Interview de Nadia Nsayi
NDLR: traduction de l’article original en néerlandais à lire ici
Malgré le manque flagrant de preuves, le Belge Jean-Jacques Wondo a été condamné à mort par
un tribunal militaire en République Démocratique du Congo. Ce verdict suscite de nombreuses
réactions au sein de la diaspora, remarque la politologue Nadia Nsayi. « Il y a la perception que
la Belgique n’en fait pas assez. »
« Wondo est criminologue et fonctionnaire au SPF Justice, mais il est également connu pour ses
analyses critiques de la situation politique et militaire en RDC. De plus, il n’appartient pas aux
Luba (une ethnie, MIM), comme le clan de Tshisekedi. Il était conscient du contexte délicat,
mais il voulait apporter quelque chose à la RDC. Apparemment, tout le monde n’était pas
content de cela.
« Wondo a été jugé par un tribunal militaire, alors qu’il travaillait pour un service civil. C’est déjà
problématique. La principale preuve est une photo de 2016, prise à Bruxelles, sur laquelle il
apparaît avec le chef de la tentative de coup d’État ratée. Cela ressemble fortement à un procès
simulé. »
Qu’est-ce que cela dit sur l’État de droit au Congo ?
« La RDC n’est pas un État de droit. Dans l’indice de l’État de droit, elle est tout en bas, aux côtés
de pays comme l’Afghanistan et le Venezuela. La semaine dernière, le nouveau ministre de la
Justice a encore été empoisonné. La diplomatie belge sait tout cela, et pourtant les Affaires
étrangères sont ‘surprises’ par le verdict. Je suis triste, déçue et consternée, mais surprise ?
Non. »
Vous connaissez bien Jean-Jacques Wondo. Ces mots résonnent-ils en vous ?
« Cela fait mal au sein de la diaspora congolaise. Je reçois beaucoup de messages privés de
personnes qui ont peur de s’exprimer, de personnes qui veulent contribuer à leur pays mais qui
abandonnent leurs ambitions à cause de ce genre d’histoires. Il y a la perception que la Belgique
n’en fait pas assez pour quelqu’un ayant un passeport belge.
« En coulisse, il y a eu du travail ces derniers mois, mais même après ce verdict, il reste une
certaine réticence publique. Attend-on l’appel dans un procès qui ne sera pas équitable ?
Tshisekedi est le seul à pouvoir obtenir une libération, mais la Belgique craint sans doute qu’une
ingérence provoque une crise diplomatique. »
La Belgique a-t-elle encore suffisamment d’influence en RDC ?
« La Belgique a été en 2019 le premier pays européen que Tshisekedi a visité après son entrée en
fonction. Ce lien émotionnel est toujours fort. Il existe des contacts politiques suffisants, mais
aussi des intérêts qui sont pris en compte. Par exemple, Anvers montre de l’intérêt pour la
gestion du port de Matadi, ce qui pourrait expliquer une certaine prudence. Mais quel poids
peuvent avoir ces intérêts lorsque la vie d’un citoyen belge est en jeu ? »
Vous avez déjà posé cette question dans ce journal : « Y aurait-il plus d’attention si Jean-
Jacques était un homme blanc ? »
« Le racisme existe non seulement sur le marché du travail ou de la location, mais aussi dans la
politique internationale. Je vois qu’il y a eu une énorme mobilisation lorsque Olivier
Vandecasteele était emprisonné en Iran. Où sont maintenant les déclarations publiques de
politiciens de premier plan ? Les actions d’Amnesty ou de 11.11.11 ? Même la presse n’a
commencé à s’intéresser à cette affaire qu’après une condamnation sévère.
« Une intervention rapide est pourtant cruciale. Au début de l’année, la RDC a décidé de rétablir
l’application de la peine de mort, et même si elle n’est pas appliquée, cela reste une
condamnation à mort. Wondo souffre de diabète et d’hypertension, des maladies qui
nécessitent des soins constants. Les conditions dans les prisons congolaises sont très
mauvaises ; il a déjà perdu quinze kilos. La Belgique ne doit pas laisser cette affaire traîner. »
Wondo a été accusé d’être l’« architecte » d’une tentative de coup d’État en mai, alors qu’il
était là en tant que consultant militaire à la demande du gouvernement. Comment cela est-
il possible ?
« Le nouveau chef des services de sécurité civile en RDC a demandé à Wondo en début d’année
d’aider aux réformes. Tous deux sont Belges d’origine congolaise et se connaissent depuis des
années. Il est sensible qu’un Belge ait été sollicité pour une fonction aussi importante, mais
cette nomination a été approuvée en partie par le président Félix Tshisekedi. »