Présidence de la RDC : « Lobogate » ou le scandale qui étale les tensions et les insuffisances du cabinet du président Tshisekedi ?
Jean-Jacques Wondo Omanyundu
L’information annonçant l’arrestation de M. Dieudonné Lobo à la prison de Makala a fait l’effet d’une bombe dans les réseaux sociaux. Et pour cause, « Dido » est un proche ami de « Fatshi » depuis Bruxelles. Les deux hommes qui se connaissent depuis les années 80 entretiennent aussi des liens familiaux par alliance. Coordonnateur Administratif des services Personnels du Chef de l’État, ancien Directeur de cabinet adjoint du cabinet de Félix Tshisekedi, alors président de l’UDPS et figure marquante de l’UDPS à Bruxelles, Dieudonné Lobo est détenu dans le Centre pénitentiaire de Makala depuis le jeudi 28 novembre 2019 selon une source proche de sa famille qui a requis l’anonymat et a transmis trois documents sonores inédits à DESC.
Il lui est reproché d’avoir illégalement accordé à une société canadienne, dénommée Saint-Louis BGM SARL, un mandat spécial afin d’effectuer des études liées notamment à l’exploitation industrielle du diamant de la MIBA à Mbuji-Mayi.
Le récit de l’arrestation de Dieudonné Lobo Bebel
Selon les sources UDPS de la Présidence ayant requis l’anonymat, c’est le ministre du Portefeuille, Clément Kuete Nyimi Bemuna, qui a découvert et dénoncé le scandale. Il en a fait part au Premier ministre, Ilunga Ilunkamba, qui, à son tour, a informé(,) Vital Kamerhe, le Directeur de Cabinet du Chef de l’État dans une correspondance datée du 26 octobre 2019 pour demander des éclairages sur le dossier.
Le scandale a été finalement révélé à travers une lettre adressée par le ministre du Portefeuille le 14 novembre 2019 au Directeur Général de la MIBA à Mbuji-Mayi à travers laquelle il signale que le Premier ministre condamne et s’insurge contre le mandat spécial que le Coordonnateur Administratif des Services personnels du chef de l’Etat a accordé à la compagnie Saint Louis BCM SARL d’aller à Mbuji-Mayi afin d’effectuer des études liées notamment à l’exploitation industrielle du diamant à la MIBA. Dans cette correspondance, le ministre Clément Kuete relève le défaut de qualité et l’usurpation de pouvoir dans le chef du donneur de mandat et instruit le Directeur Général de la MIBA « à veiller au strict respect des instructions de la hiérarchie ».
Informé, le Président de la République, Félix Tshisekedi, aurait ordonné son audition par le Conseil National de sécurité (CNS) dirigé par François Beya. Dieudonné Lobo a ensuite été privé de liberté et transféré au Casier Judiciaire puis au centre pénitentiaire de Makala après l’expiration du délai légal de 48 heures.
La genèse du scandale « Lobogate »
Au commencement, précise une source : « il y a la lettre signée à Kinshasa le 21 août 2019 par Dieudonné Lobo, en tant que Coordonnateur administratif des services personnels du chef de l’Etat, adressée au Gouverneur de la province du Kasaï-Oriental, avec copie pour information au seul Directeur Général de la Société Saint Louis BGM SARL à Kinshasa-Gombe, avec pour objet: Mandat spécial ! A travers sa lettre au Gouverneur du Kasaï-Oriental, Dieudonné Lobo donne mandat à la Société Saint Louis d’aller à Mbuji-Mayi pour y effectuer des études liées à la réalisation des projets suivants :
La réhabilitation, le réaménagement et l’asphaltage de 100 Km de routes urbaines dans la ville de Mbuji-Mayi, faisant partie du grand projet de 9.154 Km sur l’étendue du territoire national ; l’aménagement et la construction d’une nouvelle ville de 50 000 maisons, un aéroport international de quatre pistes (deux d’atterrissage et deux de décollage) à Munkamba ;
La construction d’un hôpital pédiatrique spécialisé de 1000 lits à Mbuji-Mayi ; la construction d’un camp d’internement des forces spéciales et d’intervention rapide de 300.000 hommes ; la conception et la construction d’un chemin de fer qui devra relier Mwene Ditu et Mbuji-Mayi ;
La construction d’une cimenterie d’une capacité de production de 10.000 tonnes par jour ; la conception et la construction de 40 industries de production et de transformation selon les besoins de la population de Mbuji-Mayi ;
L’exploitation industrielle du diamant à la MIBA pour un soubassement de finance et créances extérieures en vue d’une optimisation de la production nationale.
Selon le site d’information interview.cd, la firme canadienne Saint Louis BGM aurait déjà « financé l’opération d’identification biométrique du personnel actif » et la société canadienne aurait annoncé avoir produit « 3500 carats » en une semaine[1].
Dieudonné Lobo serait-il un bouc-émissaire ?
Selon une source de la Présidence à qui la question a été posée de savoir si la lettre sous-forme de mandat spécial que Lobo avait adressée au Gouverneur du Kasaï-Oriental était autorisée par sa hiérarchie directe : « Ce n’est pas faux. On pourrait même se demander si Lobo n’est pas victime des dysfonctionnements au sein du Cabinet du Chef de l’État ».
Une autre source, se présentant comme faisant partie du conseil juridique de Lobo, d’éclairer : « Je viens de m’entretenir avec le directeur adjoint du cabinet du chef de l’Etat, monsieur Dieudonné LOBO Bebel. Il est bien portant, serein et très confiant. Je rappelle qu’il est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire/ Voici le film des faits : « Le résumé de l’arrestation arbitraire de l’homme de confiance du chef de l’Etat par la police : Apparemment personne ne comprend rien… absolument rien… Le niveau de compréhension est réduit à néant… à cause de la haine ou de la jalousie qui réside dans le cœur de ceux qui ont monté la cabale… contre l’homme de confiance et intègre du chef de l’Etat. En effet, le Chef de l’Etat a été totalement induit en erreur par Kamerhe et sa bande au sein du cabinet présidentiel, dans le but de nuire et de salir ceux qui empêchent les pratiques indignes dans la gestion des affaires de l’état. La lettre sous la forme de « mandat spécial que Mr LOBO avait adressée au Gouverneur du Kasaï, était autorisée par le chef de l’état. Les suites que le Gouverneur a données à cette recommandation ont été très favorables à la province et à la visibilité du chef de l’Etat. Qui dit mieux ? Kamerhe et sa bande voulaient toucher sans doute des millions… Hélas ! LOBO n’a pas permis les retro commissions et autres pratiques indignes… Voilà le fond de l’affaire. Restons vigilants ! ».
Les trois documents sonores parvenus à DESC parlent de vives tensions dans l’entourage familial de M. Lobo qui estime que ce dernier aurait servi de fusible. Ses proches s’insurgent contre le fait que Lobo soit sacrifié dans cette affaire dont certaines sources affirment qu’il aurait empoché une somme des deux millions de dollars américains de rétro-commission, selon une source proche de l’enquête.
Qui est la nébuleuse société Saint-Louis BGM au centre du scandale ?
Saint Louis BGM Limited est une société canadienne créée le 18 Septembre 2013 enregistrée sous le numéro d’exploitation 8638845. Son siège social est situé au 651 rue de Louvain Est à Montréal. La société est reconnue par Législation en vigueur de Loi canadienne sur les sociétés par actions depuis le 18 septembre 2013. Elle est principalement dirigée par des canadiens d’origine congolaise dont Louis Baguma (directeur), Mahazi Alan Ngabo (directeur), Sylvain Baguma (directeur) et Yves Kambale (directeur)[2].
Selon une source des milieux d’affaires canadiens, la société ne disposerait pas suffisamment de capitaux pour pouvoir relancer les activités de la comateuse MIBA. Cependant, les cadres de BGM se seraient lancés dans une stratégie de marketing pour prouver leur crédibilité en menant une campagne de recrutement d’agents de la MIBA et de paiement des arriérés de salaire de quelques milliers d’anciens agents impayés depuis plusieurs années. Une campagne qui se serait interrompue juste après le paiement de quelques centaines d’agents, sous prétexte qu’il était nécessaire d’identifier et d’éloigner des agents fictifs.
Or, le mal est déjà fait. La fameuse société Saint Louis avait déjà pris ses quartiers à Mbuji-Mayi. Sa présence au chef-lieu du Kasaï-Oriental a été marquée par une forte campagne de communication autour de la paie des arriérés des salaires des travailleurs de la MIBA. C’était l’arbre qui cachait la forêt.
En effet, sur les 2.390 travailleurs que compte la MIBA, seules 140 personnes avaient été payées pour un mois !
Un cadre de la MiBA s’est étonné de voir « les prestidigitateurs de Saint Louis BGM SARL de prendre leurs quartiers dans le polygone de la MIBA avec l’accord du Gouverneur de province sur base du mandat spécial signé par Dieudonné Lobo ».
Il poursuit : « Interpellés par le Conseil d’Administration de la MIBA sur les moyens de leur action, les responsables de la compagnie Saint Louis ont affirmé avoir sollicité 5 millions de dollars américains à une banque et n’avaient reçu jusque-là qu’un million de dollars ayant servi au paiement de salaire de 140 travailleurs (sur 2390) et l’achat de carburant pour 200 000 dollars américains. Et pourtant, les projets à réaliser par la société Saint Louis BGM à Mbuji-Mayi sont évalués à 22 milliards de dollars ! En réalité, la Société Saint Louis BGM qui avait déjà commencé l’exploitation à la MIBA en gardant par ailleurs des pierres précieuses, comptait financer « ses » différents projets grâce au diamant de la MIBA en s’emparant de la part du lion : 60% pour elle et 40% pour la MIBA. Selon une source autorisée, c’est pour avoir flairé cette maffia que Didier Kazadi Nyembwe nommé président du Conseil d’Administration de la MIBA par le ministre du Portefeuille en remplacement de Mbaya Tshiakani, suspendu pour trois mois, a décliné ladite nomination ».
Un autre constat intrigant fait par notre source de la MIBA est le fait que « le mandat spécial de Dieudonné Lobo à la fameuse société Saint Louis BGM date du mois d’août 2019 alors que c’est seulement en novembre 2019 que le ministre du Portefeuille a instruit le directeur général de la MIBA au strict respect des instructions de la hiérarchie ? Et pourtant, le gouvernement par ses ministres des Mines et du Portefeuille étaient informés de la présence de la Société Saint Louis BGM SARL dans le polygone de la Miba bien avant ? Qui avait intérêt à laisser faire ? », s’interroge la source de la MIBA.
En dernière minute, conclut cette même source, « il nous revient que les responsables de la société Saint Louis BGM SARL ont escroqué plusieurs diamantaires de la place de Mbuji-Mayi dont des Libanais en contractant un emprunt qu’ils n’ont remboursé jusqu’à ce jour ».
D’autres cas d’escroquerie de la société BGM ont été également signalés par d’autres sources. Selon une source judiciaire en Ituri : « D‘ailleurs cette soi-disant firme canadienne est composée de hommes mécréants de Bukavu… Nous sommes informés de ces personnes ici à Bunia où ils ont des dossiers ouverts contre eux au Tribunal de grande instance de Bunia… La société elle-même n’existe pas… C’est un réseau d’escroquerie de portée internationale ».
Selon le site d’information Cas-info.ca, sous le titre « Sourires et émotions à la MIBA: les agents perçoivent un salaire après de longs mois d’impaiement », indique que BGM avait déjà payé 2290 agents et cadres de la MIBA, le moins gradé a touché 400 USD. Il ne s’agit pas ici d’un salaire mais d’une prime, nuance-t-on à la MIBA [3]. Notre source de MIBA contredit cette information : « Le mal est déjà fait. La fameuse société Saint Louis a déjà pris ses quartiers à Mbuji-Mayi. Sa présence au chef-lieu du Kasaï-Oriental a été marquée par une forte campagne de communication autour de la paie des arriérés des salaires des travailleurs de la MIBA. C’était l’arbre qui cachait la forêt. En effet, sur les 2.390 travailleurs que compte la MIBA, seules 140 personnes avaient été payées pour un mois ! »
Ce scandale ravive la guerre de tranchées qui sévit dans le Cabinet du Président Tshisekedi
Depuis la nomination de Vital Kamerhe au poste de Directeur de cabinet du président Félix Tshisekedi, plusieurs sources présidentielles nous ont rapporté l’opposition que cela a suscité dans le camp de l’UDPS. Ce dernier a été à la base des révélations des scandales financiers imputés au Directeur de cabinet de Tshisekedi, notamment dans l’affaire du détournement des 15 millions de dollars. Il nous revient que Dieudonné Lobo fait partie des durs du clan UDPS qui s’opposent farouchement à Vital Kamerhe et veulent le faire partir du cabinet présidentiel. De même, le camp Kamerhe ne laisse pas non plus une occasion d’éclabousser médiatiquement ses adversaires du cabinet chaque fois que l’occasion se présente. Cette guerre de tranchées se traduit notamment par la publication sur les réseaux sociaux des documents officiels de la Présidence faisant état de pratiques de corruption que les deux camps s’imputent mutuellement. L’unique réunion du cabinet du président, convoquée par Félix Tshisekedi en personne le 25 juillet 2019 pour rappeler ses collaborateurs directs à l’ordre[4], n’a pas permis de calmer les esprits ni d’imposer la discipline.
L’on se souviendra du dossier de la gestion conflictuelle de l’aviation civile présidentielle entre le chef de la logistique présidentiel, Jean-Paul Mulamba, et Charles Deschriiver, l’ancien chef de la logistique présidentiel de Joseph Kabila, qui, selon nos sources, bénéfice de la couverture de Vital Kamerhe. Selon nos sources présidentielles, ce conflit avait atteint des proportions telles que des menaces de mort fusaient de part et d’autres. Et le crash, le 10 octobre 2019, de l’Antonov 72 qui transportait la logistique présidentielle après avoir décollé de Goma aurait polarisé la tension entre les deux camps ennemis[5].
Pour revenir à l’affaire Dieudonné Lobo, notre source à la Présidence indique que « Lobo a été nommé Coordonnateur Administratif des services Personnels du Chef de l’État, une nouvelle fonction qui n’existait pas du temps de Kabila et dont les attributions, comme celles des autres fonctions créées par l’ordonnance de mars 2019, ne sont pas clairement définies. Il n’y a pas de Job description. Du coup, les titulaires sont obligés de s’inventer, empiétant au passage sur les attributions des services existants, en particulier celles du Directeur de cabinet. Celui-ci avait déjà déclaré la guerre à Lobo ; il l’aurait sommé de céder le bureau qu’il (Lobo) occupe à la Cité de l’UA ».
Dans cette cacophonie fonctionnelle au sein de la Présidence, l’entourage de Kamerhe réprochait à Dieudonné Lobo d’usurper les compétences du Directeur de cabinet. La promulgation de l’ordonnance présidentielle établissant le Tableau des équivalences des rémunérations et autres avantages sociaux entre les membres du Gouvernement central avec ceux des membres du Cabinet du Président de la république par référence à l’équivalence des grades pourrait également être un élément supplémentaire de la polarisation de cette tension. On y lit que le Directeur de cabinet est assimilé au Vice-premier ministre alors que le Coordonnateur administratif du Président occupe le rang d’un Ministre délégué, au même titre que l’Assistant principal du Directeur de cabinet. Une façon pour Kamerhe de « bétonner » officiellement sa hiérarchie fonctionnelle et structurelle au sein du cabinet présidentiel.
Vital Kamerhe aurait-il une ascendance psychologique sur le Président Félix Tshisekedi ?
La question ne mérite pas d’être éludée au vu des scandales à répétition qui émaillent le cabinet du chef de l’Etat et son entourage personnel ou familial. Plusieurs sources diplomatiques occidentales qui avaient cru en sa capacité d’apporter un changement positif dans la gouvernance du Congo commencent progressivement à émettre de sérieux doutes sur le leadership politique du président Félix Tshisekedi dans son fonctionnement dual avec Vital Kamerhe, son allié de la plateforme politique CACH.
Les nouvelles qui reviennent de son cabinet parlent d’un chaos quasi généralisé causé par un fonctionnement cacophonique, non coordonné et disparate des services de la Présidence de la République, de son cabinet et de son manque d’ascendance hiérarchique par rapport à son directeur de cabinet. D’autres sources évoquent l’incompétence d’une grande majorité des collaborateurs du chef de l’Etat congolais qui auraient désacralisé, non seulement sa fonction présidentielle, mais aussi le fonctionnement du Cabinet du Chef de l’Etat devenu une sorte d’agence d’assistanat social à « ses potes de lutte désœuvrés et immoraux pour certains d’entre eux »[6].
Tshisekedi aurait-il marché sur les plates-bandes de Kabila ?
Au-delà de cette guerre des clans au sein de la Présidence, des sources parlent d’une main noire de Kabila derrière cette arrestation à laquelle le président Tshisekedi a été mis devant le fait accompli de se résigner. C’est ce que semblent indiquer trois bandes sonores parvenues à DESC et que nous nous gardons de publier pour ne pas exposer notre source. Selon ces documents, Dieudonné Lobo a été un exécutant qui a été utilisé pour tenter d’imposer l’empreinte présidentielle dans le secteur très convoité de l’exploitation du diamant. Dans l’imaginaire collectif Congolais, le secteur diamantifère est généralement associé aux exploitants luba. Plusieurs luba de l’entourage du Président Tshisekedi qui est originaire du Kasaï-Oriental, ne rêvaient que de reprendre possession de l’exploitation exclusive de la MIBA et du secteur diamantifère.
Or le secteur diamantaire en RDC reste une chasse gardée de la famille Kabila qui y a mis la main basse depuis la deuxième guerre du Congo. Le dépeçage de la MIBA serait une stratégie mise en place par Joseph Kabila pour faire proférer des sociétés privées au sein desquelles sa fratrie possède d’énormes parts de participation. C’est le cas de Kumpala Diamonds resources DRC SARL (KDR)[7], selon le lanceur d’alerte Jean-Jacques Lumumba. Selon ce dernier, lors d’une visite d’un site de KDR à Tshikapa, il était étonné de constater que la concession était sous la protection de la Garde républicaine[8].
Les tentatives de Tshisekedi et son entourage de vouloir s’imposer dans le domaine minier en général se butent à une nette résistance du clan Kabila qui contrôle l’essentiel du Gouvernement Tshisekedi et dispose des hommes-liges au sein de la Présidence. Kabila qui, à travers ses récentes sorties médiatiques et celles de ses affidés, tient à lancer un message clair et de défi qu’il reste encore l’homme incontournable de la scène politique congolaise.
Conclusion
Le scandale de la société Saint-Louis BGM met à jour les pratiques contraires à la bonne gouvernance au sein de la présidence alors que Félix Tshisekedi a placé sa mandature sous le slogan de la lutte contre la corruption et les antivaleurs. « L’affaire Lobo » met également en lumière les carences structurelles et fonctionnelles du cabinet présidentiel et la situation conflictuelle qui y règne.
A propos des carences fonctionnelles du cabinet du Chef de l’Etat, contacté par DESC, l’expert minier et juriste Didier Bazola de Lubumbashi pointe « le manque de professionnalisme de ceux qui sont appelés à de hautes fonctions au sein du cabinet présidentiel. Il précise que pour une matière aussi sensible, la procédure aurait voulu que ce soit la MIBA qui prenne l’initiative de conclusion d’un partenariat, à l’instar de ce que M. Albert Yuma fait avec la Gécamines, quitte à formaliser avec un quitus du Gouvernement, voire de la Présidence ».
Par ailleurs, cette affaire présage le futur conflit, inévitable, qui finira par éclater au fur et à mesure que l’on s’approche de 2023, entre Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe, unis dans une alliance antinomique d’intérêts du type « je t’aime, moi non plus, mais restons en ménage pour sauver les meubles ». Un observateur politique à Kinshasa avance que « la prédominance de Vital Kamerhe et de son équipe à la Présidence est indéniable parce que lui, VK, a amené des gens avec des têtes assez bien faites alors que le Président a amené plus des potes avec des profils académiques, techniques et professionnels qui laissent à désirer. Ce qui est dommage est que tu ne peux pas gérer la Présidence avec une équipe qui regorge autant d’antagonismes. Le Président Tshisekedi doit envoyer VK au Gouvernement et refaire son cabinet sur base des critères très rigoureux de compétence, s’il tient réellement à la réussite de son mandat. Il est inadmissible qu’en moins d’une année, son cabinet fasse l’objet d’une telle flopée de scandales ».
Le « Lobogate » étale enfin au grand jour les limites fonctionnelles et la fragilité de la coalition politique improvisée FCC-CACH qui fonctionne plutôt comme une cohabitation politique que les protagonistes refusent de reconnaitre publiquement. C’est ce qu’avance l’analyste Bandeja Yamba : « Les élections présidentielles et législatives de décembre 2018 au Congo ont résulté, avec tous leurs inconvénients connus, en une première passation de pouvoir politique pacifique à la tête du pays depuis l’indépendance, sans forcément être une alternance au sens propre du terme telle qu’on l’entend en politique. Mais le président Félix Tshisekedi devra partager le pouvoir avec le camp du président sortant, Joseph Kabila, qui a gardé la mainmise sur presque l’ensemble des institutions de la République… ; d’aucuns qualifient ce partenariat, qui semble chavirer, voire chavire déjà, dans une cohabitation d’insolite »[9].
Le scandale BGM et d’autres affaires, notamment celle du détournement des 15 millions de dollars, desservent l’image d’un Président qui souffre encore d’une grave crise de légitimité et dont les actions au quotidien semblent l’éloigner davantage des attentes des populations. Ces dernières s’impatientent de ne pas voir le début de l’amélioration substantielle de leurs conditions de vie sociales espérée par l’alternance au pouvoir dans leur vécu quotidien.
Jean-Jacques Wondo Omanyundu / Exclusivité DESC
Références
[1] https://afrique.lalibre.be/44005/rdcongo-un-collaborateur-du-president-tshisekedi-en-prison/.
[2] https://opencorporates.com/companies/ca/8638845.
[3] https://cas-info.ca/2019/10/sourires-et-emotions-a-la-miba-les-agents-percoivent-un-salaire-apres-de-longs-mois-dimpaiement/.
[4] https://www.jeuneafrique.com/809229/politique/rdc-quand-felix-tshisekedi-rappelle-a-lordre-les-membres-de-son-cabinet/.
[5] https://afridesk.org/le-crash-de-lantonov-72-affrete-par-la-presidence-de-la-rdc-les-questionnements-de-desc/.
[6] L’ordonnance présidentielle publiant le Tableau des équivalences des rémunérations et autres avantages sociaux entre les membres du Gouvernement central avec ceux des membres du Cabinet du président de la république par référence à l’équivalence des grades en est une illustration frappante selon les réactions virales des internautes.
[7] Kumpala Diamonds est une société anonyme à responsabilité limité qui exploite le diamant de la Miba. Elle a a été créée le 01-01-2015 et censée fonctionner jusqu’au 01-01-2050 (Date fermeture).Son siège social est situé sur 03, Av. Colline, Q/Ma Campagne, C/Ngaliema-Kinshasa.
[8] Jean-Jacques Lumumba avait eu l’occasion de visiter cette société pendant une semaine et y a découvert la mainmise de la famille Kabila.
[9] https://afridesk.org/rdc-comment-traiter-des-criminels-du-passe-dans-un-contexte-de-coalition-voire-de-cohabitation-gouvernementale-bandeja-yamba/.
2 Comments on “« Lobogate » ou le scandale qui étale les tensions et les insuffisances du cabinet du président Tshisekedi ? – JJ Wondo”
Pascal Mpoyi-Ntumba
says:Toujours pertinent et factuel dans vos analyses
DESC-Wondo.org
says:Merci et c’est le principe de notre site. Analyser et expliquer les choses au départ des faits.