Jean-Jacques Wondo Omanyundu
POLITIQUE | 08-09-2017 14:26
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Licence en Droit : très convoitée au Congo-Kinshasa – JB Kongolo

Auteur : Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Licence en Droit : très convoitée au Congo-Kinshasa

Par Jean-Bosco Kongolo M.

Avant nous et lorsque nous entrions nous aussi à l’université, l’admission à la faculté de Droit était réservée aux finalistes du secondaire qui avaient fait des humanités littéraires, option gréco-latine ou latin-philosophie. La raison était bien simple : de la troisième à la dernière année du secondaire, le grec, là où il est encore enseigné, le latin et le français étaient des cours de base dans lesquels l’accent était mis sur la rhétorique et la rédaction littéraire. C’est également dans ces cours que les élèves acquièrent la facilité de comprendre l’étymologie de la plupart des mots français, le sens et l’intérêt des adages et principes généraux de Droit universellement utilisés de nos jours encore par les juristes mieux formés.

Depuis plusieurs années déjà, l’argent est devenu le principal, sinon le seul critère d’admission dans nos universités de sorte que sont actuellement admis en Droit, mêmes ceux qui finissent avec juste 50% leur secondaire en coupe et couture, en sciences commerciales, en biochimie et, pourquoi pas, en construction. Pas donc étonnant que des cercles scientifiques qui existaient jadis et des houleux débats qui se tenaient en un bon français et par lesquels on reconnaissait les étudiants en Droit, ont fini par céder peu à peu place aux multiples fan-clubs des stars de la musique, aux groupes de prière et aux débats stériles en Lingala sur la musique, le théâtre populaire, le sport et les mœurs légères.

Ngoy Kasanji exhibant son diplôme en droit sur son compte Twitter

A la faveur du multipartisme sauvage et de la politique politicienne devenue un moyen par excellence de se faire de l’argent facile au sein des institutions, c’est finalement des fonctionnaires à temps plein(tous niveaux confondus), des députés et des gouverneurs de provinces qui se ruent sur le diplôme en Droit, pourvu qu’on les appelle « Maîtres » et que la toge noire qu’ils arborent désormais, puisse les distinguer de leurs collègues. A l’instar des milliers de pasteurs, souvent « autoproclamés », qui déroutent leurs fidèles plus qu’ils ne leur indiquent le chemin menant au ciel, les « licenciés en Droit » de ces dernières générations ont chacun son interprétation du Droit qui laisse les profanes perplexes et déboussolés, surtout sur des questions touchant à l’accès et à l’exercice du pouvoir. Au bout de la ligne, c’est l’avenir même du pays qui est dangereusement compromis si des mesures radicales et urgentes ne sont pas prises pour y remédier. Dans la présente analyse, il est question de faire un aperçu général de l’enseignement supérieur et universitaire au Congo, avant de nous attarder sur les conséquences de la défaillance du système de l’enseignement universitaire sur l’administration de la justice. Nous finirons cette étude par quelques remèdes chocs qu’exige la gravité du problème, à proposer aux futurs dirigeants qui, nous l’espérons, seront des visionnaires et auront à cœur le destin de la nation congolaise.

Aperçu général de l’enseignement universitaire au Congo-Kinshasa

A. Création et agrément des universités

La première chose qui frappe lorsqu’on sillonne le Congo, c’est le nombre exagérément élevé des établissements d’enseignement supérieur et universitaire. Jadis comptées au bout des doigts et réservées aux seuls candidats qui s’étaient distingués par leurs résultats aux examens sanctionnant la fin des études secondaires, aujourd’hui les universités sont essaimées un peu partout à un tel rythme qu’on en trouve même dans des contrées difficiles d’accès par toute sorte de voies de communications. Il existe pourtant une loi- cadre relative à l’enseignement qui, appliquée avec rigueur, limiterait cet essaimage sauvage.

Sous l’empire de l’ancienne Loi-cadre, celle de 1986[1], la création ou l’agrément des établissements d’enseignement supérieur et universitaire relevait de la compétence du Président de la République, agissant par ordonnance. En ce qui concerne les établissements publics, supérieurs ou universitaires, la Constitution de la Troisième République fait de cette matière un domaine de compétence partagée entre le pouvoir central et les provinces (article 203), en même temps que la nouvelle Loi-cadre libéralise  ce qui était déjà pratiqué illégalement sous la Deuxième République : l’agrément par arrêté ministériel des établissements privés d’enseignement supérieur et universitaire.  

Article 46(de la nouvelle loi)­­

« Toute personne physique ou morale congolaise ou étrangère peut créer un établissement d’enseignement supérieur ou universitaire dans les conditions prévues aux articles 49 à 52de la présente loi. »

En vertu de cette loi, chacun pourrait vérifier combien d’établissements d’enseignement supérieur ou universitaire ont été créés dans sa province à l’initiative du gouvernement provincial. Ce qui est certain, c’est que cette loi a permis aux aventuriers de tout bord d’essaimer des universités dans chaque coin de la République et dans toutes les grandes villes aux mépris des conditions légales et souvent pour des raisons politiciennes ou commerciales. Conséquence : le Congo Kinshasa compte plus d’universités (des milliers) que la Chine dont la population avoisine un milliard et demi d’habitants. Tout simplement parce qu’avec des arrêtés ministériels d’agrément en mains, obtenus dans des conditions faciles à deviner, nos politiciens usent allégrement de la démagogie dans leurs fiefs ethniques et tribaux pour rassurer leurs électorats que désormais leurs enfants auront des diplômes d’études supérieures et universitaires sur place sans avoir à se déplacer plus loin. Ainsi sont ouvertes des facultés de médecine là où il n’existe aucune formation médicale pour recevoir des stagiaires, de même pour les facultés de Droit là où le tribunal de paix ou de grande instance du coin ne fonctionne même pas faute de magistrats. Pas besoin de parler de bibliothèques, qui ne préoccupent nullement les promoteurs. Dans la quasi-totalité de ces universités, les infrastructures adéquates sont inexistantes tandis le personnel académique, scientifique et administratif qualifié fait défaut et tout cela impacte sur la qualité des enseignements dispensés[2]

Fig. Université de Tshumbe au Sankuru (Source : Internet)[3] 

B. Quelle valeur accorder aux diplômes sortis de ces universités?

Chaque année, de festives et grandioses cérémonies de collation des grades académiques sont organisées pour décerner des « diplômes » à ces jeunes scientifiquement « violés » avec la complicité des pouvoirs publics. Inquiet des conséquences que pourrait entrainer la défaillance du système d’enseignement supérieur et universitaire sur l’avenir du pays, le professeur Kambayi Bwatshia, lui-même ancien Ministre de l’enseignement supérieur et universitaire, tire la sonnette d’alarme allant jusqu’à interpeller ses collègues au sujet du laxisme dans le contrôle des connaissances, les délibérations et l’octroi des diplômes. « Au niveau des examens, je dénonce dans cette ligne la complaisance avec laquelle certains de mes collègues examinent les étudiants. Moyennant le « roi dollar » l’éduqué paie pour réussir ; donc corrompt l’éducateur. Ce qui amène à l’annihilation de l’action éducatrice. Il est absolument anormal, en effet, qu’enseigné et enseignant négocient les conditions, surtout financières, dans lesquelles doivent se dérouler l’année académique, surtout pendant les périodes « d’interros » et des examens. On connaît l’atmosphère qui prévaut généralement à toutes négociations de ce genre, avec tout ce que cela comporte de suspicion, tension, intégrisme, radicalisme, impolitesse… « Pourquoi dois-je échouer alors que j’ai payé beaucoup de mon argent ?, disent plusieurs étudiants.

Résultat : très peu de refusés, tous (ou presque) les travaux de fin d’études et mémoires acceptés, des délibérations en catimini même en dehors des normes et de l’établissement. Toute la vie de ce type de professeur se trouve entre les mains de ses étudiants. »[4] Aucune université ni aucune faculté ne sont actuellement épargnées.

C. Tout licencié en droit est-il nécessairement juriste?

La question paraît insensée dans la mesure où, par définition : « Un juriste est une personne qui étudie, développe, pratique ou applique le droit. En effet, on emploie indistinctement le terme de juriste pour un étudiant en Droit, un professeur de Droit, un avocat ou encore un juriste d’entreprise. En France, on est considéré comme juriste à partir de l’obtention de la licence en Droit. La Licence de Droit est un diplôme français de premier cycle universitaire, de niveau bac+3. Ce diplôme est important car il s’agit depuis 1991 du premier grade permettant d’exercer une activité de conseil juridique. »[5] Au Congo, la formation étant de type généraliste, tout licencié en Droit, bien formé, devrait être apte à exercer n’importe laquelle des carrières ou professions juridiques disponibles sur le marché : magistrat, avocat, conseiller juridique dans le secteur public ou privé ou défenseur des droits de l’Homme. La question mérite toutefois d’être posée du fait de l’admission de moins en moins rigoureuse rendant la tâche des professeurs de plus en plus laborieuse pour transmettre leurs connaissances. D’où la crainte justifiée du Professeur Kalongo Mbikayi, qui ne cessait de répéter de manière quasiment prophétique : « Je suis là pour former des juristes et non des licenciés en Droit. »[6] Dans son entendement, et il avait pleinement raison, les juristes sont ceux qui ont non seulement maîtrisé la science du droit mais qui savent surtout en faire convenablement usage en interprétant ou en appliquant rigoureusement les textes de lois sans faire passer avant tout leurs intérêts ou d’autres considérations extralégales. Cette génération de juristes tend à disparaître sans espoir d’être remplacée par une jeunesse montante, corrompue et corruptrice, embourbée dans des antivaleurs. Les licenciés en droit, dangereusement plus nombreux, sont tous ceux qui sortent chaque année des facultés de droit dans les conditions dénoncées ci-dessus par le professeur Kambayi Bwatshia. Ils sont disséminés partout, occupant des postes de responsabilité dans les institutions publiques, exerçant la carrière de magistrat ou la profession d’avocat tandis que d’autres se retrouvent dans des entreprises publiques ou privés en qualité de conseillers juridiques. Plutôt que d’aider à trouver des solutions aux problèmes d’ordre juridique qui se posent, ce sont malheureusement eux qui les rendent encore plus complexes.

C.1. En politique

Dans les institutions publiques du pays, particulièrement à l’Assemblée nationale et au Sénat, les regards sont souvent tournés et les oreilles attentivement tendues vers les députés et sénateurs juristes qui prennent la parole pour intervenir avec des arguments de droit sur une question faisant l’objet du débat. Ces deux institutions sont du reste dirigées par deux juristes. Le plus souvent aussi, c’est aux juristes qu’est naturellement laissé le soin de faire le toilettage des textes à soumettre à l’adoption. Il nous revient des sources parlementaires que la plupart des motions et interpellations retenues dans le cadre du contrôle parlementaires émanent des juristes. Selon les informations à notre disposition, ces moyens légaux de contrôle parlementaire sont maintes fois abusivement utilisés pour faire chanter ministres et mandataires de l’État, contraints de libérer la bourse pour étouffer la bombe ou le scandale qui risque d’éclabousser la famille politique à laquelle appartient le Ministre interpelé. Ceci a fini par susciter la vocation de juriste auprès de ceux qui ne le sont pas et qui ont à leur portée des universités éparpillées partout et des professeurs sans éthique, prêts à proclamer « licenciés en Droit » quiconque a pris son inscription à la faculté et peut être en mesure de garnir leur compte en banque. Fiers de ce diplôme, ces lauréats se précipitent au barreau pour y obtenir le titre de « Maître », même si on ne les voit presque jamais au prétoire. Sans citer des noms, ces licenciés ne se gênent pas de s’afficher dans les médias massacrant sans état d’âme le Droit et le français, supposé être bien parlé par de vrais juristes.

Le scandale qui a récemment choqué tous les milieux scientifiques et qui étale le nivellement par le bas concerne le diplôme « de licence en droit » décerné récemment par la faculté de Droit de l’Université de Kinshasa au sieur Ngoyi Kasanji, homme d’affaires opérant dans le secteur du diamant et Gouverneur de la province du Kasaï Oriental depuis 2007. Dans une université qui n’a qu’un seul gong de cours par jour et qui n’organise pas la formation à distance, les bonnes consciences attendent de savoir quand et comment ce compatriote aux lourdes charges politiques et administratives a pu suivre régulièrement les cours durant cinq ans d’affilé jusqu’à l’obtention de sa licence ?

Pour le Professeur François Kande : « Voilà un diplôme qu’il faudrait annuler puisque vraisemblablement obtenu dans la fraude, on devrait donc tout vérifier. Cet homme habite Mbuji-Mayi à plus de 1500 km de Kinshasa. Il vient d’être proclamé licencié en Droit à l’Université de Kinshasa laquelle n’a pas d’extension à Mbuji-Mayi. Ce genre d’actes s’il s’avère qu’ils sont vrais ne peuvent nullement donner du crédit à notre système d’enseignement vu du dehors. »[7]

L’Université de Muene-Ditu dans la province de Lomami

C.2. Dans la magistrature et le barreau

En raison des effectifs toujours insuffisants dans la magistrature, des jeunes licenciés en Droit sont périodiquement recrutés et affectés en qualité de juge de paix ou de substitut du Procureur de la République dans les parquets près les tribunaux de grande instance du pays. Ceux qui n’ont pas cette vocation ou qui ne peuvent pas être retenus au test de recrutement s’en vont gonfler le barreau, infesté de « caïmans »[8] notamment à Kinshasa et à Lubumbashi. Magistrats comme avocats sont tous formés à la même école de Droit et dans les mêmes conditions que celles dénoncées par plusieurs spécialistes de l’éducation.

A l’exception de quelques uns, qui se démarquent, la plupart ne reflètent plus dans leur parler et surtout dans leurs écrits cet universitaire et ce juriste censés maîtriser ce principal outil de travail : le français. Certaines phrases rédigées par ces « licenciés » en Droit peuvent contenir jusqu’à dix fautes compliquant la tâche même aux spécialistes du langage non verbal pour comprendre ce qu’ils veulent réellement exprimer. En cause, ce même système d’enseignement complètement failli dont certains professeurs ne sont Docteurs en Droit que de non, favorisés par des mauvaises pratiques consistant pour le jury à favoriser tel récipiendaire en fonction de son appartenance politique, provinciale ou ethnique. Quant aux étudiants, à la fois victimes et complices, tous les moyens sont bons pour décrocher ce papier tant recherché, à présenter aux parrains politiques pour se faire caser, sans considération de l’aptitude et de la compétence, là où l’on peut mieux gagner sa vie.

A l’époque où il fut Ministre de l’Enseignement Supérieur et Universitaire, le Professeur Mashako Mamba avait durement dénoncé ces antivaleurs : « Les universités et instituts supérieurs du Congo sont à la dérive  et ne constituent plus les milieux d’excellence qu’ils étaient par le passé  » Et ce ne sont pas les exemples qui manquent pour soutenir sa thèse. « Il y a des scènes de violence qui commencent à se manifester de façon la plus scandaleuse. A l’Université de Kisangani, deux professeurs se sont bagarrés en pleine journée, devant les étudiants ; à l’Université de Kinshasa, deux professeurs se sont empoignés au cours d’un jury, devant le récipiendaire ; à l’ISC /Kinshasa, un chef des travaux a frappé une étudiante, chef de promotion ». A ces scènes qui déshonorent les milieux universitaires, le ministre de l’ESU ajoute les harcèlements sexuels courants dans les établissements du pays,  un phénomène appelé « Points sexuellement transmissibles » qui consistent, pour les professeurs, les chefs des travaux et les assistants, de donner des points non mérités aux étudiantes moyennant des relations sexuelles. »[9]

Pour le recrutement des magistrats, le concours ne semble servir que d’opportunité pour placer tous ceux qui ont le privilège d’être recommandé ou de compter sur les moyens financiers afin de s’insérer dans ce corps de noblesse. En 2011, certains candidats convaincus d’avoir réussi, s’étaient plaints du favoritisme et du manque de transparence dans la publication des résultats du concours. « Après la publication de la première liste non numérotée des candidats magistrats ayant satisfait au test, une seconde, numérotée, dans laquelle certains noms ont étés omis, est contestée par ces derniers. Selon ces candidats magistrats, cette omission est faite au profit de ceux n’ayant pas satisfait au test. »[10] Confirmant ces allégations, des amis membres du jury contactés, nous avaient avoué qu’il ne leur avait même pas été autorisé de dresser la liste des lauréats et qu’hormis quelques exceptions, la plupart de ceux qui avaient été proclamés et nommés magistrats n’avaient pas réussi au concours de recrutement.

Ce sont donc ces messieurs et dames, licenciés en Droit, qui ont entre leurs mains le destin de leurs compatriotes (la vie, la liberté et les biens), le patrimoine des entreprises publiques et privées, l’intégrité du territoire et la sécurité nationale ainsi que l’équilibre des institutions. C’est au niveau du rendement que l’incompétence et la médiocrité des « licenciés » en droit sort au grand jour. Qu’ils soient magistrats ou avocats, les « licenciés en Droit » partagent quelques caractéristiques communes :

-Ils sont en conflit permanent avec le Français, véhicule du savoir et langue de travail dans notre pays, qu’ils ne peuvent ni bien écrire ni encore moins bien parler. Nous en avons encadré plusieurs, dont certains sont actuellement de hauts magistrats ou ont leurs propres cabinets d’avocats, qui nous ont donné du fil à retordre. Car en plus du temps et de l’expérience à partager bénévolement avec eux, il fallait chaque fois récapituler avec eux quelques vieilles et élémentaires notions de conjugaison et de grammaire française (accord de participe et d’adjectifs, syntaxe…) tandis que leur travail devait plusieurs fois être recommencé car dans une seule phrase il fallait compter pas moins de dix fautes de grammaire et d’orthographe; 

-Dans leurs réquisitoires écrits, leurs jugements ou leurs notes de plaidoiries, ils sont nuls en dissertation et leurs textes sont autant laconiques, incohérents qu’indigestes. Des textes qui ressemblent à des narrations de bon sens, dépourvus d’arguments convaincants et de références légales, jurisprudentielles ou doctrinales. Quand rarement certaines références sont citées, c’est souvent du copié-collé scientifiquement dépassé et qui ne cadre pas avec les faits sous examen; 

– Ils brillent par leur absence aux audiences (magistrats du parquet) ou par des demandes de remises dilatoires(avocats) pour éviter(tous) d’affronter, dans des débats publics et contradictoires, de bons avocats procéduriers ou d’aborder des questions de fond qui nécessitent un grand travail de recherche, de lecture et de rédaction par lequel on reconnaît un juriste compétent, chevronné et soucieux de soigner son image et d’inspirer confiance aux justiciables. C’est d’ailleurs parmi les avocats « licenciés  en Droit » que se recrute le plus grand nombre de corrupteurs des magistrats, la corruption étant leur plus grand argument contre leurs confères bien outillés scientifiquement; 

-Lorsqu’ils se retrouvent en dehors des Palais de justice, rarement vous les trouverez abordant des questions de droit comme en ont l’habitude les juristes passionnés. Ils passent plutôt des heures à débattre, en évitant soigneusement le Français, des sujets banals qui n’ont rien à voir avec la noblesse de leur profession;   

-Même pour de banals incidents de procédure ou d’exceptions soulevées qui ne sont guère d’ordre public, les officiers du ministère public (magistrats du parquet), intellectuellement peu sûrs d’eux-mêmes, recourent invariablement et sans raison valable à de formules stéréotypées du genre «Je me réfère à la sagesse du tribunal » ou demandent le plus souvent des dossiers en communication même là où la loi les autorise à formuler leur avis sur les bancs. Ce faisant, c’est l’issue du procès qui est inutilement retardée au détriment des justiciables qui, parfois pour accélérer la procédure, déboursent d’importantes sommes d’argent pour motiver l’auteur du réquisitoire ou de l’avis. Pour les mêmes raisons et même là où il est possible de se prononcer sur les bancs (séance tenante) les juges du même acabit ont pris la paresseuse habitude de « joindre toutes  les exceptions au fond » alors qu’il n’y pas de gêne à suspendre momentanément l’audience pour s’en référer au président du tribunal, si ce dernier est lui-même compétent, ou à d’autres juges plus expérimentés s’il y en a.

D. Quels remèdes pour éradiquer ces maux?

La situation décrite ci-dessus, qui n’est pas exclusive au seul diplôme de Droit exige une thérapie de choc. A notre avis, elle incite à repenser tout le système éducatif à partir de la base. En effet, les tares que trainent les étudiants au niveau universitaire trouvent leur source à l’école primaire, en passant par le secondaire. C’est là qu’il faudrait revoir tout le programme afin d’inculquer aux apprenants aussi bien les rudiments du savoir que le savoir-vivre, le savoir-faire, l’éthique et l’amour du pays. A l’instar de tous les diplômes délivrés par l’université congolaise, celui de licence en Droit ressemble à du poison contenu dans une cruche qu’il faut se garder d’ouvrir au risque de polluer tout l’environnement. C’est pourquoi, en plus de se pencher sur la refondation du système éducatif dans son ensemble, nous préconisons qu’un contrôle s’étalant sur les dix dernières années soit mené sans complaisance dans toutes les universités afin de vérifier l’authenticité des diplômes délivrés. Des poursuites judiciaires pour faux et usage de faux devront être engagées aussi bien contre les détenteurs de ces diplômes que contre quiconque y aura participé d’une manière ou d’une autre.

Au sein de la magistrature, le signalement prévu par la loi portant statut des magistrats devra être restauré et appliqué avec rigueur afin de débarrasser de cette institution ce qui n’y ont pas scientifiquement et moralement leur place. 

Article 7 :

« Le signalement est obligatoire pour tous les magistrats, à l’exception du Premier président de la Cour de cassation, du Premier Président du Conseil d’État et des Procureurs généraux près ces juridictions. 

Il consiste en un bulletin dans lequel sont brièvement décrites les activités exercées pendant l’année écoulée et dans lequel est proposée ou attribuée une appréciation du mérite du magistrat.

Il a pour but d’éclairer les autorités compétentes sur le rendement, la conscience et les aptitudes professionnelles du magistrat. 

L’appréciation du mérite est synthétisée par l’une des mentions suivantes : « élite », « très bon », « bon », « médiocre ». Elle est proposée au premier échelon et attribuée définitivement au second échelon, conformément à l’article 8 ci-après. »

Conclusion

A la lumière de ce qui vient d’être développé, on est tenté de donner raison à ceux qui estiment que notre pays se porte mal à cause des juristes. « Ba juristes nde ba bebisa mboko oyo ». L’obtention du diplôme de licencié en Droit est rendue tellement banale qu’il y a lieu de se demander quel rôle jouent encore les professeurs dans la transmission et le contrôle des connaissances. C’est comme si tout était mis en œuvre pour détruire le pays en portant atteinte à l’éducation et à la formation. On les trouve nombreux dans les partis et plates- formes politiques qu’ils créent ou au sein desquels ils jouent un rôle de premier plan pour leur positionnement et leurs intérêts personnels. Ceux qui sont dans la magistrature ne contribuent non plus à rendre possibles la paix, la sécurité, la démocratie et l’État de Droit. La retraite et l’extinction naturelle de la génération des vrais juristes laissent peu à peu la nation entre les mains des « licenciés en droit » qui ne font que rendre plus complexes et explosifs les problèmes qui se posent dans la société. D’où la présente analyse constitue un appel anticipé lancé en direction des futurs dirigeants du pays, qui devront privilégier l’éducation et la formation, gages d’un avenir meilleur et paisible pour les générations à venir.

Jean-Bosco Kongolo M.

Juriste & Criminologue / Administrateur-adjoint de DESC

Références

[1] Loi-cadre nº 86-005 du 22 septembre 1986 sur l’enseignement national.

[2] Maindo M. Ngonga, A. et P. Kapagama Ikando, 2012 (eds). L’Université en chantier en RD Congo. Regards croisés sur la réforme de l’enseignement supérieur et universitaire. Ed. Karthala, Paris; 232 p.

[3] Site de l’Université Notre Dame de Tshumbe, In htpp ://www.panoramio.com/photo_explorer# user=4153639&with_photo_id=834325288&order=date_desc.

[4] Prof. Kambayi Bwatshia, J., 2017 : «L’Enseignement supérieur et universitaire au Congo en question». Journal Le Phare du mercredi, 23 août 2017, une réaction à un article intitulé : «L’université congolaise au bord du gouffre» paru dans le Journal Le Phare du mardi, 22 août 2017.

[5] Wikipedia, In https://fr.wikipedia.org/wiki/Juriste.

[6] Kalongo Mbikayi, réputé pour sa rigueur, a été professeur et doyen de la faculté de Droit de l’Université de Kinshasa, juge à la Cour suprême de Justice, Directeur de cabinet du Président Mobutu et avocat avant sa mort.

[7] La Voix de l’Afrique au Canada, 4 août 2017, In https://vacradio.com/tag/francois-kande/

[8] Terme utilisé dans le jargon du barreau congolais pour faire allusion à la méchanceté et à l’égoïsme des vieux avocats, patrons des cabinets.

[9] Radio Okapi, 25 janv.2010 In http://www.congoplanete.com/article.jsp?id=45262569)

[10] Le Potentiel, 2 avril 2011, In http://fr.allafrica.com/stories/201104040994.html

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