Jean-Jacques Wondo Omanyundu
DÉFENSE & SÉCURITÉ GLOBALE | 13-09-2013 07:02
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Lt-Col Kasongo ‘Kava’ (Ex-DSP) : « Le pouvoir congolais pratique la politique d’usure des cadres militaires formés » (III)

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Le Lt colonel Antoine KASONGO MUKONKOLE (Debout au centre) T3 ai DSP en pleine conversation avec le général Richard LISOMBA EBUTU Chef d'etat major de la DSP. Assis à droite monsieur KONGO directeur du service technique de la présidence de la République

Sous les tirs de Desc : Lt-Col Kasongo ‘Kava’ (Ex-DSP) : « Le pouvoir congolais pratique la politique d’usure des cadres militaires formés »

Mon Colonel, nous abordons ici la dernière partie de notre entretien instructif. En vous lisant, on constate que vous êtes très sévère dans votre diagnostic de nos forces armées. D’où la question suivante :
Qui sont les officiers qui vous ont personnellement marqué positivement ou négativement dans votre carrière militaire ? Expliquez-vous brièvement ?
Le Lt colonel Antoine KASONGO MUKONKOLE (Debout au centre) T3 ai DSP en pleine conversation avec le général Richard LISOMBA EBUTU Chef d’etat major de la DSP. Assis à droite monsieur KONGO directeur du service technique de la présidence de la République

Je parlerai seulement des officiers qui m’ont marqué positivement. Je déteste la médiocrité. Ceux qui m’ont eu sous leurs ordres ceux qui m’ont connu comme chef hiérarchique savent de quoi je parle. « Toujours le meilleur » fut ma devise. Ce qui m’a valu des ennemis dans la DSP.

Les généraux IKUKU et DIKUTA. Quand au général NZIMBI malgré tout ce que l’on pense de lui, je dirai c’est qui a permis aux artilleurs de s’exprimer et de se rendre en valeur. Mon unité a tiré à une distance de dix kilomètres au canon 130mm et fait des coups buts. Il a fait un arbitrage en ma faveur pour l’acquisition des TCM 20 (tourelle à commande moteur) monté sur véhicule Ramta made in Israël et de deux radars Puls Doppler. Lui au moins savait l’importance de l’artillerie. Sans oublier le général SHABANI Boole. Les  colonels MAMPA, BAHINDWA, MANKOMA et KAJUBA SELENGE m’ont beaucoup aidé sur le plan professionnel. Le général Max LUKAMA aussi.

Les généraux ILUNGA SHAMANGA et BEKAZUA m’ont initié au commandement du régiment d’artillerie. Ils ont surtout exploité toutes mes capacités et mes compétences pour faire de moi un redoutable meneur d’hommes qui a fait ma réputation au sein de la DSP. Certains de mes collègues m’ont aussi impressionné tels que ITUKO Pépé et Kiro qui se reconnaîtra. Quand à mes subalternes Lokota, le lion de Basankusu qui se reconnaîtra. Vous m’avez posé une question difficile. A ceux qui se sentiront trahi, croyez moi vous n’aviez pas démérité mais ma mémoire m’a trahi.

Mon colonel, il semble que vous ne citez que les officiers sous les ordres desquels vous avez évolué, ce qui est normal. Mais un mot sur les généraux Paul Mukobo, Donatien Mahele, Singa Boyenge et Mbuza Mabe (Nkumu Embanze)?

Le général MUKOBO Mundende  fait partie des officiers courageux et meneurs d’hommes sur le terrain. Dans la guerre de 1977 alors Lt Colonel il s’est distingué sur l’accès routier LUFUPA DILOLO. Pour des raisons que j’ignore lui même pourra s’expliquer, on lui retira le commandement au profit de IKUKU dans le but d’unité de commandement. Il avait tellement impressionné Mobutu qu’il fut envoyé à l’école de guerre à Bruxelles avec Lukama Mukuta Soza et Babua.

Après ses études, il fut muté à la 1 Région Militaire en qualité de chef EM. Il parvint à devenir chef. d’état-major de la force terrestre. Je sais que c’est un officier compétent qui méritait plus. Mais ses origines et surtout son intégrité morale ne lui ont pas permis d’occuper des fonctions de responsabilité importante comme Chef EMG ou secrétaire d’état à la défense. N’étant pas officier général, j’ignore les relations qu’il entretenait avec ses pairs. La nation pourra compter sur lui dans le cadre d’une étude sur la mise en œuvre d’une armée républicaine en RDC.

Le Lt Colonel Antoine KASONGO MUKONKOLE alors commandant du centre d’instruction de KIBOMANGO et le Lt Colonel Médecin militaire Daniel LUSADUSU (ERM/ESS Belgique) lors d’une parade militaire au Camp Colonel Tshatshi. A l’arrière plan de gauche à droite: BINGI (EFO3), NSAKETE (EFO4)et BOKUMA (EFO3).

SINGA BOYENGE MUSAMBAY a bien tenu l’axe Kolwezi Dilolo lors de la campagne de 1977. C’est aussi lui qui a épargné IKUKU d’être arrêté par le général BUMBA. Il a aussi été gouverneur du Shaba en 1978 puis Chef EMG, ministre de la défense nationale puis ministre de la sécurité du territoire. Ancien de la Force Publique, très attaché au respect du règlement militaire, il manifesta son opposition à la nomination de BARAMOTO au grade de général. Je me souviens qu’il introduisit une requête auprès de Mobutu pour être mis à la retraite mais dernier refusa. Mobutu dira à son chef EM Particulier en la personne du général ILUNGA SHAMANGA « akomi aigri mpo na BARAMOTO. (Ndlr : Le Général Singa est devenu aigri à cause de Baramoto). Le général SINGA décidera de ne plus porter la tenue militaire. Il fallait avoir ce courage en ce temps là.

Il faut aussi ajouter qu’il était compagnon de la révolution. Il ne s’est pas enrichi parce qu’il appartenait à l’ancienne génération. Un seul bémol, en 1978 il a laissé des soldats de la BSP  torturer les officiers accusés de complot contre Mobutu parmi lesquels son propre adjoint à la gendarmerie nationale le Colonel MUEPU le plus courageux des fusillés face au peloton d’exécution.

MAHELE fut aussi un officier courageux. Le seul général qui était sur le terrain lors des pillages de 1991. Ce qui lui valu le poste de Chef EMG. Mais ses mésententes avec VUNDUAWE et NGBANDA lui ont coûté ce poste au profit de ELUKI. Revenu aux affaires en 1997, il sera accusé de trahison au profit de LD Kabila par ses subalternes. A Tort ou à raison, il sera abattu la nuit du 16 au 17 Mai 1997 au Camp TSHATSHI. 

MBUZA MABE, je n’ai aucun souvenir de lui sauf que nous avions fait partie tous deux de la délégation des Faz qui accompagna LIKULIA, alors secrétaire d’Etat à la Défense, en CHINE en 1988. Lui comme commandant de la 41 brigade commando de Kisangani et moi commandant du régiment d’artillerie de la DSP. Je sais qu’il était Technicien d’état major

Je crois avoir satisfait à votre curiosité cher frère d’arme. Merci 

JJW: Mon Colonel, il ne s’agit pas seulement de satisfaire ma curiosité personnelle mais surtout un devoir d’information utile à la Nation, à son Histoire militaire et aux générations à venir. Comme vous le savez, le domaine de la Défense et Sécurité au Congo subit l’embargo du secret défense et de l’omerta. DESC se propose comme cadre de libre expression mais aussi une vitrine de la bonne information suivant sa devise « Connaître pour agir ».

Avez-vous maintenu des contacts avec certains de vos collègues qui ont choisi de servir les drapeaux sous les FARDC ? Lesquels ? Pourquoi ne les avez-vous pas rejoints, vous qui avez dit non à l’armée de Mobutu ?

Non, je n’entretiens aucun contact avec les collègues qui sont en activités dans les FARDC. Je me suis rendu trois fois en RDC sans les revoir au cours de mes séjours.

J’ai quitté l’armée définitivement, je n’y reviendrai plus. Mais mon seul combat reste ma participation intellectuelle à œuvrer pour la réforme de l’armée congolaise et en faire une armée républicaine. D’ailleurs en intégrant l’armée, je serai général à combien d’étoiles? Je suis l’officier le plus ancien dans le grade élevé issu de l’EFO vivant en Belgique. Tous mes jeunes cadets m’appellent GENERAL ah ah! 

En décembre 2012, le général Bikweto dit « BIK », Commandant second du Centre de formation de Kitona, ancien instructeur Commando à Kotakoli issu de l’EFO3, a été mystérieusement assassiné à proximité de son domicile. Beaucoup d’encre et de commentaires, notamment une polémique sur ses origines dit-on rwandophones, ont fait la une des fora congolais. Sans rentrer dans les circonstances de sa mort, que savez-vous de l’homme que vous avez sans doute côtoyé à l’EFO ou au cours de votre carrière pour éclairer l’opinion et peut-être confondre un certain public émotionnel et compulsif qui ne voit les choses que noir ou blanc?

Le général BIKUETO est issu de la troisième promotion de l’EFO (EFO3). Il fut aide instructeur de tactique dans notre promotion et donnait le cours d’administration militaire. Il suivi sa formation aux USA dans l’infanterie puis fit un stage « ranger« . Il fut muté au centre d’instruction commando à Kotakoli peut être aussi fut muté à la 41 Brigade commando. A l’annonce de son décès je suis intervenu sur le net pour laver son honneur. BIKUETO engagé jeune dans les FAZ a travaillé pour la RDC et jamais il n’avait trahi le pays. Ceux qui l’ont accusé d’être à la solde du Rwanda n’ont pas fait ce qu’il avait accompli. BIKUETO n’a pas démérité, il a rendu des services au pays. Il n’avait jamais travaillé dans sa province d’origine le Nord Kivu. Ce fut une perte pour les FARDC. Je tiens à saluer sa mémoire.

Le Congo peut-il encore disposer d’une armée capable de se faire respecter en Afrique ?

Affirmatif, la RDC peut encore disposer d’une armée capable de se faire respecter en Afrique si les politiciens laissent travailler les experts militaires congolais sans leur faire ombrage.

Vous avez lu l’ouvrage « Les Armées au Congo-Kinshasa. Radioscopie de la Force publique aux FARDC » de Jean-Jacques Wondo. Vous avez sans doute lu ou entendu ici et là des critiques diverses à propos de cet ouvrage. En tant qu’officier et en toute liberté, quelle est votre recension ou jugement à ce sujet ?

J’ai entendu et lu sur le net des critiques sur le livre  » Les armées au Congo Kinshasa. Radioscopie de la Force Publique aux FARDC » Que voulez vous que je dise. Le congolais est habitué à donner son avis sur tout même s’il ne possède aucune compétence en la matière. Il y a en a s’en sont pris à l’écriture. Des arguments en dessous de la ceinture ou ad hominem. Je possède deux exemplaires de ce livre. Je pense que le ministère congolais de la Défense, à défaut d’inviter son auteur pour une présentation devant un auditoire composé des officiers de divers états majors et des commandants des grandes unités, pouvait en acheter quelques exemplaires pour les bibliothèques des diverses écoles de formation militaire du pays. L’auteur du livre a jeté les bases d’une étude de notre histoire militaire. Demain après avoir pris les avis constructifs des uns et des autres, il pourra faire sortir une version amélioré de son livre. Quel grade ou quelle fonction faut il avoir occupé pour devenir expert en matière de défense nationale? N’oubliez pas que l’expérience est le trophée des armes qui nous ont blessés.

J’ai aimé le livre. Mes avis je les réserve à son auteur mais pas sur le net. L’honnêteté intellectuelle m’oblige 

Un dernier mot ou message de la fin ?

Je pense avoir répondu à vos questions dans le but d’éclairer vos lecteurs sur certains points. L’armée congolaise a eu des faits des armes contrairement à ce que l’opinion publique pense. Après la surprise du 08 Mars 1977 suite à l’attaque des ex gendarmes Katangais au Shaba, le Colonel IKUKU  sur le chemin de fer et le Lt Colonel MUKOBO sur la voie routière avaient repris l’initiative des opérations. Mais c’est Mobutu qui prit la décision d’attendre le contingent Marocain de LOUBARIS. Une décision politique. Au mois de Mai 1978 le Major MAHELE s’empara de l’aéroport de Kolwezi.

Mais c’est Mobutu qui prit la décision d’attendre le contingent Marocain de LOUBARIS. Une décision politique. Au mois de Mai 1978 le Major MAHELE s’empara de l’aéroport de Kolwezi. C’est encore MOBUTU qui donna l’ordre à MAHELE de ne pas progresser au centre ville pour permettre aux français et belges d’intervenir. A MOBA I, le Lt Colonel EBAMBA qui a sauté avec le 312è bataillon Para sur MOBA d’où ils chassèrent LD KABILA et ses combattants.

Que dire la libération de la ville de BUKAVU par l’ANC des mains des mercenaires de SCHRAMME? Que dire de l’intervention en 1972 au BURUNDI pour contrer le coup d’état contre le pouvoir en place?

Je pense que le pouvoir actuel en RDC pratique la politique d’usure des cadres militaires formés et anéantir tant de sacrifices consentis par l’état pour la formation des cadres. Demain cette génération disparue il n’y aura plus de fantassins, de blindés, d’artilleurs et d’officiers de génie militaire, ainsi que d’autres services pour prendre la relève.

Nos hommes politiques ne pensent qu’au pouvoir et à leurs intérêts égoïstes.

Prochainement je publierai sur ce site des articles dont le thème principal sera « POST MORTEM FAZ« 

J’assume tout ce que j’ai dit et affirmé.

Mon Colonel, je vous remercie d’avoir eu le courage militaire et pris votre responsabilité d’officier de nous livrer votre analyse sur les armées au Congo. Un devoir patriotique à l’égard des générations futures. DESC se réjouit et sent également très honoré que vous l’ayez librement choisi pour publier vos réflexions et analyses à venir. Je vous prie d’accepter également d’être le premier consultant et expert militaire auquel DESC fera régulièrement recours. Nous espérons que cela suscitera de l’émulation positive auprès des autres compatriotes car c’est notre Nation Congolaise qui en sortira un jour victorieuse.

Propos recueillis par Jean-Jacques Wondo – Septembre 2013 / Exclusivité Desc-Wondo.org

Dans la même série :

Sous les tirs de « DESC » : Le Colonel Antoine Kasongo « Kava » (Ex-DSP) crève l’abcès des armées en RD Congo (Partie I) : http://afridesk.org/fr/sous-les-tirs-du-desc-le-colonel-antoine-kasongo-kava-ex-dsp-creve-labces-des-armees-en-rd-congo-i/.

Sous les tirs de DESC : Colonel Kasongo ‘Kava’ (Partie II) : LD Kabila avait raison de se méfier des FAZ : http://afridesk.org/fr/sous-les-tirs-de-desc-colonel-kasongo-kava-ld-kabila-avait-raison-de-se-mefier-des-faz/.

 

 

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One Comment “Lt-Col Kasongo ‘Kava’ (Ex-DSP) : « Le pouvoir congolais pratique la politique d’usure des cadres militaires formés » (III)”

  • kiassi

    says:

    J’ai apprécié l’interview avec Lt_Gal Kasongo, mais je suis resté sur ma faim. Dommage qu’on a pas les photos de tous les officiers supérieurs cités, ainsi que sur ses collégues passés à l’ennemi

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