leurs yeux comme vestige du mobutisme, et de punir sévèrement quiconque continuait de le brandir. Plusieurs de nos compatriotes se souviennent de quelques dizaines de coups de matraque reçus des Kadogo pour avoir enfreint cette mesure qui cachait en réalité un plan diabolique. Depuis ce temps jusqu’à ce jour aucun Congolais, même le chef de l’État, n’est identifié citoyen du pays par cette preuve universelle qu’est la carte d’identité. La classe politique, toutes tendances confondues, ne semble pas se préoccuper de cette situation qui fait du Congo non seulement un pays unique au monde mais, plus grave, l’expose à des déséquilibres sociologique et sécuritaire aux conséquences incalculables.
A. A cause d’un moratoire mal compris et devenu à durée indéterminée, presque toutes les institutions du pays sont actuellement dirigées par des individus possédant une nationalité étrangère, en violation du principe de l’unicité et de l’exclusivité de la nationalité congolaise. Pour Christophe Lutundula, « cette période de tolérance a expiré depuis 12 ans. Ce n’était qu’un simple appel à lever l’option définitive pour la nationalité congolaise adressé à ceux qui voulaient briguer des mandats politiques en RDC alors qu’ils n’avaient plus la nationalité congolaise. »[9]En effet, le seul moratoire légal est celui accordé par le législateur aux Congolais d’origine qui possédaient en même temps une nationalité étrangère au moment de la promulgation de la loi actuellement en vigueur. L’article 51 de cette loi dispose :
« Sans préjudice des dispositions des articles 1er et 26 ci-dessus, tout Congolais qui, à l’entrée en vigueur de la présente Loi, possède à la fois la nationalité congolaise et celle d’un État étranger doit se déclarer et opter pour l’une de ces deux nationalités. Au cas où il opte pour la nationalité congolaise, il doit dans le délai de 3 mois se conformer aux dispositions de l’article 34 de la présente loi. »
B. L’absence inexplicablement prolongée de carte d’identité nationale et la nouvelle définition de la nationalité congolaise d’origine, est en faveur des seules populations d’expression kinyarwandaise au détriment des 450 ethnies autochtones du Congo. A leur guise, elles peuvent entrer au Congo, y vivre paisiblement ou y mener des activités criminelles et en sortir pour se retrouver ensuite chez elles au Rwanda où la bi-nationalité est légale[10]. Les rebellions du CNDP et du M23 devrait nous ouvrir les yeux sur l’identité véritable de Bosco Ntganda et de Laurent Nkunda dont la justice congolaise avait en vain réclamé l’extradition. L’histoire retiendra également le triste épisode d’un certain James Kabarebe, Tutsi Rwandais pur sang, que naïvement Laurent-Désiré Kabila avait nommé Chef d’état major des forces armées congolaises. Il est aujourd’hui Ministre rwandais de la défense. Combien d’autres vrais/faux Congolais ont été jusqu’à présent infiltrés dans l’armée, la police et les services de renseignement grâce à ce montage juridique et machiavélique?[11]

C. Sous prétexte qu’ils sont minoritaires, les Tutsi « Congolais » considèrent qu’ils ont un retard à rattraper et de ce fait, on les retrouve proportionnellement plus représentés dans les institutions et surtout dans l’armée que les membres des autres ethnies congolaises, prises séparément.
D. L’application sélective et discriminatoire du principe de l’unicité et d’exclusivité de la nationalité congolaise a aussi pour conséquence qu’en lieu et place des Congolais, des étrangers siègent au Parlement tandis que d’autres sont nommés au gouvernement sans avoir préalablement renoncé à leur nationalité étrangère. Le cas de Samy Badibanga, possédant la nationalité belge, est une preuve de l’amateurisme et de l’inefficacité des services de renseignements qui n’ont pu mener aucune enquête de sécurité pour découvrir que, sur le plan légal, ce sujet belge ne pouvait pas être nommé Premier ministre.
E. Ce cas dévoile également l’hypocrisie de la classe politique, qui a choisi de se taire pour ne pas rater une place à la mangeoire. C’est enfin une preuve que Joseph Kabila, qui sait à présent que son Premier Ministre est Belge, se moque éperdument du respect de la Constitution et des lois de la République.
Comme conséquences, il ne reste qu’à constater que toutes les dispositions constitutionnelles et légales relatives à la nationalité congolaise sont tombées en désuétude. Mais comme en droit, la désuétude ne peut être constatée que par une loi, il est urgent que dès la prochaine session parlementaire, le principe de l’unicité et de l’exclusivité de la nationalité congolaise soit DÉFINITIVEMENT abrogé afin de permettre aux Congolais d’origine, devenus binationaux, de contribuer plus efficacement, grâce à leur nombre, à leur expertise et à leur expérience à l’édification d’un pays prospère au cœur de l’Afrique. Si on le fait déjà avec les joueurs professionnels du football, pourquoi ne pas étendre cette expérience à tous les compatriotes?
Conclusion
Partout au monde, plusieurs pays, dont la Chine, l’Inde, l’Israël et le Liban ont des législations souples qui favorisent le retour de leurs fils et filles expatriés ainsi que leur réinsertion dans tous les secteurs de développement où leur expertise est requise. L’analyse ci-dessus montre clairement que le principe d’unicité et d’exclusivité de la nationalité congolaise est depuis longtemps tombé en désuétude mais qu’en plus c’est aux Congolais d’origine et à la nation entière qu’il cause d’innombrables préjudices. Il est pour ainsi dire un frein au développement et à la cohésion nationale. Étant donné que les Congolais, où qu’ils se trouvent, sont fondamentalement attachés à leur mère patrie et qu’ils en gardent ses valeurs culturelles, retransmises à leurs enfants, nous estimons que le pays a plus à perdre qu’à gagner en maintenant ce principe. Par conséquent, nous plaidons pour l’acceptation de la bi-nationalité en faveur des Congolais d’origine et appelons les députés à inscrire ce point au calendrier de leur prochaine session parlementaire. C’est le meilleur cadeau de leur législature à offrir à la nation et à la postérité.
Jean-Bosco Kongolo M.
Juriste &Criminologue
Coordonnateur adjoint de DESC
Références
[1] Expression qui entre dans le registre soutenu et qui s’emploie pour désigner quelque chose qui est devenu obsolète, désuet, démodé, plus d’actualité. Le mot désuétude dans le langage littéraire désigne quelque chose qui est abandonné par défaut d’usage. In http://www.linternaute.com/expression/langue-francaise/14598/tomber-en-desuetude/- Il faut un autre texte de loi pour abroger une loi. Une loi désuète, qui ne trouve pas d’application depuis des lustres n’est pas abrogée ipso facto.
Mais la désuétude est une bonne raison pour abroger une loi. In https://fr.answers.yahoo.com/question/index?qid=20111023144342AAu4dNv.
[2] Article 1er :
La nationalité congolaise est une et exclusive.
Elle ne peut être détenue concurremment avec une autre nationalité.
Elle est soit d’origine, soit acquise par l’effet de la naturalisation, de l’option, de l’adoption, du mariage ou de la naissance et de la résidence en République Démocratique du Congo.
Article 4 :
Tous les groupes ethniques et nationalités dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (présentement la République Démocratique du Congo) à l’indépendance, doivent bénéficier de l’égalité des droits et de la protection aux termes de la Loi en tant que citoyens.
A ce titre, ils sont soumis aux mêmes obligations.
[3] Prof. Constantin YATALA NSOMWE NTAMBWE, In http://www.droitcongolais.info/files/YATALA-NATIONALT–RDC.pdf;
[4] Loi n° 81 – 002 du 29 juin 1981 sur la nationalité zaïroise
[5] Haut Conseil de la République-Parlement de transition, issu de la Conférence Nationale Souveraine.
[6] Afrikblog, 19/07/2007, In http://cdfafrique.afrikblog.com/archives/2007/07/19/5657779.html;
[7] Le Potentiel, 12/02/2007, In http://www.congoforum.be/fr/nieuwsdetail.asp?subitem=1&newsid=24271&Actualiteit=selected.
[8] Sangoyacongo.com, 18/11/2016, In http://www.sangoyacongo.com/2016/11/le-premier-ministre-de-la-rdc-samy.html.
[9] Jeune Afrique, 22 novembre 2016, In http://www.jeuneafrique.com/376229/politique/rdc-premier-ministre-samy-badibanga-belge-etou-congolais/.
[10] Lire à ce sujet l’ouvrage de Boniface Musavuli, LES GÉNOCIDES DES CONGOLAIS, De Léopold II à Paul Kagame’’, Édition Monde Nouveau/ Afrique Nouvelle, 2014.
[11] Lire Jean-Jacques Wondo, Les armées au Congo-Kinshasa, Radioscopie de la force publique aux FARDC, Édition Monde Nouveau/Afrique Nouvelle, 2013.