Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DROIT & JUSTICE | 14-11-2013 07:15
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Maître Yabili : La Cour constitutionnelle n’est pas une nouveauté en RDC, qui est encore un « État sauvage »

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Maître Marcel Yabili : La Cour constitutionnelle n’est pas une nouveauté en RDC, qui est encore un « État sauvage »

http://www.katanganews.net/la-relance-de-la-cour-constitutionnelle-revele-que-le-congo-est-debiteur-du-droit.html

CONGOLOBBYING-Me-YABILI---JJ-WONDO-P1060950De g à dr : Me Marcel Yabili, Ngoyi Mitch Mitchinini et JJ Wondo

La promulgation tardive, deux ans après son adoption, de la loi organisant la Cour Constitutionnelle a étrangement fait croire à une nouveauté, alors que la juridiction constitutionnelle existe depuis 1960. Les commentaires vont dans tous les sens, alors qu’un livre sur ce sujet a été publié il y a près d’ une année. Par définition brève, la Cour Constitutionnelle est le tribunal qui juge les lois ; sa mission est de veiller à ce qu’on appelle l Etat De droit, sans trop savoir de quoi il s’ agit. Explications publiées dans Mémoires du Congo.

Il fut une époque où les territoires étaient conquis et gardés par la force des armes uniquement. Cela ne se fait plus ; pas aussi ouvertement ni impunément. On doit désormais y mettre de la manière et rester « politiquement correct ».  Le Congo illustre ce cheminement du   « droit de la force » à la « force du droit ». Car pour acquérir l’ immense territoire de la colonie, Léopold II n’avait ni l’ argent ni les troupes armées qui auraient été nécessaires; il avait misé sur le « droit » en rassemblant des centaines de contrats « juridiques » avec les autorités traditionnelles qui lui faisaient allégeance, puis sur l’ Acte de Berlin et les traités bilatéraux qui ont fixé les frontières d’ un pays de 2,4 millions de kilomètres carrésC’est à la même époque que furent jetées  les bases de ce qu’on appelle «  l’État  de droit », un système où le droit prime et où le pouvoir public doit aussi se soumettre aux lois. L’aventure coloniale prit fin en 1960, non pas à la suite d’une guerre de libération, mais pour honorer un principe de droit, celui des peuples de disposer d’ eux-mêmes.  Par la suite, jamais le Congo indépendant n’ a eu les moyens de défendre sa souveraineté ou son territoire : tous les avions qui le survolent respectent son espace aérien alors qu’ il n’ y a jamais eu de chasseurs ou de missiles pour les intercepter ou les détruire. C’est le droit international qui fournit au pays les bataillons de soldats et les équipements militaires qui lui manquent.

Cour constitutionnelleIl est donc étonnant qu’un pays qui est redevable au droit ne le respecte pas. Les abus, dictatures, guerres, anarchie, insécurité, impunité,…  indiquent davantage un « État sauvage ». Même ceux qui profitent de la loi de la jungle finissent par s’en lasser. Tous souhaitent l’instauration d’un « État de droit ». Jusqu’ici, la volonté politique manque et les critiques restent emprisonnées par l’évocation de principes abstraits.  En réalité, dans un aussi vaste territoire aux populations aussi diversifiées et sans liens de prédominance ou d’assujettissement, les dirigeants du pays sont contraints à organiser leur « légitimation » en recourant à des constitutions sur mesure, à des élections sur mesure, à des lois sur mesure. Tout leur pouvoir est basé directement et uniquement sur des lois : c’est un acte juridique qui nomme un policier, un magistrat, un ministre ; ce sont des lois qui indiquent la nature et l’ étendue de l’ exercice de leurs pouvoirs. Sans ces cadres juridiques, le policier, le magistrat ou le ministre est un individu quelconque même dans un système d’autocrates et d’apprentis dictateurs.  Désormais, on peut dire au pouvoir : « vous êtes des créatures de la loi », «  la loi est votre père et votre mère », «  respectez donc le père », «  ne violez pas la mère » !

Comprendront-ils ce langage ? Une institution existe pour les y contraindre : la Cour Constitutionnelle qui vérifie la conformité des lois et des grandes décisions. La Belgique en  a été dotée en 1980 (comme Cour d’ Arbitrage), mais elle l’avait créée au Congo vingt années auparavant, en 1960 ! Dans sa nouvelle formule, tout congolais peut s’adresser à la Cour Constitutionnelle, et ce recours est gratuit. C’est ce que j’explique dans mon nouveau livre que je dédie à Alphonse Mpaka Nsusu. En 1978, ce monsieur avait contesté que Mobutu impose un parti unique et qu’il soit le candidat unique à la présidence. Il avait saisi la juridiction constitutionnelle pour violation de droits fondamentaux. Il serait vraiment étonnant qu’il n’ y ait pas de gens aussi courageux en 2013 pour miser, comme c’ est le cas depuis Léopold II, sur l’ état de droit.

Marcel Yabili

NB. MANUEL DE DROIT JUDICIAIRE CONSTITUTIONNEL : État de Droit : les contrôles de constitutionnalité par la Cour Constitutionnelle, les Cours et les Tribunaux par Marcel YABILI
336 pages – Presses Universitaires de Lubumbashi ; 30 Euros

En vente à Bruxelles chez Libris-Agora (Espace Louise) et Kin Express Local 43 galerie d’Ixelles-Matonge. A Kinshasa : Kiosques Memling, Grand Hotel, Librairies African Queen, Grands Lacs, l’ Harmattan. Lubumbashi : Jacarandas, Bicocé, Hyperpsaro, Maison du Barreau)

http://www.lacroisette.org/xsette/wp-content/uploads/2013/07/Yabili1.png«Les juridictions judiciaires» est le titre de l ouvrage de 200 pages de Me Marcel Yabili rejoint par quelques juristes de Kinshasa et de Lubumbashi. Le livre fait une sorte de  photographie de la nouvelle loi organique du 11 avril portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire, en comparaison avec les anciennes lois. «Tout le défi est là : c’est de montrer qu’il ne suffit pas d’avoir des textes. Il faut les connaitre, les animer de manière convenable et donner au pays une chance d’avoir la justice que tout le monde réclame », a déclaré Marcel Yabili à Radio Okapi.

En effet, huit législations ont organisé le pouvoir judiciaire : en 1886, 1906, 1923, 1958, 1968, 1978, 1982 et 2013. Mais la dernière réforme a déjà trébuché ; elle était entrée en vigueur à la date de sa promulgation en avril, alors que le texte n’a été publié qu’au mois de mai et qu’il reste largement inconnu. Des interprétations hasardeuses fusent de partout.

Il était urgent de comparer les textes de 2013 à ceux de 1982, article par article, mot à mot et en retracer les racines qui remontent parfois à 1886. On apprend, par exemple, qu’en 1978 un seul juge pouvait condamner à mort, mais en 2013, la RDC est devenu, sans doute le premier pays au monde où il faut 3 juges pour le vol d’une aiguille! Les tribunaux de proximité manquent à l’ appel, et la Cour de Cassation ( Nb Cour suprême de Justice) manque de nombreuses compétences civiles.

Marcel Yabili confie : « J’ai la chance d’avoir vu et rencontré la justice. Dans ma jeunesse, le parquet avait pris gracieusement la défense des intérêts de ma famille, parce qu’il défendait les faibles. Mais après 40 ans que j’avais prêté le serment d’avocat, avant de cesser de fréquenter les tribunaux depuis 25 ans, les choses ne cessent d’empirer. Mais je n’ai jamais cessé d’apporter mon concours dans mes écrits et conférences, parce que je crois que le pays le mérite. Pour preuve, ce nouveau livre a été conçu et réalisé en trois semaines, afin de répondre à un besoin urgent de rectifier des erreurs et d’apporter des solutions et des réflexions pour relancer  la justice ».

La justice coloniale avait misé sur des diplômés de droit aux nationalités diverses et leur a fait une totale confiance en retour, ceux-ci n’avaient pas démérité et avaient su imposer leurs jugements ; la même respectabilité a entouré les juges coutumiers qui n’avaient pas de diplôme. Objectivement, la justice nationale devrait bien mieux se porter avec le concours de dizaines de milliers de diplômés d’université et qui sont plus proches des intérêts et des mentalités des Congolais, et du destin de la Nation. « Mais la méfiance est générale, et tout le défi de la loi organique de 2013 est de relever le déficit de la justice actuelle ».

Le livre rappelle aussi que tous les dossiers ne mènent pas nécessairement devant les cours et les tribunaux. La sagesse populaire enseigne que « mieux vaut un mauvais arrangement plutôt qu’un bon procès ».  C’est la raison des « justices alternatives ». Certaines, comme la « justice populaire » et le « lynchage » sont  prohibées. Mais il existe de nombreuses justices privées, comme l’arbitrage, qui rendent des décisions équivalentes à celles des tribunaux publics. Bref, au moment où la Justice des cours et des tribunaux est décriée, des voies alternatives existent pour que justice soit rendue dans le Pays et en faveur de tous.

Me Yabili ajoute : « Bien de bonnes choses sont possibles. Nous avons pris l’initiative, nous n’avons pas été financés. Et le prix de vente du livre  devrait être de 10 USD seulement. On verra s’ il existe une élite pour consommer du savoir et être performant pour elle-même et pour le Pays. C’ est l’ heure de la vérité ! »

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