Le président Joseph Kabila accordant ce samedi 3 juin 2017 une interview à Bartholomaus Grill et à Suzanne Koelbel, deux journalistes du quotidien allemand Der Spiegel1 a tenu à fixer l’opinion sur deux questions qui fâchent, à savoir la reforme de la constitution et le strict respect du délai constitutionnel de ses fonctions présidentielles limitées à deux mandats non renouvelables. J’ai choisi de lire la version originale anglaise de cette interview, la disséquant de fond en comble pour pouvoir en relever de nombreuses contradictions qui, au fil du récit, endossent le qualificatif pur et simple de graves mensonges politiques qu’il importe de mettre sur la place publique parce qu’ils sont en passe d’hypothéquer l’avenir même de tout un peuple.
« Nous voulons des élections parfaites, pas seulement des élections ».
Lorsque les journalistes rappellent à Kabila la grande déception des partenaires occidentaux pour son renvoi des élections au-delà du 19 décembre 2017, Joseph Kabila tombe dans leur piège en invoquant l’antique volonté des mêmes occidentaux lui ayant jadis conseillé en 2011 de retarder les élections. Lui s’y était opposé et avait réussi à les organiser dans les délais impartis. C’est alors que les journalistes le prennent au mot pour lui demander pour quelle raison il n’est plus arrivé à rééditer en 2016 ce qu’il avait fait il y cinq ans en organisant les élections présidentielles dans le délai imparti par la Constitution2.
Kabila pour se défendre invoque deux raisons somme toute étrangères aux enjeux électoraux de l’heure.
D’abord il invoque l’impréparation de son gouvernement. Pourquoi ? Parce qu’en 2011, dit-il, la CENI avait 32 millions des électeurs enregistrés et que présentement la République Démocratique du Congo en disposerait entre 42 à 45 millions à faire enregistrer. L’on se demande sur quelles pièces administratives se fonde cette estimation qui a fait passer la population électorale à plus de dix millions d’électeurs en l’espace de cinq ans? Par quelle magie a-t-il réussi à établir ce chiffre pour un peuple sans carte d’identité depuis l’arrivée de l’AFDL ? Déjà en 2007, le professeur Fweley Diangituka3 attirait notre attention sur une des étapes de fraude électorale au Congo de Lumumba consistant à organiser justement le recensement électoral en lieu et place du recensement de la population qui n’a pourtant plus eu lieu dans le pays depuis plusieurs décennies. De là à croire que le pouvoir de Kinshasa préfère ce genre d’estimations cocasses et farfelues pour mener à bien son entreprise frauduleuse, il y a qu’un petit saut intellectuel à faire.
D’autre part, l’estimation faite par le même Kabila entre 42 à 45 millions d’électeurs avec une marge d’erreur de trois millions d’électeurs menace la transparence et l’équité du processus électoral congolais. Le fait qu’à cette étape cruciale, soit six mois avant les échéances, le Chef de l’Etat ignore la population électorale exacte du futur scrutin présidentiel ou en impose une comptabilité complaisante doit être pris comme un signal fort des intentions non avouées de cet acteur politique. Cette confusion sur le nombre exact d’électeurs n’est-elle pas voulue et entretenue par le pouvoir en vue de manipuler le processus à sa guise ?
Continuant son interview, Kabila avance la deuxième raison de la non-tenue des élections qu’est le début de la guerre de M23 en 2011 et le budget de l’Etat congolais prioritairement alloué à son temps pour la défense des frontières territoriales. Selon lui, la priorité n’était pas les élections mais bien plus la défense du territoire. A quoi, se demande-t-il, serviraient les élections organisées dans un état chaotique sinon à engendrer plus de chaos ?
En allant en profondeur de ce qui précède, l’on s’aperçoit que Kabila ment doublement à ses interlocuteurs et à l’opinion publique.
D’abord parce que lui-même n’est pas du tout irréprochable dans les causes profondes qui ont occasionné le déclenchement de la guerre du M23 , à entendre par là le Mouvement du 23 mars qui serait une rébellion des éléments de l’ex-CNDP réclamant l’application intégrale des accords signés le 23 mars 2009.
Le témoignage de Steve Hege4, ancien coordonateur du Groupe d’Experts des Nations-Unies ayant enquêté en RD Congo est sans appel quant à la responsabilité de Rwanda et de l’Ouganda et de Joseph Kabila lui-même. « Le gouvernement du Rwanda lui a fourni un soutien direct, facilité le recrutement, encouragé les désertions de l’armée congolaise et livré des armes, des munitions, des renseignements et des conseils politiques à l’égard des rebelles ».5 Le gouvernement Ougandais quant à lui a fait actionner les réseaux importants pour donner appui au M23, avec « livraisons d’armes, l’assistance technique, la planification conjointe, conseil politique et facilitation des relations extérieures. Ils vont soutenir la création et l’expansion de la branche politique du M23 basée en permanence à Kampala»6. Le même rapport dirigé par Hege Steve nous informe par la même occasion que c’est Joseph Kabila lui-même (cheval de Troie de Rwanda et de l’Ouganda) qui a créé l’interaction entre les rebelles M23 et le gouvernement ougandais7.
Joseph Kabila s’est employé méthodiquement à cette tâche parce que les M23 sont en réalité sa milice privée l’aidant à asseoir le pouvoir prédateur à la solde de laquelle il travaille voici seize ans, lequel pouvoir se veut allergique à toute forme d’ordre démocratique et instrumentalise au contraire des nombreuses milices telles le CNDP ou les M23 pour faire avancer ses pions dans les négociations et pour imposer un nouvel ordre politique appelé « fédéralisme » par la partie rwandaise mais que les experts de l’ONU ont bien perçu comme une partition du territoire congolais.8 Ce M23 constitue une de nombreuses expressions du mécanisme pernicieux et complexe du chaos et du mensonge auquel recourent concomitamment Kabila et ses maitres à penser rwandais et ougandais pour faire perdurer l’occupation du territoire congolais et promouvoir l’exploitation de son sol et sous-sol par des forces d’occupation.
Kabila est donc l’un de trois commanditaires du M23 et s’il se permet d’invoquer la guerre de M23 comme obstacle majeur à l’organisation du processus électoral en 2016, alors l’on peut en déduire en d’autres mots qu’il reconnait implicitement qu’il est lui-même à la base du blocage du processus électoral vu qu’il en génère les causes directes.
En confessant aux journalistes allemands que son gouvernement a alloué les finances de l’Etat à la défense du territoire, il a omis de leur dire qu’en dépit de cette guerre voulue par lui et ses alliés, des millions de dollars continuaient à être mensuellement ponctionnés depuis 2011 dans les caisses de l’Etat sous la rubrique «ligne budgétaire pour l’organisation des élections 2016» mais que jusqu’à présent personne ne sait nous dire la destination exacte de ces sommes faramineuses. Il a également omis de dire aux journalistes que ces miliciens de M23 sont ceux-là mêmes que lui Kabila utilise présentement aux côtés de milices Kata Katanga, pour gonfler les milices semant morts et désolations au Kassaï pendant qu’une autre partie de ces M23 est venue gonfler les effectifs militaires à Kinshasa et à Moanda dans la perspective d’un autre chaos qu’il prépare incessamment à l’Ouest du Congo en vue de retarder le plus loin possible le scrutin présidentiel.
Ceci est une preuve supplémentaire parmi tant d’autres pour comprendre le mode opératoire d’un Kabila qui ne veut pas du tout des élections dans le format voulu par la Constitution et l’Accord de la Saint Sylvestre. A ce propos, lorsque les journalistes lui demandent s’il tiendra à sa promesse faite dans le cadre de l’Accord de la Cenco d’organiser les élections à la fin de l’an 2017, la réponse cinglante de Kabila (« I didn’t promise anything », « Je n’ai rien promis ») doit faire réfléchir plus d’un et tirer les congolais de leur sommeil intellectuel et de toute autre rêverie les faisant encore espérer l’avènement de la démocratie avec le pouvoir PPRD.
Si après tout un quinquennat, Kabila n’a pu rien faire pour favoriser l’organisation des élections libres, démocratiques et transparentes, son engouement à organiser des élections dites « parfaites » (pour reprendre ses propres paroles) parait clairement sinon comme une fuite en avant du moins comme une chimère voire un idéal minable de bâtir des châteaux en Espagne. A entendre par là pour le peuple congolais, sa triste naïveté à vouloir se nourrir d’un leurre démocratique là où ses ennemis pensent instituer un ordre politique liberticide, bien à l’opposé de ses aspirations profondes.
« Cela dépend de ce qu’on entend par troisième mandat »
Lorsque les journalistes cherchent à s’enquérir sur le bilan de ses trois quinquennats à la tête de l’Etat et des performances dont ceux-ci seraient comptables, Kabila n’hésite pas à évoquer l’état dans lequel il a hérité la Rd Congo en 2001 : pays divisé par cinq armées en guerre sur son territoire ; une économie inexistante ; des infrastructures en état de déliquescence et un état de non droit. Pince sans rire, il avoue que grâce à sa présidence, le pays est unifié ; la monnaie redevenue unique et l’économie stabilisée. 9
Ceux qui suivent de près la grave crise qui secoue la RD Congo croient entendre un discours hallucinant et déconnecté de toute réalité sur terrain. Car en effet, le pays n’est pas unifié au regard des hordes des milices qui sévissent à l’Est, dans le Katanga, dans le Kassaï et les nombreuses infiltrations des armées étrangères sur le sol congolais. Le franc congolais qui s’échange au taux de 1450 pour un dollar a perdu toute sa valeur d’appréciation devenant ainsi assimilable au papier hygiénique et que si les congolais du centre convertissent leurs économies en dollars comme monnaie de réserve, ceux de l’intérieur ont déjà adopté la monnaie des pays voisins comme leur véritable monnaie d’échange. L’économie congolaise est tout sauf stabilisée. Les indicateurs macroéconomiques placent ce vaste pays au rang des pays les plus pauvres du monde, le situant au 176e rang (sur 187 pays) du dernier indice de développement humain calculé par l’ONU.10
Faut-il rappeler à Kabila que la défense du territoire, la monnaie et l’économie sont trois sujets très sensibles définissant la souveraineté nationale. Leur déficit, comme c’est présentement le cas en Rd Congo sous son mandat, remet en question la respectabilité internationale et la souveraineté même de la Nation tout entière réduite à un état failli ou plutôt en un état voyou?
La faillite de ces attributs de souveraineté traduit l’autre échec de trois mandats de Kabila qui utilise un langage alambiqué pour vouloir justifier le bilan désastreux de son action politique et pour briguer un autre mandat au-delà des limites juridiques prescrites par la loi fondamentale congolaise.
A ce propos, quand Kabila reconnait que l’interprétation ne fait pas partie de la constitution congolaise et qu’à la question-piège du journaliste, s’il fallait entendre par là qu’il n’y aurait plus jamais de troisième mandat pour le président Kabila, le chef de l’Etat congolais livre sans le vouloir, le fond de sa pensée secrète : « Ca dépend de ce qu’on entend par troisième mandat ». Pour ne pas se faire attraper, il renvoie à la Cour Suprême de Justice la compétence d’établir le volume sémantique de ce concept du troisième mandat. Lui-même étant cet acteur politique qui a phagocyté les pouvoirs judiciaire et législatif des institutions démocratiques congolaises, vous comprendrez qu’il entend donner, via une cour judiciaire qui a perdu depuis des lustres son indépendance, une conception du troisième mandat à la mesure de ses ambitions politiques…
Tout en faisant semblant de refuser le statut de « père de la démocratie » lui collé sans conviction par les journalistes et tout en préférant malicieusement le réserver uniquement à Patrice-Emery Lumumba, quelque part Kabila se reconnait plutôt bien dans ce titre ronflant, de par sa prétention à avoir libéré la Rd Congo du chaos dans lequel il a hérité ce pays en 2001 et des sacrifices endurés par lui pour l’unifier et la stabiliser.
Et ce messianisme politique dont il se targue mezza voce donne des ailes à son ambition de se pérenniser. Pour lui donc, il ne suffit plus d’avoir porté la paix et l’ordre en RD Congo, il lui faudra encore et encore assumer la responsabilité de laisser ce pouvoir uniquement quand il sera sûr que ces acquis politiques durement obtenus par lui ne seront pas bradés par quiconque. Par voie de conséquence, dit-il, « il ne laissera le pouvoir qu’en le passant à un autre président élu… » 11 Et voilà en résumé le subterfuge tendu au peuple congolais : à défaut d’imposer une reforme à l’actuelle constitution ouvrant la voie à un troisième mandat, il retardera aussi loin que possible la possibilité d’élection de son successeur avec espoir de se maintenir au pouvoir autant d’années qu’il le voudra.
«Tous ces bruits sur un éventuel changement constitutionnel sont un non-sens »
Il y a quelque chose que les journalistes allemands ont compris dans le parler de Kabila : l’art de l’esquive et du secret. Ils auront aussi compris que pour lui tirer le vers du nez, il fallait ne pas aborder des questions qui fâchent d’une manière frontale de peur de réveiller en lui le soupçon et la réserve. Il fallait procéder par des sujets tiers en vue de lui faire dire indirectement ce qu’on veut savoir de lui.
Ainsi donc pour éclairer la lanterne sur le troisième mandat, ont-ils procédé, tout au milieu de leur interview, à demander à Kabila s’il voulait procéder à une révision de la constitution. Tout en traitant cette matière de non-sens et d’absurde, Kabila finira par révéler des demi-vérités assez éclairantes pour l’entendement du peuple congolais sur l’avenir politique de leur pays.
D’abord, il assène à ses interlocuteurs que changer la constitution n’est pas une spécialité africaine. Même les gouvernements européens eux aussi changent de temps en temps leurs constitutions. En outre, dans la constitution elle-même, il y a, dit-il, le concept de « REFERENDUM » et que par conséquent, enchaine-t-il, l’on peut changer la Constitution par referendum.
Dans son jeu habituel de cache-cache, Kabila passe de son emploi de « je » (employé 26 fois durant toute l’interview) à l’usage collectif de « nous » pour mieux masquer ses intentions. « Nous » n’avons pas encore opté pour un referendum. Jusqu’à ce jour, « nous » n’avons pas encore organisé ni meeting ni débat public sur comment changer la constitution, conclut-il sur cette question fort épineuse.
Les mots en linguistique ont cependant le pouvoir de dire le non-dit, de dévoiler ce qui est caché derrière les belles formules. Dans cette dernière réponse de Kabila, c’est le « not yet » ou le « pas encore » (employé deux fois d’affilée) qui attire notre attention de chercheur. Il va sans dire que dans ses affirmations, Kabila ne nie point la possibilité d’un referendum. Il affirme plutôt qu’il n’est pas encore annoncé… En réalité, il le laisse percevoir et le laisse venir tout en préparant l’opinion à bien l’accueillir…Les dernières sorties fracassantes d’Alain Atundu 12 (porte-parole de la Majorité présidentielle) et de tant d’autres barons du régime (tous missi dominici du « prince ») conseillant d’urgence l’organisation d’un referendum doivent être interprétées comme des ballons d’essai pour jauger la réaction du peuple congolais.
En pointant du doigt les cerveaux illuminés de l’Occident (It’s an invention from enlightened brains) d’avoir inventé cette idée de changement de constitution et de troisième mandat, à défaut de trouver des boucs-émissaires à ses erreurs politiques, Joseph Kabila prend tout de même la précaution juridique de s’en référer à la Cour Suprême de Justice bien soumise à ses ukases et qui le moment venu se verra dévolue la tâche de réinterpréter la loi fondamentale.
Retour sur les deux armes politiques de Kabila : la ruse et le mensonge.
Dans cette interview, Joseph Kabila fait preuve d’une volonté manifeste de dissimuler ses intentions politiques. Après tout, la politique, comme l’écrivait Edouard Balladur, n’est-elle pas l’art de ne dévoiler ses intentions plut tôt qu’il n’est nécessaire, de crainte qu’elles ne heurtent l’opinion dominante et ne soient pas comprises ?13 C’est en cela que consiste justement la méthode de gouvernance de Kabila : ruser son peuple, ruser l’opinion nationale, lui faire croire ce qu’il ne fera JAMAIS dans l’avenir.
Via cette interview, Kabila cherche à « charmer » l’opinion nationale et internationale en s’attribuant l’étoffe d’un panafricaniste engagé contre les puissances impérialistes et néocolonialistes. Il veut séduire d’une séduction qui est un des moyens d’exercice du pouvoir selon Alain Cotta.14 Cette interview est pour tout dire un storrytelling, un récit bien ciselé sur ses exploits politiques qui malheureusement n’existent nulle part ailleurs que dans sa tête. Dans cette interview, Kabila racontent des histoires quoique fictives mais se veulent avant tout une entreprise narrative servant de marketing politique15 en vue de conquérir des voix dubitatives ou encore inexplorées. En choisissant un média étranger, Kabila est déjà entré en campagne électorale non pour convaincre son électorat à qui il imposera ses volontés le moment venu mais pour reconquérir la confiance de ses partenaires occidentaux.
Le latin seducere porte le radical d’amener, de conduire à soi. Kabila veut attirer l’opinion à ses faveurs. Sa séduction est à comprendre comme un ordre muet ou mieux une relation qui rend l’ordre inutile16. Il a compris que sur ces questions épineuses de changement de constitution ou de glissement de son mandat, il serait contreproductif de donner des ordres avec coercition. Il préfère séduire, plaire grâce à la production des messages mensongers tels que ces dernières faussetés qu’il a balancées dans son interview. L’objectif principal consiste ici à séduire son public pour le pousser à se comporter selon « ses » propres désirs cachés de tyran. Et ce, en usant des contre-vérités qui masquent des secrets politiques difficilement perceptibles.
Cette ruse politique permanente de Kabila s’appuie sur l’art du mensonge envers ses administrés et envers ses partenaires internationaux. De ce jeu de questions-réponses, les journalistes allemands ont eu raison d’avoir déduit que Kabila dont le mandat présidentiel est déjà fini le 19 décembre 2016 n’est pourtant pas prêt à décrocher.
Lorsqu’au terme de l’interview, les journalistes lui demandent ce qu’il compte faire à la fin de son mandat, Kabila répond sans scrupule qu’il se réserve cette réponse à soi-même d’autant plus qu’il n’est pas prêt à commettre un suicide politique. Mais peut-on sérieusement se demander quel suicide politique y a-t-il pour un homme d’Etat qui reconnaitrait officiellement d’être à la fin de son mandat et déclarerait être en voie d’appliquer l’alternance démocratique ? Quand il confesse vouloir rester sans cesse au service de son peuple, tirons une fois pour toutes un trait sur les fausses attentes du peuple congolais quant à l’éventuelle organisation des élections à la fin de l’an 2017. Arrêtons de rêver et de croire que Kabila se rendra disponible à céder le pouvoir à son « hypothétique » successeur par des voies démocratiques.
Duperie et mensonge de l’actuel président congolais aux fins de jeter de la farine sur la perception générale de tout le peuple congolais, voilà le mode opératoire de Kabila ! Il promet une chose et il fait son contraire. Cette duperie caractéristique de tous ses trois mandats présidentiels et devant laquelle l’opinion congolaise laisse faire, préfère ne pas demander des comptes, feint ne rien savoir est le poison le plus létal à toute possibilité d’émergence d’un Etat de droit en RD Congo.
Ces millions des congolaises et des congolais savent que leur président les trompe et qu’il ne renoncera jamais au pouvoir par voie démocratique en fin 2017 contrairement à tous les gages qu’il leur donne. Ils savent qu’il ne permettra jamais l’organisation du processus électoral tel qu’il en promet des élections « parfaites » mais bizarrement, ils refusent d’ouvrir les yeux. La passivité du peuple congolais ou son indifférence laissent les mains libres à un chef despote et sanguinaire qui sait ce qu’il veut ou où il va… Un paradoxe qui me laisse pantois et qui me rappelle l’autre vertige rationnel d’Etienne de la Boétie : « Des millions et des millions d’hommes sont soumis, non qu’ils y soient contraints par une force majeure, mais parce qu’ils sont fascinés et pour ainsi dire, ensorcelés par le seul nom d’un homme »17.
C’est là une grande énigme dont il faut vite démêler l’écheveau avant qu’il ne soit trop tard…
1 B. GRILL & S. KOELBL, Congo president Joseph Kabila : “I’m not going to commit suicide” in http//www.spiegel.de
2 “So, why was it possible to hold elections in very difficult times then, but not today?”
3 F. DIANGITUKA, Les fraudes électorales. Comment on recolonise la RDC, L’Harmattan, 2007, p. 59.
4 HEGE STEVE, La crise dévastatrice dans l’Est de la RD Congo, décembre 2012
5 P. MBEKO & H. NGBANDA, Stratégie du chaos et du mensonge. Poker menteur en Afrique des Grands Lacs, p. 389.
6 Ibid., p.391-392
7 H.STEVE, op.cit., p. 2
8 Intéressant le témoignage de Hege Steve à propos des confidences des officiels rwandais de haut rang dans l’armée et dans les services de sécurité. Tous sont d’avis qu’un Etat fédéral autonome à l’Est du Congo scellerait et garantirait l’influence déjà considérable du Rwanda sur les aspects militaires, politiques, économiques et culturels de la vie » Cfr. H : STEVE, op.cit., p. 8
9 En version originale : “We have a united country, We have a single currency. We have managed to stabilize the economy, despite difficulties. We could talk all days about all those achievements” Cfr B. GRILL & S. KOELBL, Congo president Joseph Kabila : “I’m not going to commit suicide” in http//www.spiegel.de
10 BANQUE MONDIALE, République Démocratique du Congo – Vue d’ensemble dans http//www.banquemondiuale.org
11 “The Constitution is very clear as to how and when the president hands over power. He can only hand power to an elected successor” cfr B. GRILL & S. KOELBEL, op.cit.
12 W.-C. NLEMVO, Atundu : « Le référendum est un droit constitutionnel inaliénable» dans http//www.actualite.cd
13 E. BALLADUR, Machiavel en démocratie. Mécanique du pouvoir, Fayard, 2006, p.130
14 A. COTTA, L’exercice du pouvoir, Fayard, 2001, p. 113-116
15 O. CLODONG & G. CHETOCHINE, Le storrytelling en action. Transformer un politique, un cadre d’entreprise ou un baril de lessive en héros de saga !, Paris, Ed. Eyrolles, 2010, p.83
16 A. COTTA, op.cit., p. 114.
17 E. de LA BOETIE, Discours sur la servitude volontaire, Paris, Ed. de Mille et une nuits, 1995, p.14.
3 Comments on “Les trois contre-vérités de Joseph Kabila dans son interview au journal der Spiegel-Nzinga Germain”
Jacksch
says:il est déjà tard… mais pas trop tard.
Pini-Pini
says:Excellent article ; seulement la conclusion sur le sommeil du peuple congolais est un peu injuste. Le peuple congolais n’est pas à confondre avec la fameuse élite congolaise formée où on sait et qui fait ce que l’on sait. Le peuple, lui, est vaillant et debout, il se fait tuer au quotidien.
Christian
says:Kabila n’est pas aussi bête qu’on le croit. Il sait où il va et comment y arriver. Ce sont les congolais, comme en Mai 1997 avaient tendu des pagnes et des mandalala sur la route des pseudo-libérateurs, qui ne savent rien de ce que le kadogo venu de la Tanzanie via l »APR prépare. Avec les élections, Kabila ne partira jamais jusqu’à ce que sa mission arrive à terme.