Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 04-02-2015 00:30
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Loi électorale de la RDC : « La fraude corrompt tout » – JB Kongolo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

 Loi électorale de la RDC : « La fraude corrompt tout »

Par Jean-Bosco Kongolo

Du latin « Fraus omnia corrumpit », cette maxime mieux connue de tous les juristes bien formés, nous vient du lointain Empire Romain, précurseur du droit et du système judiciaire modernes. Depuis, elle figure parmi les principes généraux de droit régulièrement utilisés par les avocats et les juges, les uns (avocats) pour dénoncer une fraude à la règle de bonne foi et les autres (juges) pour anéantir des contrats ou engagements signés en violation de cette règle. Selon Wikipédia, la fraude implique la volonté de nuire et se rapproche de l’escroquerie pénale. «Agir frauduleusement, c’est commettre une faute civile ou pénale; de ce fait la personne à l’origine de la fraude voit sa responsabilité juridique engagée. Mais l’adage a une connotation beaucoup plus large : la fraude peut concerner mon fils, mon voisin, mon locataire, mon créancier, mon fournisseur, mais aussi la puissance publique, l’État, la Loi. » (http://fr.wikipedia.org/wiki/Fraus_omnia_corrumpit). Ayant fait aussi usage de cette maxime dans certains de nos jugements rendus au cours de notre carrière, nous avons estimé utile et surtout patriotique de la partager avec le souverain primaire congolais en rapport avec les récents évènements qui ont failli lui faire perdre ses droits à cause d’un projet de loi aux origines lointaines subtilement frauduleuses, dont les auteurs devront un jour répondre de leurs actes devant l’histoire.                                                          

Au commencement « était la révision de la Constitution »                                      

Sous l’apparence d’un ouvrage à caractère scientifique, le livre « Entre la révision de la Constitution et l’inanition de la nation », du professeur Évariste Boshab, à l’époque député national et secrétaire général du PPRD, fut présenté le mercredi 19 mars 2013 non pas à l’université mais très loin des milieux scientifiques, à l’Hôtel du Fleuve où s’étaient plutôt retrouvés plus de politiciens que de scientifiques experts dans les différents domaines du Droit, d’étudiants en Droit et autres juristes, naturels destinataires de ce livre. Sur le plan scientifique, cet ouvrage fut un mort-né du fait de la vigilance d’un autre professeur de Droit constitutionnel, André Mbata Mangu, qui se chargea d’anéantir jusqu’à l’Université de Louvain-la-Neuve/Belgique où son collègue avait obtenu sa thèse de doctorat, tous les arguments contenus dans ce livre.

C’est surtout sur le plan politique que cet ouvrage causa à la nation, sans qu’on s’en rende bien compte, d’énormes dégâts aussi bien collectifs qu’individuels. Collectivement, le débat que suscita ce livre au sein de la classe politique, particulièrement au Parlement, fut une longue et vaste distraction à la base de beaucoup de retards enregistrés jusqu’aujourd’hui dans la préparation des prochaines échéances électorales. La cohésion nationale en reçut un grand coup qui justifia même la tenue des coûteuses concertations dites nationales à cause desquelles l’action du gouvernement (réputé démissionnaire) fut paralysée pendant plus d’une année. Individuellement, de nombreux compatriotes ont dû séjourner en prison ou continuent d’y être expédiés pour le simple fait d’avoir exercé leur liberté d’opinion et d’expression en s’opposant à tout quelconque changement ou révision de la Constitution. Les victimes de cette intolérance, mieux de la pensée unique, se comptent curieusement même parmi les hauts cadres du parti au pouvoir. Moïse Katumbi, Gouverneur du Katanga, et Francis Kalombo, le très populaire président de la ligue des jeunes du PPRD, tous actuellement diabolisés, en savent quelque chose.

Comme pour le livre précité, le débat politique sur la révision ou le changement de la constitution, malgré des pétitions initiées pour soutenir l’idée et des réunions organisées à cet effet à Kingakati ou dans des hôtels de Kinshasa, n’ont pu venir à bout de la détermination du souverain primaire qui avait déjà verrouillé, à vie, les dispositions constitutionnelles visées par ledit débat. Mais pendant ce temps, un plan B se confectionnait au sein d’un des organes d’appui à la démocratie, réputé pourtant indépendant.                                                                                                                        

Et la tentative de révision de la Constitution « engendra » la feuille de route  électorale 

Alors que le débat sur la révision de la Constitution était loin d’être clos, du moins en ce qui concerne sa version originale, le plan B vint s’intercaler, venant d’un organe qui ne pouvait, en principe, être soupçonné de partisannerie. Il s’agit de la Commission électorale nationale indépendante(CENI).                                                                        

La « Feuille de route » présentée le 30 janvier 2014 par A.Malu Malu devant l’Assemblée nationale contenait plusieurs points au nombre desquels celui de l’élaboration d’un cadre légal révisé relatif aux élections provinciales, sénatoriales, gouvernorales, législatives et présidentielle (Point3) et du recensement administratif de la population (Point5) dont la CENI devait tenir compte. Une fois encore, c’est la prise en compte de ce recensement, comme préalable à la tenue des élections, qui a été à la base de nombreux débats houleux dans et hors du parlement, l’opposition et la société civile n’y voyant qu’une énième tentative d’atteindre, par voie détournée, la modification des dispositions verrouillées de la Constitution. A ce sujet, plusieurs actions furent envisagées et plusieurs déclarations furent faites tant par l’opposition que par la société civile pour dénoncer ce qui convient d’être nommé « fraude »( du latin, fraus) :  « Au regard de tout ceci et d’autres considérations, l’opposant Okukdji estime que la feuille de route de la CENI véhicule de nombreux anachronismes et qu’il y a donc à craindre qu’une vaste planification de la tricherie soit en marche, malgré les arguments évoquant la justice électorale et la consolidation de l’unité et de la paix sociale pour justifier l’acharnement d’apurer les arriérés électoraux(élections provinciales et des sénateurs) contre vents et marées. Nous somme sen face d’une opération destinée à planifier et, plus grave, à la consacrer en tant que mode de gouvernance électorale en RDC. » (Source : Journal Le Potentiel du 10 février 2014, http://www.lepotentielonline.com/index.php?option=com_content&view=article&id=5717:l-opposition-qualifie-de-piege-la-feuille-de-route-de-la-ceni&catid=90:online-depeches).                                                                                                                              

C’est justement à cause de l’arrogance de la « Majorité » au pouvoir et la banalisation des contestations, manifestations et avis tant de l’opposition que de la société civile qu’on en est arrivé aux tristes évènements qui ont précédé le vote spectaculaire de la nouvelle loi électorale. Comment en est-on arrivé là?                                                               

Création de l’Office National d’Identification de la population (ONIP)                  

Lorsqu’on ne connaît pas bien le pays et ses institutions, l’on peut être tenté de croire que la R.D.Congo dispose enfin d’un organisme qui pourra régulièrement procéder au recensement administratif et mettre à jour, à toutes fins utiles, les données démographiques. Il n’en est rien, car cet office est tout simplement une charge de trop, inutilement coûteux pour les contribuables congolais. En effet, ceux qui en ont conseillé la création au Président de la République ne lisent pas nos textes de loi ou ont sciemment omis de lui dire qu’il existe déjà des instruments (efficaces) légaux et administratifs d’identification des nationaux et aussi de tous les étrangers résidant sur le territoire national. Ces instruments sont : la Loi no87-010 du 1er aout 1987 portant code de la famille (instrument légal), l’Institut National de la Statistique, (INS) et la Direction générale de migration, (DGM), (instruments administratifs).                                                                                                                                

1) Le code de la famille                                                                                                              

Dans le monde moderne et dans tous les pays organisés, le parcours de tout être humain, de la naissance à la mort, doit avoir des traces dans le registre de l’état civil, service stratégique par lequel commencent l’identification et le dénombrement des habitants, nationaux et étrangers. La Loi no87-010 du 1er aout 1987 portant code de la famille, en vigueur depuis le 1er août 1988, a institué un bureau de l’état civil dans chaque collectivité-chefferie, dans chaque collectivité-secteur et dans chaque commune urbaine. L’officier de l’état civil (Chef de collectivité ou Bourgmestre) a pour attributions notamment de délivrer les actes de naissance ou de mariage et de recevoir les déclarations de décès.                                                      

Cela suppose de la part de ce fonctionnaire la connaissance et la maîtrise des dispositions du code de la famille qui le concernent tandis qu’il est conféré au Président du tribunal de paix et au Procureur de la République un droit de surveillance sur la tenue de tous les registres de l’état civil de leur ressort (art. 102). Un bureau (central) est institué au ministère de la justice pour centraliser toutes les données relatives à l’état civil (art.73).              

Dans la pratique cependant, la plupart des officiers de l’état civil n’ont aucune formation et ne bénéficient d’aucun encadrement de la part des présidents des tribunaux de paix et des procureurs de la République, chargés de surveiller leurs actes. A notre connaissance, ce fichier central n’est pas non plus tenu ou pas convenablement au ministère de la justice. Or, pour nous qui sommes si fier d’avoir passé une partie de notre jeunesse au village, les chefs de localité (village) sont mieux placés pour être utilisés comme agents du recensement administratif, car ils connaissent leurs sujets jusqu’à leurs liens de filiation.                                                  

Lorsqu’il fut Gouverneur de la ville de Kinshasa, l’actuel ministre de l’Enseignement Supérieur et Universitaire, Théophile Bemba Fundu, nous avait reçu dans son cabinet de l’Hôtel de ville en compagnie d’un autre collègue, pour que nous l’aidions à trouver une stratégie conforme à la loi permettant d’inciter les parents kinois à déclarer les naissances de leurs enfants. Le séminaire de formation que nous lui avions proposé, à l’intention des bourgmestres des 24 communes de la capitale et au cours duquel nous fûmes orateurs, avait eu lieu en 1999 dans la salle du Zoo. Si sa mémoire ne le trahit pas, il peut s’en souvenir et partager l’expérience avec ses collègues du gouvernement pour que l’ingénieuse idée qu’il avait eue soit étendue et rendue permanente à l’échelon national. Il n’est jamais tard pour bien faire.                                       

2) L’Institut National de la Statistique(INS)                                                                          

Très peu connu et dans son existence et dans ses attributions, l’Institut National de la Statistique est un précieux outil de gestion et de planification des projets de développement économique et social. Au Congo/Kinshasa, il est placé sous la tutelle du ministère du plan. On peut lire sur son site qu’en «  Exécution de son objet social, l’Institut National de la Statistique est, de manière générale, appelé à rassembler et analyser, principalement pour le compte du gouvernement, les informations statistiques nécessaires pour sa politique démographique, économique et sociale ».

Le premier et unique recensement scientifique qui fut réalisé avec succès au pays en 1984 était l’œuvre de l’INS. Depuis lors, plus rien. Pour y avoir travaillé pendant une année et demi comme administratif, nous pouvons attester qu’en matière de statistique démographique, c’est le seul organisme qui regorge un personnel techniquement qualifié (mathématiciens, informaticiens, démographes…), formé aussi bien au pays que dans des écoles spécialisées d’Afrique et d’Europe, mais un organisme négligé, avec un personnel mal payé. Que vient alors faire l’Office national d’identification de la population (ONIP), dont le personnel déjà nommé par ordonnance présidentielle, issu d’une seule famille politique, est essentiellement composé de politiciens et autres recommandés sans aucune qualification en la matière ? C’est pourquoi, usant de notre liberté d’opinion et d’expression, nous nous permettons de douter aussi bien de bonnes intentions de ses initiateurs que de l’efficacité du travail qu’on attend de lui, comparativement au service de l’état civil et à l’INS, qui a d’ailleurs des directions dans toutes les provinces.

3) La Direction générale de migration (DGM)

A cause de certaines pratiques qui l’éloignent de son rôle et de ses missions, la DGM est perçue par le Congolais ordinaire comme un organe de répression, non fréquentable comme le sont l’ANR, la DEMIAP et d’autres services dits de sécurité. Et pourtant les missions de la DGM sont, du moins sur papier, très nobles car elles devraient permettre à la nation, avec le concours et la collaboration d’autres services précités, de dormir tranquillement parce que les frontières seraient bien contrôlées et que l’infiltration surtout massive de malfaiteurs ne pourrait être envisagée. Parmi ces missions, il y a lieu de citer : la police des étrangers, la police des frontières entendue comme la régulation des entrées et des sorties du territoire ainsi que l’implication dans la délivrance des passeports ordinaires aux nationaux et des visas aux étrangers.

Comme on peut aisément le constater, la création de l’ONIP est, pour tout observateur averti (les Congolais n’étant plus dupes), une manœuvre qui était subtilement destinée à être complétée, le moment venu, par un projet de loi électorale dont l’article 8 al.3 a révélé les intentions de frauder par le moyen de la loi (fraus legis).                                            

En effet, peu avant le dépôt dudit projet de loi gouvernemental, il y a eu d’abord cette autre fraude scandaleuse dénoncée par le député Delly Sesanga et attribuée au bureau de l’Assemblée nationale, qui s’était permis de modifier et de distribuer sans le consentement de son auteur, un texte de proposition de loi électorale comportant des éléments étrangers à sa rédaction originale. «  Exprimant ses inquiétudes de voir le pays se trouver dans l’impasse par rapport à l’organisation des élections futures, Delly Sesanga avait promis de se rapprocher du bureau de son institution en vue de l’organisation des pourparlers autour de cette proposition de loi afin de trouver ce qu’il avait qualifié de « consensus ». Mais le député se dit surpris de constater que, loin de tenir compte de ses préoccupations, le bureau de l’AN a distribué aux députés un texte sous sa signature et qui porte certains éléments qu’il se refuse d’endosser au risque d’en porter la responsabilité devant la Nation et l’histoire et qui, par ailleurs, sont loin de ses convictions. « Je remarque cependant que, sans tirer les leçons de ces réformes électorales faites à la sauvette et qui ont compromis la paix dans notre pays, vous avez, d’autorité, en dépit de la discussion du 10 décembre 2014 à la conférence des présidents où vous m’avez invité, décidé de procéder ce 11 décembre 2014, à la distribution d’un texte sous ma signature qui n’emporte pas mon assentiment », a-t-il regretté. Face à un tel agissement, et prenant en compte l’intérêt général dans la conduite de cette réforme, a-t-il conclu, je prends la responsabilité politique du retrait de ma proposition de loi. » (Source : Le Potentiel, 13déc. 2014, http://www.adiac-congo.com/content/assemblee-nationale-delly-sesanga-retire-sa-proposition-de-loi-24824)                                                                                                

La nouvelle loi électorale, dernière cartouche

Il est essentiel de rappeler que la R.D.C. est ce pays où les règles du jeu politique sont en permanence provisoires. Tel est le cas de la Constitution et de la loi électorale. Chaque fois qu’on s’approche des échéances électorales ou des grands enjeux politiques, on voit surgir des théoriciens du droit constitutionnel pour présenter chacun ce qu’il prétend connaître. Chaque nouvelle université qui s’ouvre, de la manière que l’on sait, a au moins une faculté de droit que même des politiciens du Palais du peuple prennent d’assaut pour vite en sortir licenciés en droit afin, peut-être, de bien rédiger les textes d’interpellation des ministres et autres mandataires de l’État, ces interpellations improductives étant sources de revenus pour certains de leurs auteurs. Les professeurs d’université, qui auraient pu faire la différence et l’excellence s’en mêlent et se confondent à la masse en rédigeant des projets de loi (impersonnels?) qui rendent inutiles la formation supérieure et universitaire ou la formation tout court comme exigence pour diriger le pays, la province ou pour être sénateur, député national ou provincial. Au 21ème siècle, c’est tout simplement un nivellement par le bas.

Contrairement à la grande majorité de la population congolaise demeurant au pays, sa diaspora a pu suivre avec intérêt, grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, des images honteuses de l’armée et de la police tirant à balles réelles et sans sommation sur le souverain primaire qui ne faisait qu’user de son droit constitutionnel de s’opposer pacifiquement contre un individu ou groupe d’individus qui tente de conserver le pouvoir par la force (art. 64) alors qu’on aurait pu éviter la moindre casse en encadrant tout simplement les manifestants, comme tout récemment lors des marches de soutien au Président de la République organisées à Lubumbashi et dans d’autres grandes villes et cités du Katanga. Deux poids, deux mesures.

Alors que des millions de compatriotes du pays ont été victimes de la censure (coupure d’électricité, de l’internet et des messageries téléphoniques), presque tous les Congolais de la diaspora ont pu suivre des images des sénateurs, pourtant moins proches du peuple que les députés, qui ont fait la différence avec ces derniers en prenant le temps d’examiner sagement en seconde lecture, le texte déjà voté précipitamment et en pleine nuit par l’Assemblée nationale, qui a évité tout compromis et tout consensus avec l’opposition. Parlant de cette plénière à laquelle n’étaient convoqués que les députés favorables au projet de loi gouvernemental, un journal proche du pouvoir, sous la plume de Freddy Longangu écrit ce qui suit : « Mais contre toute attente, le bureau de l’Assemblée nationale a préféré convoquer les députés de la majorité (c’est nous qui soulignons) le samedi dernier pour la poursuite de l’examen dudit projet de loi. Une façon pour le bureau de devancer (idem) les députés de l’opposition qui comptaient organiser des nouvelles manifestations et actions visant à empêcher la tenue de la plénière sur la loi électorale au cas où elle aurait lieu ce lundi 19 janvier. Ce qui a été fait en dépit des voix qui se sont élevées pour accuser le bureau de l’Assemblée nationale de tricherie. »(Source :L’Observateur,19 janvier 2015, http://www.lobservateur.cd/2015/01/adoptee-samedi-sous-haute-surveillance-policiere-la-loi-electorale-sauvee-des-scenes-de-perturbation-prevues-ce-lundi/)

Il se pose dès lors un sérieux problème d’éthique ou simplement de bon sens lorsque ça et là des personnalités, parmi lesquelles ceux qui ont voulu confisquer la démocratie, tiennent des points de presse pour déclarer urbi et orbi que « la démocratie a triomphé » ou encore, pinces sans rire, « qu’on a été à l’écoute du peuple ». Non seulement nous avons vu des images, privées à ce même peuple par la censure, mais nous avons surtout suivi sur des chaînes de télévision étrangères, montrant le même Président de l’Assemblée nationale dire : « Nous députés, nous étions dans l’obligation d’écouter le souverain primaire… », (Source; Jeune Afrique, 26 janv. 2015, http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20150125174802/joseph-kabila-udps-aubin-minaku-etienne-tshisekedi-rdc-rdc-la-nouvelle-loi-lectorale-a-t-adopt-e-par-le-parlement.html), oubliant que peu avant, il avait ironisé sur les manifestants en ces termes : «Il n’y aura pas de Burkina Faso à Kinshasa, arrêtez de rêver. L’opposition ne fera pas imposer son rythme aux institutions » (Source : Coralie Kienge Show, 23 janv. 2015, (http://coraliekiengeshow.com/2015/01/23/aubin-minaku-insulte-les-manifestants-et-lopposition-d-incapables/). Pourquoi l’hyperactif porte-parole du gouvernement a-t-il caché au souverain primaire la visite rendue la veille au Président de la République par une délégation des ambassadeurs des USA, de la France et de la Grande Bretagne, comme la diaspora l’a suivi à plusieurs reprises notamment sur France 24, sur TV5 et sur Euronews?

Convaincu pour sa part de l’efficacité de la dernière cartouche, Kin Kiey Mulumba, Ministre des Relations avec le Parlement, disait « Il est très peu probable que l’Assemblée nationale accepte en l’État le texte du Sénat. » (Source : Ba sango ya Congo, http://www.sangoyacongo.com/2015/01/tryphon-kin-kiey-ministre-des-relations.html). La liste serait longue si nous reprenions les déclarations de plusieurs personnalités du pouvoir qualifiant les opposants de manipulateurs, qui devraient payer cher pour dédommager les commerçants victimes d’actes de pillage. De tout ce que nous avons pu regarder, écouter et lire, loin des agitations partisanes, nous pouvons être en mesure de faire notre constat et de dégager des responsabilités.

Le constat

Nous inspirant de l’adage selon lequel : « Faites du bien au diable, il vous donnera l’enfer en récompense », nous avons constaté, et le monde entier l’a remarqué, que le peuple Congolais aspire réellement et fermement à la démocratie comme tous les peuples de la terre. Mais ses fils et ses filles qu’il avait désignés là où s’élaborent les lois et ceux qui gèrent le pays au quotidien, l’ont malheureusement trahi en abusant du mandat qui leur avait été confié et en refusant de l’écouter, pire, en lui envoyant ses autres fils (policiers et soldats) pour le tuer. Ne sachant se faire comprendre autrement qu’en utilisant le seul moyen efficace à sa disposition (art.64 de la Constitution), il a pu trouver gain de cause auprès de ceux-là (sénateurs), sans mandat depuis 2011, qui se sont comportés comme le ferait un gentil voisin devenu plus frère que son propre frère. Gênés et pris de panique, contrairement à ce qu’ils déclarent pour se donner bonne conscience, les « élus » se sont hypocritement souvenus des cris du peuple qu’ils venaient de trahir nuitamment le jour consacré à la mémoire de l’unique héros national, Patrice Emery Lumumba. Nul doute que le souverain primaire s’en souviendra lors des prochaines élections.

Les responsabilités

A suivre certaines déclarations, que dans un État de droit nous avons honte de reproduire ici, les coupables sont déjà désignés et peut-être même les sentences déjà proposées au pouvoir judiciaire qui ne fera que les prononcer bientôt lors des parodies de justice. Ces coupables sont bien entendu les opposants, qualifiés de manipulateurs. Rien n’est d’ailleurs surprenant lorsque même dans le camp de ceux qui dirigent, la prison ou l’exil est la récompense réservée à quiconque pense qu’il a le droit d’émettre librement son opinion, surtout lorsque celle-ci rejoint les revendications de la majorité silencieuse. Autant il faut sanctionner sévèrement tout celui qui s’est écarté des revendications légitimes du peuple pour verser dans le vandalisme, autant il faut châtier tous les agents de «  l’ordre » et leurs commanditaires qui auraient exécuté ou donné un ordre manifestement illégal de tuer les paisibles manifestants. Malheureusement il n’y a rien de bon à attendre de cette justice, complètement et scandaleusement instrumentalisée et dont les pratiques nous avaient poussé à démissionner pour ne pas subir un jour le jugement collectif de l’histoire. Sinon que font encore des centaines de compatriotes, dont plusieurs croupissent illégalement et arbitrairement en prison dès lors que le pouvoir législatif lui-même a rejoint la rue et que le Président de la République a promulgué la loi électorale, qui ne contient plus les éléments de fraude qui ont coûté le sang de plusieurs manifestants ?

C’est en attendant l’avènement d’un État de droit et d’une véritable justice que nous relevons cette autre responsabilité dont on ne parle presque pas mais qui est à la base de tout ce qu’on déploré. Il s’agit de la responsabilité politique, que portent ceux qui ont cherché à imposer, par défi, une loi comportant des dispositions contraires au pacte social qu’est la Constitution. Plus d’une année durant, on les voyait venir avec toutes sortes de plans, de théories et de stratagèmes tendant à ignorer ce que le souverain primaire avait enfermé jalousement dans son coffre-fort constitutionnel : l’élection au suffrage universel du Président de la République et des députés nationaux et provinciaux, la durée et limitation des mandats du Président de la République et le respect des échéances électorales. Par défi et/ou par égoïsme, même ceux qui se disent « Lumumbistes » ont superbement ignoré que le 17 janvier de chaque année est un jour férié, consacré à la mémoire de leur idole. Ils se sont enfermés au Palais du Peuple pour comploter contre le peuple et la Constitution, trahissant ainsi la mémoire du héros national, mais comme la fraude corrompt tout, ce qui devait arriver, arriva : peuple dans la rue, police et armée lancées à la chasse du peuple, pillages, censure sélective des médias, coupure de l’internet et des messageries téléphoniques(symboles de la démocratie, du progrès et du slogan de la révolution de la modernité), arrestations arbitraires et bris de confiance entre la classe dirigeante et le peuple. Si les « Honorables députés » sont sincères, après avoir reconnu les dérapages, nous attendons qu’ils reconnaissent officiellement qu’ils ont été induits en erreur et qu’en conséquence, ils aillent jusqu’au bout pour désigner les « coupables politiques » et exiger leur démission pure et simple. C’est comme ça que ça se passe en démocratie et non autrement, car cela fait partie du contrôle parlementaire (art.100 al.2 de la Constitution).

Conclusion

Le monde entier, y compris nos propres dirigeants, croyaient le peuple congolais éternellement amorphe et prêt à accepter n’importe quoi. Les évènements de mi-janvier 2015 ont non seulement prouvé le contraire mais comportent surtout de riches leçons pour le peuple lui-même, pour la classe politique en général, pour l’opposition, pour la majorité au pouvoir, pour les forces de l’ordre et même pour les puissances occidentales.

Le peuple saura désormais se servir des récents évènements pour éviter à l’avenir des discours démagogiques et des dons ponctuels offerts lors des campagnes électorales par ceux qui se retournent contre lui en abusant de leur mandat.

Dans la classe politique, toutes tendances confondues, il est triste d’entendre des voix s’élever pour dire que la nouvelle loi électorale, votée sans les dispositions énervantes, est une victoire de la démocratie. C’est quelle démocratie qui doit chaque fois s’abreuver du sang de ses fils et de ses filles ? Que ceux qui seront demain au pouvoir, peu importe qu’ils viennent de l’opposition ou de la « majorité sortante », évitent que les mêmes scènes se reproduisent et que le passé soit l’avenir de nos enfants.

L’opposition a eu la preuve qu’unie et parlant d’une seule voix, elle peut communier avec la majorité silencieuse et devenir une force redoutable. En vue des prochaines échéances électorales, il est temps de geler des ambitions égoïstes et irréalistes qui ne profitent surtout pas au peuple dont elle prétend défendre les intérêts.

L’alternance au pouvoir ne doit pas être perçue par la « majorité » au pouvoir comme quelque chose de mortel lorsqu’on a la conscience d’avoir bien servi et non de s’être uniquement servi. En langage sportif, toute compétition se joue dans la transparence et dans le respect des règles du jeu, sinon on risque de perdre même ses supporters. C’est le temps d’opérer d’abord l’alternance interne pour être en ordre de bataille à l’échéance 2016 au lieu d’organiser, le jour ouvrable et comme à l’époque du MPR, des marches de soutien qui paralysent les activités économiques de toute une province. Pourquoi cette alternance doit être un sujet tabou, susceptible d’attirer de sérieux ennuis à celui qui l’invoque ?

Les forces de l’ordre doivent avoir constamment à l’esprit qu’elles sont l’émanation du peuple. Dans la plupart d’ethnies congolaises, il existe un proverbe qui dit : « C’est celui qui épousera ma mère que j’appellerai papa ». La sécurité doit profiter à tout le peuple et non pas à quelques individus. Et si demain le pouvoir change de mains ?

La Communauté dite internationale doit désormais savoir qu’il existe aussi une opinion publique congolaise, qui demande à être respectée et surtout qui apprécie que ses choix soient aussi respectés.

Jean-Bosco Kongolo M.
Juriste&Criminologue, Ottawa/Canada
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