Résumé:
Cet article examine l’accord tripartite signé le 27 juin 2025 entre les États-Unis, la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda à la lumière de l’influence déterminante de Heritage Foundation et de son Project 2025, feuille de route idéologique de l’administration Trump. L’analyse met en évidence le rôle structurant de ce think tank conservateur dans la redéfinition de la gouvernance fédérale américaine et ses implications géoéconomiques globales, notamment en Afrique. L’accord est interprété non comme un acte purement diplomatique, mais comme une opération à visée quadruple : (1) consolidation des intérêts économiques privés de Donald Trump et de ses réseaux industriels ; (2) renforcement de sa stature internationale via une stratégie de paix scénarisée ; (3) sécurisation des chaînes d’approvisionnement américaines en minerais critiques face à la Chine ; (4) endiguement de l’influence croissante des BRICS sur le continent africain.
L’article interroge en outre la capacité des autorités congolaises à avoir mesuré l’ensemble des dynamiques idéologiques, stratégiques et économiques à l’œuvre. Il démontre que cet accord s’inscrit dans une logique de captation systémique des ressources africaines au service d’un projet de réaffirmation hégémonique américaine, et non dans une démarche multilatérale de paix. Ce faisant, il appelle à un examen critique du contexte de négociation, au regard de la reconfiguration actuelle des rapports de puissance mondiaux. Il s’adresse tant aux analystes géopolitiques qu’aux décideurs africains soucieux de défendre leur souveraineté face aux instrumentalisations contemporaines.
1. Introduction générale: la puissance idéologique derrière les apparences diplomatiques
L’analyse des récents accords de paix entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, sous l’égide des États-Unis, ne peut être pleinement comprise sans considérer l’influence souterraine mais décisive d’un acteur idéologique majeur : Heritage Foundation [1]. Ce think tank conservateur, qui façonne depuis plusieurs décennies la doctrine politique de l’aile droite américaine, joue un rôle central dans la formulation du Project 2025, programme sur lequel s’aligne étroitement l’administration Trump[1][2]. Pour saisir la logique profonde de cette médiation diplomatique et en dévoiler les ressorts stratégiques, il est indispensable de revenir sur la nature, l’historique et les ambitions de cette fondation.
2. Heritage Foundation : un acteur idéologique aussi discret que structurant
Fondée en 1973, Heritage Foundation est un centre d’influence politique de premier plan dont l’objectif est de promouvoir des politiques publiques fondées sur les principes du conservatisme américain : libre marché, gouvernement limité, défense nationale renforcée, et défense des valeurs dites traditionnelles, souvent enracinées dans une vision chrétienne de la société. Cette institution a exercé une influence majeure sur les orientations politiques de Ronald Reagan dans les années 1980, notamment à travers la doctrine économique dite Reaganomics, et, plus récemment, sur les deux mandats de Donald Trump.
Depuis 1981, Heritage Foundation publie Mandate for Leadership, un manuel politique de référence proposant une vision détaillée de la restructuration de l’administration américaine. Ce document a servi de guide idéologique à plusieurs présidences républicaines, notamment celle de Ronald Reagan, et a continué d’inspirer les politiques publiques conservatrices dans les décennies suivantes.
Dès la transition présidentielle de 2016, Heritage Foundation a joué un rôle actif auprès de l’équipe de Donald Trump, en lui fournissant des listes de candidats pour occuper des postes stratégiques au sein de l’administration fédérale, des recommandations sectorielles (éducation, justice, santé, etc.), ainsi qu’un socle idéologique directement intégré à l’élaboration de son programme. Des personnalités influentes issues de la Fondation, telles que Russ Vought, Roger Severino ou James Sherk, ont été placées à des postes de décision, garantissant ainsi une immersion directe de l’agenda de Heritage dans l’appareil d’État [3]. Kay Coles James, présidente de la fondation de 2017 à 2021, a publiquement soutenu plusieurs orientations majeures de l’administration Trump, notamment en matière de politique sociale et identitaire.

3. Project 2025 : feuille de route doctrinaire et plan d’action exécutif
En 2023, la fondation franchit une nouvelle étape en lançant le Project 2025, un plan de reconquête politique ambitieux destiné à préparer la reprise du pouvoir républicain lors de l’élection présidentielle de 2024. Ce programme vise à réorganiser en profondeur l’État fédéral, à recentrer le pouvoir exécutif entre les mains du président, à déréglementer massivement l’économie, à supprimer ou restructurer les agences jugées “ progressistes », et à réaffirmer l’exceptionnalisme américain dans un monde devenu multipolaire.
Bien que Donald Trump ait publiquement affirmé ne pas connaître ce projet, une analyse fine montre que ses décisions, ses nominations et surtout ses executive orders s’y alignent fortement. Selon POLITICO [4], au moins 37 mesures exécutives adoptées par Trump durant les premiers jours suivent presque à la lettre les recommandations du Project 2025. Une étude menée par le Hearst Television Data Team [5] révèle que, parmi les 126 ordres exécutifs signés au cours des 100 premiers jours de son second mandat (hors mesures tarifaires), 56, soit 44 %, reflètent clairement les recommandations de Project 2025. Le cabinet Economist Intelligence Unit [6] indique même qu’environ 75 % des executive orders émis ont un lien avec la feuille de route du Project 2025.
4. Exemples concrets d’actions alignées
Plusieurs mesures concrètes adoptées dès les premiers jours du second mandat de Donald Trump confirment cette adéquation méthodique avec les recommandations du Project 2025. Parmi elles figure la fermeture du Department of Education, décision symbolique préparée de longue date par Heritage Foundation dans ses documents fondateurs tels que le Mandate for Leadership, et concrétisée dès janvier 2025. Cette mesure illustre l’ambition de recentrer les compétences éducatives au niveau des États, conformément au principe de gouvernement limité prôné par le conservatisme américain [7]. Autre illustration significative : la suppression des programmes DEI (Diversity, Equity, Inclusion) dans les agences fédérales, rendue effective par l’executive order 14151, signé également le 20 janvier 2025. Ce décret s’aligne explicitement sur les consignes du Project 2025, qui cible les politiques dites « woke » comme incompatibles avec les valeurs traditionnelles américaines [8]. Enfin, la réintroduction du Schedule F, un statut spécial permettant de contourner les protections de la fonction publique pour écarter des agents considérés comme non alignés avec l’exécutif, marque un retour à une vision centralisée du pouvoir présidentiel. Cette disposition, réactivée dès l’investiture, était au cœur des propositions de Heritage Foundation pour réformer en profondeur l’appareil administratif [9]. Ces décisions témoignent ainsi d’un alignement stratégique quasi doctrinaire entre l’administration Trump et le cadre idéologique du Project 2025, confirmant que ce dernier ne relève pas d’une simple projection théorique, mais bien d’un plan d’action en cours d’exécution. Le Project 2025 appelle à centraliser l’exécutif, à réduire le rôle des agences indépendantes et à renforcer le contrôle présidentiel, œuvres qualifiées » d’autoritarisme chrétien-nationaliste » par l’American Civil Liberties Union ACLU [10]. Bottom of Form
D’autres analyses, plus détaillées, confirment cet alignement dans des domaines clés: immigration, énergie, réforme administrative, environnement, et sécurité nationale.
5. Entre stratégie d’État et stratégie d’affaires : l’ambiguïté calculée de Trump
Donald Trump applique en effet, de manière rigoureuse et méthodique, la doctrine élaborée par Heritage Foundation, dont il suit les orientations stratégiques avec une fidélité quasi doctrinaire. En fin stratège des dynamiques financières mondiales, il passe au crible chaque composante du Project 2025 à l’aune de ses intérêts personnels. Chaque détail du programme est interprété comme une opportunité potentielle de rentabilité ou de valorisation politique, dans une logique où les objectifs idéologiques sont systématiquement articulés à des perspectives de dividendes économiques directs. Ainsi, ce projet présenté officiellement comme une feuille de route pour la restauration de la puissance américaine sert également, en filigrane, de cadre opérationnel à une stratégie de captation d’avantages privés soigneusement orchestrée.

6. Reconfigurations économiques et minérales : la RDC au cœur du Project 2025
S’il ne comporte pas de chapitre explicitement consacré aux accords miniers internationaux, le Project 2025 déploie néanmoins une vision stratégique indirectement favorable à leur développement, à travers trois axes structurants : sécurité énergétique et indépendance stratégique, réforme des agences environnementales et minières et politique étrangère fondée sur l’intérêt national et la compétition géoéconomique.
A la lecture attentive des éléments stratégiques sous-jacents, il apparaît clairement que, même si la République démocratique du Congo n’avait pas, de sa propre initiative, sollicité l’administration Trump dans le cadre d’un accord « minerais contre paix », tel que celui du 27 juin 2025, il y a tout lieu de penser que, compte tenu des orientations stratégiques formulées dans le Project 2025 de Heritage Foundation, entre autres la sécurisation des chaînes d’approvisionnement américaines dans des secteurs clés comme l’énergie, les technologies et la défense, une prise de contrôle ou simplement une appropriation des ressources minières critiques congolaise aurait très probablement été enclenché par les États-Unis. À ce titre, la RDC, en tant que détentrice majeure de réserves stratégiques s’imposait d’elle-même comme une cible prioritaire dans toute projection de souveraineté économique américaine.
Autrement dit, que la RDC soit pro-active ou simplement réceptive, l’initiative américaine était, dans une large mesure, inéluctable. Le contenu doctrinaire du Project 2025 laisse peu de doute sur la volonté anticipée des États-Unis de restructurer leur influence dans des zones hautement minéralogiques, notamment en Afrique centrale. La forme, les canaux diplomatiques ou les partenaires impliqués auraient pu varier, mais la finalité sécuriser l’accès américain aux ressources critiques congolaises restait, elle, inscrite dans les logiques profondes du projet trumpien.
6.1. Sécurité énergétique et indépendance stratégique
Le projet souligne la nécessité de réduire la dépendance des États-Unis à l’égard de la Chine pour les chaînes d’approvisionnement critiques, en particulier dans les secteurs technologiques et énergétiques. Cela ouvre la voie à une politique d’accès privilégié aux ressources minières étrangères, notamment en Afrique.
6.2. Réforme des agences environnementales et minières
Le projet préconise la suppression des normes environnementales contraignantes et l’accélération des autorisations d’exploitation. Cette orientation facilite les partenariats d’approvisionnement en minerais stratégiques (lithium, cobalt, nickel…), indispensables à la transition énergétique et aux technologies de défense.

6.3. Politique étrangère fondée sur l’intérêt national et la compétition géoéconomique
Le projet valorise une diplomatie transactionnelle, où les relations bilatérales, notamment avec les États africains sont structurées en fonction des intérêts géostratégiques américains, en particulier dans le contexte de rivalité avec la Chine. L’accord RDC–Rwanda–USA du 27 juin 2025 s’inscrit pleinement dans cette logique et celle du point 6.1. Il poursuit explicitement trois objectifs :
assurer des flux sécurisés de cobalt et de lithium vers les États-Unis ;
marginaliser l’influence chinoise dans les filières d’extraction et de transformation;
conditionner la paix régionale à une forme de partage stratégique des ressources minières.
7. Offensive contre les BRICS : vers une doctrine protectionniste renforcée
En parallèle, le Project 2025 développe également une série de leviers géopolitiques et économiques d’une portée structurante, en parfaite cohérence avec la stratégie globale de réaffirmation de la puissance américaine :
Le renforcement de la souveraineté économique et technologique, à travers une reconfiguration des chaînes d’approvisionnement visant à contourner la dépendance aux puissances concurrentes telles que la Chine ou la Russie, en privilégiant des partenariats bilatéraux maîtrisés et alignés sur les intérêts stratégiques américains ;
Le rétablissement affirmé d’un protectionnisme offensif, notamment par l’activation d’alertes tarifaires ciblant les pays perçus comme alignés sur les politiques économiques et géopolitiques des BRICS, souvent qualifiées d’anti-américaines dans la rhétorique trumpienne [11];
Le durcissement des politiques douanières, monétaires et technologiques, s’exprimant par la promotion d’une doctrine plus agressive sur le plan commercial (barrières tarifaires, contrôles à l’export), mais aussi monétaire, avec un soutien explicite à l’idée d’un retour à une monnaie partiellement adossée à l’or, en réaction directe à la montée des alternatives dédollarisées promues par le bloc des BRICS.
8. Une paix quadruplement conditionnée : calculs et stratégies croisées
Dans le contexte exposé ci-dessus, il serait politiquement naïf voire stratégiquement irresponsable de considérer que Donald Trump agit par pur altruisme en faveur de la paix dans la région des Grands Lacs. Derrière l’image diplomatique soigneusement mise en scène lors de la signature de l’accord RDC–Rwanda–USA du 27 juin 2025, se dissimule en réalité une opération à visée multiple, quadruplement calculée, fondée sur des intérêts personnels, géoéconomiques, stratégiques et symboliques, dans la droite ligne du Project 2025 élaboré par Heritage Foundation.
8.1. Consolidation d’intérêts économiques personnels et de réseau
En premier lieu, cette initiative constitue une opportunité économique directe pour Donald Trump et son réseau d’alliés industriels et financiers. Plusieurs groupes privés américains spécialisés dans l’énergie, la haute technologie ou l’industrie militaire dépendent aujourd’hui de l’accès sécurisé à des minéraux critiques (notamment le cobalt, le lithium, le tantale, le nickel et le cuivre), dont la République démocratique du Congo détient des réserves stratégiques à l’échelle mondiale.
En facilitant des accords avec la RDC dans un cadre diplomatique bilatéral, la Maison-Blanche permet à certaines firmes américaines souvent proches des milieux conservateurs ou trumpistes d’éviter la concurrence ouverte des marchés multilatéraux ou les contraintes environnementales imposées par d’autres traités. Des sociétés comme Freeport-McMoRan, Alpha Lithium, ou encore des fonds d’investissement à vocation extractive, liés aux milieux conservateurs américains, ont montré un regain d’intérêt manifeste pour les gisements congolais dès les premiers mois du second mandat Trump. Ce rapprochement n’est ni anodin ni désintéressé.
8.2. Projection d’une stature internationale en vue du prix Nobel
En orchestrant une médiation spectaculaire entre Kinshasa et Kigali, un conflit historiquement complexe, profondément enraciné et hautement symbolique Trump cherche à se positionner en médiateur de crise globale, dans la continuité des efforts qu’il revendique au Moyen-Orient, notamment à travers les Accords d’Abraham. Or, fait révélateur, à la suite d’une question posée par un journaliste, il a publiquement avoué ignorer que cette guerre perdurait depuis plus de trente ans, indiquant même qu’il venait tout juste de le découvrir. Cette méconnaissance manifeste de la profondeur historique du conflit n’a toutefois pas entravé sa mise en scène diplomatique, soigneusement calibrée pour renforcer une image de leadership international.
Plusieurs figures proches de lui, y compris des membres influents du Congrès américain et des dirigeants israéliens, ont explicitement proposé sa nomination au prix Nobel de la paix, en capitalisant sur l’accord du 27 juin. La signature, très médiatisée, avec un cadrage maîtrisé depuis Washington, renforce cette stratégie de repositionnement narratif.
8.3. Atteinte d’objectifs stratégiques américains sur les minerais critiques
Troisièmement, cette opération répond à des objectifs géoéconomiques majeurs de la politique extérieure américaine. Dans un contexte de rivalité exacerbée avec la Chine pour le contrôle des chaînes d’approvisionnement stratégiques, l’Afrique devient un terrain de compétition décisive. La RDC, à elle seule, concentre plus de 60 % des réserves mondiales de cobalt, élément essentiel pour la fabrication de batteries électriques, de technologies militaires et de composants numériques. En sécurisant un accès direct à ces ressources via des accords bilatéraux, l’administration Trump réduit la dépendance américaine aux approvisionnements dominés par la Chine, tout en entravant les efforts de Pékin pour consolider sa suprématie sur les chaînes de valeur des technologies critiques. Ce mouvement s’inscrit dans les orientations générales du Project 2025, qui appelle à une réindustrialisation stratégique, à la relocalisation sécurisée des matières premières et à une refonte des partenariats géopolitiques orientés vers l’intérêt national américain.
8.4. Blocage tactique de l’influence croissante des BRICS en Afrique
Enfin, cette opération diplomatique vise également à freiner l’expansion géoéconomique des BRICS sur le continent africain. L’Afrique est devenue, ces dernières années, l’un des principaux terrains d’expansion des projets portés par les puissances émergentes, notamment la Chine, la Russie, le Brésil et plus récemment l’Arabie saoudite. Les BRICS travaillent activement à la dédollarisation des échanges internationaux, à la création d’une monnaie commune adossée à l’or ou à un panier de matières premières, et à la mise en place de corridors logistiques alternatifs pour le commerce sud-sud [12]. La RDC, riche en ressources critiques, constitue un maillon convoité dans cette chaîne d’influence.
En négociant directement avec Kinshasa un accord sur la sécurité et les mines, sous supervision américaine, Donald Trump cherche à préempter une alliance stratégique entre la RDC et les puissances du BRICS. Il s’agit là d’un coup géopolitique préventif, visant à contenir l’influence sino-russe sur les ressources africaines, à bloquer l’accès du BRICS à certaines routes minières critiques, et à ralentir l’émergence d’un contre-pouvoir monétaire au dollar.
9. Enfin, une manœuvre à multiples étages
Ce quadruple calcul, combinant des intérêts personnels, une ambition de reconnaissance internationale, des objectifs stratégiques américains, et une guerre d’influence géopolitique, démontre que la signature de l’accord RDC–Rwanda–USA dépasse largement la simple rhétorique de la paix. Il s’inscrit dans une architecture politique planifiée, pensée à travers les lignes directrices du Project 2025, et orientée vers un redéploiement global de la puissance américaine sur les axes critiques du XXIe siècle.
10. Une question de lucidité et de souveraineté pour la RDC

En apposant leur signature au bas de l’accord tripartite négocié à Washington le 27 juin 2025, les autorités congolaises étaient-elles réellement conscientes de la nature profonde des forces idéologiques et stratégiques à l’œuvre en coulisses ? Comprenaient-elles pleinement l’identité, le poids et l’influence structurelle de Heritage Foundation, think tank conservateur majeur dont le Project 2025 constitue aujourd’hui la feuille de route opérationnelle du second mandat Trump ?
Avaient-elles connaissance du fait que ce projet n’est pas un simple plan administratif, mais une vision programmatique complète de reconfiguration du pouvoir américain, aux implications mondiales, et dont la stratégie géoéconomique inclut expressément la sécurisation des ressources critiques à l’étranger et la marginalisation des puissances concurrentes comme la Chine et les BRICS ?
Autrement dit, la partie congolaise a-t-elle négocié en pleine lucidité, dans un cadre transparent, avec accès à l’ensemble des paramètres et des enjeux ? Ou bien s’est-elle retrouvée, volontairement ou non, instrumentalisée dans un dispositif dont les logiques profondes, minéralogiques, géopolitiques, idéologiques dépassent largement la simple promesse d’un cessez-le-feu ou d’une assistance technique ?
Une telle question ne relève pas de la spéculation politique, mais d’un devoir d’analyse rigoureuse, tant il est vrai que la République démocratique du Congo, par sa richesse en minerais stratégiques, est aujourd’hui au cœur d’une reconfiguration mondiale des rapports de puissance, dans laquelle les accords de paix ne sont jamais dépourvus d’arrière-pensées économiques et d’agendas systémiques.
Il appartient donc aux intellectuels, aux parlementaires et à l’opinion publique congolaise de scruter avec lucidité les conditions, les motivations et les retombées réelles de cette signature, afin d’évaluer s’il s’agit d’un partenariat équitable, d’une stratégie conjointe… ou d’une reddition consentie dans un jeu de forces planétaire que seule la transparence permettrait de démystifier.
11. Conclusion
L’accord tripartite RDC–Rwanda–USA du 27 juin 2025 ne peut être compris indépendamment du cadre idéologique dans lequel il s’inscrit. Loin d’être une simple initiative diplomatique orientée vers la paix, il s’avère être l’expression d’une stratégie globale, structurée autour du Project 2025 de Heritage Foundation, visant à redéfinir les rapports entre les États-Unis et les puissances concurrentes dans un monde multipolaire. En replaçant la RDC au cœur d’un dispositif de sécurisation des minerais critiques, l’administration Trump articule intérêts économiques privés, stratégie géoéconomique américaine, et guerre d’influence contre les BRICS.
Ce contexte appelle une vigilance accrue de la part des autorités congolaises et africaines : toute négociation sur les ressources stratégiques doit être envisagée non comme une opportunité isolée, mais comme un acte géopolitique structurant aux conséquences durables. Dès lors, il ne s’agit plus seulement de signer des accords, mais de questionner les forces invisibles qui en déterminent les contours. La République démocratique du Congo, riche en ressources mais historiquement convoitée, doit pouvoir construire une souveraineté minière éclairée, informée, et orientée vers le développement endogène.
En définitive, cet article plaide pour un éveil stratégique des élites africaines face aux recompositions en cours, afin que les décisions prises aujourd’hui ne se traduisent pas demain par de nouvelles formes de dépendance déguisée sous les habits de la paix.
Aimé Mbobi
Dr Mbobi est Ingénieur Télécom de l’École Mines-Télécom Lille-Douai et de l’Université de Lille 1.
Il détient un Mastère en Ingénierie Réseaux de l’École des Mines de Paris et un Doctorat en informatique de l’Université Paris-Saclay en France. En parallèle avec l’enseignement et la recherche, Dr Mbobi a plus de trois décennies d’expérience dans l’industrie TIC.

Texte relu par Jean-Jacques Wondo
Références
[1] : Heritage Foundation, https://www.heritage.org/
[2] : BBC, « Project 2025 »: The right-wing wish list for Trump’s second term,
https://www.bbc.com/news/articles/c977njnvq2do
[3] : CBS News, « How Trump’s policies and Project 2025 proposals match up after first 100 days’’, https://www.cbsnews.com/news/trump-project-2025-first-100-days
[4] : POLITICO, « 37 ways Project 2025 has shown up in Trump’s executive orders », https://www.politico.com/interactives/2025/trump-executive-orders-project-2025
[5] : https://www.wmur.com/article/trump-first-100-days-data/64620850
[6] : Economist Intelligence Unit, « Trump executive orders show influence and limits of Project 2025″, https://www.eiu.com/n/trump-executive-orders-show-influence-and-limits-of-project-2025
[7] : University of Maryland, Baltimore County, « Trump’s executive order to dismantle the Education Department was inspired by the Heritage Foundation’s decades-long disapproval of the agency », https://umbc.edu/stories/executive-order-to-dismantle-the-education-department-inspired-by-decades-of-heritage-foundationss-disapproval
[8] : The White House, « Ending Radical And Wasteful Government DEI Programs And Preferencing », Ending Radical And Wasteful Government DEI Programs And Preferencing – The White House
[9] : The University of Chicago, Center for Effective Government
« Democracy Reform Primer Series Schedule F » Schedule F – Center for Effective Government
[10] : ACLU (American Civil Liberties Union), project-2025-explained,
https://www.aclu.org/project-2025-explained
[11] : Time, « Trump Threatens Extra 10% Tariff for Countries ‘Aligning’ Themselves With ‘Anti-American’ BRICS Policies »,
https://time.com/7300395/trump-tariffs-threat-brics-anti-american-concerns
[12] : Investing News Network, « How Would a New BRICS Currency Affect the US Dollar? « , https://investingnews.com/brics-currency