Mon Général, Makila ya soda po na ekolo, po na investisseur te!
Tribune de Claudel-André Lubaya
Cet article a été initialement publié le 6 juillet 2019 sur ACTUALITE.CD : https://actualite.cd/2019/07/06/mon-general-makila-ya-soda-po-na-ekolo-po-na-investisseur-te-tribune-de-claudel-andre#main-content.
Le commandant de la deuxième zone de défense, le général Philémon Yav, a affirmé ce jeudi 4 juillet 2019 que l’armée est déterminée à « arrêter l’hémorragie des morts » dans toutes les mines de la province de Lualaba en particulier, et de toute la région du Katanga en générale.
Il s’est exprimé après le déploiement des militaires depuis la semaine dernière dans la mine de l’entreprise Kamato Copper Company (KCC) où 43 creuseurs artisanaux ont perdu la vie à la suite de l’éboulement jeudi 27 juin 2019.

ACTUALITE.CD donne la parole aux scientifiques, acteurs de la société civile et autres experts pour commenter et surtout expliquer l’actualité. Vous êtes professeur, vous avez déjà publié un ouvrage sur votre domaine d’expertise, vous pouvez soumettre gratuitement votre tribune pour publication sur ACTUALITE.CD. Envoyez vos textes à info@actualite.cd
Aujourd’hui, nous vous proposons ce texte du député Claudel André Lubaya.
Mon Général,
Makila ya soda po na ekolo, po na investisseur te!
Dans une conférence de presse tenue le jeudi 4 juillet 2019 à Kolwezi, le Général Philémon Yav, Commandant de la 2ème Zone de défense a affirmé que «les FARDC ont pour mission de protéger les investisseurs qui viennent dans la province (…) la force reste à la loi pour assurer la sécurité de nos partenaires».
Un officier de ce rang ne peut pas se permettre de tenir ce genre de propos au risque de désorienter la troupe et la population sur les missions régaliennes dévolues aux forces armées par la Loi organique N° 11/012 du 11 août 2011 portant organisation et fonctionnement des FARDC à savoir : la protection et la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation en tout temps, en toute circonstance et contre toutes les formes d’agression ou menace. En l’espèce, les intérêts fondamentaux de la RDC dans la loi et que ses forces armées sont appelées à défendre sont notamment : l’indépendance nationale, l’intégrité de son territoire et sa sécurité, la forme républicaine de ses institutions, les moyens de sa défense et de sa diplomatie, la protection de sa population, même à l’étranger, l’équilibre de son milieu naturel et de son environnement, la prévention de toute forme d’ingérence étrangère, etc.

En suivant le commandant de la 2ème zone de défense, il s’attribue le pouvoir de détourner l’armée de ses missions en faisant d’elle une agence privée de gardiennage des installations des compagnies minières; ce qui réduit le militaire au simple rôle de vigile au service des intérêts économiques étrangers. Il n’ignore pas que de par la loi, l’armée est républicaine et à ce titre, elle ne peut être, sous peine de poursuites et sanctions, au service des nantis, fussent-ils investisseurs. Elle doit œuvrer en tout temps au service du peuple et remplir ses missions régaliennes lui dévolues par la loi précitée. D’où le slogan «Makila ya soda eza po na ekolo», et moi de compléter «po na investisseurs te». La force est à la loi non pas pour faire le gardiennage des gisements miniers mais plutôt pour défendre au prix de leurs vies, les intérêts fondamentaux de la nation. Et c’est la loi qui le dit.
Si à la suite de la confiscation de la rente minière par une poignée d’individus, des compatriotes exaspérés par la misère s’affairent au péril de leurs vies dans les gisements attribués aux firmes étrangères, ce n’est pas leur faute et ils ne sont pas des criminels pour que toute une armée d’un pays soit mobilisée pour les traquer. Ce sont des citoyens dignes, qui se débrouillent faute d’emploi. Ils ont des droits, peu importe leur condition de misérables. Et parmi ces droits, figure en premier lieu, l’accès équitable aux retombées de l’exploitation de leurs sol et sous-sol par l’industrie minière. Le recours à la violence armée n’est pas la réponse étatique appropriée à l’évasion des gisements miniers par des creuseurs artisanaux, mais bien la mise en œuvre des politiques publiques qui tiennent compte d’une production minière génératrice de revenus et d’emplois pour l’économie nationale, et le désir légitime de maintenir un environnement sain dans notre pays.
Il revient aux instances dirigeantes des forces armées de rappeler à l’ordre le commandant de la 2èmezone de défense et de rappeler à nos forces armées leur caractère républicain, leurs missions régaliennes et les sanctions qu’ils encourent en s’en détournant pour des intérêts égoïstes.
Lire aussi: RDC: les USA et cinq autres pays rappellent la nécessité d’une législation équilibrée sur l’artisanat minier
Sur le même sujet: Déguerpissement des creuseurs à la KCC : « Les FARDC ont la mission de protéger les investisseurs » (Général Philémon Yav)
3 Comments on “Mon Général, Makila ya soda po na ekolo, po na investisseur te! – Tribune de Claudel-André Lubaya”
GHOST
says:CETTE NOTION DE L´ETAT ?
Dans certains pays comme la Russie ou les USA, certaines zones minières stratégiques sont sous la protection de l´armée. Pire, en Russie des provinces qui possedent des minerais stratégiques ont des restrictions. Les citoyens russes doivent avoir une autorisation spéciale pour sejourner ou résider dans ces provinces.
Abordons cette notion de l´Etat afin de comprendre que l´armée qui est le bras armé de l´Etat peut « imposer » les decisions de l´État en sécurisant les mines au Congo.
Pendant la présidence de Mobutu, on ne trouvait pas des « creuseurs » dans l espace minier de la Gecamine..
Á suivre
Ndimwiza murhonyi Emmanuel
says:Le Général oublie même sa mission principale. Comment peut il mobiliser l’armée pour aller securiser les mines d’or pendant que la popumation meurt d’insecurité dans les quartiers, pendant que les groupes armes pilulent partout dans sa zone de défense?
Cette conception de l’armée par le général Yav me rappelle ce principe qui d’it « aucun ami ne depasse un million de dollars ». La loi défini la mission de l’armée et le Général detourne, quel pays?
Il revient à l’Etat de faire le partage équitable de la richesse de la nation, de faire la justice sociale et distributive (securité, santé, environnement, éducation, routes). La securité n’appartient pas seulement aux investisseurs étrangers.
GHOST
says:LA PROPOSITION DE LAMUKA
Muzito a été l´un des leaders de Lamuka qui avait tenté d´apporter une innovation dans ce débat sur les droits des peuples congolais. La fameuse loi « Bakajika » qui ne fait que reprendre la spoliation légale des droits des peuples du Congo sur son sol est l´une des formes juridiques qui justifie l´usage de la force militaire pour défendre une entreprise privée.
Les juristes vont débattre sur cette loi dans le futur. Muzito a été á la pointe de la réflexion quand il propose une revision de la loi Bakajika en apportant une sorte de « partage » des droits entre l´État, les entreprises privées et la population locale.
Ce débat devrait avoir lieu avant tout au Parlement afin qu il puisse avoir assez de transparence sur cette question.