Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 12-10-2017 11:30
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Massacres de Beni : Les interventions de Boniface Musavuli sur Radio Okapi

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Massacres de Beni : Les interventions de Boniface Musavuli sur Radio Okapi

Par Boniface Musavuli

L’affaire des massacres de Beni a donné lieu à deux débats sur Radio Okapi auxquels DESC a été convié aux côtés d’autres invités. Il s’est agi de commenter et analyser le dernier rapport du GEC (Groupe d’Étude sur le Congo), au cours de l’émission du 20 septembre 2017 et d’analyser le massacre de PK40 sur la route Mbau – Kamango du samedi 7 octobre 2017, au cours de l’émission du lundi 9 octobre 2017. Pour l’émission du 20 septembre, les deux autres invités étaient le chercheur américain Jason Stearns, qui dirige le GEC et le député Juvénal Munubo. Et, pour l’émission du 9 octobre, le député Arsène Mwaka et l’administrateur du territoire de Beni, M. Amisi Kalonda.

Le rapport du GEC et les interrogations[1]

Pour Jason Stearns et son équipe du GEC[2], les « ADF » ont servi de couverture à plusieurs réseaux de tueurs à Beni. Ils en ont identifié cinq :

– Des militaires FARDC (armée congolaise),

– D’anciens membres de la rébellion du RCD-KML,

– Des combattants s’exprimant en kinyarwanda,

– Des milices des ethnies minoritaires locales (Pakombe, Mbuba),

– Les ADF, dans un effort pour survivre après avoir été vaincus militairement.

Jason Stearns dit que ces différents réseaux de tueurs ont parfois opéré ensemble, ce qui est assez incompréhensible, notamment pour les Nande et les Banyarwanda. Les auteurs du rapport disent finalement ne pas comprendre la motivation des tueurs. Ils font même remarquer que de nombreux tueurs leur ont avoué qu’ils ne savaient pas pourquoi ils tuaient la population. Ils étaient recrutés et acheminés à l’entrée de villages sans savoir ce qu’ils allaient faire.

C’est face à ce flou que je suis intervenu pour relever que moi aussi, après avoir lu le rapport du GEC, j’ai constaté qu’il ne répondait pas à la question : « pourquoi ? » Pourquoi est-ce que ces gens se sont mis à tuer la population ? Qui les coordonne ? À qui profite le crime ? Pour répondre à ces questions, j’ai dit qu’il ne fallait pas se limiter aux acteurs locaux qui, en réalité, n’étaient que des exécutants. Il faut sortir du strict cadre de Beni, regarder du côté du pouvoir de Kinshasa et du côté des pays voisins, l’Ouganda, et surtout le Rwanda.

Pour le régime de Kinshasa, l’enjeu à Beni a toujours consisté à faire croire à l’opinion internationale que l’est du Congo est devenu un bastion du terrorisme international en lien avec Al-Qaida, les Shebbab somaliens, voire Boko Haram et les talibans, ce qui est faux. Toutes les recherches sérieuses, dont celles des experts de l’ONU, ont abouti à la conclusion que les ADF n’ont jamais eu aucun lien avec les mouvements islamistes étrangers. Mais puisque le régime de Kabila tenait à tout prix à montrer qu’il y a bel et bien un péril islamiste à Beni, des militaires FARDC vont se mettre à tuer la population ou à recruter des tueurs sur place, les acheminer à l’entrée de villages et les parrainer tout au long des tueries. Le général Mundos, cité dans plusieurs rapports, y compris le dernier rapport du GEC, est la pièce maîtresse de cette campagne de massacres derrière laquelle, le pouvoir de Kinshasa essaye de faire croire que le terrorisme islamiste international tue les gens dans l’est du Congo.

En plus de la piste Kinshasa, il fallait explorer la piste Rwanda-Ouganda. Une vague de migrations des populations rwandaises s’est opérée vers Beni au tournant de 2013-2014. A la même période, on a remarqué un changement dans la « sociologie » des ADF. Jusqu’en 2013, les ADF, bien connus à Beni, étaient identifiables assez facilement par leur langue : le lunganda (la langue ougandaise). Mais à partir de 2014, les individus qu’on a présentés comme des « ADF » s’exprimaient principalement en kinyarwanda, alors qu’il n’y a aucun village « rwandophone » en territoire de Beni. Le mode opératoire des assaillants a aussi changé, passant des meurtres isolés ou les kidnappings à des carnages à la machette rappelant le génocide rwandais. Quelque chose de nouveau a donc été introduit à Beni en 2013-2014. D’où venaient ces tueurs « rwandophones » ?

Ils étaient acheminés à Beni dans les rangs des migrants rwandais, dans les rangs des unités FARDC issues de la milice tutsi du CNDP (les ex-CNDP) et par la frontière poreuse de l’Ouganda voisin où on a signalé la disparition de plusieurs centaines de membres du M23. C’est donc en prenant compte de tous ces aspects qu’on comprend mieux l’affaire des massacres de Beni. Mais si on confine cette affaire au cadre strictement local, on n’y comprend rien. Par conséquent, sur Radio Okapi, j’ai invité les auditeurs à se procurer mon ouvrage qui apporte la réponse à la question « pourquoi ils tuent ? »[3].




Le lien ci-dessous permet d’écouter l’émission du 20 septembre 2017


[su_audio url= »http://afridesk.org/wp-content/uploads/2016/09/Face-a-linfo.mp3″]https://www.radiookapi.net/sites/default/files/2017-09/200917-a-f-dec-00_site.mp3[/su_audio]

Le lien ci-dessus permet d’écouter l’émission du 20 septembre 2017

Le massacre du 7 octobre 2017 et la saisine de la Cour pénale internationale[4]

L’émission du 9 octobre 2017 a connu deux invités habituels à qui je n’ai pas manqué de rappeler leur devoir de résultat en tant qu’autorités publiques. J’ai demandé au député Arsène Mwaka, coauteur d’un remarquable rapport en novembre 2014 sur les massacres de Beni, si lui et ses collègues avaient adressé une copie dudit rapport au bureau du procureur de la Cour pénale internationale. Réponse « non ». Je lui ai fait remarquer que les personnes investies d’un mandat public devraient se mobiliser sur la question de la lutte contre l’impunité sur le plan international. Dans son état actuel, la justice congolaise ne peut absolument pas inquiéter les tueurs. Il faut qu’un groupe de députés aille à la rencontre de Mme Fatou Bensouda avec l’ensemble de la documentation disponible pour réclamer des enquêtes et des mandats d’arrêt.

Au passage, j’ai fait remarquer au député que plusieurs associations se sont déjà adressées à la CPI pour lui demander d’agir sur l’affaire de Beni. DESC, pour sa part, avait lancé une pétition en septembre 2015 pour réclamer les enquêtes de la Cour pénale internationale. La pétition, qui a recueilli plus de 23 mille signatures, a déjà été déposée au bureau du procureur de la CPI assorti d’un dossier. Mais les initiatives citoyennes n’ont pas beaucoup de poids devant cette cour où seuls les États parties, le Conseil de sécurité de l’ONU et le procureur dispose de la capacité de déclencher une procédure. Les députés, prenant acte de l’incapacité de leur gouvernement et de leur système judiciaire, auraient un poids plus important à La Haye qu’un groupe de citoyens, ai-je fait remarquer au député Arsène Mwaka.

 



[su_audio url= »http://afridesk.org/wp-content/uploads/2016/09/Face-a-linfo.mp3″] https://www.radiookapi.net/sites/default/files/2017-10/09102017_dec_site.mp3[/su_audio]

Le lien ci-dessuspermet d’ écouter l’émission du 9 octobre :

 

Exclusivité DESC

Boniface Musavuli/ Coordonnateur DESC

Auteur de :

– « Les Génocides des Congolais (2016) »,

– « Les Massacres de Beni (2017) ».

Références

[1] Ouvrage disponible sur https://www.amazon.fr/dp/152170399X.

[2] https://www.radiookapi.net/2017/09/20/emissions/dialogue-entre-congolais/rapport-du-groupe-detudes-sur-le-congo-portant-sur-les

[3]  GEC, « Les massacres dans le territoire de Beni : Violence politique, couverture et cooptation », Rapport d’enquête N°3, septembre 2017.

[4] https://www.radiookapi.net/2017/10/09/emissions/dialogue-entre-congolais/nouvelle-attaque-des-rebelles-adf-beni-22-morts

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