L’essentiel de la revue de la presse hebdomadaire commentée par DESC – Semaine du 5 au 10 mai 2014
Toujours dans un souci constant de répondre aux préoccupations de ses lecteurs, de plus en plus nombreux et diversifiés, DESC lance une nouvelle initiative par une formule inédite de revue de la presse congolaise, commentée et analysée par un professionnel des médias et un analyste politique. L’idée est de faire une relecture hebdomadaire, non de l’ensemble des sujets traités par la presse congolaise, mais bien d’une sélection de quelques sujets saillants qui ont fait la manchette des médias de la RDC.
Trois sujets de presse brûlants sélectionnés et passés au crible de l’analyse hebdomadaire de DESC
L’actualité de la semaine du 05 au 10 mai en République Démocratique du Congo (RDC) a été dominée par la visite de travail du secrétaire d’Etat américain, John Kerry à Kinshasa, la poursuite des expulsions des ressortissants de la RDC du Congo-Brazzaville et le verdict prononcé à Goma dans le procès de Minova où une quarantaine de militaires FARDC étaient poursuivis pour viols, meurtres, pillages et dissipation des munitions.
Le tonnerre diplomatique de Kerry en RDC ?
De ces trois sujets d’actualités sélectionnés par DESC, la visite de travail à Kinshasa de John Kerry, secrétaire d’Etat américain, a été le sujet qui a le plus secoué la classe politique congolaise et fait couler beaucoup d’ancre de la presse congolaise. Dans sa déclaration au sortir de son tête-à-tête avec le président congolais, Joseph Kabila, John Kerry a annoncé que son pays promet un appui financier de 30 millions de dollars à la RDC, dans le cadre des prochaines élections. Il a également réitéré la position des USA, fermement opposés à toute modification de la Constitution.
Cette déclaration de John Kerry est interprétée différemment par la classe politique et les médias congolais, selon que l’on soit proche de la majorité présidentielle ou de l’opposition.
Le Phare, par exemple, un quotidien étiqueté proche de l’opposition a mis l’accent sur la fin du mandat, en 2016, de l’actuel Chef de l’Etat de la RDC et la question de la limitation des mandats.
Abondant dans le même sens que Le Phare, La Tempête des tropiques explique que Le Secrétaire d’Etat américain a déclaré que le Président de la RDC, Joseph Kabila, doit respecter la Constitution du pays. Ce journal revient même sur les propos de John Kerry : « Je crois que le Président Kabila a clairement en tête le fait que les Etats-Unis d’Amérique sont intimement convaincus que le processus constitutionnel doit être respecté. Tout en reconnaissant que Joseph Kabila est un « homme jeune qui peut encore contribuer à son pays ». John Kerry a insisté sur la nécessité d’organiser des élections libres, équitables et transparentes, dans les délais et dans le respect de la Constitution congolaise actuelle, notait ce quotidien.
Pour La Prospérité, un quotidien se réclamant centriste, « par cette visite de John Kerry : Kabila se renforce, tandis que l’Opposition s’enfonce !… » Le journal relève que l’arrivée à Kinshasa du Secrétaire d’Etat américain avait suscité certaines attentes au sein d’une frange importante de la classe politique congolaise, plus précisément dans l’Opposition. Mais aussi, du côté de la société civile… C’est ainsi que Forum des As titre : John Kerry à Kinshasa : le ciel n’est pas tombé sur Kabila !...
A la lecture des titres de ces quelques journaux sélectionnés, on peut se dire qu’au lendemain du passage du secrétaire d’Etat américain, il y a plus d’interrogations que des réponses claires sur le contenu et les motivations de cette visite ; autant d’interprétations subjectives et politiciennes constatées également dans le chef des uns et des autres. Dans le style très congolais selon lequel ce que l’on dit dépend de ce que l’on entend, chacun des acteurs congolais prend dans les propos de John Kerry ce qui l’arrange.
Toutefois, la question qui hante les esprits : Le Président Kabila, constitutionnellement fin mandat en 2016, se présentera-t-il ou pas à la prochaine présidentielle ? Le suspense demeure !!! Certains acteurs politiques de l’opposition et une grande partie quand même de la population estiment que le président devrait se prononcer par rapport à cette question pour dissiper le doute et baisser la tension politique qui se polarise autour de sa personne. Cependant dans son camp, on estime qu’il n’est pas opportun que Joseph Kabila s’exprime en ce moment sur sa candidature aux prochaines élections de 2016 alors qu’il a encore plus de deux ans de travail à réaliser dans le cadre de sa politique de la révolution de la modernité..
L’expulsion des ressortissants de la RDC du Congo-Brazzaville
L’affaire des expulsions des ressortissants de la RDC du Congo-Brazzaville reste le sujet qui continue d’alimenter l’actualité congolaise.
A la pression populaire, médiatique et politique de l’opposition, « pas de réciprocité », rétorque le ministre de l’Intérieur Richard Muyej…Le Gouvernement de la RDC reconnaît recevoir des éléments sur les atrocités dont seraient victimes ses ressortissants pendant les expulsions du Congo voisin. Une réunion extraordinaire du Conseil des ministres, présidée par le Premier ministre, Matata Ponyo, s’est même tenue sur le sujet. Et pour donner une réponse appropriée à cette situation, le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures dont la convocation d’une réunion extraordinaire de la Commission spéciale Défense et Sécurité entre la RDC et la République du Congo. Qu’est-ce que cette réunion donnerait de plus lorsque l’on sait que toutes les rencontres initiées entre les autorités des deux pays n’ont abouti à rien jusqu’à ce jour?µ
Dans les colonnes des journaux, La Prospérité aborde en manchette : « Expulsions des RD-Congolais de Brazzaville : Le nombre de refoulés congolais de Brazzaville ne fait que croître ». Et le quotidien de poursuivre, d’autres encore, en instance d’expulsion, sont regroupés de l’autre côté de la rive, en attendant impatiemment le bateau pour la traversée…
Pendant ce temps, Le Forum des As écrit : « Le calvaire des Rd congolais atteint un niveau… » Plus de 70.000 expulsés ! De quoi peupler une ville plus que moyenne ! Ce que corrobore le quotidien du groupe L’Avenir qui précise qu’après le refoulement de plus de 72.731 Congolais de Brazzaville, on va bientôt procéder à l’identification de tous les étrangers en RDC… Par ailleurs, Le Phare renseigne que le bilan a été revu à la hausse : 77.000 refoulés de Brazza, selon l’Organisation Internationale de Migration…
Mais comment comprendre l’opération « Mbata ya bakolo» initiée par les autorités du Congo-Brazzaville ?
A ce jour, DESC constate qu’aucun accord sur le processus devant mettre fin à l’opération des expulsions des ressortissants de la RDC du Congo-Brazzaville n’a été trouvé, malgré les différentes rencontres bilatérales entre les autorités de deux pays. En moins d’un moins, plus de 75.000 congolais (zaïrois) expulsés sont dans des conditions inhumaines et les experts qui se sont exprimées sur la Radio Okapi dans Dialogue entre Congolais, ont indiqué une estimation de 500.000 refoulés d’ici à la fin du mois de mai 2014.si on comptabilise le retour volontaire des autres congolais qui craignent de faire les frais des actes de xénophobie à leur encontre.
Des avis de certains congolais, le Congo Brazzaville a raison d’expulser des étrangers en situation irrégulière sur son territoire. Selon Brazzaville, cette opération ne cible pas que les ‘zaïrois’, mais concerne également tous les étrangers qui ne sont pas en ordre sur son sol.
Mais pourquoi cet acharnement et cette violence abrupte sur les congolais (Zaïrois) alors qu’ils ne sont pas les seuls à être des sans papier dans le pays de Sassou ? Certains observateurs estiment qu’il y a anguille sous roche dans cette opération. D’autres se demandent pourquoi dans tous les pays où les congolais sont expulsés, cela se fait généralement sans ménagement et avec beaucoup de violence. C’est comme si être Congolais est devenu synonyme de paria de la société ? D’autres encore disent : Ne faut-il pas se poser la question de savoir si le congolais n’est pas responsable du sort qui lui arrive ?
Là où le bât blesse, et c’est ici que l’opinion publique manifeste son incompréhension, c’est la réaction du gouvernement congolais, qualifiée par certains observateurs de molle. A ce jour, on n’a enregistré aucune déclaration énergique des autorités congolaises pour condamner avec vigueur ces actes de violence commis à l’endroit des congolais (Zaïrois). Dans son compte rendu de la 22ème réunion extraordinaire du 6 mai, le Conseil des ministres s’est contentée de déclarer être « informé des expulsions de nos compatriotes vivant au Congo/Brazzaville, en rapport avec l’Opération ‘Mbata ya Bakolo’, une opération d’assainissement initiée par les autorités de ce pays voisin » et « rappeler » les engagements des Etats et les dispositions de la Convention tripartite Angola – République du Congo – République Démocratique du Congo du 3 décembre 1999 relative à l’expulsion d’un ou de plusieurs ressortissants d’un Etat dont l’activité menace l’ordre ou la sécurité publique.
Pour l’opinion, l’on se contente de simples déclarations non contraignantes (Faiblesse du gouvernement ?) et fustige le profil bas diplomatique affiché par Kinshasa, frisant la complicité pour d’autres du fait que dans son compte-rendu, on peut lire ce qui suit : « Depuis le début de ces opérations, le Gouvernement de la République, sur instruction du Président de la République, Chef de l’Etat, a choisi la présente « disposition d’esprit » de gérer cette crise humanitaire et sécuritaire avec circonspection en privilégiant les relations de bon voisinage. » Dans le même compte-rendu, le Gouvernement fait état d’un total de 72.731 personnes refoulées à la date du lundi 05 mai 2014. 71.407 compatriotes ont été expulsés du Congo/Brazzaville par le Beach Ngobila à Kinshasa dont 23.989 hommes, 17.965 femmes, et 29.453 enfants. D’autres ont été expulsés par les postes-frontières de la Province du Bandundu (37) et de la Province du Bas-Congo (231).
Les congolais s’interrogent sur cette attitude du gouvernement et même du président de la République qui n’a fait aucune déclaration depuis le début de cette opération. (Taiseux comme dirait Lambert Mende ?) et qui ne s’est même pas soucié d’aller réconforter ses concitoyens en tant que le « père de la nation » congolaise. D’autres vont même à le comparer au président Mobutu qui, en situation similaire, aurait trouvé une opportunité médiatique théâtrale pour se mettre en avant « taper du poing sur la table« ; question de créer une sorte de cohésion nationale autour de sa personne.
Plus de 70.000 expulsés ! Aucune structure adéquate pour accueillir « dignement » ces gens qui sont logés dans deux stades à Kinshasa à la merci des intempéries et dans des conditions d’insalubrité susceptibles de propager des épidémies dans la capitale. Certains d’entre eux souhaiteraient regagner leurs milieux d’origine, malheureusement le gouvernement dit ne pas être en mesure de mettre à leurs dispositions des moyens de transport.
Avec ce nombre accru d’expulsés, il y a de fortes craintes manifestées par la population kinoise sur la situation sécuritaire de la capitale d’autant que certains pensent que parmi ces refoulés se trouvent plusieurs anciens militaires de l’ex-armée de Mobutu. Une chose semble certaine est que cette situation, si elle n’est pas traitée avec toute l’attention et le professionnalisme qu’elle mérite risque de plonger Kinshasa dans une situation d’implosion sociale aux conséquences dommageables incommensurables.
Le procès bâclé des militaires FARDC accusés de viol à Minova
Le Procès de Minova est le dernier sujet d’actualité retenu par DESC dans cette synthèse analytique de la revue de la presse. Le verdict tant attendu du procès de Minova est enfin tombé.
Pour rappel, ce procès concerne le jugement des éléments des FARDC, la plupart faisant partie du 391e bataillon d’infanterie recyclé au centre de brassage Lukusa à Kisangani par les Etats-Unis en 2010 pour devenir de « modèle pour la réforme à venir des FARDC »selon le Commandement américain pour l’Afrique (AFRICOM, basé à Francfort).
Le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme (BCNUDH) en RDC, qui fait partie de la MONUSCO, a réalisé un rapport détaillé, sur base d’une audition de 350 témoins et victimes, publié le 8 mai 2013, accusant des militaires FARDC d’avoir violé au moins 97 femmes et 33 filles, dont certaines âgées de six ans, au Nord-Kivu lors de leur débandade fin novembre-début décembre 2012 face aux rebelles du M23. Ce rapport précise que la majorité des exactions ont eu lieu à Minova sur une période de deux jours. Des civils ont été arbitrairement exécutés et des adolescents enrôlés de force comme soldats lors de cette fuite. Les graves violations des droits de l’homme perpétrées en novembre et décembre 2012 par les et les rebelles du M23, ne font pas que « s’apparenter » à des crimes contre l’humanité, conclut ce rapport. malheureusement l’issue de ce procès et l’amnistie accordée à la légère aux rebelles du M23 va permettre à plusieurs de passer à travers les mailles de la justice.
Ce procès de viol d’une centaine de femmes par les éléments des FARDC, débuté en novembre 2013, a accouché d’un verdict qui, semble-t-il, n’a pas contenté tout le monde. En effet, trois militaires seulement ont été condamnés pour viol sur la quarantaine arrêtée.
« Procès de Minova : Clémence de la justice : sur 39, seuls trois militaires condamnés », titre L’Observateur. Sur Les trente-neuf soldats et officiers mis en cause dans le procès dit de « Minova » pour viols en masse, des meurtres, des pillages commis en RDC en novembre 2012, 14 officiers ont été acquittés, 19 militaires condamnés à 10 ans de prison, trois à 20 et deux à perpétuité. Trois militaires seulementont été condamnés pour viol : un lieutenant-colonel a été condamné à perpétuité, ainsi qu’un sous-officier qui a été reconnu coupable de viol et meurtre et un caporal qui s’en est tiré avec 10 ans de prison pour viol. Le verdict a été jugé tout simplement très clément par des observateurs avisés.
Le Potentiel informe que les soldats condamnés fustigent une justice à deux vitesses observée depuis le début de ce procès.
L’Avenirexplique que les faits jugés remontent à la fin du mois de novembre 2012, après la prise de Goma par les rebelles du M23. Ces trente-neuf militaires des FARDC étaient soupçonnés d’avoir violé, pillé, tué en novembre 2012, dans la localité et les environs de Minova, dans la province du Sud-Kivu.
La Référence Plusajoute que soixante victimes de viols étaient venues témoigner à Goma devant la barre. 190 en tout ont porté plainte, mais la Cour a estimé ne pas avoir assez d’éléments pour établir que les prévenus jugés dans le cadre du procès qui vient de se terminer avaient commis ces viols. Du côté des avocats des victimes, c’est évidemment la déception après l’annonce du verdict.
Les associations des droits de l’homme, la défense et les victimes ont désapprouvé le verdict de la Cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu, prononcé contre une quarantaine de militaires, poursuivis pour viols, meurtre, pillages et dissipation de munitions. La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), la Ligue des électeurs, le Groupe Lotus, L’Asadho et le Sofepadi dénoncent « une justice expéditive et bâclée ». Ces cinq ONG de défense des droits de l’homme affirment que ce procès découragera davantage les victimes des violences sexuelles de porter plainte et regrettent qu’en RDC les victimes des crimes sexuels obtiennent rarement justice.Dans un communiqué, la FIDH ajoute : « la communauté internationale, qui a largement soutenu ce procès, doit aussi repenser son soutien à la justice congolaise pour qu’elle devienne crédible et efficace, pour qu’elle condamne effectivement les auteurs des crimes les plus graves et garantissent une réparation effective aux victimes ».
Même réaction du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme en RDC. Selon son directeur, il est difficile de comprendre que la justice a été rendue vu que deux personnes seulement ont été reconnues coupable de crime de viol, alors qu’il y a eu plusieurs dizaines de victimes.
Au vu du verdict rendu et des différentes réactions, on peut se dire que la justice congolaise est une justice au service des forts. Aucun officier supérieur condamné dans cette affaire alors qu’il existe des preuves et témoignages qui pointent du doigt certains officiers accusés de viol sur des femmes à Minova. Jusqu’à quand l’impunité va continuer dans en RDC alors que chaque jour on essaye de faire croire aux congolais qu’il y a beaucoup d’avancées significative dans la réforme de la Justice en RDC. Toutes ces femmes violées, obtiendront-elles un jour réparation ?
Il est regrettable de constater que la dignité humaine est banalisée dans un pays qui prétend défendre les droits humains. L’image négative de la justice congolaise auprès de l’opinion nationale et internationale incarne l’Etat congolais défaillant qui passe à côté de sa fonction républicaine de régulation sociétale. La justice du Congo incarne également le « mal congolais » tant décrié par tous mais jamais éradiqué. Une justice qui, au lieu de devenir le gardien du système constitutionnel ou l’institution-pierre angulaire du régime démocratique, s’est transformée n une machine de répression politique des opposants et de protection des criminels de pire espèce de la nation. Une justice politique malade, indigne d’un Etat de droit, au service de l’impunité et des antivaleurs, et assujettie à l’exécutif. Comme dirait Robert Badinter : « La justice est tout sauf une vertu« .
C’est sur ce coup de gueule que DESC termine cette nouvelle initiative de revue de la presse synthétisée et commentée.
NSK/JJW – Exclusivité DESC