Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DROIT & JUSTICE | 27-11-2013 09:06
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Maître Yabili : Le cas Babala est une opportunité pour explorer la CPI et la Constitution

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Me Marcel Yabili, Mitch Mitchinini (CongoLobbying) et JJ Wondo

Maître Yabili : Le cas Babala est une opportunité pour explorer la CPI et la Constitution

marcel yabili1.  En mars 2004, le chef de l’Etat congolais avait écrit à la CPI pour lui déférer le droit de poursuites directes sur le territoire national. Cette renonciation à la compétence concurrente des juridictions congolaises persiste encore.

2.  Mais lorsqu’ en 2006, la CPI avait lancé un mandat d’arrêt contre Jean Bosco Ntanganda, le même pouvoir avait refusé de coopérer avec la CPI pendant 6 ans, pour affirmer que le militaire serait jugé en RDC uniquement et bénéficierait d’une dérogation à la lettre de 2004. Finalement, l’intéressé s’est rendu de lui-même via le Rwanda.

3.   En novembre 2013, la CPI veut instruire des cas de subornation de témoins et de falsification de preuves. Il ne s’agit pas des crimes principaux (NB génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité) pour lesquels la CPI a été créée. Il s’agit “ d’atteintes à l’administration de la justice”. Le statut de Rome précise que la coopération des Etats pour la poursuite de ces infractions se fait selon la législation nationale de l’Etat concerné et que ces poursuites peuvent être déférées à l’Etat concerné ( Art 70 1, 2 et 4 du Statut de Rome).

4.    Cela ne se discute pas: un député ne bénéficie pas d’une immunité de poursuites par la CPI. Selon l’ article 27.2  du Statut de Rome“ les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s’attacher à la qualité officielle d’une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n’empêchent pas la Cour d’exercer sa compétence à l’égard de cette personne”.

Mais, en matière d’“atteintes à l’administration de la justice” (Art 70, 4), les procédures nationales valent en matière de coopération, c’ est à dire, d’ arrestation et de transfèrement à la Haye. Pour preuve, dans le dossier de  subornation des témoins, où il y a 5 prévenus,  la CPI a reconnu aux Pays Bas et à la France de ne livrer les intéressés qu’après accomplissement de leurs procédures nationales (décision du juge Cuno Tarfuser sur http://www.icc-cpi.int/en_menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/Documents/ma147/doc1688311.pdf). Cette capacité valait également pour la RDC qui a une procédure nationale touchant un député en session parlementaire.

5.    Cela ne se discute pas non plus: l’accomplissement de formalités d’arrestation ne contredit pas le principe des poursuites elles-mêmes. Les Pays Bas et la France ne sont pas en rébellion contre la CPI parce que les co-prévenus Jean-Jacques Mangenda et Narcisse Arido n’ont pas été déférés directement, par respect de leurs lois.

Et si de simples lois néerlandaises et françaises sont applicables, à fortiori, la procédure congolaise devait être accomplie, parce qu’elle est dictée par la Constitution.

6.    Cela est tout aussi indiscutable: la Constitution est la loi suprême. Certes, le traité de Rome prime sur les lois, mais pas sur la Constitution.

Pour le cas Babala, le conflit entre le statut de Rome et la Constitution est apparent. La Constitution n’accorde pas d’immunité autre que temporaire et ne place pas le député à l’ abri des poursuites. En réalité, on a vu que l’assemblée nationale a pu se réunir dans les 24 heures, et on aurait pu lui laisser l’opportunité de voter. Même s’ il y avait eu un vote contre le mandat d’ arrêt, cela aurait tout juste amené la CPI à demander des poursuites devant les juridictions locales ( Art 70, 4 du Statut de Rome)

A l’ avenir, s’il surgissait un véritable conflit entre un traité et la Constitution, il existe des mécanismes de contrôle de constitutionnalité des traités par la Cour Constitutionnelle. Le conflit se résout finalement par une révision de la Constitution. Autrement dit, la Constitution prime tant qu’ elle n’ a pas été modifiée…

Marcel Yabili

Marcel Yabili est juriste, spécialiste indépendant de la République Démocratique  du Congo. En quarante ans, il a exercé le journalisme, l’enseignement universitaire, la création et la gestion d’entreprises, et principalement la profession libérale. Il est l’auteur de plusieurs études juridiques et, sur internet, d’essais littéraires et de deux blogs qui décryptent l’actualité.

NB. MANUEL DE DROIT JUDICIAIRE CONSTITUTIONNEL : État de Droit : les contrôles de constitutionnalité par la Cour Constitutionnelle, les Cours et les Tribunaux par Marcel YABILI
336 pages – Presses Universitaires de Lubumbashi ; 30 Euros

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